déjeuner au Cinq – photos jeudi, 12 mai 2011

Les vins : Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1999

Chateau Rayas 2006

les deux

les plats d’une extrême dextérité – les acras et le beurre sous une jolie clochette

amuse bouche

les sardines en trois services

le poisson

les desserts

immense talent à prix doux, comparé aux prix stratosphériques de la carte des vins. Un très beau déjeuner.

merveilleux dîner au Yam’tcha mercredi, 11 mai 2011

Lors de la présentation des vins des Domaines Familiaux de Tradition de Bourgogne, j’avais eu l’occasion de rencontrer Adeline Grattard chef et propriétaire du restaurant Yam’tcha, le fameux restaurant dont tout le monde parle mais où personne ne peut réserver tant il y a de demande par rapport aux places disponibles. Par chance, j’obtiens une table de quatre. Dans une rue très étroite qui pointe sur le dôme de la Bourse de Commerce, il n’y a que des restaurants. Un libanais, un aztèque, une brasserie d’angle et Yam’tcha à la devanture d’une maison de poupée.

La salle est petite, les poutres anciennes ayant été conservées. La cuisine est ouverte vers la salle ce qui est sympathique. Adeline a travaillé de 2003 à 2006 avec Pascal Barbot à l’Astrance dont la cuisine est minuscule. Elle n’est pas dépaysée, car sa cuisine a tout d’une kitchenette. Ce qui prouve que l’espace n’est pas indispensable au talent. Adeline nous présente sa chef de salle, la préposée aux thés et Sarah, la sommelière. Comme à l’Astrance, le menu dégustation est composé par le chef, en fonction des achats du jour. C’est donc un embarquement dans l’inconnu qui nous est proposé.

Il y a trois formules possibles. Soit tout thé, puisque le mari d’Adeline est chinois et passionné de thé (il n’est pas là ce soir car il garde sa fille), soit thé et vin, la formule comprenant en plus du thé trois verres de vins différents choisis par Sarah, soit tout vin. Nous en inventerons une quatrième qui est de prendre les thés du tout thé plus une bouteille de vin. Et nous jetons notre dévolu sur le Champagne Substance de Jacques Selosse dégorgé en juillet 2009.

Le menu composé par Adeline Grattard est ainsi rédigé : amuse-bouche (qui est maïs glacé et tofu fumé) / homard breton snacké wok, petits pois frais, sauce xo (crevettes, ail, gingembre et piment) / foie gras de Vendée poêlé, fini vapeur, pleurotes sautées wok, émulsions pétoncles séchées, feuilles d’huîtres / lieu jaune flashé vapeur, asperges sauvages aux saucisses chinoises / carré de cochon ibérique, aubergines à la sichuannaise / fraise marat des bois, fromage en blanc manger, shiso, tuile Rapadura.

Parlons d’abord des plats. L’amuse-bouche est saisissant de perfection, car le maïs n’en finit pas de iodler des saveurs extrêmes en bouche. Avec ce passeport représentatif de la cuisine d’Adeline, douaniers que nous sommes, nous lui donnons mille visas. Ensuite la cuisine est caractérisée selon moi ainsi : des produits d’une qualité irréprochable, une maîtrise des cuissons et notamment en basse température qui rehausse les goûts, une cohérence des saveurs et une retenue toute en discrétion sinisante. C’est une cuisine lisible et très rassurante. Alors, est-ce qu’on donne la meilleure note ? Si j’avais à chercher des commentaires moins laudatifs, j’aurais du mal, mais allons-y. Les épices présentes sont un peu des freins aux accords mets-vins. Cette remarque est tempérée par le fait que ce n’est pas la philosophie du lieu. Et le deuxième point, très occidental, serait de dire à Adeline : « avec un tel talent, lâche-toi, surprends-nous, car tu peux le faire ». Et là encore, il faut admettre que ce n’est pas la philosophie du lieu. C’est donc un sans faute. Les plats que nous avons préférés sont : 1 – maïs (et Adeline nous dira que c’est horrible à faire, car il faut éplucher grain par grain), 2 – foie gras, d’une qualité magique, 3 – le homard, autant pour la qualité de la chair que pour la subtilité de la « façon ». Une mention particulière est à accorder à la feuille d’huître que je connaissais. Cette feuille a naturellement le goût de l’huître, mais ce qui m’a fasciné, c’est qu’elle en a aussi l’arrière-goût.

Parlons du thé. Lorsque nous nous sommes quittés avec Adeline sur le trottoir, je lui ai dit que j’aimerais bien refaire le même dîner avec son mari, pour comprendre ses intentions lors des choix des thés, car j’ai eu l’impression que chaque gorgée de thé faisait reculer le palais jusqu’à la case départ. Et Adeline s’est exclamée : « mais c’est ça l’intention ! Contrairement aux accords mets et vins, le thé est là pour apaiser et permettre de repartir vers les saveurs du plat ». Je comprends mieux a posteriori les intentions. Cela va motiver une nouvelle visite ! Il est à noter que la charmante et frêle chinoise qui nous a présenté les thés de chaque plat a une diction qui fait que chacun, à notre table, a compris quelques chose de différent.

Parlons du vin. Bonne pioche ! Car le Champagne Substance de Jacques Selosse dégorgé en juillet 2009 est le compagnon idéal de la gastronomie d’Adeline. Et je suis sûr qu’Anselme Selosse applaudirait des deux mains. Sarah, la sommelière très compétente, nous a proposé de carafer le champagne, ce que nous n’avons décidé qu’après le première gorgée. Et je ne suis pas convaincu qu’il le fallait, car la vinosité du champagne l’a emporté sur le pétillant. Cette remarque est à la marge, car le champagne a fait un parcours parfait, rehaussant les plats que les thés calmaient. L’excellence majeure a été créée avec le foie gras et avec le gras du cochon. Le Selosse a tenu son rang de bout en bout. A noter que le Selosse bu juste après le thé de bienvenue recevait comme un coup de fouet qui colorait encore plus sa complexité.

La carte des vins est maigre mais pertinente. Il va falloir l’étoffer. Il me semble nécessaire de refaire deux expériences. L’une avec du thé seul et l’autre avec thé et champagne, en sachant mieux le rôle du thé, tel qu’Adeline l’a expliqué.

Adeline est une personnalité attachante, elle a un véritable talent. Elle va monter, avec la maturité qui va normalement continuer de progresser, jusqu’au firmament.

déjeuner au restaurant Arpège samedi, 7 mai 2011

Le prochain dîner de wine-dinners se tiendra au restaurant Arpège. Comme l’an dernier, j’ai envie d’aller quelques semaines avant tester les plats prévus par le chef Alain Passard en fonction de mes vins. C’est un des sacerdoces de ma fonction. Mon ami Tomo ayant envie de goûter des vins avec moi, l’idée vient de créer un Casual Friday en conviant deux des plus fidèles de nos amis. Nous voilà partis !

Le menu préparé par le chef, où je retrouverai quelques uns des plats prévus pour le dîner est ainsi rédigé : L’Œuf parfait, Ail nouveau / Epinards palco, Mousseline carotte-orange / Ravioles printanières, Consommé végétal / Langoustes, curry vert / Saint Pierre grillé, Thé vert / Lotte grillée Sauce vin jaune / Agneau de Lozère, Fenouil / Poularde, Foin / Fromages affinés de Bernard Antony / Crème glacée Acacia / Tarte aux pommes « Bouquet de roses », Caramel au lait / Tarte à l’oseille / Mignardises, 3 macarons.

Ce menu est d’un éclectisme certain et d’une grande qualité technique. Mais le vin n’est pas l’orientation primaire de certains plats qu’il faudra remodeler en simplifiant et en élaguant certaines saveurs qui ne sont pas nécessaires. Un vin ancien a besoin d’un goût principal et toutes les saveurs périphériques doivent assurer la cohérence de l’ensemble.

Le Champagne Pommery Cuvée Louise 1998 manque un peu de vibration. Il se boit bien, mais je ne retrouve pas l’émotion que j’avais eue lors de ma visite à la maison des champagnes Pommery.

Le Meursault Genévrières Domaine Comtes Lafon 1999 a un nez de grande finesse. Il plante le décor. Tomo lui reproche un manque d’ampleur, mais je ne le suis pas dans ce diagnostic. C’est un beau meursault qui ne demande qu’à s’étoffer dans le verre, et dès qu’il le fait, le côté beurré si agréable des meursaults de grande qualité ravit mon palais. Il manque effectivement un peu de tonus mais il me plait. L’accord sur l’œuf est possible.

J’avais bien fait de suggérer que le blanc de Bordeaux vienne après le bourguignon, car le Château Laville Haut-Brion 1990 est grandiose. Ce vin est parfait. Il a tout. La noblesse, la grandeur, la force et la précision. Je dirais volontiers que ce vin est très « british ». Séducteur raffiné, il emplit le palais de joie de vivre. Un très grand vin. Je fais accélérer le service du Château Carbonnieux rouge 1959 car la langouste est tellement envahie par le curry que seul un rouge peut tenir le choc. Nous avons vainement attendu un deuxième service de langouste, car Alain Passard nous a fait une farce en laissant montrer une énorme langouste qui contrastait gaiement avec la petitesse de nos portions. La différence entre les plats de cuisson montrés et nos assiettes s’est retrouvée aussi pour d’autres plats. On ne devrait montrer la « bête » entière que si elle est pour une seule table. Au moment de goûter le Carbonnieux, j’ai un petit recul, car il y a une amertume bien excessive. En fait le vin avait besoin d’un coup de fouet d’air pur, pour délivrer le message d’un vin très tannique, presque noir de couleur, d’une jeunesse insolente, assez cistercien dans son expression. J’aime les vins fortement tramés comme celui-ci, avec une mâche lourde.

La divine surprise, c’est le Richebourg Théophile Gavin 1947. Le hasard de mes achats a fait que j’ai acquis des vins de Théophile Gavin dont des « Bourgogne » 1928 qui ont toujours surpris mes convives : comment le plus banal des vins de Bourgogne peut-il briller autant ? Est-il hermitagé, peu importe si le résultat final est celui du plaisir. Et le Richebourg, aidé par une année elle aussi légendaire, est un moment de bonheur. Il a tout du bourgogne fringant, facile, à qui tout réussit. Gaylord, le compétent sommelier à qui j’avais demandé d’ouvrir les bouteilles était circonspect sur son état au moment de l’ouverture vers 10 heures. Il est brillant, facile à vivre, joyeux et très bourguignon. La surprise est forte.

Les ravioles et leur bouillon, l’agneau et la poularde se sont révélés brillants sur les deux vins rouges. Le repas s’est fini sur un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964, le même que celui que j’avais ouvert dans ma cave pour des visiteurs de cette grande maison de champagne. Ce champagne sublime la notion de champagne évolué, avec un kaléidoscope de saveurs étranges faites de fruits tropicaux.

Le classement est évident pour la première place et balancé pour la seconde. Mon classement est : 1 – Château Laville Haut-Brion 1990, 2 – Richebourg Théophile Gavin 1947, 3 – Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964, 4 – Meursault Genévrières Domaine Comtes Lafon 1999.

A une table voisine, un jeune couple fêtait un anniversaire. Ils ont été émerveillés par un verre du Richebourg, ne soupçonnant pas que de tels goûts puissent exister; A une autre table, un homme m’appelle. Il connait tout de moi : mes mieux de vacances et les noms de mes entreprises. J’apprendrai plius tard qu’il est journaliste. Il est entouré de jolies femmes comme James Bond chaque fois qu’il apparaît quelque part. Ce petit groupe rejoint au caveau Alain Passard qui suçote un impressionnant cigare cubain. Dans cette jeune atmosphère, sous le charme de la beauté, j’écoutais les propos emplis de rires, tout en récupérant d’un casual Friday fait de baux vins et de bonne chère.

déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 4 mai 2011

De retour à Paris après une courte escapade, je retrouve mes conscrits au Yacht Club de France. Le Champagne Ruinart sans année est nettement moins inspiré que le même bu il y a peu, mais il se boit bien. Le gérant du restaurant est très motivé avec son chef à nous faire découvrir des saveurs nouvelles. Il y a quelques mois, c’était une feuille qui sent l’huître. Aujourd’hui ce sera une feuille qui s’imprègne du goût de l’anguille. Le plat s’appelle Saint-Jacques rôties et anguille fumée, asperges vertes, feuilles de Majii, beurre blanc. Il est accompagné d’un Pouilly-Fuissé domaine Saumaize-Michelin 2007 qui est une belle surprise dans sa jeune verdeur.

La côte de veau, courgettes garnies des légumes de saison, pommes Président, jus de veau aux truffes, sauce Choron est associée à un Château Les Carmes Haut-Brion 2002 bien agréable et sans surprise, que l’on n’attendrait pas à ce niveau là pour cette année. Nous goûtons un vin de la réserve du gérant, un Chateauneuf-du-Pape Clos de l’Oratoire des Papes 2001 qui montrent à quels point ces vins du Rhône sont joyeux.

La coupe glacée servie avec une poêlée de gariguettes au basilic frais permet au Champagne Joseph Perrier sans année de rafraîchir l’ardeur de nos discussions. L’accueil, le service et la cuisine de ce club sont absolument remarquables. Nous nous y sentons privilégiés.

est-ce que c’est grave docteur ? mardi, 3 mai 2011

Je reçois tous les jours des mails de dizaines et dizaines d’experts de tous les pays et de tous les continents qui commentent les primeurs de 2010.

Il y a les experts institutionnels, qui font payer leurs analyses.

Il y a les experts auto-proclamés, qui estiment que leur avis va éclairer les amateurs de vins

Il y a les amateurs ou semi amateurs qui ont envie de donner leur avis, forcément plus pertinent que celui des institutionnels.

Je n’en ai lu aucun.

Est-ce grave docteur ?

Les 2010 ont tellement de temps encore pour exprimer leur âme qu’il est opportun de les laisser s’affirmer, et ce d’autant plus que je n’achète pas de primeurs.

Est-ce raisonnable d’acheter aujourd’hui des vins qui seront prêts à boire en 2020 à des prix plus chers que des vins de vingt ans qui n’attendent que d’être bus MAINTENANT ?

dîner chez des amis avec une Turque parfaite dimanche, 1 mai 2011

Le lendemain du dîner d’anniversaire au restaurant Laurent, je m’envole vers le sud. Des amis m’ont invité dans leur jolie maison offrant une vue splendide sur la baie de Hyères et de Giens. Le Champagne Bollinger Grande Année magnum 1999 est un grand champagne. Strict, droit, il a un côté bon élève rassurant. Sur du jambon espagnol bien gras, il est à son aise.

Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum sans année que j’ai apporté est l’opposé complet de ce vin. D’un côté l’élève au carnet de notes idéal. De l’autre la jeune fille romantique batifolant dans les prés. Car le côté floral du Grand Siècle est porteur d’une forte émotion. Le cœur penche vers celui qui vibre plus tout en reconnaissant la précision du Bollinger. Sur un foie gras poêlé, le Grand Siècle s’exprime bien.

Le Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes 1999 a malheureusement un défaut qui ressemble à un goût de bouchon, sans affecter le nez. Il se réveillera à un moment, mais replongera dans son aigreur. Il est remplacé par un Chateauneuf-du-Pape Château La Nerthe rouge 2004 qui est agréable, mais sans réelle vibration non plus. C’est comme si ces deux vins du Rhône étaient effrayés d’être suivis pas le monstre sacré que j’ai apporté, Côte Rôtie La Turque, Guigal 2000. Quelle démonstration de talent. C’est un aimable compromis entre Fred Astaire et Mohamed Ali. Car il y a la grâce, la facilité du danseur de talent, mais aussi le punch qui frappe au bon moment. Ce vin velouté, équilibré et serein malgré sa puissance est une leçon de vin moderne. Si un vin est moderne, il doit être cela.

La maîtresse de maison est une grande cuisinière, aussi les légumes ont autant brillé que la viande sur ce vin parfait. Ce délicieux repas a un avant-goût des folies de l’été qui vient.