Dîner chez Laurence Féraud du domaine du Pégau vendredi, 8 avril 2011

Dîner chez Laurence Féraud du domaine du Pégau

Pendant que nous goûtions les vins d’Henri Bonneau à Châteauneuf-du-Pape, Laurence Féraud ne cessait de recevoir des appels lui disant que ses invités attendaient devant sa porte. Je lui suis reconnaissante de ne pas avoir précipité notre départ, tant écouter Henri est un bonheur d’amateur de vins. Nous arrivons chez Laurence Féraud du domaine du Pégau pour trouver tous les convives qui piétinent mais gardent le sourire.

Il y a dans notre groupe : Céline Sabon, propriétaire avec sa famille du Clos Mont Olivet, Philippe, œnologue et vigneron, Marc, écrivain du vin belge qui tient un blog, les cinq du vin, Michel, président du syndicat des vignerons de Chateauneuf du Pape, Nikos, amateur de vins chypriote, Laurence Féraud, notre hôtesse, et Dan, l’importateur américain des vins de Laurence du domaine du Pégau.

Je dois à la vérité de dire qu’au domaine d’Henri Bonneau, les vins étaient tellement bons qu’ils n’ont pas tous été recrachés et que ce soir nous allons boire l’équivalent de quinze bouteilles à huit. Comme je n’ai pas pris de notes, il est facile d’imaginer qu’il y aura des trous dans la couche d’ozone de mon récit. Je situerai le plus souvent les vins par rapport à ce que j’en attendais.

Le Champagne Billecart Salmon Brut Réserve sans année est meilleur que mon attente. C’est un champagne sans prétention mais très correctement dessiné.

J’attendais beaucoup plus du Champagne Jacquesson cuvée 733 qui est fait de vins de 2005 qui est plat et sans vigueur. Il s’agit certainement d’un problème de bouteille.

Le champagne que j’ai apporté est Champagne Dom Pérignon 1976. La couleur annonce le futur plaisir car elle est extrêmement jeune. Le champagne est séducteur et raffiné. C’est un Dom Pérignon que je situe au dessus de ce que j’attendais. Je me mets à penser qu’il pourrait être le vin gagnant ce soir. Mais ce n’est pas si sûr, car Nikos a apporté un Meursault Charmes Les Tesserons de Lafite négociant à Bruxelles 1969 qui est époustouflant. Je suis sous le choc, car ce meursault est merveilleux de complexité, avec une belle jeunesse, un citronné précis et une longueur extrême. Jamais je n’aurais pensé que ce meursault atteindrait ce niveau.

Nous buvons ensuite le Châteauneuf-du-Pape blanc Rayas vers années 60 ouvert il y a quelques heures dans la cave de Rayas. Il confirme la noblesse perçue en cave. C’est un grand vin.

Le 1969 Auslese Mosel Wein de Nicos est plaisant, mais il joue un peu à contre jeu et je n’en capte pas toutes les vertus.

Le Chambolle Musigny Morgan Fürze à Londres 1969 est une jolie surprise an nez extrêmement bourguignon. Le Corton Louis Jadot 1979 est une petite merveille, d’une précision de senteurs et d’arômes qui correspondent à la noblesse de l’année 79.

C’est alors qu’arrive le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978, dont j’annonce d’emblée devant ce parterre de palais affutés la problématique : est-ce un vrai ou un faux Rayas. Pas l’ombre d’un doute n’est apparu chez aucun convive. Nul n’a dit : "attendez un peu que je me prononce". Il était évident pour ceux qui ont des points de comparaison que ce vin est un Rayas 1978. De plus il est purement magnifique, la quintessence d’un Châteauneuf-du-Pape qui aurait des tendances gustatives bourguignonnes. C’est la pureté de son nez qui m’a convaincu qu’il ne pouvait pas s’agir d’un faux. Et quelqu’un a lancé : "de toute façon, si ça devait être un faux, achetez les tous, car c’est diablement bon".

Nous goûtons un Châteauneuf-du-Pape Clos Mont Olivet magnum 1984 qui est un solide Châteauneuf-du-Pape que j’ai peu mémorisé, car la soirée avance ainsi que la fatigue. Le souvenir que j’en ai est d’un Châteauneuf-du-Pape classique très équilibré. S’il y avait des symboles dans le vin que j’ai fait goûter à Emmanuel Reynaud à Rayas, il y en a aussi dans le choix du vin que j’ai apporté : Châteauneuf-du-Pape Emile Costes "Vins en Gros" à Nanterre 1947. J’adore faire goûter des fantassins. Il s’agit ici d’une mise en bouteille de caviste d’une très grande année. Et la démonstration est convaincante, car ce Châteauneuf-du-Pape dont on ne sait d’où il vient est sublimé par l’année grandiose et respire la joie de vivre. C’est un vin de bonheur.

Et c’est bien qu’il soit suivi du Châteauneuf-du-Pape domaine du Pegau 1981 d’une plus belle origine, car aucun des deux ne nuit à l’autre. J’aime beaucoup ce 1981 assagi, calme et serein. Laurence m’ayant demandé avant le repas quelle année de sa cuvée da Capo créée en 1998 je souhaitais boire, j’avais répondu 1998. Nous buvons donc le Châteauneuf-du-Pape cuvée da Capo domaine du Pégau 1998 et c’est un honneur et un bonheur. Le da Capo est célèbre dans tout le monde, car le 2003 a eu les honneurs d’une note de 100 dans l’échelle de Robert Parker. C’est, je crois sans en être sûr, le premier Châteauneuf-du-Pape qui a obtenu 100. Je suis heureux de constater que le premier millésime de da Capo puisse être aussi sage et élégant, car quand j’avais goûté pour la première fois le da Capo 2003, ça pulsait un max !

Nous finissons notre débauche par un Châteauneuf-du-Pape domaine du Pégau blanc 1989 au nez superbe mais moins glorieux en bouche.

Le repas élaboré par Laurence fut excellent, permettant des accords solides et cohérents. La joie d’être ensemble et de partager des grands vins mais aussi des vins plus ordinaires de qualité ainsi que des conversations enflammées ont permis de passer un dîner mémorable.

Si je devais classer les vins, ce serait : 1 – Meursault Charmes Les Tesserons de Lafite négociant à Bruxelles 1969, 2 – Champagne Dom Pérignon 1976, 3 – Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978, 4 ex aequo le Corton Louis Jadot 1979 et le Châteauneuf-du-Pape blanc Rayas vers années 60.

Merci Laurence d’avoir suscité ce grand moment.

viste au chateau Rayas et chez Henri Bonneau à Chateauneuf-du-Pape vendredi, 8 avril 2011

Rentrant de Bordeaux chez moi quand il fait nuit, un sommeil réparateur est indispensable, car je me rends à Châteauneuf du Pape. La Gare de Lyon est aussi irréaliste que la circulation automobile à Bordeaux. C’est l’acceptation de la saleté et de la médiocrité. Etant déposé à la gare, je dois monter d’un gros étage avec une valise très lourde, car j’ai pris beaucoup de munitions pour les rencontres à venir. L’ascenseur est en panne et l’escalator ne fonctionne pas. Monter ma valise nécessite que je me fasse aider. Etant en avance je vais à la terrasse – si l’on peut dire puisque le soleil n’atteindra jamais ce lieu en sous-sol – d’un café. Les sièges en simili skaï sont tous percés. Le café crème est honnête. Comme la SNCF n’affiche les quais qu’au dernier moment, il me faut courir jusqu’au quai qui est à plus d’un kilomètre du lieu où je suis. Le TGV part à l’heure, ce qui est appréciable. A la gare d’Avignon, je suis accueilli par Céline Sabon, propriétaire du Clos Mont Olivet qui me conduit chez un jeune couple de vignerons qui ont une superbe demeure au centre de Chateauneuf-du-Pape. La bâtisse est ancienne, le jardin est de taille impressionnante au beau milieu de la cité papale et ma chambre est joliment décorée. J’arrange mes affaires et choisis les vins du dîner pour les porter chez Laurence Féraud du domaine du Pégau qui nous régalera. Céline me conduit chez Laurence et j’ouvre mes bouteilles. Parmi elles il y a Château Rayas 1978, un vin particulièrement célèbre qui, semble-t-il, aurait inspiré des faux. Comme les faux supposés ressemblent à ma bouteille, c’est une bonne occasion que de la boire avec des vignerons de Chateauneuf-du-Pape. Laurence inspecte ma bouteille et la trouve authentique, ce qui correspond aux autres examens visuels que j’avais fait faire par des experts.

Au nez, le vin est d’un parfum subtil et délicat, montrant un âge qui peut correspondre à 1978. Les senteurs de feuilles sèches, de buisson sont très homogènes avec ce que doit sentir un Rayas de cet âge. Laurence confirme que cette odeur est d’une logique parfaite. Le premier examen est bon.

Laurence Féraud me conduit à la porte du domaine Rayas et me dépose sans entrer, car elle doit travailler en cuisine, me demandant de la rappeler pour me conduire au rendez-vous suivant. La bâtisse ne paie pas de mine. On est ici dans la discrétion. Lorsque j’arrive, Emmanuel Reynaud me dit : "vous n’aviez pas confirmé votre rendez-vous. J’ai pensé que vous ne viendriez pas". Et il ajoute : "je suis occupé, je ne pourrai pas vous recevoir comme il faut". Ma réponse : "c’est dommage, parce que le rendez-vous était bien pris et par ailleurs, j’ai apporté une bouteille que j’aimerais partager avec vous".

Emmanuel me lance : "vous sentez le parfum. Comment peut-on être parfumé comme ça ?". Et il ajoute, perfide : "ce doit être la dame qui vous a conduit ici qui vous a inondé de son parfum". Le décor est donc planté.

Nous descendons dans une cave hétéroclite où des fûts de chêne voisinent avec des fûts métalliques. Emmanuel me fait goûter trois vins le Chateauneuf-du-Pape Fonsalette 2009, le Chateauneuf-du-Pape Pignan 2009 et le Chateauneuf-du-Pape Château Rayas 2009. Déguster quand on a l’impression de tomber sur un bec n’a pas la même saveur. Je suis toutefois conquis par le Rayas 2009, non encore réellement formé, mais qui promet d’être grand.

Emmanuel que j’avais appelé lorsqu’une discussion était apparue sur un forum au sujet de faux Rayas 1978, déclarés faux par lui, me demande si j’en ai goûté un de mon récent achat. Je lui dis que non, préférant ne pas mentionner qu’il sera bu ce soir. Il me lance alors : "allons goûter votre vin". Dans une cave de vieillissement aux fûts de chêne d’âges canoniques tant ils ont servi, j’ouvre un Beaune rouge Bouchard Père & Fils 1955. J’explique les raisons de cet apport : apporter un Chateauneuf-du-Pape à un vigneron de cette appellation n’aurait pas de sens. C’est un vin bourguignon qui créera une comparaison intéressante. Par ailleurs, 1955 est une année très brillante et j’ai pris un Beaune "ordinaire" pour montrer que même les vins "Villages" ont un réel intérêt.

A mon grand plaisir, Emmanuel accueille immédiatement ce vin. Sous une légère acidité qui disparait avec le temps, il y a un velouté et un fruit remarquables. Le vin est trouble du fait du voyage, mais il est une preuve convaincante et je dois dire que je l’adore. Comme j’avais envisagé que ce vin soit en comparaison je lance comme un appel au secours : "vous n’auriez pas une bouteille déjà ouverte (car j’imagine difficilement qu’il en ouvre une) qui soit un peu ancienne, pour comparer avec le Beaune ?".

Emmanuel me dit qu’il n’a rien d’ancien qui soit disponible, mais il pointe du doigt un tas de demi-bouteilles jetées en vrac sur un sol poussiéreux. Il s’agit d’un blanc et il m’indique que plusieurs se sont révélées madérisées. Il en ramasse une, sans étiquette qu’il faut épousseter et la pose sur le tonneau autour duquel nous dégustons. C’est alors qu’on l’appelle pour remonter au bureau et je reste là, en attente, décidant de ne pas ouvrir la bouteille tant qu’Emmanuel n’est pas là. Au bout de dix minutes il revient et me dit : "vous ne l’avez pas ouverte ?". Je l’ouvre avec mes outils. Et à cet instant, c’est une immense surprise qui nous attend. Car le vin est absolument superbe. Sa couleur est d’un jaune doré de grande beauté. Le parfum est un régal de générosité et de plénitude. Et en bouche le vin est opulent. Même Emanuel est étonné de la qualité de ce grand vin. Evidemment, il n’est pas possible de faire un pont entre le Beaune rouge 1955 et ce Chateauneuf-du-Pape Château Rayas blanc des années 60 comme le situe Emmanuel. Mais ce vin à lui seul efface les surprises de mon arrivée. Je propose qu’Emmanuel garde le 1955 pour son dîner et que je fasse goûter ce blanc à mes convives du dîner chez Laurence Féraud. Emmanuel accepte et soudain il se radoucit. Il me propose de me raccompagner chez Laurence et que j’aille avec lui à Sorgues où il a une course à faire, pour que nous puissions poursuivre nos discussions.

Dans sa camionnette, nos échanges deviennent passionnants. C’est comme si j’avais subi avec succès une épreuve initiatique, consciente ou non. Nous nous sommes promis de nous revoir et de boire ensemble de grands vins.

Je suis déposé devant chez Laurence Féraud et il me faut l’attendre, car elle fait des courses pour ce soir. Elle me conduit chez Henri Bonneau un vigneron emblématique de Chateauneuf-du-Pape. Quel immense honneur de rencontrer ce personnage qui est porteur d’histoire comme Jean Hugel l’était pour sa région. J’annonce tout de suite la couleur, cette visite, qui a duré deux heures et demie – et en 150 minutes il s’en dit des choses – est pour moi aussi précieuse et émouvante que ce que doit être une rencontre avec le Pape. Plantons le décor. La maison d’Henri Bonneau est située dans le haut de la ville, non loin du château papal. La porte d’entrée de la maison, puisqu’il s’agit d’une maison, est étroite. Elle ouvre sur un couloir. Du côté visiteurs, Laurence, Nikos, chypriote vivant à Londres, amoureux des vins de Châteauneuf et moi. Ceux qui jouent à domicile sont Henri, son épouse et leur fils Marcel. Dans le couloir, Henri, la casquette sur la tête, barre le passage. Il a les yeux malicieux et rit souvent. Ses affirmations claquent comme des coups de fouet. Son épouse, qui connaît ses histoires par cœur, intervient ici ou là pour corriger ou compléter telle ou telle anecdote. Marcel connaît aussi le répertoire et se concentre surtout sur la dégustation. Mais il n’en pense pas moins. Henri est visiblement heureux que Laurence soit là. Tout va se dérouler maintenant au rythme d’un aï ou d’un unau, sauf en ce qui concerne la faconde d’Henri, infatigable.

Les sous-sols dans la ville de Vézelay sont impressionnants et donnent l’impression que la colline n’est qu’un gruyère, troué de toute part. Les caves successives que nous allons visiter donnent cette même impression de gruyère ou de ruche aux mille alvéoles. Chaque année se déguste dans une cave différente. Pour chaque année il y a les "G" et les "P", le G étant la cuvée Marie Beurrier et le P étant la cuvée des Célestins, la plus qualitative des deux. Nous avons goûté de fûts les 2009 G et P, 2008 G et P, 2007 G et P, 2006 seulement P et 2005 G et P. Dans les petites caves, on se demande depuis combien de générations on a utilisé les mêmes fûts. C’est aussi le cas à Rayas puisqu’Emmanuel Reynaud a acheté des fûts usagés ayant servi pour l’élevage de Costières de Nîmes. Sur ces deux visites, je n’ai pas vu un seul fût neuf, et à aucun moment les vignerons n’ont parlé de technique ni donné des chiffres. Ici, on se fiche de tout cela, on fait comme le père et le grand-père faisaient. On goûte et puis c’est tout. N’ayant pas pris de notes et ayant eu un dîner "brutal" par la suite, il ne me reste que des impressions. D’abord ces vins sont de grands vins, une sorte d’aboutissement du Chateauneuf-du-Pape, avec une mesure et une sagesse extrêmes. J’ai préféré les années impaires et parmi elles, c’est 2005 qui m’a enthousiasmé, le Célestins étant exceptionnel.

Le parcours du combattant étant terminé en cave, nous remontons dans la salle à manger des Bonneau. Nous nous asseyons autour de la table et nous buvons un Châteauneuf-du-Pape Cuvée des Célestins Henri Bonneau 2004. J’avoue que j’ai été bluffé, car je n’attendais pas un 2004 à ce niveau de qualité. Il est généreux, gouleyant, vin de plaisir mais aussi vin de structure et de noblesse. Une leçon. Et pendant ce temps, nous parlons, parlons. Enfin, Henri parle et nous buvons ses paroles. Et nous sourions, car le courant passe entre le vigneron et sa famille et nous.

Il est à noter qu’Henri qui ne boit quasiment plus, connaît l’état des vins dans ses tonneaux avec une exactitude actualisée. Une telle visite est un bonheur absolu pour moi, car je côtoie quelqu’un qui représente l’histoire du vin de Chateauneuf-du-Pape. Nous nous sommes promis de nous revoir. Faisons tout pour que ce soit le cas.

Séjour à Chateauneuf du Pape photos vendredi, 8 avril 2011

je suis assez effondré par le niveau qualitatif de la Gare de Lyon, comme cette chaise à une brasserie qui illustre un peu mon propos

Grâce à Céline Sabon, je loge chez de jeunes vignerons dans une magnifique maison du centre ville. J’ai apporté un petit cadeau pour mon séjour

Chez Laurence Féraud, j’ouvre des bouteilles à boire ce soir. D’abord Chateau Rayas 1978

puis un Domaine du Pégau 1981 et le 1947 de caviste que j’ai apporté

On voit sur le bouchon Paul Féraud et fille, le « & » ressemblant à un « 8 »

les bouchons des trois vins. On note que la capsule rouge du Rayas est magnifique. Son bouchon est celui du milieu. Le 1947 a la capsule verte et son bouchon est en haut

visite au Chateau Rayas qui n’a de chateau que le nom, tant le site est modeste, accueilli par Emmanuel Reynaud

j’aime beaucoup ces images d’un Emmanuel Reynaud joyeux et heureux de partager

j’ai apporté un Beaune Bouchard 1955 à partager, qui sera suivi d’une bouteille inconnue d’un blanc de Rayas, probablement des années 60, absolument délicieux

ça fait plaisir de voir Emmanuel Reynaud boire ainsi le 1955

la photo de gauche est comme une nature morte

est-ce dans les vieux pots qu’on fait les bonnes confitures ?

Visite chez Henri Bonneau. C’est en haut de la ville

Henri Bonneau nous ouvre la porte

quand le climat est créé, voilà un homme souriant ! A gauche un amateur Chypriote, ami de Laurence Féraud

il sait aussi être sérieux quand il explique ses vins

il y a des caves partout, creusées dans la roche de la colline de Chateauneuf du Pape

Laurence Féraud et madame Bonneau

nous remontons à la salle à manger pour bavarder et goûter un 2004, réserve des Célestins

Henri Bonneau aime raconter le passé

et on l’écoute ! Laurence, Marcel, le fils d’Henri, et Nikos

Nikos et madame Bonneau

Après ces belles visites, dîner au domicile de Laurence Féraud, propriétaire du Domaine du Pégau

et bien sûr les trois vins que j’ai ouvert avant les visites de domaines, Rayas 78, Pégau 81 et Chateauneuf 1947

un Pégau 1989 difficile à lire

par quel miracle il y a des bouchons dans le fromage ?

le lendemain, ce sont les Printemps de Chateauneuf-du-Pape, l’objet de ma présence

d’abord un atelier sur les terroirs

Michel, le directeur du syndicat des producteurs de Chateauneuf du Pape

le salon bat son plein

le soir, réception au chateau de Chateauneuf du Pape

le groupe « Namas Pamous » (comme les Rolling Stones)

mais il fait un bruit infernal !

le deuxième jour des Printemps de Chateauneuf du Pape commence par un atelier sur les vins de Chateauneuf avec la cuisine asiatique

Laurence Féraud s’est impliquée dans cet atelier. C’est elle qui tient le micro

et elle ne le lâche pas !

l’après-midi, l’atelier « vieillissement » des Chateauneuf du Pape. La seule photo que j’ai prise est celle-ci, car j’étais à la tribune

Oui, mais, est-ce que j’y étais vraiment ? Mais si, c’est écrit dans le journal

Il n’est pas impossible qu’il y ait plus de 300 CdP dans ma cave.

Vivement l’an prochain, les Printemps de Chateauneuf du Pape.

Deux jours à Bordeaux pendant la semaine des primeurs jeudi, 7 avril 2011

Le château d’Yquem fait goûter son dernier millésime, au début du mois d’avril, pendant la célèbre semaine des primeurs où tous les journalistes mondiaux du vin et les très grands acheteurs viennent découvrir le nouveau-né, encore dans ses langes. Ayant manqué l’invitation d’Yquem plusieurs années, je réponds que je viendrai. Pour que l’aller et retour de Paris à Bordeaux vaille la peine, je greffe deux ou trois événements, et me voilà parti.

1 – dégustation chez Jean-Luc Thunevin à Saint-Emilion

A peine ai-je garé la voiture de location dans Saint-Emilion qu’un policier municipal photographie la plaque minéralogique, et quand je lui dis que je m’en vais, il me menace de lourds procès-verbaux car je suis garé dans le sens opposé au sens unique improvisé pendant la période des primeurs. C’est qu’on ne rigole pas ici, tant les foules sont nombreuses.

Ma première visite est chez Jean-Luc Thunevin et son épouse, les propriétaires du célèbre château Valandraud, qui font goûter les vins de très nombreux vignerons de toutes régions. A peine ai-je franchi la porte du jardin, je vois François Mauss, président du Grand Jury Européen qui organise des dégustations comparatives qui font couler beaucoup d’encre, en discussion avec Hervé Bizeul, un truculent vigneron du Languedoc-Roussillon qui connaît un grand succès avec ses vins. Il se trouve que nous nous sommes assez souvent empoignés tous les trois sur un forum de vin, aussi décidons-nous d’immortaliser notre rencontre.

N’étant pas un spécialiste des vins jeunes, les commentaires qui vont suivre sont surtout des flashes, des impressions instantanées, sans prétention de donner un avis sur le devenir de vins si jeunes, ni de vouloir les hiérarchiser.

Ma première dégustation est celle des Meursault 2009 du domaine Buisson-Charles, Les Tessons, Les Cras, Bouches Chères, Les Charmes et Goutte d’Or. Très différents, ils sont tous prometteurs. Etant sur les vins blancs, je poursuis avec Château Pape Clément blanc 2010, au nez de Graves qui suggère le citron et les fleurs blanches, vin qui donne en bouche l’impression de sucer une feuille de cassis, et offre un très grand fruité. Le Château Fombrauge blanc 2010 est plus calme mais il évoque aussi le cassis en feuille.

C’est maintenant le tour des rouges. Le Rol Valentin 2010 me cueille par un uppercut, car c’est une bombe de cassis, mais cette fois en fruit. Par comparaison le Château Rollan de By 2010 bu juste après fait très élégant, même s’il a beaucoup de fruit. Le Château Haut-Condissas 2010 fait plus strict et moins élégant que le Rollan de By, alors que la hiérarchie entre les deux peut différer.

Le Château La Couspaude 2010 est dans le même style de vin que Rol-Valentin, bombe de fruits. J’ai toutefois l’impression que La Couspaude vieillira bien. Bu juste après celui-ci, le Château La Dominique 2010 fait beaucoup plus classique, calme, et je note que c’est du vin et pas du jus de fruit.

Le Château Destieu 2010 est très fermé et strict. Je pense qu’il sera beau, mais il est sévère aujourd’hui. Le Château Petit Gravet Aîné 2010 est très élégant et je l’adore, parce que ça, c’est du vin ! Le Clos Saint-Julien 2010 est très bon mais très actuel, plus moderne que le Petit Gravet.

Le Château Haut-Carles Fronsac 2010 est très gourmand et bien fait. Le Château Mauriane, Puisseguin Saint-Emilion 2010 est vraiment très riche. Il est surpuissant pour son appellation. Le Château Faugères 2010 est très élégant. C’est un de ceux que je préfère.

Je suis maintenant "happé" par Hervé Bizeul qui me fait goûter tous ses vins présents. Les Sorcières du Clos des Fées, Côtes du Roussillon 2010 montre après les bordeaux une élégance toute particulière. Il a du charme et il est très bien fait. Le Clos des Fées Vieilles Vignes Côtes du Roussillon Villages 2010 est plus structuré avec un beau fruit. Il est plus noble, mais moins charmeur que les sorcières. Le Clos des Fées Hervé Bizeul 2010 est beau, mais il ne s’est pas encore orienté dans une direction gustative affirmée. En le goûtant à nouveau, je trouve qu’il est gourmand. La Petite Sibérie 2010, le vin phare du vigneron est plus rêche, plus en retenue, plus vert. Il râpe en bouche, mais il promet sacrément. Viennent ensuite des exercices de style du vigneron, avec des noms qui ne manquent pas de poésie, même si je ne suis pas très favorable aux noms qui sont des professions de foi. "Images Dérisoires" 2010 est un tempranillo. Le vin est curieux, très créatif. Il est riche et il faudra attendre encore plusieurs mois avant qu’il ne se découvre. "Un faune avec son fifre" 2010 est beaucoup plus plaisant et joyeux. Je l’aime comme il est en ce moment. Le "de battre mon cœur s’est arrêté" 2010 est très original et non conventionnel. On sent qu’Hervé s’est fait plaisir.

Arrive maintenant le temps du déjeuner sous un soleil de plomb. Le thermomètre dépassera les 30° pendant mon séjour, alors que ce matin, selon un collaborateur de Cheval Blanc, il y avait eu de la gelée blanche ! Du jambon espagnol délicieux et une terrine superbe sont très bien accompagnés par le Meursaut Goutte d’Or Buisson-Charles 2009. Avec un club sandwich au homard, je tente le Château Pape Clément blanc 2010 et je constate à quel point il est gastronomique. Il a tout ce que j’aime dans les Graves blancs.

2 – visite au château Cheval Blanc

Je veux quitter cette belle assemblée sans attendre la suite du repas, dont une jolie viande et Mireille me conduit en cuisine pour que je chaparde de belles tranches avant de partir. C’est que j’ai un rendez-vous secret avec une personne dont je dévalise la cave à chaque visite. Aujourd’hui j’achète deux 1900, deux 1921 et quatre 1929. Je n’en dis pas plus car c’est ma source secrète. De retour à ma voiture, je constate qu’en plein soleil, elle est devenue une fournaise. Or j’ai deux vins prévus pour le dîner. J’ai bien peur qu’ils ne soient cuits. Après men rendez-vous d’emplettes il me reste un peu de temps avant le cocktail d’Yquem, aussi vais-je vers Pomerol avec l’envie de déguster des vins de Michel Rolland. Mais sur la route je vois Cheval Blanc. Il n’est pas question de passer sans s’arrêter. Il y a d’immenses travaux en cours et Pierre Lurton me dira plus tard qu’il prépare de nouveaux chais.

Dans la salle de dégustation on peut goûter plusieurs vins, mais je veux m’en tenir au plus grand. Le Château Cheval Blanc 2010 est absolument superbe, magnifique d’élégance et de mesure. C’est un très grand vin. Suis-je influencé par l’étiquette ? Peu importe car il est vraiment très grand. La jeune femme qui me fait goûter insiste pour que je boive le Petit Cheval 2010. Elle a raison, c’est un vin qui est beau et bien fait. Mais le Cheval Blanc est nettement trop grand à côté de lui. Un ami présent me dit: "il faut absolument que tu ailles goûter Vieux Château Certan". Compte tenu de son expérience, on peut penser que c’est une indication sérieuse de la qualité de ce vin. Il n’y a plus assez de temps pour aller à Pomerol aussi vais-je à Bordeaux, au Grand Théâtre où sera présenté Yquem 2010.

3 – dégustation d’Yquem au Grand Théâtre à Bordeaux

La circulation dans la région bordelaise est complètement surréaliste. Tout est ligué pour dissuader les automobilistes. Quand on est dans une rue large dont la moitié est affectée à trois vélos pendant qu’on poireaute à un feu qui ne laisse passer que trois voitures toutes les deux minutes, on se prend à avoir des idées de meurtre contre les empêcheurs de circuler. Arrivé malgré tout en avance, je prends une eau minérale à la terrasse de l’hôtel qui fait face au Grand Théâtre. Il fait beau, ce qui raccourcit les jupes et fait sortir les shorts. Un vigneron allemand que je connais vient s’asseoir à ma table avec un coréen écrivain du vin. Quand l’heure d’aller au cocktail est arrivée nous entrons dans le magnifique bâtiment décoré de bouquets d’orchidées sertis sur des branches dorées plantées dans des vases marqués de la célèbre couronne dessinée sur les étiquettes d’Yquem. De jolies hôtesses ont de larges ceintures elles aussi dorées et certaines ont dans les cheveux des fleurs d’orchidées. Cet accueil est pour le moins spectaculaire.

Dans la salle d’apparat du théâtre, elle aussi dorée à l’extrême, on peut goûter Château d’Yquem 2010. Pour moi, c’est un solide Yquem très classique et grand vin. Il est très bien dessiné et Francis Mayeur aussi bien que Sandrine Garbay sont fiers de ce bébé pour lequel les soins qualitatifs les plus attentionnés ont été donnés. L’idée de faire goûter en même temps le Château d’Yquem 1988 est une excellente idée, car ils ont beaucoup de similitudes, le 1988 étant d’une solidité à toute épreuve. C’est le leader de la trilogie 88 89 90, triplette de grands millésimes. Les gens importants du monde du vin sont venus saluer Pierre Lurton et son équipe, Michel Bettane est en pleine forme et je remarque la forte proportion d’invités asiatiques de tous pays sauf le Japon qui est le grand absent. Bérénice Lurton est venue goûter le vin de son cousin. Des canapés très pertinents conçus par le chef Yannick Alléno triplement étoilé sont délicieux avec Yquem. Pour la première fois, j’ai l’occasion de tester un accord dont m’avait souvent parlé Alexandre de Lur Saluces, qui est huître et Yquem. Je n’avais jamais essayé car j’avais l’intuition que ça ne marche pas. Et en fait, même si ce n’est pas incohérent, c’est un accord où l’Yquem est trop dominant pour qu’un effet se crée.

4 – Dîner à Grand Puy Ducasse

Quittant ce lieu magnifique qui a servi d’écrin à l’éclosion de l’Yquem, je repars dans l’affreuse circulation bordelaise, subjugué par l’incohérence de la programmation des espaces et du temps de passage des croisements, pour me rendre à Pauillac, au siège du château Grand Puy Ducasse.

Thierry Budin préside aux destinées des vins qui appartiennent au Crédit Agricole. Cela faisait plusieurs années que nous voulions nous rencontrer en bordelais. Ce sera ce soir, dans la magnifique demeure située sur les quais à Pauillac, avec le soleil couchant qui fait briller la coque d’un bateau qui remonte la Gironde. Je passe vite dans ma chambre dont les fenêtres donnent sur la Gironde et je rejoins un groupe très cosmopolite d’invités de Thierry. Angleterre, Etats-Unis, Danemark et Croatie sont représentés. Tous sont des professionnels du vin. Nous commençons par un Champagne Taittinger sans année qui fait du bien après les dégustations de la journée. C’est un agréable champagne de soif. Le menu préparé au château est : quiche lorraine, rôti de veau et légumes de printemps, assiette de fromages, salade de fraises et framboises. Cette cuisine familiale simple se mange avec plaisir.

J’avais prévenu Thierry que je viendrais avec deux vins. Invité à Pauillac, il était exclu que j’apporte un vin de cette appellation aussi ai-je voulu faire un petit clin d’œil en apportant un vin qui a sur son étiquette deux appellations. Il s’agit du Château Saint-Julien, Saint-Emilion 1945. Il est amusant que Catherine, la propriétaire du Clos Saint-Julien, à qui je parlais de ce vin m’affirma que le "château" n’existe pas et que seul le Clos existe. Et mon pourvoyeur secret à qui j’en ai parlé aussi ne connaissait que "Jardin" Saint-Julien, mais pas "château". Il a fallu que j’aille chercher la bouteille dans la voiture pour qu’il le croie.

Pendant que nous prenons l’apéritif, je montre aux convives ma méthode d’ouverture des vins, pour aérer au plus vite les deux vins que j’ai apportés. Heureusement les bouchons viennent avec facilité, les deux étant d’une belle souplesse.

Nous commençons le repas par le "Sec" de Rayne Vigneau 2009, bordeaux blanc sec. Je le trouve très typé Graves et Anne, la directrice technique des vins du Crédit Agricole me confirme que c’est le choix qui a été fait. Le vin est très plaisant mais un peu court. C’est un bel essai.

Le Château Grand-Puy Ducasse 2004 est une agréable surprise car, si l’attaque est classique, en milieu de bouche, il y a une fraîcheur mentholée remarquable. L’impression est très positive. Le Château Grand-Puy Ducasse 1996 appelle un mot : pullman. Car ce vin est "le" Pauillac confortable. Tout en lui est un appel au plaisir. Avec le Château Meyney magnum 1947 nous franchissons une étape. Tout en lui est fraîcheur, consistance et tenue. C’est un très grand vin qui ne peut venir que d’un grand terroir. Meyney m’a toujours réservé de belles surprises, mais ici c’est la plus belle. La démonstration que voulait faire Thierry est réussie.

C’est avec force précautions que je fais servir le Château Saint-Julien, Saint-Emilion 1945 en indiquant qu’il a été chahuté et cuit dans la voiture. Mais à ma grande surprise, même si la fatigue est là, il y a un joli fruit et une belle structure. Bien sûr, le vin est loin d’être parfait, mais il arrive à être gentiment et élégamment évocateur.

Le vrai bonheur, c’est le Château Bastor Lamontagne 1929. Très foncé dans la bouteille culottée par l’âge, il est d’un acajou doré et foncé dans le verre. Le nez est d’une rare richesse qui m’évoque les agrumes poivrés alors que d’autres convives y sentiront du curry ou du fumé. En bouche, il est joyeux, plein, glorieux. C’est un très grand sauternes d’une très belle année. Je suis content de l’avoir fait goûter à des personnes particulièrement pointues dans la dégustation mais qui fréquentent peu ces vins canoniques. Thierry qui avait prévu que nous boirions Rayne Vigneau 2008 a préféré ne pas ajouter encore à la profusion de ce dîner.

Nous allons nous coucher très tard dans les chambres du château. Un soleil percutant réchauffe ma chambre tôt le matin, laissant une trace rouge sur la surface miroitante de la Gironde au bleu argenté. Un petit-déjeuner cordial a des saveurs d’après-match. Thierry voulait me conduire au château Meyney mais je n’ai pas le courage. Il me montre des nouveaux conditionnements de Rayne-Vigneau en bouteilles de 25 cl et avec capsule à vis, pour qu’on puisse en ouvrir en toute circonstance. C’est astucieux.

5 – Déjeuner au Domaine de Chevalier

Ma voiture me Gépééssise jusqu’au Domaine de Chevalier. Olivier Bernard tout souriant accueille des dizaines de visiteurs pour une dégustation des primeurs et un déjeuner mémorable.

Dans une grande salle on peut goûter des 2010, mais aussi des vins antérieurs, aussi, par esprit de contradiction, je vais surtout goûter des 2009.

Le Domaine de la Solitude blanc 2009 a un joli nez expressif. En bouche il y a un joli citron et un peu de caramel. J’aime assez, ce qui est souvent le cas du premier vin que l’on boit. L’Esprit de Chevalier blanc 2009 a un nez plus profond, très vin de Graves. Il est plus fin, plus ciselé, au final frais. Le Domaine de Chevalier blanc 2009 a un nez doucereux. C’est un vin plus ample, plus doux que les deux autres. Le final est très élégant de menthe et de réglisse. C’est un grand vin.

Le début des rouges se fait sur une nouvelle acquisition du Domaine de Chevalier, le Château Lespault Martillac 2009, très jeune, rêche mais très prometteur. C’est un joli vin assez simple au beau fruit balancé.

Le Domaine de la Solitude rouge 2009 est moins expressif. Il y a un joli poivre, un final agréable, mais c’est un vin un peu limité. L’Esprit de Chevalier rouge 2009 est assez flatteur. J’aime sa râpe et son beau final. C’est un beau Pessac-Léognan. Le Domaine de Chevalier rouge 2009 est encore plus riche et bien construit. De grande pureté il a un beau final velouté. C’est manifestement un grand vin.

Olivier a prévu que je déjeune avec trois représentants de la famille Johnston qui sont venus en un groupe d’une quinzaine de personnes de plusieurs horizons, Suisse, Allemagne et Etats-Unis et peut-être d’autres pays. En attendant le groupe qui viendra fort tard, je picore au buffet prévu par Marc Demund, le traiteur qui m’accompagne dans les dîners que j’ai la chance de faire au château d’Yquem. Je vais le saluer en cuisine où il prépare un redoutable brie à la truffe et à l’huile de truffe.

A l’apéritif, il y a un champagne William Deutz 1998 très agréable à boire qui crée avec des huîtres creuses un accord divin.

Alors que l’essentiel des invités déjeunent dans le jardin sous des pins parasol, notre groupe déjeune dans la salle à manger privée d’Olivier. Nous commençons par un vin fou. Un collectionneur italien particulièrement exigeant a fait confectionner par une verrerie des bouteilles de 17 litres de Domaine de Chevalier blanc 2000. Recevant depuis lundi alors que nous sommes jeudi, Olivier a ouvert ce grand format lundi et a confectionné des magnums vite bouchés qui sont utilisés au fur et à mesure. Le vin est extrêmement doux, rond et charmeur. C’est un vin frais, léger, et Olivier nous dit qu’il deviendra immense.

Nous avons devant nous sur la table trois carafes de magnums qui nous goûterons successivement. Le Domaine de Chevalier rouge 1970 a un parfum merveilleux. C’est un très grand vin, un peu léger mais d’un équilibre rare. Le Domaine de Chevalier rouge 1990 est encore meilleur. Quel vin ! Il est absolument excellent et au faîte de sa jeunesse. Et c’est un mauvais choix que d’avoir mis le Domaine de Chevalier rouge 2000 après le 1990. Car le 2000, pour mon palais, est encore beaucoup trop jeune. Il promet, mais à côté du 1990 il fait fermé, coincé, en attente de se révéler.

Le Château Guiraud 1998 est bon, agréable, d’un grand classicisme. Mais, trop classique, il ne dégage pas assez d’émotion. Les discussions ont été passionnantes avec ces grands professionnels. Parmi les participants à ce déjeuner, on pouvait noter une présence asiatique très importante, comme au cocktail donné par Yquem. Pékin, Shanghai, Hong-Kong, Singapour, Séoul sont très représentés. Seuls les japonais manquent à l’appel. Les asiatiques présents sont très concernés. On sent les acheteurs puissants, qui prendront une importance de plus en plus grande dans le paysage du vin.

Visite à Bordeaux photos jeudi, 7 avril 2011

1 – dégustation chez Jean-Luc Thunevin

beaucoup de vins à boire !

quelques uns au hasard des stands

le repas généreusement offert par nos hôtes

2 – Cheval Blanc

3 _ présentation d’Yquem 2010 au Grand Théâtre de Bordeaux

Pierre Lurton et sa cousine Bérénice Lurton de Chateau Climens et une femme écrivain du vin

4 – dîner au Chateau Grand Puy Ducasse

le Meyney 1947 est en magnum

Chateau Saint-Julien Saint Emilion 1945

Bastor lamontagne 1929 et les bouchons de mes deux vins

le chateau éclairé par le soleil du matin

la Gironde au petit matin

Thierry Budin m’explique les nouveaux conditionnements de Rayne Vigneau (on nous voit dans le miroir)

5 – déjeuner au domaine de Chevalier

l’incroyable bouteille de 17 litres du Domaine de Chevalier blanc 2000

Olivier Bernard et Marc Demund le traiteur ainsi que son épouse

Ils sont fiers de nous montrer le Brie à la truffe

le repas

J’adore ouvrir des curiosités parfois folles samedi, 2 avril 2011

Un ami danois vit à Las Vegas. Il est expert en vin. Un de ses amis danois est un pourvoyeur significatif de ma cave. Dans le périple qu’ils font ensemble auprès de vignerons français, il y a la place pour une visite de ma cave. J’apprends que mon fournisseur danois est un collectionneur, à titre personnel, aussi fou que moi. Je leur montre mes vins et ils peuvent sentir certaines bouteilles vides que j’ai gardées dont ces vins de Chypre qui ont encore un parfum entêtant, mêmes plusieurs années après avoir été bues et un whisky tourbé du 19ème siècle ouvert il y a cinq ans qui explose de tourbe comme un whisky nouveau-né.

Ma femme a préparé un foie gras, et sur l’excellente baguette de mon boulanger habituel, nous tartinons. Pendant la visite, j’avais pris en mains une demi-bouteille très ancienne au verre soufflé qui pourrait être du début du 19ème siècle. La bouteille est sans capsule et sans étiquette et le bouchon est noir, poussiéreux sur le dessus et hérissé comme la chevelure d’un punk. L’expert connaît beaucoup de choses, mais là, c’est impossible à trouver. Je lance : "on essaie ?" et sur une réponse positive j’ouvre la bouteille, pensant qu’il me faudrait sans doute ouvrir quelque autre vin par la suite du fait de l’incertitude. Le bouchon est court. Il est noir sur une toute petite partie et il est très souple sur le reste, confirmant un âge canonique dépassant vraisemblablement les 120 ans. Je porte mon nez sur le goulot de la bouteille ouverte et je pousse un "wow" avec un grand sourire. Le parfum de ce vin est tout simplement merveilleux. Je verse le vin dans les verres et l’or du liquide est profond. C’est un or flamboyant et noble.

Ceux qui goûtent avec moi ne sont pas des perdreaux de l’année. Ils ont un pédigrée solide. L’ami lance : "sauternes" et à l’évidence c’est un sauternes. Et il poursuit en disant qu’un tel vin ne peut provenir que d’une année de grande puissance, voire une année exceptionnelle. Puisant dans mes souvenirs, je pense à 1893 qui est une année que j’adore, mais ce pourrait être plus vieux et mon fournisseur évoque 1847 l’année mythique que je n’ai pas goûtée. Ce vin n’est sûrement pas Yquem et j’hésite entre Climens et Rayne-Vigneau. Lequel est-ce ? N’allons pas plus loin car notre divination n’aura pas de vérification possible. Ce qui compte, c’est l’absolue perfection du vin qui gardera son équilibre pendant tout le temps où nous grignotons le foie gras. J’ai bu le fond de la bouteille et il n’y avait que d’infimes parcelles de lie. Nommons-le pour mes archives : Sauternes (Climens ou Rayne Vigneau) # 1893.

Etre tombé sur une aussi bonne pioche m’étonne moi-même. Comme j’avais prévu une tarte aux pommes légère, je me suis promené dans les allées et je tombe (virtuellement seulement) sur une demi-bouteille de Clos des Meyssonniers Appellation Côtes du Rhône Contrôlée Jaboulet Vercherre 1945. La bouteille est magnifique, je n’ai jamais bu ce vin et je suis prêt à parier que ces deux danois n’ont jamais vu ou bu pareille bouteille. Je leur demande s’ils aimeraient boire ce vin et quand je sens que leur curiosité est éveillée, j’ouvre la bouteille. Le bouchon est impeccable, encore souple et sain. La couleur dans le verre est joyeuse. Il n’y a pas un gramme de tuilé dans ce rouge vif. Le nez est engageant et en bouche le vin est plus que plaisant. Il y a un peu d’acidité volatile et une légère poussière mais qui n’empêche pas de profiter d’un vin riche anobli par l’année 1945. Je dis qu’à l’aveugle j’aurais eu du mal à trouver qu’il s’agit d’un vin du Rhône et mon ami me dit : on sait immédiatement que ce n’est pas bordeaux et que ce n’est pas bourgogne. Donc le côté garigue du goût pousse naturellement vers le Rhône. J’aimerais bien avoir de ces déductions "naturelles". Le vin est très agréable et se marie bien à la délicieuse tarte aux pommes à la fine pâte d’amande. Nous constatons que le vin est en train de s’évanouir. La partie est-elle finie ? Eh bien non, car au lieu de glisser sur une pente descendante le vin se stabilise et redevient charmant.

Comme je suis heureux que nous ayons eu de bonnes surprises, je fouine ici et là et je fais sentir des bouteilles vides de muscats mis en bouteille en 1889. Et je prends en main un madère dont l’étiquette dit : Madère vieux mis en bouteilles 1893. Il est donc âgé de pas loin d’un siècle et demi, si le madère a été embouteillé avec quelques décennies de fût. La bouteille sent encore bon, alors qu’elle a été ouverte il y a plusieurs années. Fou comme je suis, je veux goûter le fond de liquide. Mes amis n’osent refuser. Etonnamment c’est encore du madère avec une longueur extrême et une belle complexité. Mais il y a quand même un sale goût poussiéreux qui me suivra pendant plusieurs heures.

Mes amis lavent les verres et les couverts et je range les reliefs de cette petite dinette. J’adore ouvrir ainsi des bouteilles mystérieuses, pour découvrir des goûts et des sensations nouvelles et inconnues.

Photos des vins :

on note la belle capsule intacte du 1945

très joli bouchon et très jolie étiquette

anniversaire à Polytechnique – photos vendredi, 1 avril 2011

ci-dessous photos

Les élèves préparent les tables pour le dîner des « missaires » pour le 200ème anniversaire de la Khômiss

Voici le paquet cadeau. Comme nous sommes un 1er avril, il y a évidemment un poisson d’avril accroché au paquet !

cette grosse boîte est posée sur des roulettes et j’ai bien peur de la fragilité de la structure

voici la grand’ place où va se tenir la présentation de la promotion 2009 au drapeau. La statue de l’école Polytechnique à la défense de Paris en 1814 vient du siège de l’école sur la montagne Sainte Geneviève où j’ai fait mes études.

le monument aux morts de l’école est d’un minimalisme particulièrement triste

pendant que les élèves attendent avant d’entrer sur la place, les missaires distribuent les pétards aux autres missaires

Les élèves attendent avec le sourire, ce qui ne semble pas être le cas du chef de la fanfare

un des musiciens me vise avec sa trompette pendant que la distribution des pétards continue

nous rentrons nous cacher à l’intérieur du paquet cadeau

après un long trajet dans la boîte, nous arrivons au centre de la place, nous sortons calmement en jetant pétards et bonbons et des missaires détruisent la boîte et lancent des fumigènes dans la boîte. On voit à gauche une banderole qui indique : « bicentenaire de la Khômiss; goûter alternatif » puisque nous distribuons des bonbons !!!

ça fume !

oui, ça fume !

nous quittons le centre de l’arène calmement pendant que la structure se désagrège et sera retirée

la cérémonie officielle peut enfin commencer

l’encadrement militaire de l’école passe en revue les élèves. Le commandant nous jette un regard assassin

le drapeau de l’école arrive, porteur de toutes les valeurs militaires et patriotiques de notre école, et va se présenter aux officiels et à l’encadrement militaire

 

Les élèves des promotions, que j’estime à mille peut-être ont tous chanté la Marseillaise de façon remarquable et émouvante. Ils étaient dirigés du balcon supérieur par leur professeur de chant dont on m’a vanté les mérites (il est juste à côté du drapeau de droite)

j’ai réussi à photographier le mouvement de « reposez… armes ! » où les élèves prennent leur épée à deux mains. Ayant connu une école non mixte, cela fait tout drôle de voir autant de Xettes maniant l’épée !

le passage du flambeau porté par des élèves cavaliers est une tradition qui n’existait pas à mon époque

qui dit passation du flambeau impose une intervention de la Khômiss qui passe le flambeau sur le toit

A côté de nous, il y avait quatre polytechniciens qui allaient être les porteurs de flambeaux. Voici leur retour

porter le flambeau, c’est bien, mais avec le vent, c’est chaud !

 

pour défiler au pas en sortant de la cérémonie, il y a encore du boulot !

les vestiges du paquet cadeau de la Khômiss bicentenaire !

c’est l’heure du barbecue

les gendarmes font leur enquête pour connaître l’auteur d’un pétard beaucoup plus bruyant que tous les autres

les sourires des missaires montrent aux gendarmes qu’on ne touche pas à la Khômiss !

Ce fut une grande et belle réunion avec participation à un chahut, ce qui a fait ressurgir des milliers de beaux souvenirs.

 

Nota : si certains lecteurs qui se sentent concernés veulent des photos avec une plus grande définition, ils peuvent m’adresser un message via ce blog, en indiquant les références des photos souhaitées.

un 200ème anniversaire à l’Ecole Polytechnique vendredi, 1 avril 2011

Ce sujet n’a rien à voir avec le vin mais peu importe.

Plusieurs mails m’informent que la Khômiss de l’Ecole Polytechnique fête ses deux cents ans. La Khômiss, c’est une groupe d’une dizaine d’élèves choisis après un bizutage spécifique, qui organisent les chahuts, plaisanteries diverses qui ont la prétention de faire rire les élèves et aussi l’encadrement militaire s’il a le sens de l’humour, sans jamais être méchants. Mais la Khômiss est là pour oser et son imagination est sans limite. Un de ses rôles importants est d’organiser le bizutage de la promotion suivante.

Dans chaque promotion le leader de la Khômiss est appelé le Géné K et il s’entoure de plusieurs "pitaines", en fonction des talents de chacun. J’ai été le "pitaine magnan" de la Khômiss 1961, dont la fonction est d’organiser les repas et autres beuveries entre missaires, mais aussi avec leurs invités ou invitées. Donc bien avant wine-dinners, j’avais déjà la charge d’organiser des repas, clandestins à cette époque.

Lorsqu’après un chahut monstre la Khômiss 1961 a été punie de prison, j’organisais des parties de crêpes flambées dans la prison et j’invitais l’encadrement militaire (la mili) à se joindre à nos débauches, ce qu’ils faisaient car à l’époque il y avait une grande compréhension.

Ainsi nous sommes invités, tous les missaires de toutes les promotions, à nous retrouver à l’Ecole Polytechnique à Palaiseau pour fêter ces deux cents ans. La veille, on nous demande de venir un peu plus tôt, à 17h15, car un chahut est organisé pour cet anniversaire. Du fait de mon emploi du temps, j’arrive très en avance et je vois les missaires de la promotion 2008 qui préparent des tables pour un dîner sur une prairie au bord d’un immense étang. A près d’un kilomètre de là, des élèves ont bricolé une énorme boîte cubique de cinq mètres de côté. Cette boîte est posée sur roulettes et devra représenter un paquet cadeau.

Parallèlement va se dérouler à l’Ecole sur la grande place, la présentation au drapeau de la promotion 2009 qui va recevoir le drapeau de l’Ecole des mains de la promotion 2008. Comme il est de tradition depuis que l’Ecole existe, cette manifestation solennelle se déroule devant le ministre des Armées et devant le plus haut niveau de l’encadrement militaire. Mais il est d’usage que la Khômiss fasse un chahut avant que la cérémonie officielle ne commence.

Jamais je n’aurais imaginé que les missaires de la 2008 invitent des grands anciens à s’associer à leur chahut. C’est suffisamment exceptionnel pour qu’on le signale, car dans la boîte en forme de paquet cadeau, dans la petite troupe qui grouillait à l’intérieur, il y avait plusieurs octogénaires des promotions des années cinquante ! Nous voilà donc embrigadés pour nous tasser dans la boîte. Le chahut devait consister en ceci : dans la cour carrée, plus de mille polytechniciens en grande tenue sont alignés au cordeau. Ils attendent d’être présentés au drapeau. Une sono pirate se met à diffuser une musique qui n’a rien de militaire et lentement arrive au centre de l’immense cour le paquet cadeau.

A un signal, avec des haches de pompier, des missaires déchirent l’enveloppe du cadeau. Grimés, déguisés, nous courons tous en dehors de la boîte en jetant des pétards et des bonbons, puis un missaire dépose dans la boîte des fumigènes de couleur qui enfument la cour.

Une fois ce chahut réalisé, des missaires viennent dégager les débris de la boîte pour que la cérémonie commence. On aurait pu imaginer qu’un speaker signale à l’assistance, dont les parents émus des élèves que ce chahut correspondait au deux-centième anniversaire de la Khômiss. Ce ne fut pas fait.

Les jeunes missaires ont quitté le lieu pour aller préparer le repas et les anciens missaires sont restés assister à la cérémonie. Il s’agit d’un moment d’une rare émotion. Lorsqu’à 18 ans j’ai été présenté au drapeau, sous la devise de l’école : "Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire", j’avoue que j’avais les intestins qui se nouaient. Là, près de cinquante ans plus tard, j’ai ressenti le choc de cette émotion. Les élèves ont chanté en chorale de mille voix la Marseillaise à la perfection, stimulés par leur professeur de chant qui guidait les différents chœurs. Je dois avouer que j’ai eu la larme à l’œil.

Juste avant que le drapeau n’arrive, une stupide bombe plutôt qu’un gros pétard a éclaté sur la terrasse où se trouvaient les parents d’élèves. Les missaires que j’ai questionnés m’ont dit que jamais ils n’avaient prévu une telle erreur. C’est un geste stupide qui ne leur est pas imputable.

Lorsque la cérémonie se disperse après de beaux moments émouvants, nous rejoignons les missaires au lieu du repas. Quatre barbecues crépitent, des victuailles s’amoncèlent sur les tables, mais très peu d’entre nous s’assoient car nous voulons tous parler entre générations et évoquer de beaux souvenirs.

Le Géné K de la 2008 prend la parole pour signaler l’importance de cet anniversaire et on me demande de raconter un chahut de notre promotion qui nous a valu d’être punis d’un mois de corps de troupe pendant l’été qui a suivi l’année scolaire. Des discussions s’ensuivent et le dialogue entre jeunes et vieux est d’un naturel et d’une spontanéité que j’adore.

C’est alors qu’une voiture de gendarmerie s’arrête et deux gendarmes s’approchent de notre groupe de peut-être 70 personnes, pour essayer de savoir qui a laissé éclater la bombe, qui a obligé à faire évacuer à l’hôpital deux personnes pour traumatisme auditif. Les gendarmes sont un peu pressants et nous ne sommes pas prêts à dénoncer qui que ce soit. Les discussions se prolongent alors que nous savons qu’elles n’aboutiront à rien, mais le climat reste courtois.

J’ai félicité les missaires 2008 en leur disant que le numéro des gendarmes ajouté à leur scénario trahissait une imagination débordante.

Ce qui m’a fasciné dans cette manifestation tient en plusieurs points : la convivialité spontanée avec des jeunes qui ont presque cinquante ans de moins que moi, le caractère bon enfant du chahut qui a été organisé, le fait inouï d’associer des anciens à ce chahut, la charge émotionnelle considérable que représente pour moi la Marseillaise lorsqu’une promotion est présentée au drapeau français, la joie de vivre de missaires qui se retrouvent, chahuteurs dans l’âme mais presque tous d’une grande lucidité.

Ce fut un moment de grande joie et de fraternité de camarades d’école.

Pour voir les photos que j’ai prises, cliquez sur ce lien : PHOTOS

déjeuner au restaurant Hiramatsu vendredi, 1 avril 2011

Un déjeuner est prévu avec un ami expert en vins. Le lieu choisi est le restaurant Hiramatsu. Mon ami est arrivé avant moi et après m’avoir salué il s’écrie "oh, dans cette carte des vins intelligente, il y a de quoi boire !". Nous nous asseyons et il me dit : "c’est moi qui vous invite". Il est des démarrages plus tristes. Il relit la carte pour choisir un vin et me propose Salon 1988. Je sens la joie qu’il aurait de boire ce vin aussi serait-ce peu opportun de lui dire au moment du choix que j’étais hier au siège du champagne Salon. Le choix est fait.

Le Champagne Salon 1988 se présente avec une robe déjà légèrement ambrée. La bulle est très active, mais bien mesurée, et en bouche il y a un joli fumé. Il y a un peu de coings confits dans ce champagne, mais ce serait réducteur de s’en tenir à cela. Ce qui impressionne, c’est la précision et la longueur de ce vin noble. C’est vraiment un très grand champagne. Si je préfère le 1971 d’hier, c’est qu’il a été bu en magnum et qu’il avait le parfum de la rareté, car je connais le 1988 comme ma poche. Mon ami dira et il a probablement raison que c’est le plus beau 1988 qu’il ait bu.

On devrait dire et redire que le menu affaires d’Hiramatsu est "le" bon plan de la capitale. Le budget est plus que raisonnable, le service est impeccable et les cuissons sont idéales. On pourrait reprocher des portions qui sont plus calibrées pour des nymphettes japonaises que pour des sumos, mais en définitive, on s’en porte bien. Les asperges sont un peu complexes mais bonnes. La chair du turbot est exceptionnelle.

Mon conseil : surtout n’y allez pas, pour que je garde encore le secret de cette adresse.

visite aux champagnes Selosse jeudi, 31 mars 2011

Peu après avoir quitté Didier Depond, je rends visite à Anselme Selosse, des champagnes Jacques Selosse, sur le chantier d’un hôtel qu’il va ouvrir dans quelques mois. Il s’agit du château de Bricout, une ancienne maison de champagne où Anselme Selosse et son épouse recevront des amateurs de vins. Je visite les jolies chambres, la future cuisine aux raffinements les plus modernes. Anselme me montre le logement du chef qui va bientôt rejoindre l’établissement et nous allons dans les chais où la récolte 2010 vieillit en fûts de chêne neufs dans une magnifique cave voûtée. Anselme me fait goûter le Champagne V.O. Jacques Selosse sans année fait de 2002, 2001 et 2000. J’aime beaucoup sa personnalité virile.

Le Champagne rosé Jacques Selosse sans année est agréable mais d’une façon générale je ne suis pas un grand fan des rosés. Il est fait de vins de multiples communes. Nous goûtons ensuite un Champagne du Mesnil sur Oger Jacques Selosse 2003. Il a le dosage que j’avais aimé lors d’une dégustation à l’aveugle aux caves Legrand de plusieurs dosages du même vin. Il est très classique, alors que mon chouchou le Champagne Substance Jacques Selosse, fait avec des vins entre 1986 et 2003 et dégorgé en février 2010 a un goûté étrange et fumé que j’adore. C’est un très grand champagne, aux complexités extrêmes.

Anselme me fait goûter un vin inconnu, le "il était une fois" de Jacques Selosse qui est une sorte de vin doux fait avec des vins de 1995 à 1999. C’est étrange et diablement bon dans un registre doucereux élégant.

Anselme a de beaux projets en perspective avec cet hôtel à Avize où se prépareront de beaux accords mets et vins. Ses champagnes sont toujours un joli voyage dans des saveurs inhabituelles et typées.