Découverte du champagne Salon 1999 jeudi, 31 mars 2011

A chaque nouveau millésime prêt à être commercialisé, Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte invite quelques amis à Mesnil-sur-Oger pour découvrir le nouvel enfant. Aujourd’hui nous sommes une dizaine à nous retrouver pour célébrer le Champagne Salon 1999 qui est seulement le 37ème millésime du siècle, car la stratégie de Salon a été de ne millésimer que les grands millésimes, et c’est le dernier du 20ème siècle, puisqu’il n’y aura pas de Salon 2000. Dans la magnifique et moderne salle de dégustation, nous trinquons sur le Champagne Delamotte sans année, fait avec des vins de 2005 des trois communes Mesnil-sur-Oger, Cramant et Avize. Ce champagne est très agréable et je fais rire le sous-préfet invité en disant que c’est un champagne de soif. Car ce champagne se boit avec un grand plaisir et une grande facilité. Je le trouve très pur.

Nous passons à table et sur le menu il y a ce titre : "entre privilégiés" sous un dessin très "années vingt". Et cette réunion très informelle rassemble des amis de Didier de tous horizons ayant un point commun, l’amour du vin et l’amitié avec Didier Depond.

Le Champagne Delamotte 2002 est un agréable champagne qui joue dans la cour des grands, mais qui ne représente pas un saut gustatif majeur par rapport un non millésimé dont j’avais apprécié la personnalité. Celui-ci est très bon, et satisferait plus d’un amateur. Il accompagne un marbré de canard et foie gras aux fruits secs, puis un risotto virtuel de homard et Saint-Jacques au citron vert. Nous goûtons ce champagne sur trois verres différents qui montrent l’effet évident de la forme sur l’intensité gustative. Un verre à vin assez banal freine le champagne. Certains préféreront le verre à vin assez haut et resserré sur ses bords, alors que je préfère le verre tulipe. Mais pour le 1999, le verre à vin sera de loin celui qui rend le champagne le plus expressif.

Si l’emphase n’accueille pas le 2002 autant qu’il le mériterait, il faut dire que nous attendons avec impatience le Champagne Salon 1999. Une chose est à noter : quand un millésime n’est pas encore à son avantage, Didier fait un petit couplet destiné à l’expliquer. Aujourd’hui, l’absence de commentaire d’introduction est le signe qu’il s’agit d’un grand. Ce qui frappe, c’est l’équilibre de ce champagne. Il est assis, solide, bien planté sur ses jambes. Il est fruité, il a des accents de pâtisserie, et n’a pratiquement aucun aspect citronné.

Sur la poularde de Bresse aux morilles l’accord est spectaculairement bon. J’en suis tout retourné. Didier nous dit que ce 1999 lui évoque le 1982 que je trouve pourtant plus romantique. Il m’évoque plutôt le 1988. Mais Didier a sans doute raison.

Nous continuons sur la viande avec un Corton Grand Cru Clos des Cortons Faiveley Domaine Faiveley 2007 au nez incroyablement puissant et séducteur. Le vin a une couleur à la fois claire et grise, et en bouche il est remarquablement bon. Mais il ne trouve sa place ni avec la poularde ni avec le vieux comté. Il se boit avec plaisir et pour lui-même.

Pour la tarte tiède aux pamplemousses, Didier a prévu un vin surprise sans étiquette qui se boit en magnum. Il s’agit d’un Salon, cela ne pose pas trop de problème, et je n’ai pas le souvenir d’avoir bu cette année encore inconnue. Le suspense ne dure pas longtemps et j’ai bu ce millésime il y a moins d’un an. Il s’agit du Champagne Salon 1971. La couleur commence à s’ambrer un peu, la bulle est d’une force impressionnante et le goût est extrêmement envahissant. C’est un champagne de quarante ans qui n’en paraît même pas vingt. Il est particulièrement bon. Il a des notes d’agrumes, de fumé, et sa longueur est extrême. Un très grand champagne.

Nous sommes fiers d’avoir porté le 1999 sur les fonts baptismaux et heureux d’avoir bu un 1971 d’un accomplissement qui justifie la légende Salon.

Une théorie qui a du plomb dans l’aile ! lundi, 28 mars 2011

Les bouteilles de la guerre qui ont une couleur bleue

J’avais entendu dire, et je le croyais, que les bouteilles de vin au verre bleuté que l’on voit pour les années de guerre devaient leur couleur à l’absence de plomb, que la rumeur publique attribuait à la priorité donnée aux munitions plutôt qu’au verre de bouteille.

Or un lecteur fidèle de mes bulletins et grand expert en verres m’écrit ceci :

Cher ami,

Fervent lecteur de vos bulletins et de vos rencontres toujours nouvelles avec les vins anciens et aussi quelquefois des bouteilles anciennes, je me permets de vous contacter au sujet de la couleur légèrement bleue de la période de la guerre dont vous parlez au sujet de la Laville Haut-Brion 1943. Tout d’abord on n’a jamais mis dans les compositions de matières premières des bouteilles, du plomb. Cette couleur peut provenir de différentes causes, à cette époque:

-le manque de soude pendant la guerre faisait que la composition des matières premières étaient sous dosées en soude,

-une mauvaise recuisson de la bouteille avec ouverture intempestive des portes d’accès de l’arche pouvait aussi provoquer cet effet thermo-physique.

-enfin dans certaines circonstances passées, alors que les matières premières utilisées étaient en grande partie d’origine naturelle et non pas chimique, le potassium en surplus dans le sable de carrière pouvait aussi provoquer cette couleur.

A titre anecdotique je vous joins une lettre adressée par Mr de Colnet, Maître de la Verrerie de Quicquengrogne dans le Nord adressée à la Maison de Champagne Clicquot-Fourneaux en 1806.

Bien cordialement

Lettre du : 21/08/1806

M. de COLNET ,maitre de Verrerie de la Verrerie de QUIQUENGROGNE

à M.FOURNEAUX négociant à REIMS , Maison CLICQUOT-FOURNEAUX

Je réponds de suite à votre dernière :vous vous plaignez que les bout. que je vous envoye ont le col bleu et qu’elles sont peu cuites; je vous dis avec vérité Mr , et avec connaissance de cause que c’est la forte cuisson qui les bleuys ,c’est-à-dire qui leur donne la couleur GORGE DE PIGEON. Il faut un milieu à tout cela. il ne faut pas que cela domine trop,ce n’est pas que la bouteille en serait plus cassante au contraire , mais elle ne serait pas aussi belle ; je vais faire soigner pour que le bleu ne domine pas trop.

Quand au poids elles sont portées au plus haut degré, plus forte on ne pourrait pas les fabriquer, d’ailleurs elles ont de 27 28, les 3 quart de 28 , au lieu qu’avant , nous ne traitions que de 26 à 24 et peu de 28. Je compte bien que vous ne perdrez pas 4 par cent ds les tirages que vous ferez de ces bout. car il est impossible de mettre plus de précaution à la manutention des bout. qui se fabriquent pour vous , rien est épargné .

Anciennement Mr Ruinart père qui prenait à la Verrerie 100.000 b. par an et quelquefois plus s’est plaint aussi de trop de bleu, Mr d’Hennezel maître de cette Vie dans Cetius La Luy a proposé de venir voir par lui-même l’expérience et Mr Ruinart a reconnu que plus une bout. était cuite, plus elle était bleue au cou. Il est venu à Anor lui-même et a reconnu son erreur. Je désirerais bien Mr, que vous veniez vous-même sur les lieux , cela me procurerait le plaisir de vous recevoir , et je vous convainquerai que les bout. de ma Verrie sont recuites 36h ,à Anor elles ne le sont qu’à 24-28 et que ds toute autres verries qui fournissent à Reims elles ne le sont que 12h . C’est tout simple, cela suit la Fonte, à ma verrie 25h de fonte d’affinage+13h de travail, à Anor 18h et dans les autres verries 12h, .Cela est connu et la cuisson suit la longueur des travaux et affinage.

Voilà une légende qui tombe. La couleur bleue créée par l’absence ce plomb a du plomb dans l’aile !

146ème diner au Ledoyen – photos vendredi, 25 mars 2011

L’ensemble des vins du dîner

deux photos partielles (on note la belle couleur du Rieussec)

la table éclairée par le soleil de printemps

les bouchons (Pétrus, avec l’année visible, le beau bouchon du Rieussec, les deux bouchons des sauternes)

celui du Ducru Beaucaillou 1934 est venu en morceaux du fait du resserrement du haut du goulot. Au centre, celui du CdP Jaboulet 66 est magnifique (à sa gauche celui de RSV DRC et à sa droite celui du Volnay)

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les plats du dîner, avec des couleurs d’une rare beauté

on voit que la sauce verte à la riquette joue un rôle non négligeable dans le plat de pigeon

le semblant de couscous fut l’objet de controverses. ce ne sera pas la bataille d’Hernani !

la table avec une forêt de verres

146ème dîner de wine-dinners – les vins jeudi, 24 mars 2011

Champagne Bollinger Grande Année rosé 1990

Champagne Salon 1985

Montrachet Marquis de Laguiche Joseph Drouhin 1996

Pétrus 1983

Château Ducru-Beaucaillou 1934

Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1983

Volnay Santenots Lucien Chouet 1966

Chateauneuf-du-Pape Paul Jaboulet 1966

Château Chalon Fruitière Viticole de Voiteur 1966

Château Rieussec 1961

Château d’Yquem 1978

146ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen jeudi, 24 mars 2011

Le 146ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. Les vins ont reposé dans la cave du restaurant pendant une semaine et ont été redressés la veille. A 17 heures, la salle du restaurant bruisse de l’aspirateur, aussi est-ce un bon prétexte pour aller attendre que le ménage soit terminé dans le joli jardin où les jonquilles promettent le printemps.

Le Montrachet 1996 a un bouchon qui vient aisément. L’odeur du vin est riche et prometteuse. Pensant que le Pétrus 1983 est encore très jeune, je veux lever le bouchon au limonadier, mais c’est une erreur car il se brise en deux morceaux, le deuxième étant levé avec ma mèche miracle. En sentant le vin, je pense à la discussion que j’avais eue avec un amateur qui me disait que Pétrus 1983 est connu, dans les guides, pour être un Pétrus faible. Le velouté charmant de ce Pétrus, avec une trace de chocolat décelée par Vincent, le sommelier qui nous accompagnera ce soir, et une belle trace de truffe noire qui remplit mes narines donne tort aux guides, du moins à ce stade du premier nez. L’intérêt de mes dîners est justement de montrer que ce qu’on appelle les petites années sont nettement meilleures que ce qui est proclamé par des gourous qui ont tendance à extrémiser les écarts entre les millésimes.

En extirpant le bouchon de la Romanée Saint-Vivant 1983, très serré dans le goulot, l’éclosion du parfum me donne un large sourire. J’imagine tout-à-fait le voleur de coffres forts, au moment où le dernier clic libère les gonds. J’ai un peu de cette joie intime qui signifie : "encore un qui est réussi". Car toute l’imagerie du Domaine de la Romanée Conti cachée dans mon cerveau se libère instantanément. Et je suis bien. Je suis extrêmement étonné de la qualité absolue du bouchon du Chateauneuf-du-Pape Paul Jaboulet 1966. Car ce bouchon est parfait, souple, idéal. Félicitations à l’acheteur chez Jaboulet de ces bouchons de qualité. L’odeur du vin est plus rustique que celle du bourguignon, mais elle est sacrément charmeuse. Nous verrons. Le Volnay 1966 au niveau bas a un nez de terre et de poussière, avec un bouchon très sec et noir dans sa partie haute. Attendons de voir ce que ce vin simple nous dira.

Le bouchon du Ducru-Beaucaillou 1934 vient en mille miettes. Rien ne veut sortir. Donc j’extirpe et j’extirpe. Les miettes remplissent une assiette. Et j’ai l’explication en promenant mon doigt dans le goulot : il y a un resserrement du verre en haut du goulot qui doit être de près de quatre millimètres pour le rayon. Ce qui veut dire que le diamètre du bas du bouchon doit se resserrer de près d’un centimètre pour pouvoir sortir. Comme c’est impossible, il vient en lambeaux. L’odeur du vin est prometteuse, souhaitons-lui de tenir. Elle évoque la truffe, le café et les bois noirs.

Les deux sauternes sont insolemment parfaits, le Rieussec, moins tonitruant, me semblant plus subtil que l’Yquem. Un beau match en perspective. Est-ce lié ou ne l’est-ce pas, mais je trouve que la couleur du Château Chalon 1966 s’est troublée au moment où j’ai libéré le bouchon. L’odeur première est comme une bouffée de tabac, qui disparaît tout de suite et lentement, les effluves que j’aime de ces vins que je révère font comme la belle au bois dormant, une bise à mes rêves.

Il est temps de mettre les vins au frais, car il fait chaud dans la pièce. Je sens une dernière fois les vins. Tous entament le lent travail de l’oxygénation lente. Curieusement, c’est le Montrachet qui s’est refermé, comme s’il voulait se cacher. Attendons ce soir.

Christian Le Squer vient me saluer, et nous discutons du rouget que j’ai voulu absolument associer au Pétrus. Christian a prévu une eau acidulée poivrée avec le rouget, mais je ne la sens pas. Je demande une tapenade à côté de la chair pure du rouget. Christian est d’accord. Je suis ravi.

Patrick Simiand, directeur du restaurant, avait prévu que le foie gras serait servi en même temps et à côté de l’anguille. Il me semble préférable de les servir en décalé. Tout me semble au point. Je m’habille de frais. Les premiers convives arrivent. Hélas, la gent masculine fait mentir toutes les lois sur la parité, car aucune beauté féminine ne viendra illuminer notre table. Deux seulement des dix convives sont des nouveaux. La finance, les services et les activités intellectuelles ou culturelles forment notre panel.

Le menu composé par Christian Le Squer est : Nougatine chocolatée de foie gras / Anguille pomme verte / Lamelles de Saint-Jacques marinées à cru, écume de mer / Rouget snacké, tapenade / Grillade de Pigeon aux fleurs de navets, jus de riquette / Semoule d’agneau au parfum d’olives / Vieux Comté / Raviole de Fruits Exotiques.

Le foie gras est quelque chose d’assez surréaliste : il commence par un goût de foie gras confortable, puis le chocolat s’installe et pousse le foie gras hors de la place qu’il avait prise, et enfin le poivre règle le compte des deux saveurs précédentes en les chassant. Ce parcours en bouche est étonnant. Et le Champagne Bollinger Grande Année rosé 1990 met de l’ordre dans toutes ces composantes, assurant la cohérence du plat, ce dont on peut lui être reconnaissant. C’est un bon champagne, mais j’aurais tendance à dire que ce n’est qu’un bon champagne. Il ne crée pas l’émotion que l’on pourrait attendre d’une année de grande qualité. Il est bon, il coordonne le plat. Mais il ne va pas au-delà.

En revanche, le Champagne Salon 1985 nous fait grimper de dix étages. Car tout en lui est subtil, complexe et romantique. Ce champagne n’a pas d’âge. Sa couleur est claire, sa bulle est percutante, et son goût est follement jeune. Mais il est merveilleusement assemblé, et nous transporte d’aise par sa complexité. Il est difficile d’imaginer champagne plus brillant que celui-ci. La portion d’anguille est un peu chiche et c’est dommage, car l’accord créé par l’acidité de la pomme verte avec le Salon est un des plus raffinés de ce repas.

Le nez du Montrachet Marquis de Laguiche Joseph Drouhin 1996, c’est les trompettes de la renommée. Une bouffée de puissance et de complexité. Les Saint-Jacques sont présentées de façon remarquable, avec une belle subtilité, qui met en évidence l’insolente sérénité du montrachet conquérant. Cette bombe d’arômes plus divers les uns que les autres où la minéralité et le fruité joyeux dominent est un vrai bonheur. L’accord serein et délicat est un des plus beaux.

Pétrus 1983, c’est Clark Gable dans Autant en Emporte le Vent. La séduction exsude de tous les pores de la peau. Le vin a un nez velouté, tout en douceur comme un coussin profond. En bouche, il est subtil, délicat, mais avec une force de proposition affirmée. Cette année n’a pas la noblesse des 1989 et 1990 pour Pétrus, mais ce vin est grand, sans aucun doute possible. Je suis fier de "mon" accord, puisque je l’ai suscité, car le mariage Pétrus et rouget est diabolique. Il y a une résonance particulière, et le poisson donne de la "râpe" au vin. L’accord avec la tapenade donne de la truffe au vin.

Vincent qui a fait un service remarquable veut servir le Château Ducru-Beaucaillou 1934 en même temps que le Pétrus, mais ce serait de l’assassinat. Aussi est-il servi en deuxième lever de rideau. Une acidité très présente trahit un vin fatigué. Je suis content car l’un des nouveaux convives, amoureux des vins anciens, a pris le soin de "lire" le message du vin derrière l’acidité et a senti ce qu’il y avait d’authentiquement 1934 dans ce Ducru. C’est une belle évocation mais un vin fatigué. Il a bien réagi à la tapenade.

Lorsque mon nez se rapproche du verre qui m’est servi de Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1983, c’est bien la première fois que des sels me feraient m’évanouir. Car ce vin, d’une année cataloguée elle aussi dans les petites, est diabolique de perversité. Capable d’une absence totale d’objectivité, je suis au bord du climax rien qu’en sentant ce vin. Quel grand vin ! Je me pâme. Le pigeon est d’une rare audace avec cette sauce verte d’une salade qui est la cousine montagnarde de la roquette. En tant que tel, le plat est passionnant. Avec le vin, cela devient très intellectuel. Le vin de la Romanée Conti est assez clairet. En bouche, la salinité du domaine s’expose avec évidence, comme si l’on suçait un galet frotté de sel. Le vin est merveilleux. Comme pour les bordeaux, j’ai fait servir avec un décalage le Volnay Santenots Lucien Chouet 1966. Et contrairement à ce qui venait de se passer, le Volnay se place remarquablement bien et dans un moment fulgurant, il a délivré un message de roses rares, qui fut un pur ravissement. Ce flash instantané de roses pures m’a ému.

Un ami très cher, brillant amateur, est d’une dureté extrême envers le plat qui évoque le couscous. Et c’est vrai que le plat, sans viande pure et uniquement avec des farces, a du mal à trouver sa place dans ce repas. Mais je suis beaucoup moins critique que mon ami. Car la résonance s’est quand même faite avec le Chateauneuf-du-Pape Paul Jaboulet 1966 beaucoup plus raffiné que ce qu’on attendrait. C’est un vin simple et joyeux, jouant sa partition un ton au dessus de ce qu’il devrait. Ce vin naturellement plaisant nous a conquis.

Le comté de 36 mois est magnifique car il ne fait pas trop affiné. Le Château Chalon Fruitière Viticole de Voiteur 1966 crée un de ces accords dont on ne se lasse pas. Mais c’est du vin que je me suis un peu lassé, car il a joué "en dedans" de ce qu’il pourrait donner.

Alors que le programme prévoyait que l’on finisse sur l’Yquem, en goûtant les deux sauternes il m’apparaît qu’il faut commencer par l’Yquem et attendre avant de boire le Rieussec, dont les propriétaires, dans le passé, étaient les grands parents de l’un des convives.

Le dessert, alors que j’ai toujours peur des sorbets pour la préservation du palais, est idéal pour le Château d’Yquem 1978. C’est un Yquem plein et joyeux, mais comme pour le Bollinger de début de repas, je trouve qu’il ne joue pas au niveau qui est le sien. Et je pense qu’il faut aujourd’hui oublier d’ouvrir ce millésime qui connaîtra une vocation tardive. Je le vois bien suivre un parcours comme celui du Filhot 1935 maintes fois mis dans mes dîners, qui est éblouissant depuis qu’il a dépassé ses 60 ans.

Le plus jeune sauternes ne peut pas voler la vedette au Château Rieussec 1961 diabolique de séduction et d’un raffinement rare. L’Yquem est encore un jeune non encore décoffré, alors que le Rieussec est un Vert Galant. Tout en lui est élégance, avec des mangues, des fruits exotiques pleins son panier.

Le repas s’est passé dans les rires et nous avons le plus souvent été éblouis par la pertinence des accords. Il est temps de voter et ce n’est pas si simple. Nous sommes dix à voter pour cinq vins préférés.

Sur les onze vins, neuf ont eu des votes, ce qui me plait toujours, et je suis heureux que les fantassins, le Volnay ait eu quatre votes et le Chateauneuf-du-Pape ait eu trois votes. Encore un autre sujet de satisfaction, cinq vins ont eu des votes de premier, ce qui est assez extraordinaire et montre à quel point les préférences des convives sont liées à des multitudes de critères différents. Cela relativise les jugements péremptoires de gourous qui voudraient nous dire "la" vérité des vins. Le Rieussec a eu quatre votes de premier, le Salon et le Montrachet deux votes de premier, la Romanée Saint Vivant et le Volnay (eh oui !) ayant un vote de premier.

J’ai proclamé un peu vite les résultats en plaçant en tête le Rieussec aux quatre places de premier, alors que le Pétrus, qui n’a pas eu de place de premier a eu cinq places de second et trois places de troisième, seul vin à figurer dans les dix feuilles de votes.

Le classement du consensus serait : 1 – Pétrus 1983, 2 – Château Rieussec 1961, 3 – Montrachet Marquis de Laguiche Joseph Drouhin 1996, 4 – Champagne Salon 1985, 5 – Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1983.

Mon vote est : 1 – Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Pétrus 1983, 3 – Château Rieussec 1961, 4 – Montrachet Marquis de Laguiche Joseph Drouhin 1996, 5 – Champagne Salon 1985.

Nous avons exploré de nombreuses régions de France avec des vins de grand prestige mais aussi des fantassins qui ont tenu leur place crânement. Le plus bel accord, pour mon goût, est celui de Pétrus et du rouget, qui est, on me le pardonnera, ma petite coquetterie. Les Saint-Jacques avec le Montrachet ont formé un accord très naturel alors que l’accord anguille et Salon est totalement excitant. La riquette avec la Romanée Saint-Vivant fait partie de ces audaces qu’il faut tenter.

Nous avons eu mille raisons de nous réjouir, dans une ambiance chaleureuse et souriante. Le service du restaurant Ledoyen est parfait. On s’y sent bien. Ce fut un grand dîner.

Homage to Mouton in a dinner to make in 2011 mardi, 22 mars 2011

This is a mad dinner. I hope to make it in 2011 with wines of 50 years, 100 years and 200 years of age.

And with two wines of 1900.

Champagne Salon 1964

Chateau Mouton-Rothschild 1911

Chateau Mouton-Rothschild 1900

Chateau Mouton-Rothschild 1928

Chateau Mouton-Rothschild 1945

Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet aîné 1961

Chateau d’Yquem 1900

Cognac réserve de l’Empereur au chateau de Fontainebleau 1811

l’union des crus classés de Graves présente les 2008 jeudi, 17 mars 2011

Sortant de table à une heure qui est presque encore politiquement correcte, je me rends au ministère de l’agriculture où l’union des crus classés de Graves fait goûter ses 2008. Entrer dans des lieux où les ors le disputent aux trésors architecturaux en se disant "c’est nous qu’on paie" donne des envies de Grand Soir.

L’esprit citoyen reprend le dessus et dans une belle salle plus haute que large aux peintures agrestes et aux lambris lourds, des vignerons prestigieux font goûter leurs vins. Je commence par serrer des mains, comme si j’étais déjà en campagne pour les présidentielles, et le premier vin que je bois, à tout seigneur tout honneur, est le Château Haut-Brion rouge 2008. C’est objectivement un très grand vin. Par contraste le Château La Mission Haut-Brion 2008 est beaucoup plus rond, plus fruité et déjà très agréable à boire. On a donc deux vins qu’il est inutile de comparer, puisqu’ils n’ont pas appuyé sur la pédale de l’accélérateur au même moment.

Tous les rouges que je bois, Haut-Bailly, Carbonnieux, domaine de Chevalier, Malartic Lagravière, sont remarquablement faits, avec bien évidemment des différences, mais avec une constante : en cette année 2008, les vins sont élégants et n’en font pas trop, ce qui les rendra à terme extrêmement plaisants. Je suis très impressionné par leurs belles qualités, car j’aime moins les vins jeunes qu’une année puissante extrêmise. Le seul blanc que je bois me suffit, car il est tellement riche et complexe que je n’ai pas besoin de le confronter. C’est Château Laville Haut-Brion 2008, un très grand vin.

Trois jours à peine après avoir goûté les plus grands des vins de Bourgogne de 2008, ces grands crus classés de Graves de haut niveau me montrent que l’année 2008 correspond à mon tempérament, en offrant des vins qui n’en font pas trop et jouent sur la délicatesse et l’élégance.

déjeuner au restaurant Jean François Piège jeudi, 17 mars 2011

Trois fois par an, nous nous réunissons pour déjeuner, ma sœur, mon frère et moi. Aujourd’hui, pour le 102ème anniversaire de la naissance de notre père, j’invite au restaurant Jean-François Piège de l’hôtel Thoumieux, que je visite pour la première fois. Arrivant peu après midi, on me fait comprendre que le restaurant gastronomique n’est pas encore ouvert. J’attendrai donc en silence. Je vais aux toilettes, qui n’ont pas été préparées pour ce service, et quand je demande la carte des vins, on me répond qu’elle n’est pas disponible. A ma deuxième demande, on me dit que c’est parce que l’on est en train de mettre à jour les prix. N’ayant rien d’autre à faire, je sors sur le trottoir en me disant que ce premier contact n’est pas le meilleur possible. Lorsque nous sommes au complet, il faut récupérer les manteaux, car nous sortons sur le trottoir pour entrer par une porte voisine au restaurant gastronomique du premier étage. Lorsque l’on pénètre dans la salle du restaurant, on se demande : "est-ce bien là", car aux tables déjà occupées, les gens sont attablés, sans nappe, sans couverts et sans verre. Nous sommes quatre à une belle table fermée par deux canapés profonds et nous nous calons avec des coussins. La décoration est très originale et elle me plaît. Deux petites nappes sont posées sur notre table et le service se montre attentionné. La carte des vins est très complète et mérite des compliments, car si certaines bouteilles sont margées lourdement, il y a de quoi trouver de bonnes pioches dans toutes les régions.

Le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1998 est d’une sérénité redoutable. Il est aussi confortable que nos canapés profonds. On se sent bien, ravis de goûter un champagne qui est l’archétype du grand champagne. Il est fruité, emplit la bouche de mille saveurs sans faire perdre le confort. Les amuse-bouches sont délicieux. Ils sont la carte de visite de Jean-François Piège car on sent tout le talent du chef. L’articulation du menu est très intelligente, puisque sur la base de sept plats, on peut composer un menu avec des plats plus ou moins nombreux. L’idée est bonne. Jean-François Piège venu nous saluer nous suggère un vin blanc, de simple appellation, dont il pense qu’il deviendra grand. Nous suivons la suggestion du chef. Le Bourgogne Aligoté Anne Boisson 2008 aura du mal à faire oublier qu’il est jeune et vert, mais Jean-François a eu raison de le suggérer, car son fruité est très agréable. Je ne l’aurais évidemment pas choisi sans cette suggestion.

Les asperges sont divines, croquantes à souhait, et s’accordent bien avec la verdeur du vin blanc. Les langoustines sont merveilleusement préparées, avec des arômes débordants de générosité. Le foie gras poêlé qui accompagne est une pure gourmandise, fondant à souhait.

J’ai eu peur que les légumes verts qui accompagnent le bar n’empêchent de profiter de l’accord avec le Pommard 1er Cru les Pézerolles domaine de Montille 2006. J’ai donc demandé qu’on mette le bar sur une assiette séparée pour que je profite d’un Pommard d’une délicatesse infinie, jouant sur sa pureté et son authenticité. Tout en lui est délicat, et tellement loin de certaines tendances qui font oublier qu’un vin léger peut aussi être racé. En fait, la sauce truffée permet à la salade de s’accorder au vin.

Les desserts sont très élégants et raffinés. La cuisine du chef est d’un épanouissement serein. On sent qu’il aime ce qu’il fait. Il est bien chez lui. Matthieu a fait un beau service ainsi que notre jolie serveuse. En quittant le restaurant, le seul commentaire qui s’impose est : "on y revient !".

déjeuner J.F. Piège – photos jeudi, 17 mars 2011

la salle du rez-de-chaussée dont la décoration fait trop géométrique

les plats délicieux – j’ai mis en gros la photo de la baguette, car ça, c’est du génie. Tous les pains plus compliqués les uns que les autres, c’est bien, mais la baguette, c’est mieux

Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1998

Bourgogne Aligoté Anne Boisson 2008

Pommard 1er Cru les Pézerolles Domaine de Montille 2006

photos de Rayas mercredi, 16 mars 2011

Voici quelques bagues de millésimes

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sur le forum de la passion du vin une discussion s’est lancée sur des faux Rayas 1978. La mention "0,75" sur l’étiquette serait l’indice de faux Rayas.

Voici l’achat de 4 Rayas que je viens de faire :

D’abord, les quatre contre étiquettes, dont on remarque que la droite n’est pas dans l’axe du triangle :

la typographie est proche de l’étiquette du 1970

Les capsules des 1978

Par comparaison les capsules de trois 1988 achetés au même moment et qui semblent avoir plus souffert

les étiquettes des quatre 1978

Au vu de ces bouteilles, j’ai beaucoup de mal à imaginer qu’ils s’agisse de faux. Car les capsules ont "vécu" et les étiquettes, dont deux sont en lambeaux, ne peuvent pas avoir été collées récemment. Quand aux bagues de millésimes, elle semblent collées depuis longtemps.

Rajoutons à cela la couleur des vins, qui semble d’époque. Alors vrai ou faux ?