Gare de Tokyo et Gare de Lyon mercredi, 15 décembre 2010

Après avoir dormi seulement trois heures, je prends avec mon épouse un train en direction d’Avignon pour assister aux obsèques d’une cousine très chère emportée par une maladie incurable. Lorsqu’on a le souvenir des gares de Tokyo, Kyoto et Fukuoka, arriver à la Gare de Lyon fait un choc. Comment un pays comme la France peut-il revendiquer le rang de grande puissance ou se croire encore dans le peloton de tête des pays de la planète, s’il accepte que l’on vive dans une telle saleté. Tout ici est sale. Les abords de loueurs de voitures sont des pièges à saleté et croulent sous les odeurs d’urines des voyageurs qui ne veulent pas payer pour se soulager.

Des toilettes publiques sont fermées, sans doute parce que la dame-pipi a pris ses RTT. Bon. Nous allons à d’autres toilettes, et là, le spectacle est assez édifiant. Une femme plantureuse est assise derrière une grande vitre trouée d’un hygiaphone. Autour d’elle, des fleurs en plastique qui n’ont pas connu de plumeau depuis des lustres. Elle dialogue avec un micro donnant du volume à sa voix, et sa seule préoccupation est de recueillir les 50 centimes nécessaires aux hommes pour une place debout ou la somme correspondant aux places assises. J’imagine volontiers que les feuilles de papier sont données au compte-goutte, car les distributeurs sont tous vides. On est obligé de passer par un tourniquet étroit qu’elle libère si l’on a payé. Les jeux de valises qui ne passent pas par le tourniquet sont assez cocasses. Et à l’intérieur, c’est la saleté congénitale des français qui nous a tellement dépréciés aux yeux des étrangers. Il est évident que cette femme est d’abord caissière – on imagine assez bien les problèmes des étrangers sans monnaie – et en aucun cas nettoyeuse de ces édicules. C’est honteux, indigne, et montre que notre pays s’enfonce en courant dans son sous-développement.

Les TGV eux-mêmes sont sales, les toilettes dans les trains sont d’une grande saleté. Qui aura un jour l’envie de redonner à la France l’envie d’être fière d’elle-même ? Et rien ne peut se construire s’il n’y a au départ la recherche de la propreté, de l’amabilité, du respect des autres. Penser qu’il y a des princes qui nous gouvernent qui considèrent comme une chance d’ajouter encore en France dix millions de personnes de plus dans les trente ans à venir ! On aimerait bien qu’ils remettent les pieds sur terre, passant plus de temps à observer la France telle qu’elle est devenue, plutôt que de doser si une alliance avec les centristes sera plus porteuse de voix au moment des régionales ou de la présidentielle qu’une alliance avec le diable frontiste.

France, qu’es-tu devenue ?

143ème dîner – les vins mercredi, 15 décembre 2010

Champagne Laurent Perrier 1973

Champagne Krug Clos du Mesnil 1988

Montrachet Bouchard Père & Fils 1939 (étiquettage pour la livraison par Bouchard, rebouchage déjà ancien)

Château Mouton-Rothschild 1944

Château Ausone 1959

Echézeaux Henri Jayer 1984

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981

Richebourg Morin Père & Fils 1923

Hermitage La Sizeranne Grande Cuvée sans année

Château d’Yquem 1874 (année très lisible sur le bouchon d’origine)

Château d’Yquem 1967 (ajouté de peur que l’Yquem 1874 ne soit pas à la hauteur)

Vin de Chypre 1845 (ajouté de peur que l’Yquem 1874 ne soit pas à la hauteur)

143ème dîner – photos mercredi, 15 décembre 2010

photos de groupe

les vins rouges

le bouchon du Montrachet 1939 est curieux, car le haut est "brûlé"

le bouchon de la Romanée Conti montre un problème en haut de boucho, mais qui n »a pas affecté le bas du bouchon

le magnifique bouchon de l’Ausone 1959 et le bouchon du vin d’Henri Jayer

les bouchons des deux Yquem, le 1967 et le 1874

ce bouchon minuscule est celui du Chypre 1845. Il a parfaitement joué son rôle

tous les bouchons

Tomo et Akiko qui sont venus en kimonos en honneur de ce repas

Les plats

Les ors et les stucs

143ème dîner de wine-dinners au restaurant Les Ambassadeurs du Crillon mardi, 14 décembre 2010

Lorsque Jésus-Christ a ressuscité Lazare, on peut imaginer assez volontiers qu’il ait éprouvé une certaine fierté en pensant : "ce pouvoir, c’est moi qui l’ai". Toutes proportions gardées j’ai ressenti une immense fierté lorsque des vins que tout le monde eût rejetés, écartés, vidés à l’évier ont non seulement vécu mais brillé au firmament. Les vignerons ont fait des vins. Leur mort était annoncée au moment de l’ouverture. Et par le miracle de l’oxygénation lente, ils ont ressuscité. Ce sera le signe majeur du 143ème dîner de wine-dinners qui se tient au restaurant Les Ambassadeurs de l’hôtel de Crillon.

L’ouverture des vins commence à 17 heures. Les odeurs du Mouton 1944 et de l’Ausone 1959 sont rassurantes et subtiles. Celle du vin d’Henri Jayer est prometteuse, et je jubile en sentant la Romanée Conti 1981, car elle sera brillante ce soir. Les fragrances du Montrachet 1939 sont encore incertaines. Lorsque je coupe le haut de la capsule du Richebourg 1923, le bouchon est recouvert de poussière noire, et la bouteille exhale une odeur de terre, de la terre riche et lourde. J’enlève le bouchon et l’examen olfactif dans la bouteille est faussé, car le col est encore imprégné de cette forte odeur de terre, qui pourrait avoir marqué le vin.

Lorsque j’avais fait les photos des bouteilles en cave il y a une semaine, j’avais remarqué une goutte perlant sur la capsule de l’Yquem 1874. Je l’avais portée à mes lèvres, et ce n’était pas franchement engageant. De peur d’une contreperformance de ce vin qui m’avait intéressé puisqu’il a encore son bouchon d’origine, ce qui promet généralement des goûts plus purs, j’avais ajouté dans ma livraison pour ce dîner un Yquem 1967 et un vin de Chypre 1845. Ouvrant le 1874, j’ai hélas la confirmation que mes craintes étaient fondées, car la puanteur qui se dégage n’a aucune chance de se résorber. Un nouveau participant de mes dîners, venu assister à l’ouverture des vins, constate l’ampleur des dégâts olfactifs. C’est le seul vin pour lequel je verse un peu dans un verre. Le nez est détestable, l’attaque en bouche est assez agréable, mais le final est affreux, laissant une trace en bouche très désagréable. Pour moi, la cause est entendue. L’Yquem 1967 est glorieux, le vin de Chypre 1845 est un péché mignon. Je replie mes outils en pensant à l’incertitude du Montrachet 1939, à la trace de terre du Richebourg 1923 et à la déroute annoncée de l’Yquem 1874.

Mes amis japonais arrivent en avance, habillés tous les deux en kimonos. Celui d’Akiko est d’une rare beauté. Je fais goûter à Tomo l’Yquem 1874 et il est quasi certain que le final du vin ne se reconstituera pas.

Les convives se regroupent dans la magnifique salle presque aussi haute que large, aux stucs et marbres caramel. Nous sommes dix dont deux seulement sont des nouveaux.

Le menu composé par Christopher Hache est ainsi énoncé : Amuse bouche: Le suprême de caille au foie gras / Le saumon bio cuit à l’étouffée, chips de salsifis et sabayon aux épices / Le Saint-Pierre doré, carottes grenailles étuvées au gingembre / Le Ris de veau, poêlée de champignon de saison / La Tourte de Gibier, accompagnée de coulis de truffe noire / Plateau de vieux fromages affinés / Ile flottante gaspacho de mangue, passion et pamplemousse rose / Financiers parfumés à la réglisse.

Le Champagne Laurent Perrier 1973 a une couleur d’un ambre légèrement grisé, la bulle est peu active, le nez délicat et le vin a le charme de l’âge, belle démonstration de la richesse évocatrice des champagnes anciens. Je ne le trouve pas tout à fait parfait, car il a un léger manque d’équilibre, mais cela ne semble gêner personne. L’amuse-bouche lui donne une ampleur certaine et finalement ce champagne est porteur de plaisir.

Quand arrive le Champagne Krug Clos du Mesnil 1988 on ne peut que faire "wow", car c’est une explosion de jeunesse. Ce champagne est à l’apogée de ce que peut être un champagne encore jeune, ou plutôt toujours jeune. Son acidité est exceptionnelle. Le saumon bio a été cuit à basse température. Christopher nous dira plus tard : "à température du corps". Il est moelleux et fondant mais c’est avec le sabayon discrètement acidulé que nos goûterons l’un des accords les plus réussis de ce dîner. Le Krug est immense, puissant, fruité, joyeux et à l’acidité bien trempée. Le repas démarre bien.

Je suis servi des premières gouttes du Montrachet Bouchard Père & Fils 1939 et instantanément je sais que ce sera le plus grand des 1939 que j’ai bus de ce vin. Le nez est plein de charme et en bouche, c’est la sérénité qui en impose. Il est fruité, bien construit, et comme il est d’une année froide, c’est par sa précision qu’il emporte notre adhésion. L’accord avec le saint-pierre divinement cuit fait partie, avec le précédent, des deux plus beaux.

Jamais je n’aurais imaginé qu’un Château Mouton-Rothschild 1944 puisse être aussi brillant. Sa couleur est d’un rouge rubis intense, sans trace de vieillissement. Qui dirait qu’un 1944 puisse avoir cette puissance, cette charpente solide ? C’est un beau Mouton très Pauillac, à un niveau que nous n’attendions pas. A côté de lui, le Château Ausone 1959 a une couleur noire, un parfum impératif et révèle un goût proche de la perfection absolue. C’est un très grand vin riche, très rive droite, qui ne fait pas d’ombre au Mouton, les deux reprenant les caractéristiques archétypales de leurs terroirs. La texture du ris de veau, un peu molle, n’a pas permis un accord enrichissant les vins.

Comme chaque fois lorsque les bordeaux sont parfaits, on se demande si les bourgognes vont supporter le choc. Nous allons en aligner trois sur une tourte magnifiquement exécutée, mais dont la sauce lourde serait plus adaptée à des vins du Rhône qu’a des bourgognes délicats. L’Echézeaux Henri Jayer 1984 a une robe d’un joli rose pâle. Le nez est distingué et tout en ce vin révèle le talent de celui qui l’a fait. C’est le pinot noir dans sa gloire. Il est fluide, distingué, strict et élégant.

Le premier contact avec la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981 m’a donné, j’ose le dire, des frissons. Le plaisir de rencontrer une Romanée Conti parfaite devient physique. Le nez est noble et les roses sont d’une évidence criante. En bouche, les roses et le sel sont le socle du discours courtois et élégant. Tout en ce vin est d’une exquise séduction.

Les évocations de terre ont complètement disparu lorsque l’on sent le Richebourg Morin Père & Fils 1923. Le temps d’oxygénation a fait son œuvre. Les nouveaux sont consternés et se demandent comment il est possible qu’un vin de 87 ans puisse avoir une telle jeunesse. Ce 1923 est le plus puissant et le plus fruité des trois vins, avec une mâche gourmande de jeune vin. Il est brillant et me rappelle les joies que j’ai eues avec les Nuits Cailles du même Morin de 1915. La tourte serait nettement appréciée si elle avait été seule sans sauce. Elle aura voyagé seule sans entraîner les trois vins splendides. Un des piliers de mes dîners, volontiers taquin, plus porté vers l’humour qui chambre que sur le compliment a salué la série des huit vins bus jusqu’alors en signalant leur niveau extrême. Un sans faute.

J’ai ajouté dans le programme un Hermitage La Sizeranne Grande Cuvée sans année que je subodore être des années 70. Facile à lire, serein, sans la moindre complication, il est extrêmement plaisant. Il accompagne les fromages, pour moi un saint-nectaire.

Mes avertissements de début de repas sur la mort certaine de l’Yquem 1874 sont renouvelés, aussi, quand on me sert le Château d’Yquem 1874, chacun attend le verdict. Je n’en crois ni mon nez ni mon palais, car le vin n’a plus le moindre défaut dans son final. C’est à peine croyable. Un des convives qui en est à son deuxième dîner me soupçonne de cultiver un effet de style, car chez Patrick Pignol, La Tâche 1982 avait été annoncée morte et avait aussi montré un spectaculaire retour à la vie. Heureusement, le nouvel ami qui avait assisté à l’ouverture a confirmé que l’Yquem tout à l’heure était vraiment mort. Le vin que nous buvons a un vrai nez d’Yquem. Il n’est pas flamboyant, mais il est précis. Et en bouche, c’est un bel Yquem, onctueux, dont le fruit est en partie masqué par des traces de caramel. Le dessert est très adapté à ce vin.

Le Château d’Yquem 1967 est d’une insolente jeunesse et d’une perfection qui nous nargue. Il n’y a pas une fausse note et c’est "le" bel Yquem dont on rêve, à la longueur infinie. Mais ce jeunot ne fait pas ombrage au 1874 qui continue de briller et de s’assembler encore. La succession des sans faute est saisissante.

Ne me demandez pas d’être objectif envers le Vin de Chypre 1845, je ne peux pas. Rien dans mon firmament ne brille autant. Ce vin lourd comme un parfum, capiteux comme aucun autre est en fait un vin sec. Il a une fraîcheur désarmante, un poivre raffiné, et cette petite touche de réglisse qui ajoute à son élégance. A ce stade, nous sommes tous impressionnés de constater que tout a fonctionné sans faute.

Les votes ne sont pas faciles. Ils sont extrêmement variés, ce qui me plait. Sur douze vins dix ont eu des votes sur les bulletins comprenant cinq vins. Je jubile de constater que six vins ont eu au moins un vote de premier pour neuf votants. L’Yquem 1874 a eu quatre votes de premier, ce qui est renversant lorsqu’on songe à son ouverture. Cinq autres vins ont été couronnés d’un vote de premier : Ausone 1959, Romanée Conti 1981, Richebourg 1923, Yquem 1967 et Chypre 1845.

Alors que je m’attendais à ce que tout le monde me suive pour couvrir le vin de Chypre de lauriers dorés, il fut très peu choyé dans les votes, ce qui montre bien que mon enthousiasme n’influence pas les votes des convives aux préférences variées et différentes.

Le vote du consensus est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981, 2 – Château d’Yquem 1874, 3 – Château d’Yquem 1967, 4 – Château Ausone 1959, 5 – Vin de Chypre 1845.

Mon vote est : 1 – Vin de Chypre 1845, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981, 3 – Montrachet Bouchard Père & Fils 1939, 4 – Château Ausone 1959, 5 – Château d’Yquem 1874.

Les vins de ce soir ont été très brillants, avec de divines résurrections. La cuisine de Christopher Hache est très assurée et agréable, car elle est naturellement compréhensible. Il y a encore des accords à améliorer mais deux ou trois furent de belles réussites. Le service est toujours aussi attentionné, celui du vin étant exemplaire. En nous quittant, nous savions que nous avions vécu un moment unique avec des saveurs inoubliables.

déjeuner au restaurant Apicius lundi, 13 décembre 2010

Un ami de mon gendre m’invite au restaurant Apicius. Dans le beau jardin, les décorations de Noël sont du plus bel effet. Arrivé en avance, on me propose une coupe de Champagne Cuvée 1522 Philipponnat 2000. Ce champagne est charmeur, plein, à peine fumé. Avec des saveurs dorées de fruit, il emplit la bouche avec générosité. L’atmosphère au bar est joyeuse. On sent que ce sont des habitués qui l’occupent.

Nous passons à table dans une salle dont la décoration me plait toujours autant. Jean-Pierre Vigato, selon son habitude, vient nous proposer des plats qui ne sont pas à la carte, diablement tentateurs, car l’homme, mais aussi les intitulés sont charmeurs. J’ai pris une composition faite d’une huître de Marennes et d’un huître belon avec une langoustine crue et une coquille Saint-Jacques crue dans un jus iodé fait de l’eau des huîtres. Notre plat de résistance sera commun : un râble de lièvre et betterave. Pour préserver notre après-midi, nous déjeunons au champagne suggéré par le sommelier, un Champagne Henri Abelé 1996 très vineux. Il est plus sec et plus strict que le Philipponnat, mais il est taillé pour la gastronomie.

Jean Pierre Vigato m’avait prévenu que l’entrée serait iodé, mais à ce point là, je ne m’y attendais pas. Même si j’aime l’iode, on est dans l’excès. Il faut vraiment s’accrocher et les saveurs qui sont intéressantes gagneraient à être dégustées avec un bémol. Le bonheur, c’est le râble. C’est le chef lui-même qui vient découper une magnifique pièce, d’un beau rose à la colonne. La viande est tout simplement divine. Le champagne trouve une résonnance vibrante avec le râble. Bravo le sommelier.

Le dessert sied au champagne. Voilà un bien joli déjeuner.

Grand Tasting quelques photos samedi, 11 décembre 2010

Armin Diel et Michel Bettane avec lesquels j’ai partagé la truffe blanche de Michel au Carré des Feuillants

En coulisse, préparation des champagnes Krug

Olivier Krug présentant Krug

Bernard Hervet présentant des chambertins

Pierre Lurton Pierre Trimbach, Jean Merlaut, Bérénice Lurton et Michel bettane et Thierry Desseauve me souriant

Pierre Emmanuel Taittinger présentant ses champagnes rosés

Jean Valmy Nicolas, Catherine Péré Vergé et Nicolas de Bailliencourt présentant leurs pomerols (La Conseillante, Le Gay et Angélus)

Matthieu Kauffmann présentant les champagnes Bollinger

Grand Tasting Master Class Le génie européen samedi, 11 décembre 2010

Le Grand Tasting se tient comme chaque année au Carrousel du Louvre. C’est le rendez-vous incontournable des amoureux du vin, qui permet de parfaire la connaissance des domaines que l’on aime, mais aussi d’avoir accès à des vins inaccessibles pour beaucoup. Il y a de nombreux stands mais aussi une animation assez exceptionnelle de « Master Class » et d’ateliers du goût. Ayant la chance de pouvoir assister aux « master class » aux côtés de Michel Bettane ou de Thierry Desseauve, j’ai usé de cette possibilité.

La première séance est celle du « génie européen du vin ». Le Montevetrano italien 2007 a un nez très jeune, dense, un peu pincé. En bouche, le vin est boisé mais élégant. Il est très construit, au final léger, frais, mentholé. Ce vin du sud de Naples aux cépages bordelais bien utilisés est très tannique. Malgré sa fraîcheur, je le trouve un peu brutal dans sa jeunesse. Le propriétaire voulait faire goûter le 2001 mais du fait des neiges, il n’est pas arrivé.

Le Pingus Ribeira del Duero 2006 a un nez qui est une bombe. C’est de l’espagnol musclé. En bouche il est particulièrement agréable et frais. Il est poivré. Le final est de cassis, poivre et bois, mais de très grande élégance. Ce vin est gourmand et sensuel. Michel Bettane dit "suave". On est dans le baroque, mais très raffiné.

Le Riesling Dorsheim Burgberg Auslese Shlossgut Diel 1998 a un nez de Riesling élégant. En bouche il a du perlant et beaucoup d’acidité. La persistance en bouche est très grande. Il est très « pâtisserie », fruit confit et lait. Le vin sera grand dans quelques années. La fraîcheur est extrême.

Oremus Tokaji Aszu 1999 est un 5 puttonyos. Le nez est complexe et raffiné. Les raisins Aszu sont surmûris et donnent un jus qui est rajouté au vin blanc. En bouche c’est extrêmement élégant. Il y a la complexité, la richesse et la légèreté. La couleur brune est d’une rare limpidité. Le vin est joyeux, fluide, élégant et n’a pas besoin de vieillir pour donner un plaisir sans mélange. Il est d’une totale séduction. Sa trace en bouche est indélébile. C’est un très grand vin.

Le Ramos Pinto, Porto Vintage 2003 est d’une élégance saisissante. Sa couleur est d’un jus de cassis. Le nez est très élégant. En bouche, ce qui marque, c’est la légèreté et la fraîcheur. C’est assez étonnant de la part d’un Porto. La force alcoolique de ce vin fait penser à de la grappa que l’on aurait mélangée à un jus très léger. Les tannins très forts sont liés à une année caniculaire.

Ce voyage en Europe est très convaincant, tous ces vins étant caractérisés par l’élégance et la fraîcheur.

Grand Tasting Master Class Krug samedi, 11 décembre 2010

La Master Class suivante est la présentation de champagnes Krug par Olivier Krug. Commencer par le Champagne Krug Clos du Mesnil 1998 est assez original, car débuter par le plus rare n’est pas habituel. Mais Olivier considère que l’âme de la maison Krug, c’est l’assemblage, qui conduit notamment à la Grande Cuvée. Commencer par ce vin monocépage puisqu’il n’y a que du chardonnay, c’est commencer par le plus facile à faire. Le champagne a une belle couleur. La bulle est à peine visible. Le nez est un peu beurré. Dans le goût il y a de la noisette. La persistance aromatique est extrême, la longueur est grande. On trouve du beurre, de la noisette et quelques fruits secs. Michel Bettane parle de l’autolyse de levures nobles qui explique ses goûts.

Le Champagne Krug 1998 a une bulle fine. Il est plus charmeur que le Clos du Mesnil qui vieillira plus. Il a une belle structure. Il y a moins de persistance aromatique que pour le Clos, mais c’est un vin de grande élégance. C’est un « vrai » champagne. Il est meilleur à ce stade que le Clos, très riche, très vineux et de longueur extrême.

Le Champagne Krug 1995 a une couleur nettement plus ambrée. Il y a peu de bulles et le nez est assez strict. En bouche on sent la crème, le beurre, les levures et les fruits secs, mais aussi des gâteaux comme dans une pâtisserie. Il est très élégant et profond. Je l’aimerais volontiers un peu plus vieux. Le fruit s’élargit, très noble. La persistance aromatique s’amplifie. Le final est beurré. Je l’adore.

Que ce soit Rémi Krug ou Olivier maintenant, leur cœur penche vers le Champagne Krug Grande Cuvée, car c’est le savoir-faire de Krug. Il transcende les millésimes, fait avec 150 vins de réserve dont le plus vieux est de 1995. Je le trouve un peu amer, avec un peu de pomme dans le goût. Il a une belle structure, mais je préfère les « Grande Cuvée » un peu plus âgés.

Nous finissons par le Champagne Krug Collection 1989. Ce champagne est à mon goût magnifique, car on sent l’effet de l’âge. Il y a du champignon, du sous-bois exposés délicatement. C’est un millésime qu’Olivier Krug aime beaucoup.

Cette présentation de champagnes rares est d’une extrême générosité si l’on pense aux quantités produites de ces vins d’exception.

Grand Tasting Master Class Le génie du chambertin samedi, 11 décembre 2010

La Master Class suivante à laquelle j’assiste a pour nom : « le génie du Chambertin ». La présentation est faite par Bernard Hervet, l’un des plus compétents vinificateurs de la Bourgogne.

Le Latricières Chambertin est le moins chambertin des chambertins car il est au sud, proche du Clos de la Roche. Le Latricières Chambertin domaine Louis Rémy 1999 a une couleur rose claire, et un nez subtil. En bouche, c’est très élégant. C’est un vin très fin. D’une grande précision et très délicat, il est déjà très bon à boire. Bernard Hervet dit que c’est un vin à boire jeune.

Le Mazis-Chambertin domaine Faiveley 2008 est du Mazis Haut. Il est d’un rose rubis. Le nez est puissant. Le vin est très pur, au joli fruit. Il est très bien fait, avec un peu de poivre et ne demande qu’à s’ouvrir. Il est de belle fraîcheur, un peu sec. Il va bien vieillir. Le mot qui lui convient est précision.

Le Clos de Ruchottes Chambertin domaine Armand Rousseau 2005 est plus coloré que le Mazis. Le nez est divin. Quel charme ! En bouche, il est d’une folle élégance, d’un charme inégalable. Il est grand. De bel équilibre, c’est un vin de plaisir.

Le Chambertin domaine Rossignol Trapet 2005 a une couleur encore plus dense. Le nez est un peu plus fermé mais séduisant. Il est encore dans les limbes, mais il annonce une puissance énorme. Il en a sous la pédale comme on dit. Moins précis que le Rousseau, c’est un grand vin riche, fait de beaux raisins.

Michel Bettane avait annoncé en début de séance que le Chambertin Clos de Bèze domaine Pierre Damoy 2002 n’est pas arrivé. Mais comme la cavalerie américaine qui arrive toujours à la fin des films de John Wayne, nous allions plier nos affaires quand on nous crie : « il est là ». Le temps de l’ouvrir et nous découvrons un vin d’un rose gris mais très beau, au nez très affirmé et riche. Voilà un vin souple, voluptueux, rond et riche. C’est un vin plein qui nous laisse deviner les ébauches de pétales de rose qui apparaîtront dans quelques années.

La comparaison de ces expressions de climats des grands crus du Chambertin est absolument passionnante.