dîner de jeunes amateurs avec deux La Tâche mercredi, 13 octobre 2010

C’est par un forum que je suis entré en relation avec un groupe de jeunes amateurs. Ils avaient envie de découvrir La Tâche et se sont regroupés pour en acheter une. Nicolas, mon correspondant au sein de ce groupe me demande des conseils sur le millésime à acheter. Il s’adresse au domaine de la Romanée Conti qui lui donne accès à une 1991. Nicolas me propose de venir goûter cette bouteille objet de leurs désirs, avec l’idée que ma connaissance de ce vin ajouterait à leur désir de l’aborder dans de bonnes conditions.

On ne me demande aucun apport de vin mais il me paraît convenable de venir avec des vins dont une La Tâche que je choisis pour ne pas porter ombrage à la leur. Je choisis 1992. Les bouteilles sont apportées quelques jours à l’avance au restaurant l’Ardoise.

Le jour du dîner, un ami qui range ma cave me signale trois bouteilles de Mouton 1967 en danger de mort, dont deux ont perdu leur bouchon, tombé dans le liquide et une à la capsule trouée qui présage une fin prochaine, même si le bouchon est encore en place. L’urgence m’incite à apporter ces bouteilles à ce dîner.

A 17 heures, je commence l’ouverture de toutes les bouteilles en présence de quelques membres du groupe. Les odeurs sont prometteuses. Pour les Mouton, c’est la loterie. Je décapsule les deux aux bouchons tombés. La première paraît intacte et la seconde torréfiée. Nous pourrons boire ce vin en apéritif. J’offre la troisième au bouchon encore en place à Nicolas.

Nous allons faire une petite promenade dans les jardins des Tuileries où des sculptures assez hideuses se cachent sous les arbres. Il fait froid après des jours de canicule aussi écourtons-nous cette escapade champêtre.

La mauvaise bouteille du Château Mouton-Rothschild 1967 est expédiée rapidement. Sans être marqué d’un défaut définitif, le vin est suffisamment torréfié et dévié pour n’offrir aucun plaisir Il n’en est pas de même de l’autre, au nez absolument sans défaut, et porteur d’un charme certain. En bouche, ce vin offre à celui qui le goûte la possibilité de l’aimer ou de ne pas l’aimer. Si on s’arrête à de petits défauts, on ne l’aimera pas. Si on retient le fond de son message, on l’aimera. Et le vin récompensera les optimistes, car dès qu’apparaissent des chipolatas, tout s’assemble dans ce vin vraiment charmant.

J’ai suggéré des huîtres Gillardeau pour accompagner le champagne Dom Pérignon 1996. Ce champagne est plein de grâce. Seul, il décline de jolies notes florales, de fleurs blanches. Sa bulle est forte. Les huîtres le minéralisent. Il perd un peu de fleurs, gagne en iode, mais surtout prend une longueur spectaculaire. C’est un très grand champagne.

Le Bourgogne Hautes Côtes de Nuits blanc mis en bouteille par DRC à F. 21700 de 2007 est d’une belle jeunesse. Mais il est vraiment simple. Il va s’ouvrir dans le verre mais gardera un message assez peu complexe. Les langoustines cuites dans des petits pots de terre pour escargots sont absolument délicieuses, ignorées de la carte et réservées pour ce groupe. Pour avancer, car le programme est grand, je suggère que le premier rouge se boive sur ce plat parfumé. Le Clos Vougeot Grand Cru Le Maupertui Anne & François Gros 1994 est servi trop chaud, aussi décidons-nous que les autres rouges seront immergés quelques minutes avant leur service dans un seau d’eau fraîche sans glace. La chaleur du vin fait ressortir l’alcool mais nous sentons un beau fruité qui accompagne très bien les langoustines, les avis étant partagés sur la pertinence de l’accord. Je trouve que le vin y trouve de la longueur.

L’Echézeaux grand cru Emmanuel Rouget 2000 tire le plus grand profit d’avoir été rafraîchi. Son fruit est exemplaire. Ce vin est riche, bien fait et il me plait tout particulièrement. Il est suivi par un Echézeaux Leroy négociants 1972 dont la salinité exprime tout le charme des grands bourgognes anciens. Lequel préférer des deux ? C’est quasiment impossible de le dire même si certains s’y hasardent, car le Rouget est dans le fruit le plus pur et le plus beau et le Leroy, qui ne gagnera plus rien à vieillir plus, est à une forme aboutie de sa maturité, peut-être un peu schématique. Beaucoup dans notre groupe l’adorent.

Nous recevons une terrine de volaille et pommes de terre qui accompagne bien les vins. Le suivant est un Vosne Romanée les Suchots domaine Prieuré Roch 2001. Ce vin sans concession est controversé. Il est totalement original donnant un caractère salin de vin très ancien à un jeunot. Décoiffant, surprenant, il fait parler. J’avoue que j’aime assez cette forme originale, mais ce 2001 cherche vraiment trop à ne pas plaire. L’ami qui l’a apporté le défend bec et ongles, et je le comprends.

Le Vosne Romanée premier cru les Gaudichots domaine Forey P&F 1999 est d’une force certaine. On le sent d’une belle race et d’un bel épanouissement. Mais il n’a pas dégagé une émotion extrême, à mon palais. A l’inverse, le Vosne Romanée Les Genévrières Charles Noëllat 1969 que j’ai apporté nous transporte à des hauteurs extrêmes. Un des membres du groupe comprend pourquoi j’aime les vins anciens, car ce vin de 1969 combine la richesse d’un fruit encore présent avec la présence saline d’un vin ancien. C’est une expression aboutie du pinot noir qui est appréciée par tous.

Arrive le grand moment de la soirée, le service simultané de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1991 et La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992. Nous aurions voulu deux Tâche les plus dissemblables que nous puissions trouver, jamais nous n’aurions réussi comme ce soir. Car la 1991 est d’un fruit insolent de jeunesse, avec une framboise qui explose dans le verre avant même que l’on puisse y porter ses lèvres, et le 1992 est dans l’expression saline du vin évolué, d’une finesse exemplaire. Au nez, c’est le 1992 qui est le gagnant. En bouche, la richesse gouleyante du fruit du 1991 est conquérante, faisant gagner ce vin, même si la finesse de structure est du côté du 1992. Nous buvons ces deux vins emblématiques avec bonheur, mais nous nous rendons compte que c’est le 1969 pour la majorité ou le 1972 pour d’autres qui captent nos suffrages. Les deux La Tâche sont belles, mais des vins plus canailles sont plus convaincants. Comment une seule année de différence peut conduire à cet écart d’évolution ? le plus rempli dans la bouteille est le 1992, qui est donc resté intact. Le 1991 a grandi pendant 19 ans au domaine sans le quitter, ce qui explique sa maturation lente. L’approche des deux est plus enrichissante que si nous n’en avions goûté qu’un.

Pour beaucoup, le Vin Jaune Château Chalon Maison Dejean de Saint-Marcel, Marcel Poux concessionnaire 1949 est le premier vin jaune vieux qu’ils goûtent. Comme ils s’extasient, je ne vais pas leur voler leur plaisir, mais ce vin très agréable d’une grande fraîcheur n’a pas toute la force qu’il devrait avoir. Il est bon, mais ce n’est pas un Château Chalon comme 1949 sait les faire. Il est quand même suffisamment bon pour que nous l’ayons asséché sous des rires joyeux.

J’ai pris force précautions pour que ces jeunes amateurs qui n’ont jamais bu de vieux champagnes acceptent et comprennent le Champagne Pommery & Gréno Brut 1964. Je retire le bouchon qui laisse échapper une belle salve de gaz embrumé. La couleur du champagne est irréellement belle. Pas l’ombre d’une trace d’ambre. La bulle est visible et court vite. Le nez est splendide et ce champagne en bouche est parfait. Il a très peu de signes d’âge, complet, citronné et fort de fruits confits. Il a aussi de la brioche. Il est grand et je crois que je tiens là le vin de la soirée.

Nous taquinons un ami qui voulait absolument que nous goûtions un vin de glace canadien pétillant de 2003, et franchement, l’humeur n’y était pas.

Ces jeunes sont des passionnés qui se sont connus sur un forum. Ils viennent d’horizons très différents et évitent les sujets qui fâchent. Comme ils boivent de bons vins, les disputes ne portent que sur l’appréciation des vins, lancées dans une atmosphère de sourire. Je suis heureux de les avoir accompagnés dans leur première ascension de La Tâche, en ayant ajouté un deuxième sommet avec l’année 1992. Nous avons parlé vin. Tous sont de sincères amateurs. J’ai passé une excellente soirée.

S’il faut faire un quarté, le mien sera : 1 – Champagne Pommery & Gréno Brut 1964, 2 – Vosne Romanée Les Genévrières Charles Noëllat 1969, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1991, 4 – Echézeaux grand cru Emmanuel Rouget 2000.

Côte Rôtie La Turque Guigal 2005 au restaurant Laurent mercredi, 13 octobre 2010

Un ami m’invite au restaurant Laurent et comme cela se produit assez souvent, je suis en charge du vin.

Avec un manque d’imagination totalement assumé, je choisis une Côte Rôtie La Turque Guigal 2005.

Sur les langoustines croustillantes, il faut vivre avec l’esprit du vin. Car si la chair des langoustines convient, la roquette et la sauce ne sont pas ses amies. C’est sur la joue de veau, moelle et risotto de truffe blanche que j’attends le vin.

Mais Patrick Lair nous fait porter un Sancerre Galinot, Gitton P&F 1987 au parfum précis, au fruit délicat, qui se rétrécit étrangement sur sa fin de parcours. Le vin est intéressant, exotique comme diraient les américains, mais n’entraine pas de liesse.

Il faut vite revenir à La Turque qui profite de suivre le blanc. Ce vin riche, pétulant de jeunesse est un hymne à la joie. Je l’adore pour son fruit, sa générosité, sa plénitude mais aussi son élégance et sa race.

dîner au Mathusalem samedi, 9 octobre 2010

Un dîner de famille et amis. La table est réservée au restaurant Mathusalem, agréable bistrot dont l’ambiance est réglée par le sympathique Rémi, amateur de bons vins. Le champagne Bollinger Grande Cuvée est agréable, mais mon palais est aujourd’hui modelé par des champagnes que je bois plus fréquemment, qui m’apportent un peu plus d’émotion. C’est bien, mais ça ne sent pas la poudre, ni l’Aston Martin.

Le menu le plus communément choisi est le partage d’une terrine, une poêlée de cèpes, et une pièce de bœuf à la purée de pomme de terre. Tout cela est franc, goûteux et généreux.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils 1988 a déjà une couleur ambrée qui signe un vieillissement précoce. Mais ça lui va bien. Les saveurs sont plus en demi-teinte, comme frottées d’un pinceau à la tisane, et l’effet est convaincant. Il n’y a pas le tonitruant d’un Montrachet mais la complexité est là, exprimée sous une autre forme.

La Côte Rôtie La Turque Guigal 1998 est un vin riche, joyeux, accompli et serein. Il n’a pas la puissance guerrière de certaines années, mais l’équilibre qu’il a déjà atteint malgré sa prime jeunesse lui va bien. Sur le faux-filet, c’est un bonheur simple comme l’amitié.

Les glaces Berthillon ajoutent encore au plaisir d’un endroit chaleureux où nous reviendrons.

140ème dîner de wine-dinners – les vins jeudi, 7 octobre 2010

Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1971

(par comparaison, voici le look de René Lalou ajourd’hui )

Champagne Dom Pérignon 1964

Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 2001

Pétrus 1976

Château Mouton-Rothschild magnum 1990

Château Haut-Brion 1982

Château Latour 1982 (je n’ai pas enlevé le papier)

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983 (non annoncé sur le programme – ce sera une surprise !)

Côte Rôtie La Mouline Guigal 1990 (je n’ai pas enlevé le papier)

Jurançon Clos Prat # 1959

Château d’Yquem 1966

140ème dîner de wine-dinners – photos jeudi, 7 octobre 2010

La table qui nous est réservée au restaurant Laurent

Les photos de groupe

Quelques photos des bouchons. On remarque le gonflement du bouchon de La Tâche 1983

Le menu créé par Alain Pégouret

Coquilles Saint Jacques marinées au curry

Tronçon de turbot nacré à l’huile d’olive, bardes et légumes verts dans une fleurette iodée

Selle et carré d’agneau de Lozère rôtis en persillade, fleurs de courgettes farcies d’une mousseline aux girolles, une pointe d’oseille

Joues de veau fondantes, moelle, risotto à la truffe blanche d’Alba

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Perdreau aux cèpes

Filet de Chevreuil relevé au poivre de Sarawak, betteraves jaunes caramélisées au coing, mille-feuille de pomme gaufrette au chou rouge

Macaron à la poire

Pêche tiédie

La magique couleur de l’Yquem 1966

Le champ de bataille…

140ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 7 octobre 2010

Le 140ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Laurent. Lorsque j’arrive au restaurant, par une chaude journée ensoleillée de début octobre, le lieu ressemble à une ruche bourdonnante, car le déjeuner s’est tenu dans le jardin et le dîner se tiendra en salle. Daniel, fidèle sommelier rompu à mes dîners apporte les bouteilles d’abord pour la photo de groupe des vins de ce soir, puis pour leur ouverture.

Le nez du Haut-Brion 1982 me donne une occasion qui n’a jamais été aussi nette de sentir le cuir. Sa densité olfactive est extrême. Son bouchon vient facilement car il adhérait peu au goulot, le liquide étant remonté haut, alors que celui du Latour 1982 est difficile à extirper tant il est serré. Le nez du Latour est salin. Le bouchon du magnum de Mouton 1990 est d’une magnifique qualité. Il est très serré dans le goulot. Le nez est de fruits rouges. Le bouchon du Pétrus 1976 est parfait et le vin a un nez de truffe. Le bouchon de La Tâche 1983 est tellement serré que je n’arrive pas à le tirer avec la mèche longue que j’utilise habituellement. Il me faut le limonadier qui fait surgir un bouchon qui double presque de volume lorsqu’il est libéré. Le nez salin est très prometteur.

J’avais annoncé un Jurançon autour de 1959 en l’absence d’indication de millésime. Le bouchon me permet de lire 1957. Le nez d’écorce d’orange est discret mais subtil. L’Yquem 1966 a un nez éblouissant, tonitruant de fruits bruns confits. Je fais sentir le vin au chef Alain Pégouret qui accepte de modifier le dessert prévu au profit de mangues tiédies.

Tout le monde est à l’heure et l’apéritif se prend dans le jardin car il fait encore assez chaud. Arrive alors un incident qui est le premier du genre sur tant de dîners : l’un des convives, arrivé le premier et avec qui j’avais à peine commencé de parler m’annonce un événement majeur qui le conduit à s’éclipser, ce qu’il fait sans que j’aie le temps de formuler la moindre phrase. Philippe Bourguignon, le célèbre directeur du restaurant fait au plus vite dresser la table pour neuf couverts au lieu de dix. J’avais rajouté un vin au programme déjà copieux. Nous ne manquerons pas de quoi boire.

Nous sommes neuf dont ma fille et mon gendre invités par un couple d’amis, une dynamique sommelière, un ami de longue date du temps de ma vie industrielle venu avec un collègue et ami, un célèbre animateur de relations publiques dans le monde du vin et de gastronomie et moi. Il y a quatre nouveaux participants.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1971 est d’une couleur ambrée légèrement grise. La bulle est presque éteinte mais le pétillant est présent. Le nez évoque une discrète tisane de fruits bruns, parfum très raffiné, et en bouche ce sont des fruits jaunes et bruns délicats qui enchantent le palais. Ce champagne est un Fregoli car il va changer de saveurs tout au long de sa dégustation. C’est sa délicatesse qui le caractérise le mieux. Il se boit sur des allumettes au parmesan et des beignets de merlan à la sauce tartare.

Nous quittons le jardin qui aurait pu accueillir notre dîner malgré le léger fraîchissement et nous passons à table. Le menu créé par Alain Pégouret est ainsi conçu : Coquilles Saint Jacques marinées au curry / Tronçon de turbot nacré à l’huile d’olive, bardes et légumes verts dans une fleurette iodée / Selle et carré d’agneau de Lozère rôtis en persillade, fleurs de courgettes farcies d’une mousseline aux girolles, une pointe d’oseille / Joues de veau fondantes, moelle, risotto à la truffe blanche d’Alba / Perdreau aux cèpes / Filet de Chevreuil relevé au poivre de Sarawak, betteraves jaunes caramélisées au coing, mille-feuille de pomme gaufrette au chou rouge / Macaron à la poire / Mangue tiédie.

Le Champagne Dom Pérignon 1964 est d’un ambre plus doré que celui du Mumm. Son nez est plus intense, et en bouche, il est tout ce qu’était le Mumm mais en plus voluptueux et généreux. C’est un immense champagne. Mon amour pour ces champagnes anciens est sans limite. Avec la coquille Saint-Jacques sucrée-salée, le champagne trouve une longueur infinie. C’est un régal fait de jolis fruits, comme trempés dans un sauternes.

Le Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 2001, après deux champagnes kaléidoscopiques, est totalement rassurant. C’est un vin "pullman". Car on s’installe avec lui dans un canapé profond, on le déguste sans histoire tant son goût est rassurant. C’est un vin blanc élégant, fruité, de plaisir, très jeune encore. Il accompagne le plat qui est sans doute le meilleur du repas avec la joue. La cuisson du turbot est parfaite et le plat est d’une cohérence absolue. Le Guide Michelin serait bienvenu de s’en apercevoir.

Sur l’agneau nous avons deux vins dont un magnum. Nous ne manquerons de rien. Le Château Mouton-Rothschild magnum 1990 a un nez assez simple, mais profond. En bouche, s’il est un peu monocorde, je trouve qu’il délivre un message beaucoup plus profond que ce que j’attendais. Les tannins sont présents et bien dosés. C’est un vin de grand plaisir qu’une des participantes gratifiera d’une place de premier. A côté le Pétrus 1976 est d’une richesse et d’une complexité plus marquées. C’est un vrai vin de plaisir, avec une belle noblesse. Ce vin combine force, profondeur et souplesse. Le bois est présent, la truffe est sensible, la longueur est remarquable. C’est un vin de grand plaisir.

Mais notre intérêt se tourne vers un couple diabolique, mis en valeur par un plat magistral. Le nez du Château Haut-Brion 1982 fait une OPA sur le risotto. Car le parfum du Haut-Brion devient truffe blanche, alors que le parfum du Château Latour 1982 reste totalement indifférent au tsunami odorant du tubercule. Le nez du Latour est d’une subtilité rare. Si le Haut-Brion s’accouple avec le risotto, le Latour conte des madrigaux charmants à la moelle délicieuse, le gras mettant en valeur sa finesse. Le Haut-Brion est droit dans sa définition historique, avec une densité de trame unique, et le Latour est d’une finesse et d’une élégance spectaculaires. A cet instant, je sens qu’une majorité de la table penche vers le Haut-Brion. Je trouve le Latour absolument sublime, une expression exceptionnelle de la pureté d’un bordeaux de 28 ans. Il tutoie les sommets du vin de Bordeaux, et sera dans vingt ans une icône indéboulonnable. Le fameux 100/100 Parker est déjà pour lui. La joue de veau est un délice majeur qui met en valeur les deux vins.

Depuis quelque temps, j’ajoute des vins aux dîners, parce que ça me fait plaisir, sans que je le considère comme une obligation. Ce dîner comportant un nombre significatif de vins dits "vins d’étiquettes", j’ai voulu ajouter une icône bourguignonne, ce qui a fort enchanté mes hôtes. Avec La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983 on tourne une page de la beauté du vin. Pour le Domaine, l’année 1983 n’est pas considérée comme une grande année, et cette Tâche a tout pour contredire les archives. Car ce vin est magistral. Salin, il évoque la rose au nez et en bouche de la plus persuasive des façons. Qu’on est bien avec ce vin clairet, rose, follement bourguignon, à l’extrême longueur. C’est un vin d’une belle sensualité. Comme cela arrive souvent, ce vin allume des tas de petites lumières dans mon cerveau, rappelant les meilleurs souvenirs que j’ai eus avec les vins du domaine de la Romanée Conti, avec son sel, sa rose, et toutes ces amertumes contrôlées, signes de pureté de ces vins mythiques.

Arrive maintenant un vin gratifié d’un 100/100 par Parker, qui fait partie, pour moi, des plus grandes réussites des vins que j’appelle jeunes. La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1990 est un monument. Ce vin est en train d’évoluer. C’est la première fois que je le trouve si bourguignon. Car il a moins la pétulance du fruit et joue plus sur l’élégance saline. C’est un vin dont je ne cache pas mon amour, qui prendra un jour un statut de légende. Il est généreux, ample, vivant, et diffuse du bonheur. Le chevreuil est goûteux et se marie merveilleusement bien.

Il y a toujours un ou deux fantassins dans ces dîners, aussi est-ce le rôle du Jurançon Clos Prat 1957 que j’avais annoncé proche de 1959, et daté précisément par son bouchon. Sa couleur est très belle, d’un orange pur ensoleillé. Le nez est discret et ce vin très pur joue dans une discrétion qui n’exclut pas la personnalité. Le macaron est diaboliquement bon et l’accord se trouve, le plat dominant le vin mais l’acceptant.

Patrick Lair, tel un Vatel contrit, vient confesser qu’il n’y a pas de mangue et que le dessert sera à la pêche. Va pour la pêche. Le Château d’Yquem 1966 à la couleur divine d’abricot et d’acajou a un nez à se damner. En bouche il est soleil, riche, profond, merveilleux Yquem en pleine possession de ses moyens, avec un final en fanfare. Ce qui est à noter, c’est que l’Yquem ne range pas le Jurançon au rang des accessoires. Il avait sa place dans ce repas.

Nous sommes neuf à voter. Seuls deux vins n’ont pas de vote, le Chevalier-Montrachet et le Jurançon. La Tâche obtient sept votes. Les vins qui ont eu des places de premier sont La Mouline avec quatre votes de premier, La Tâche et Latour avec deux votes de premier et le Mouton avec un vote de premier.

Impressionné par les quatre votes de premier de la Mouline, c’est lui que j’ai annoncé champion or en faisant un calcul au lieu d’une estimation, les quatre votes de second pour La Tâche, alors que la Mouline n’en a pas eu, conduisent au vote du consensus suivant : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 1990, 3 – Château Latour 1982, 4 – Château Haut-Brion 1982.

Mon vote est : 1 – Château Latour 1982, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 3 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 1990, 4 – Château d’Yquem 1966.

Il y avait ce soir des vins de renom en nombre plus élevé que d’habitude. Aux sourires de joie des convives, on s’aperçoit que l’on s’habitue très bien au statut de "buveur d’étiquettes". Le service du restaurant Laurent est toujours d’une efficacité remarquable. Daniel a été attentif au service des vins réalisant comme d’habitude un sans faute. La cuisine d’Alain Pégouret nous a offert deux plats du niveau de trois étoiles. Le restaurant Laurent est une des grandes tables parisiennes.

Pétrus 1948 lundi, 4 octobre 2010

Voici une Pétrus 1948 mise en bouteille par un négociant, Ricard et Doutreloux à Bordeaux

Les négociants ont mis "chateau", ce qui se faisait, et la bouteille est cirée.

Elle sera bue prochainement (voir le compte-rendu au 15 octobre)

déjeuner à Lyon les vins samedi, 2 octobre 2010

le restaurant Le Verre et l’Assiette à Lyon Vaise 9ème

Champagne Mumm Rosé 1955

Champagne Billecart Salmon NF 1964 (pas de photo)

Pavillon Blanc Château Margaux 1928

Montrachet Marquis de Laguiche 1966 Drouhin

Bâtard Montrachet 1979 Ramonet

Château Montrose 1921

Clos Vougeot Cuvée Liger Belair 1923 Nicolas.

Château Mission Haut Brion 1934 (difficile à reconnaître avec la cellophane)

Echezeaux 1966 Henri Jayer

Château Troplong Mondot 1947

Côte Rôtie La Mouline 1976 Guigal

Y d’ Yquem 1959

Vouvray Clos Petit Mont 1928 Allias

Une Tarragone des Pères Chartreux années 1910/1920

« liqueur du Père Kermann », puis sur une feuille collée au dessus de l’étiquette de la liqueur, « Grenage » mot titre dont la signification est un mystère, Bonafos Jean et 1902

on note la très jolie forme du goulot

tout ça pour de l’eau !!!!!

Rhum « Trois Rivières » 1953

La photo de groupe, sans les champagnes

déjeuner à Lyon les plats samedi, 2 octobre 2010

cubes de saumon Gravlax

au moment de passer à table, cette mobylette se gare devant la porte. Vive les pizzas !

(ce n’était pas pour nous !!!)

panacotta d’oursins, émulsion d’eau de mer aux œufs de harengs fumés

velouté d’artichauts de Jérusalem, pulpe de boudin noir de la maison Bobosse, demi homard rôti

rouget barbet sur une galette aux deux quinoas, réduction de jus d’arêtes tout simplement

ris de veau rôti, fricassée de champignons des bois, jus infusé à la fève de Tonka

superposition de céleri, foie gras et pigeon rosé et, à la paille, petit pot de lentilles fumées

dos de lièvre, racines d’Antan, jus de carcasse émulsionné au cassis

stilton, vieil Ossau (déjà mangé à la photo)

dans un verre, compotée de figues de Solliès-Pont, riz au lait déstructuré infusé au tilleul

assortiment de chocolats épicés « Bernard Dufoux » (sans photo)

Un passionné m’invite à Lyon avec des vins rares samedi, 2 octobre 2010

Florent a autour de trente ans. Je ne lui ai jamais demandé son âge. Il recherche les vins les plus rares dont il apporte un témoignage joliment analysé. Nous avons dégusté beaucoup de vins ensemble et une amitié est née, qui de mon côté a une dimension d’affection paternelle. Si la passion des vins anciens pour laquelle j’ai un rôle « militant » pouvait me survivre par Florent, j’en serais ravi.

Mais il n’a pas besoin de moi, et le repas que je vais raconter permettra de répondre à la question : « qui est l’élève et qui est le maître ? ». La réponse s’imposera à l’évidence : il n’y a ni élève ni maître. Nous sommes deux passionnés. Deux ? Je devrais dire trois ou plus car Florent chasse la bouteille rare avec Olivier son compère. Florent invite avec son épouse et avec Olivier ses parents, son frère, des amis cavistes, les deux collectionneurs suisses avec lesquels j’avais partagé cinq vins du 19ème siècle au château de Beaune avant les vacances, un journaliste et moi.

Nous nous rendons pour déjeuner au restaurant Le Verre et l’Assiette à Lyon Vaise, tenu par Maryline et Olivier Delbergues. Dans ce petit restaurant qui ne paie pas de mine, Olivier le chef a réalisé un repas de grande qualité ciselé pour les vins avec l’aide de Florent, qui a suggéré des choix pertinents : cubes de saumon Gravlax / panacotta d’oursins, émulsion d’eau de mer aux œufs de harengs fumés / velouté d’artichauts de Jérusalem, pulpe de boudin noir de la maison Bobosse, demi homard rôti / rouget barbet sur une galette aux deux quinoas, réduction de jus d’arêtes tout simplement / ris de veau rôti, fricassée de champignons des bois, jus infusé à la fève de Tonka / superposition de céleri, foie gras et pigeon rosé et, à la paille, petit pot de lentilles fumées / dos de lièvre, racines d’Antan, jus de carcasse émulsionné au cassis / stilton, vieil Ossau / dans un verre, compotée de figues de Solliès-Pont, riz au lait déstructuré infusé au tilleul / assortiment de chocolats épicés « Bernard Dufoux ».

Pour chacun des vins, j’accolerai à son nom la remarque de Florent pour justifier son choix, lorsqu’elle figurait sur son mail d’invitation. Elle sera en italique.

Le champagne G.H. Mumm & Co Rosé 1955 a une couleur d’un or profond. Son nez est superbe de thé et de fruits discrets orangés. Le goût est splendide de belle acidité. Il n’y a plus de bulle mais un beau pétillant. Le fruit est très beau et élégant. Le final est un peu raccourci par le gravlax délicieux mais asséchant le vin. Le champagne a une belle râpe. C’est un très grand vin. A ce stade, je n’ai toujours pas remarqué qu’il s’agisse d’un rosé, car je n’ai pas regardé le menu. Et c’est vrai que rien n’indique qu’il s’agit d’un rosé, situation fréquente pour les champagnes vieux. Le vin est doucereux, avec cette richesse que seuls les champagnes anciens peuvent avoir et l’acidité le rend délicat et grand.

Champagne Billecart Salmon NF 1964 A priori aussi mythique que le 1959 élu plus grand Champagne du siècle. Sa couleur est jeune, de miel clair. Le nez est à « tomber par terre ». Il est explosif et la bulle est belle et fine. Florent nous dit qu’à l’ouverture, le bouchon avait sauté, ce qui montre la conservation de toute sa bulle. Le nez est jeune de citron confit. En bouche, ce qui frappe sous la bulle active, c’est son extrême jeunesse. Il n’y a pas de signe d’évolution mais des signes de plénitude. La panacotta fouette le champagne, qui serait un peu discret en bouche sans elle. Il s’anime et affiche une belle race. La longueur est extrême et l’émulsion d’eau de mer donne de l’iode au goût du vin. Trouvant de l’expansion dans le verre il est réveillé, emplit la bouche, champagne quasi parfait. Le plat, lui aussi, a une belle persistance aromatique.

Pavillon Blanc Château Margaux 1928 Le plus rare et le préféré du Château. La couleur est très foncée, ambrée. Le nez est celui d’un sauternes sec. Il y a du thé, des fruits compotés. En bouche, on sent le thé, une eau de vie très douce. Le vin est astringent, d’une belle fraîcheur épicée. Le final est salin. Le vin se transforme avec le plat qui arrive assez tard. Il devient brillant et si le nez perd l’aspect sauternes, c’est en bouche qu’il le retrouve. Ce vin excellent, étrange, est un grand bonheur.

Le Montrachet Marquis de Laguiche 1966 Drouhin a un nez incroyable. Il évoque immédiatement la perfection du montrachet. En bouche, c’est la complexité absolue. Il est pur, d’une complexité extrême et d’une élégance rare. Il est fort, mais sait jouer en douceur. Le bouquet de saveurs est unique, avec citron, fruits confits, épices. C’est un vin parfait dans l’élégance et le Margaux 1928 ne perd rien lors de la confrontation. Le boudin est parfait, le homard à la chair intense souffre un peu de la place prise par le boudin, et l’artichaut qui rend le plat cohérent n’apporte rien aux vins. Le plat va plus sur le 1928 que sur le 1966.

Le Bâtard Montrachet 1979 André Ramonet, le plus abouti des Bâtard de Ramonet pour Clive Coates, est d’un jaune citron. La minéralité du nez est impressionnante. On croirait un 2005. En bouche, c’est la fluidité, la perfection, l’impression que le vin coule en bouche comme une cascade chantante. L’impression qui domine, c’est celle de rencontrer la perfection absolue, celle qui fait que l’on donne une note de 100/100 sans hésitation. Le vin est délicat, citronné, minéral, élégant, puissant et fluide, et sa rémanence est celle d’un vin profond. De la cuisine, je sens les effluves du plat qui va être servi et de loin, je dis : « ce plat serait un plat de vin rouge ». Je n’ai pas lu le mail !

Et Florent dit : « pour toi, connaissant tes goûts, j’ai mis aussi sur ce plat le Château Rayas (Rouge) 1979 Clin d’oeil pour François car servi sur du poisson… L’égal du 1978 pour Bettane. Le nez de ce vin est évolué mais d’une richesse rare. On imagine un coulis de quetsche. La couleur est un peu trouble. En bouche, la richesse du fruit est immense. Le vin est puissant et évolue.

Le Bâtard est moins adapté au plat que le Rayas, qui est beau, mais pas aussi parfait que le Bâtard. Le rouge est un peu sérieux mais j’aime. Il n’est pas très sophistiqué, mais présent en bouche. La lie me montre qu’il n’est pas totalement équilibré, ce qui avait gêné un ami suisse pendant sa dégustation.

Le Chateau Montrose 1921 est d’une couleur d’un beau rouge doré, si l’on peut dire. Le nez est un peu torréfié. Il y a beaucoup de bois dans ce nez un peu poussiéreux. En bouche il y a de l’acidité mais aussi une douceur extrême. La trame est incroyable. Voilà un grand vin qui va se révéler. Avec le délicieux ris de veau, spécialité du chef, le vin exprime de la rose avec une grande délicatesse. Autour de la table, trop longue et étroite pour que nous discutions tous ensemble, j’entends que le vin est rustique. Je trouve au contraire qu’il est tout en finesse, délicat mais au final un peu limité. Il s’assemble de plus en plus et devient très grand.

Quand on boit le Clos Vougeot Cuvée Liger Belair 1923 Nicolas, on s’embarque vers le bonheur. La couleur est trouble et un peu laiteuse. Le nez est très épanoui. La bouche est riche. Il y a un fruit imposant, fruit rouge délicat. Le vin est ample et plein de charme. Son grain est velouté. Il exprime la grandeur du pinot noir et je reconnais pleinement tout ce que j’aime de 1923.

Le Château Mission Haut Brion 1934 est de l’année la plus élégante chez Mission pour Michael Broadbent. La couleur est d’une densité peu croyable. Le rouge est sanguin. Le nez est imposant, lui aussi d’une densité extrême, où la mine de crayon domine. Florent voulant que les vins ne soient pas chauds a donné un coup de froid au vin, que je ressens. Quand le vin s’étend, il est truffe, mine de crayon, et surtout d’une densité incomparable. Le pigeon goûteux fait « exploser » le Mission.

L’Echézeaux 1966 Henri Jayer a une couleur clairette. Le nez est austère mais précis. L’élégance des vins d’Henri Jayer se retrouve ici, avec des notes de café subtil, non torréfié et de léger cacao. Expressif, élégant, c’est un grand vin. La crème de lentilles fumée donne du fumé au vin. La juxtaposition du 1934 et du 1966 sur le plat est quasi naturelle sans aucune nuisance entre les deux. La pureté du vin de Jayer est exceptionnelle. Un ami qui l’a connu dit : « c’est le fruit de Jayer ». La largeur de ce vin est exceptionnelle. C’est un témoignage, la quintessence du pinot noir.

Château Troplong Mondot 1947 L‘un des 5 plus grands 1947 pour le critique Suisse Allemand R. Gabriel. Très rare ! Nul d’entre nous n’a de repère sur ce vin qu’il est impossible de trouver. Sa couleur est très belle, représentative de celles des 1947. C’est un beau rouge intense. Le nez est très précis, pointu, de fruits rouges et d’épices. En bouche l’équilibre est beau, le fruit est dosé, l’épice est aguichante et le final fruité est grand. C’est cependant un vin qui ne peut pas aller jusqu’à l’extrême, car il lui manque un petit « je ne sais quoi ». Il a la beauté des 1947 bien maîtrisés. C’est un grand vin, au beau fruité, au bel équilibre et au fruit dosé.

Côte Rôtie La Mouline 1976 Guigal Le Cheval Blanc 1947 du Rhône pour Parker... La couleur est d’un beau rouge brillant. Le nez est époustouflant. Il est profond, « énorme ». En bouche le vin est riche, opulent, pas très complexe, mais tellement complet. La bouteille est parfaite, venant directement du domaine. Ce n’est que du bonheur. On sent l’alcool, le bois trempé dans de la décoction de fruits, le fruité est presque irréel tant il est grand. C’est un vin colossal.

Y d’ Yquem 1959 Le tout premier Y de l’histoire. La couleur est ambrée, avec un léger gris. Le nez explose d’alcool avec des traces d’amande. On dirait un madère. En bouche, l’alcool domine et le mimétisme avec un madère est confondant. Avec l’Ossau, l’accord est parfait. C’est à ce stade du repas le seul vin dévié que nous buvons. Il est bon, mais ce n’est pas un « Y ».

Florent chouchoute son Vouvray Clos Petit Mont 1928 Allias. Bettane le vénère, et le classe Top 5 de l’histoire. Introuvable. Le domaine n’en possède plus… C’est avec un regard gourmand qu’il nous le sert. Le nez est beurre, miel et litchi, très Vouvray. En bouche, quand d’autres pensent mangue, je trouve litchi, kiwi, figue de barbarie. Le vin est frais, léger, citronné, délicat. Il est très beau et va bien avec le stilton. Il est élégant et intemporel. L’évocation du tilleul dans le dessert lui convient. C’est un grand vin, mais pas le rêve que Florent avait conçu.

Ayant compris que Florent ne souhaitait pas que j’apporte un vin car sa composition d’ensemble, d’un raffinement extrême, aurait été troublée par une ajoute, j’ai apporté une bouteille de Une Tarragone des Pères Chartreux années 1910/1920. Cette Chartreuse a un nez qui soignerait toutes les maladies par les plantes, car il est envahissant de pureté de fleurs de printemps. Et pour reprendre la comparaison faite tout à l’heure, on sait avant même de la goûter que l’on est dans le 100/100, la perfection divine. En bouche c’est un péché tant c’est bon. J’en suis amoureux et j’ai fait des émules.

J’avais apporté en cadeau à Florent une bouteille mystérieuse qui m’avait été offerte il y a près de dix ans. La bouteille dit « liqueur du Père Kermann », puis sur une feuille collée au dessus de l’étiquette de la liqueur, « Grenage » mot titre dont la signification est un mystère, Bonafos Jean et 1902. Florent me demande de l’ouvrir. Le bouchon est sec et fait bien son âge. La couleur est transparente. Le liquide ne sent rien. Je le goûte, et c’est de l’eau ! Mon ami pourrait croire que je lui passe une patate chaude, mais il n’en est rien. Est-ce moi qui ai reçu une patate chaude ? La méprise, impossible à imaginer est trop drôle.

Olivier, le complice de Florent, fait passer fort opportunément une bouteille de Rhum « Trois Rivières » 1953 de 45° absolument merveilleux, un régal qui se marie divinement avec les beaux chocolats variés.

Nous n’avons pas classé les vins aussi mon classement (extrêmement difficile) est fait après coup. Je mettrais hors compétition la Tarragone, nectar olympien et ensuite : 1 – Bâtard Montrachet 1979 Ramonet, 2 – Côte Rôtie La Mouline 1976 Guigal, 3 – Echézeaux 1966 Henri Jayer, 4 – Montrachet Marquis de Laguiche 1966 Drouhin, 5 – Clos Vougeot Cuvée Liger Belair 1923 Nicolas.

Le chef a fait une cuisine exemplaire, avec des produits aux goûts profonds. Florent a imaginé des accords d’une belle intelligence, et son ordre des vins, peu conventionnel, s’est révélé cohérent. Autour de la table il n’y avait que des fous de vins. C’est l’amitié qui gagne le premier prix.