deux beaux Chateauneuf vendredi, 6 août 2010

Mon autre fille arrive avec son compagnon pour un week-end. C’est l’occasion de fêter cette conjonction. Un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum de quelques années montre à quel point il sublime la notion de champagne de soif. Avec lui, pas l’ombre d’une question, on le boit pour sa soif. Il est tellement élégant qu’il n’a pas besoin de se distinguer par des complexités excessives. Il est bon, fluide, gouleyant. Il brille sur un saucisson judicieusement typé. Mais c’est sur – une nouvelle fois – une Cecina de León que le champagne brille.

L’expérience pourrait se suffire. Mais nous sommes des scientifiques et nous voulons explorer le monde des saveurs. Sur les deux ingrédients, un saucisson bien typé et un Cecina de León très doucereux, nous essayons successivement : un Château de Selle, vin des domaines d’Ott 1999. Le vin est charmant. Il a en lui tout le modernisme mais judicieux. Il respire le cassis, sent le modernisme intelligent. C’est un vrai vin de « Ginette », puisque ma fille aînée est là. Le second essai est un Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 1985. On franchit une étape de complexité. Le vin est magnifique d’équilibre et de maturité. Vient ensuite un Mont-Redon Châteauneuf-du-Pape 1978. On sent nettement que le vin est plus grand, velouté de façon quasi inimaginable, mais le Beaucastel paraît plus charmant.

Nous n’en sommes à ce stade qu’aux apéritifs, avec le saucisson très fort et la chair de bœuf très doucereuse. Indépendamment de toute qualité de vins, les accords les plus purs sont avec le Laurent Perrier et avec l’Ott.

Nous passons à table et le plat d’entrée est un foie gras poêlé avec des fines tranches de poire. Pour qu’une compétition entre les vins puisse exister, il faut oublier la poire, et le match existe entre le Laurent Perrier et le Mont-Redon. Si l’on intègre la poire, le champagne est le seul à être cohérent.

Le plat suivant est un grenadin de veau basse température avec un velouté au boudin noir. Le velouté est à se damner et c’est le Beaucastel qui est le gagnant.

Le repas se termine sur une tarte aux mirabelles, sur laquelle les rouges sont heureux de vivre.

Si l’on devait hiérarchiser les plaisirs de ce dîner, il y aurait d’abord cette merveilleuse sauce épaisse au boudin noir, suivie de Beaucastel à la belle pureté et de Mont-Redon au velouté doctrinal, avec une belle mention pour un beau champagne de soif, le Laurent-Perrier Grand Siècle.

Par un soir plus frais d’été, l’émotion la plus belle est sans doute que l’un de mess gendres ait ouvert pour nous ces deux beaux Châteauneuf-du-Pape de grandes années.

Qui dira assez la flexibilité des vins de champagne ? mercredi, 4 août 2010

Champagne Laurent Perrier Grand Siècle fait des millésimes 1973 / 1970 / 1969. On remarque en bas à droite que le bouchon s’est cassé et séparé en lamelles à l’ouverture.

Ma fille, mon gendre et leurs deux enfants arrivent pour quelques jours de vacances. Ça se fête ! La viande de bœuf fumée coupée en tranches fines, Cecina de León, que nous avions adorée se déguste sur un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle fait de champagnes de 1969, 1970 et 1973. La bouteille a baissé de volume et le bouchon se brise. La couleur du champagne est celui d’une belle pêche dorée. La bulle est discrète mais existe. Le nez est convenable et la première impression gustative laisse une amertume sensible, qui gêne un peu. Mais après quelques minutes l’amertume disparaît et le côté doucereux et mielleux du champagne s’impose, de belle grâce, malgré une fatigue qui ne peut se dissimuler. Avec la viande fondante, c’est un délice.

A table, après des tomates noires aux jeunes oignons, une salade de roquette du jardin explose en bouche ses épices et son tabac. Cet épisode du repas est sans vin. Un Brie qui coule dans toutes les directions accueille un jeune Champagne Krug Grande Cuvée. L’accord est idyllique. Le Brie est idéal, en pleine possession de ses moyens, et le Krug lui répond divinement. C’est un plaisir de première grandeur, et c’est la jeunesse du Krug qui crée cette félicité doucereuse, car la bulle adoucit l’accord.

Ma femme n’avait pas prévu que nous boirions du vin, aussi son dessert n’avait aucune intention vineuse. Des pamplemousses saisis dans une gelée d’Agar-agar et parfumés à la verveine produisent avec le Krug un accord transcendant. Si la verveine aide à l’accord, c’est la chair de pamplemousse combinée à la gelée qui fait briller le Krug, car il développe toute sa race pure par cette excitation.

Un champagne qui peut briller sur un Brie puis sur un pamplemousse à la verveine, qui pourrait contester sa flexibilité gastronomique absolue ?

dîner chez Yvan Roux lundi, 2 août 2010

Une nouvelle fois, nous dînons chez Yvan Roux. En cuisine, ce qui se prépare nous fait saliver. L’apéritif commence par un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 en magnum qui accompagne les dernières lamelles d’un Pata Negra dont Yvan vient de faire l’ultime découpe. Ce sont ensuite des fleurs de courgette en tempura avec une délicieuse sauce aux poivrons. Le champagne est à son aise, et se place bien. Je m’y habitue et il me paraît meilleur à chaque essai, équilibré, sobre mais précis, idéal pour un apéritif de bonne soif.

Nous poursuivons sur une sorte de gaspacho ou plutôt de velouté de moules aux épices dans laquelle trempe un nem aux coques et aux fortes épices. Les goûts jouent la chamade et fort heureusement le champagne sait résister. Ce plat est une création réussie, très provocante, qui n’irait pas avec un vin blanc, car il faut la bulle pour résister à ces variations gustatives en montagnes russes.

Le service ce soir est lent, aussi suis-je nerveux, voulant éviter que l’on assèche trop vite les vins que j’ai apportés. C’est ainsi que nous sommes obligés de passer au vin rouge alors qu’arrive un carpaccio de thon au pesto. C’est là que l’imagination et le savoir-faire doivent agir. Car le premier rouge est « Le Corton » Grand Cru Bouchard père et Fils 1998. Le vin est solide, sérieux, et extrêmement plaisant. Il est Grand Cru dans une version bon élève, c’est-à-dire qu’il n’y a pas la moindre faute, mais le vin ne fait pas chavirer, sans doute à cause de ce plat qui ne lui convient pas. Je mange du pain et du pain encore pour que le vin ne souffre pas du pesto.

Les femmes se partagent une petite langouste et les hommes une immense langouste. Les deux sont merveilleusement goûteuses, mais c’est la petite qui a une chair d’une délicatesse infinie. La grosse a une texture et une mâche de compétition. Et le vin qui répond à ce plat est merveilleux. C’est Clos de la Roche Grand Cru Domaine Dujac 2002. Tout en lui est un jeune premier. Quelle séduction ! Et l’année 2002 lui va bien par ces fortes chaleurs. Je suis heureux de boire un vin aussi réussi. Il est tout en rondeur, en grâce et ne fait pas très bourguignon. Il joue sur son charme.

Nous commencions à être vraiment rassasiés tant tout était copieux quand arrive pour chacun une belle part de denti, ce poisson local à la chair blanche rayée de rose. Le poisson est bien cuit, comme Yvan sait le faire, mais notre appétit rend l’âme.

Il restait quelques gouttes du champagne pour qu’un soufflé à la vanille réussi mette un point final à ce festin pantagruélique. Trois éclairs dans ce repas : le Clos de la Roche Dujac 2002, la chair de la petite langouste dont j’ai entrevu une bouchée puisque c’était celle des femme, et le beignet de fleur de courgettes. Encore une bien belle soirée d’été.

un très beau repas d’été samedi, 31 juillet 2010

Nous recevons des amis dans notre maison d’été. Notre boucher recherche les produits d’exception. La viande de bœuf fumée coupée en tranches fines est fondante et goûteuse. C’est un vrai plaisir qui met en valeur un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 en magnum, beaucoup plus vibrant que le précédent que j’avais ouvert. Le champagne est goûteux, de belle personnalité sans en faire trop, et il se boit avec un plaisir extrême. On se sent bien en le buvant. Avec un Pata Negra de grande qualité, au gras qui respire la noisette, le champagne est heureux.

Nous passons à table, et pour le foie gras poêlé sur de fines tranches de poires, d’une combinaison absolument pertinente (j’avais servi de cobaye pour d’autres associations moins convaincantes), c’est un Champagne Krug Grande Cuvée qui entre en scène. Le champagne est très adapté à cette entrée, la poire et le foie titillant le Krug avec bonheur. On voit bien que la trame du Krug est de première grandeur. C’est un grand champagne, beau de complexité et d’une forte personnalité, qui mériterait de vieillir encore un peu en cave.

Ma femme a préparé une joue de bœuf aux carottes confites. La viande est fondante et c’est un plat que j’adore. Nous commençons par un Terrebrune, Bandol 1998. Ce vin met un sourire sur toutes les lèvres car il est joyeusement bon. Une réflexion vient à tous mes amis, y compris ceux qui vivent sur place : ce vin est fait pour être bu dans sa région. Ici, tous ses aspects, dont celui de la truffe d’été et de l’olive, sont naturels. Transporté à Paris, ce vin ne nous donnerait pas le même bonheur. Alors, ne boudons pas la chance de le goûter au sommet de son art. Le 1998 est d’une grande jeunesse, d’un bel équilibre, et son parfum inimitable de vin du sud est conquérant.

C’est la place maintenant sur le même plat à deux bouteilles de Côte Rôtie La Turque Guigal 2003. Avec la première des deux bouteilles, nous avons touché la perfection du vin. Ce vin est tout en surprise, confondant d’originalité. Puissant et de grande fraîcheur, je lui ai trouvé des notes mentholées charmantes et rafraîchissantes. Le vin évoquant la verdeur végétale, j’ai pu compter le fenouil, la barbe d’artichaut, l’anis, dans son panier de saveurs. Quel grand vin à la forte personnalité ! Le premier est un fou chantant comme Charles Trénet dans sa jeunesse, alors que le second est plus civilisé, plus policé. Il est certain que mon cœur balance en faveur du premier, plus brigand.

Sur deux tartes Tatin, nous avons bu deux bouteilles de Champagne Salon 1997. Ce champagne est, à ce stade de sa vie, absolument magique. La comparaison au Krug qui reste dans mon verre est sans conteste en faveur du Salon, car c’est mon goût. Ce champagne est délicieusement floral, d’une expressivité folle. Il est fleurs blanches, fruits blancs, et la cohabitation avec la Tatin, même si elle n’est pas naturelle, fonctionne correctement. La chaleur estivale m’a poussé à éviter les sauternes, naturels compagnons de la Tatin.

Ma femme a réussi un repas de haute qualité, avec des produits remarquablement traités. La vedette de la soirée est La Turque 2003, vin impérial, suivi du champagne Salon 1997.

Déjeuner au Yacht Club de Monaco mercredi, 28 juillet 2010

A la suite d’un de mes dîners, un participant m’a proposé que j’organise pour lui et ses amis un dîner au Yacht Club de Monaco. L’idée pique mon intérêt, cela se conçoit. Par une chaude journée de fin juillet, je me rends à Monaco, où je n’ai pas mis les pieds depuis au moins quarante ans. L’accès à la ville est plus que difficile au plus fort de l’été. Les beaux bateaux que l’on voit lors des retransmissions de courses de Formule 1 sont là, et sont assez impressionnants lorsqu’on les voit de près. L’accueil par le staff du Yacht Club est particulièrement chaleureux. Je rencontre les deux chefs qui officient en cet endroit pour leur dire que je ne viens pas juger leur cuisine, car je ne me sens pas le droit de la juger, mais plutôt pour affiner les plats en fonction des désirs des vins que j’ai prévus pour le futur repas. A notre table, il y a le Président du Yacht Club de Monaco, la responsable de la communication de ce club, un ami du donneur d’ordre, car celui qui me commande ce repas ne peut être là, s’étant malencontreusement blessé sur son bateau la veille.

Nous déjeunons, et c’est fort bon. C’est évidemment simple, mais j’ai senti la volonté de favoriser la clarté et la lisibilité des plats, comme je l’avais indiqué avant de venir. Les bases sont là pour faire un beau dîner, que nous avons composé après le repas avec les deux chefs, réglant tous les points d’organisation avec la directrice de la restauration. Alors que j’avais prévu de ne boire que de l’eau, le maître d’hôtel, pour nous faire plaisir a ouvert un vin de Ladoucette que j’ai trouvé extrêmement précis ; je n’ai pas demandé l’année qui doit être récente. Et nous avons goûté ensuite un Petit Village 1995 que j’ai extrêmement apprécié, pomerol que j’aime en toutes circonstances. Un joli tannin, une belle expression et une longueur plaisante m’ont conquis.

Après le repas fort joyeux, l’ami de l’ami m’a emmené au Café de Paris pour continuer à bavarder autour d’une boisson rafraîchissante. Autour de nous les Rolls-Royce, Ferrari, Aston Martin et Maserati sont aussi nombreuses que les Vélib à Belleville. Monaco donne l’image d’une prospérité invraisemblable, du moins dans la partie qui s’expose. Lorsque je rentre dans ma maison du sud, mon petit bateau ressemble à la demi coque de noix que l’on fait flotter sur l’eau d’un lavabo.