132ème dîner – les vins jeudi, 6 mai 2010

Champagne Deutz Cuvée William Deutz 1966 (je n’ai pas enlevé la protection cellophane)

Champagne Dom Pérignon 1964

Meursault Jean François Coche Dury 2001

Chablis 1er cru Camille Giroud 1959

Château Lafite Rothschild 1962

Château Latour 1943 (la capsule est d’une rare beauté, avec la mention du millésime)

Chambertin Clos de Bèze Joseph Drouhin 1947 (l’année est difficile à lire, ce pourrait être 1949)

Hermitage la Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1990

Château Malagar (François Mauriac) 1966

Château Climens Barsac 1924

132ème dîner – photos jeudi, 6 mai 2010

C’est dans le bar du restaurant Apicius que j’ouvre les vins

Les photos de groupe

La belle couleur du Malagar 1966

Les bouchons

Le beau bouchon de Lafite 1962 (en dessous du bouchon de Latour 1943)

Le bouchon de Climens 1924, nettement plus court que celui de Malagar 1966

La belle salle privée

les plats :

Oursin, Langoustine et Tourteau…

Ris de veau rôti entier, fin hachis de champignons, jus à la réglisse

Petit pâté chaud d’oiseaux de chasse, Sarcelles, Bécasses et Grouses

Stilton

Pommes renversées « façon Tatin », crème d’un Saint-honoré

132ème dîner de wine-dinners au restaurant Apicius jeudi, 6 mai 2010

Le 132ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Apicius. Dans un hôtel particulier de la rue d’Artois, la décoration est d’un raffinement rare. Le choix des couleurs et le modernisme des tableaux et des objets sont d’un goût exquis. Le jardin s’est paré des couleurs frêles du milieu de printemps.

A 17 heures j’ouvre les bouteilles et aucun bouchon ne me pose de réel problème. Celui du Lafite 1962 est d’une qualité exceptionnelle, ainsi que celui du Latour 1943 un peu moins souple. Je suis très étonné que le bouchon d’origine du Climens 1924 soit aussi court, avec six à sept millimètres de moins que celui du Malagar 1966. C’est comme si M. Gounouilhou avait voulu faire des économies de bouts de bouchons. Les couleurs sont belles, les odeurs sont pures. Tout se présente bien aussi me reste-t-il du temps pour profiter du beau parc en attendant mes huit convives.

Nous sommes installés dans le petit salon où nous prenons la première partie d’apéritif debout. Le Champagne Deutz Cuvée William Deutz 1966 est d’une cuvée qui a été inventée en 1959 pour exprimer le meilleur du meilleur des vins de Deutz. Etant servi en premier par Caroline, sommelière qui fera un service du vin excellent, j’ai la gorgée la plus ingrate. Dès que je suis resservi après les autres, l’amélioration est sensible. C’est un champagne à la belle couleur ambrée, au nez délicat, sans bulle mais avec un reste suffisant de pétillant. Il manque un peu de longueur et la petite huître joue un rôle dynamisant pour lui conférer une belle personnalité.

Nous sommes assis pour la suite de l’apéritif. Autour de la table, un couple de japonais, un couple franco-chinois, un industriel marocain et trois français de professions diverses ont réussi à créer une atmosphère enjouée, riante, amicale mais aussi concentrée sur l’accueil de saveurs exceptionnelles.

Le menu créé par Jean-Pierre Vigato est bien adapté aux vins : Amuse-bouches entre huîtres et champignons… / Oursin, Langoustine et Tourteau… / Ris de veau rôti entier, fin hachis de champignons, jus à la réglisse / Petit pâté chaud d’oiseaux de chasse, Sarcelles, Bécasses et Grouses / Stilton / Pommes renversées « façon Tatin », crème d’un Saint-honoré.

Les amuse-bouches se continuent sur un Champagne Dom Pérignon 1964 et l’on voit instantanément l’immense écart entre les deux champagnes. Avec le 1964, l’ambre est beaucoup plus doré, le nez est expressif et chaleureux, la bulle, même discrète, s’impose en bouche et le goût de ce champagne est profond, fruité, coloré de couleurs solaires. C’est un très grand champagne.

L’entrée est en trois parties et je ne peux m’empêcher de penser à Alain Dutournier pour qui le chiffre trois est un support caractéristique de la création. Le Meursault Jean François Coche Dury 2001 a un nez particulièrement intense. C’est comme si un puits de pétrole explosait dans les narines. A le voir si puissant, on a peur pour le vin voisin. Mais pas du tout. Le Meursault générique de Coche Dury s’amuse à jouer dans la cour des grands avec une verve citronnée et une rondeur qui emplit la bouche. A côté le Chablis 1er cru Camille Giroud 1959 est, pour les trois novices de ces dîners, le premier choc culturel, qui sera suivi par beaucoup d’autres. Comment est-il possible qu’un chablis de plus de cinquante ans puisse avoir cette jeunesse intemporelle ? La couleur du vin est d’un jaune citronné de prime jeunesse. Le nez est pur et expressif et le goût combine le fruité et le citronné qui ne déparent pas de l’impression donnée par le meursault. Une chose m’étonne, c’est que le final de ce vin est à deux étages. Il a un final citronné, et alors que l’on croit qu’il a tout dit, un retour de langue vient donner un goût de bonbon acidulé absolument étonnant. De mauvaises langues diraient qu’il n’y a pas que du chablis dans ce vin, mais si c’est pour ce résultat, nous sommes prêts à cacher son secret dans les plis de nos soutanes. Le vin est intemporel et charmant. Le meursault s’accorde le mieux avec l’oursin, le chablis le mieux avec la langoustine, et la coupe de tourteau est trop fraîche pour que les deux vins en profitent.

Sur le ris de veau, nous avons deux premiers grands crus classés. Le plus habitué de mes dîners dira que le Lafite est très Lafite et le Latour est très Latour, et c’est vrai. Les deux sont au sommet de leur art. Le Château Lafite Rothschild 1er GCC Pauillac 1962 est très strict, monacal, et il faut aller chercher la grandeur de son message. Si l’on accepte la prudence de gentleman anglais de ce vin, dont le goût de truffe est juste suggéré, on profite d’un vin profond, dense, représentatif d’une grande année bien souvent oubliée. A côté, le Château Latour 1er GCC Pauillac 1943 est chantant, joyeux, tout fou bien que solidement assis sur une structure indestructible. Là aussi, des pans culturels tombent : comment un vin de 67 ans peut-il être aussi jeune d’esprit ? Et aucun des deux vins ne nuit à l’autre, et le ris de veau a l’intelligence de ne pas se mêler de leur confrontation, en étant un compagnon fidèle des deux. La table votera plus volontiers pour le Lafite, dont la pureté bordelaise est exemplaire, alors que je favoriserai nettement le Latour à la joie de vivre qui n’interdit pas la complexité superbe. Un convive fait remarquer que les deux bordeaux se présentent dans un état de conservation exemplaire puisque aucun ne montre de défaut.

Le plat d’oiseau se compose de deux parties : un pigeon dont la chair est diaboliquement veloutée et une petite pâtisserie aux trois oiseaux, plus rêche et typée. Le Chambertin Clos de Bèze Joseph Drouhin 1947 est totalement fait pour le pigeon. Le velours s’ajoute au velours, dans une union que l’on devrait recouvrir d’un voile pudique. Car l’accord, le plus réussi du repas, est d’une rare sensualité. Le vin donne l’impression de n’exister que pour la chair fondante du pigeon. C’est spectaculaire, et le chambertin atteint un niveau de plénitude que seuls les chambertins de grandes années sont capables de donner. Une fois encore, le vin associé sur le même plat s’harmonise très bien, sans qu’un vin ne rabaisse l’autre. L’Hermitage la Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1990 est un grand vin, dans sa belle jeunesse, et couronné par tous les critiques de vin. Sa stature, sa force, le rendent plus apte à cohabiter avec l’intense pâté d’oiseaux de chasse. Le chambertin est sensuel et l’Hermitage est conquérant. Deux beaux vins plus « rustiques » que les bordeaux, mais diablement charmants.

Pour les trois nouveaux participants, associer un stilton avec un vin doux, c’est une curiosité qui laisse dubitatif. La démonstration se fait en essayant. Le Château Malagar (François Mauriac) 1966 est un « Premières Côtes de Bordeaux ». A l’ouverture, son nez me semblait jouer dans la cour des grands. Et c’est vrai qu’il se présente très au dessus de son appellation. Si l’on prononçait le mot sauternes à son égard, personne ne le reprocherait. Le vin d’une couleur d’un jaune encore pâle ne montrant aucun signe d’évolution, est doté d’une jolie acidité citronnée qui le rend convaincant. Le doucereux est joliment balancé et l’accord avec le stilton est gourmand.

Les pommes ont un goût délicieux, un peu acide, qui est exactement dans la ligne de ce que demande le Château Climens Barsac 1924. Boire Climens des années vingt est toujours émouvant. Ce vin à la couleur d’ambre légèrement brun a un nez raffiné et subtil. En bouche, on s’aperçoit qu’il a mangé une partie de son sucre, ce qui le rend un peu plus sec. Et ses notes subtiles apparaissent davantage. Contrairement au Lafite, je suis beaucoup plus à l’aise pour apprécier ce type de vin que l’ensemble de la table. Ce Climens n’est pas un des plus tonitruants, il joue sur la délicatesse, avec une longueur extrême.

Les discussions vont bon train et nous n’arrêtons pas d’échafauder des plans de futurs dîners où nous nous retrouverions aux quatre coins de la planète. Il est temps de voter. Nous sommes huit à voter car la charmante japonaise n’a pas bu. Tous les vins sauf un, le chablis, ont eu des votes. Trois vins seulement ont eu des votes de premier : le Chambertin Clos de Bèze Joseph Drouhin 1947 cinq fois, ce qui est majoritaire et écrasant, le Château Lafite Rothschild 1er GCC Pauillac 1962 deux fois et l’Hermitage la Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1990 une fois.

Le vote du consensus, difficile à départager à la suite du premier indiscuté, est : 1 – Chambertin Clos de Bèze Joseph Drouhin 1947, 2 – Château Lafite Rothschild 1er GCC Pauillac 1962, 3 – Château Latour 1er GCC Pauillac 1943, 4 – Château Climens Barsac 1924.

Mon vote est le même mais dans le désordre : 1 – Chambertin Clos de Bèze Joseph Drouhin 1947, 2 – Château Climens Barsac 1924, 3 – Château Latour 1er GCC Pauillac 1943, 4 – Château Lafite Rothschild 1er GCC Pauillac 1962.

La petite salle à manger permet à neuf convives d’être à l’aise et la forme de la table permet à chacun de parler avec tous, ce qui est un avantage crucial. La vaisselle est belle, le service est attentionné. Caroline a été efficace et attentive. La cuisine de Jean-Pierre Vigato est d’une grande maturité, avec une lisibilité rassurante et adaptée aux vins anciens. De nouvelles amitiés se sont créées et les anciennes se sont confortées. Par un beau soir de printemps, nous nous sommes quittés heureux.

Une Landonne au Mathusalem rue Exelmans mercredi, 5 mai 2010

S’il devait y avoir un titre pour ce déjeuner, ce serait le mot traquenard. Denis est sommelier. Il est un des piliers de l’académie des vins anciens, qu’il a aidée en assurant le service du vin. Il fait partie de ces gens dont la générosité conduit à l’aveuglement. Il a partagé sa vie entre l’Afrique du sud et la France et nous ne nous sommes pas vus depuis longtemps. Il m’envoie un message demandant quand nous pouvons déjeuner ensemble. J’écoute ce message dans une salle de sport où je suis à portée de fusil du restaurant qu’il me suggère. Je l’appelle pour lui dire : « pourquoi pas ce midi ». Il me dit : « je t’attends ». Voilà comment une journée que je pensais sans vin se transforme en un traquenard.

Le Mathusalem, rue Exelmans, est un gentil petit bistrot où les murs sont transformés en ardoises, calligraphiées pour donner envie de manger et de boire. Le voiturier m’appelle par mon nom. Suis-je célèbre ? Non, c’est Denis qui a signalé ma présence. Le patron du lieu a un visage qui m’est familier. J’apprendrai qu’il était auparavant l’un des sommeliers de la maison Hédiard. La table est dressée pour trois, car Fabrice, le gérant d’une salle de sport concurrente de celle que je venais de quitter nous rejoint. Sur la table, un vin décante dans une carafe.

Denis demande à Rémi le patron de nous apporter le champagne que Denis connaît comme sa poche. C’est un champagne Damien Hugot Blanc de Blancs Brut à Epernay, pur chardonnay. La bulle est un peu lourde en bouche, mais je suis conquis par le vineux du champagne. Il se boit bien, sa définition est précise, il ne pèse pas, même si son message manque de profondeur et de longueur. Pour le prix que Denis m’indique, c’est une excellente affaire, car il se goûte bien.

Devant moi il y a deux verres que Denis veut me faire découvrir à l’aveugle. Comme il revient d’Afrique du Sud, je regarde si cette piste est possible et elle ne l’est pas. Ce sont des vins français. Le premier, par sa couleur, par sa fraîcheur me conduit vers la Bourgogne, et la bouteille apparaît très vite pour me dispenser de chercher. C’est un Nuits-Saint-Georges premier cru aux Perdrix Domaine de Perdrix 2007. Je dis : « si je me souviens bien, la vigneronne qui fait ce vin est d’une rare beauté ». On a les repères que l’on choisit. Le vin est extrêmement plaisant, avec cette subtilité bourguignonne amplifiée par la délicatesse de l’année. A côté, je cherche et malgré l’aide de Denis je ne trouve pas. J’aime le velouté de ce vin et la réponse est évidente quand on me la dit : c’est une Côte Rôtie La Germine, domaine Benjamin et David Duclaux 2005. J’aime le velouté de ce vin.

Nous avons pris des couteaux en entrée et Denis demande un Sauvignon. J’insiste pour que l’on goûte le Nuits-Saint-Georges sur ce crustacé et j’ai bien raison, car l’accord est parfait alors que la Côte Rôtie n’en veut pas.

Là où est le traquenard, à la limite du coup monté, c’est que Denis me montre une ardoise pendue en l’air, pour que je lise le nom du vin. Or, qu’y a-t-il sur l’ardoise qui était dans mon dos : cette Côte Rôtie bien sûr, mais juste en dessous Côte Rôtie La Turque Guigal 2005. Je lis l’ardoise et je dis « stop. Il nous faut celle-là. Je vous l’offre ».

Rémi, maître des lieux revient avec une Mouline 2006 et je commence à montrer des signes d’agacement. Rémi n’a plus de Turque 2005. Il me dit qu’il lui reste une Landonne 2005. L’affaire est conclue, ce sera Côte Rôtie La Landonne Guigal 2005. Alors que la Côte Rôtie Duclaux nous plaisait par son velouté discret, avec l’apparition de la Landonne, c’est un peu comme le tennisman classé 15-4 qui fait briller les yeux des jolies spectatrices et doit céder la place à Rafael Nadal. Car maintenant les limites du Duclaux apparaissent au grand jour à côté d’un monstre de perfection. Le nez tout seul est déjà un monument. Riche, intense, profond, il enivre comme un parfum. En bouche, la richesse, le gouleyant sont insolents d’aisance et de séduction. Quel vin splendide. On voit bien les similitudes avec Duclaux, qui montrent que j’aurais dû deviner le vin à l’aveugle, mais le poids léger ne peut pas boxer dans les super-lourds.

J’avais commandé des sardines comme plat principal, mais la présence de La Landonne l’interdit. Fort aimablement Rémi accepte que je remplace par un navarin d’agneau. Hélas, le navarin est bourré d’épices et il est évident que les épices sont des ennemies des grands vins car elles anesthésient la bouche au lieu de la clarifier pour apprécier le vin. Mais en dosant nourriture et breuvage, on arrive à jouir de ce vin transcendantal.

Comme si cela ne suffisait pas, Rémi a sorti un Vieil Armagnac 1959 mis en bouteille en 2006, au goût prononcé de caramel et de café, qui est un peu une exagération de l’Armagnac, même s’il se goûte bien.

Mathusalem est un bistrot de belle gaieté, géré par un amoureux du vin où il y a des pioches crédibles sur une cuisine de belle réalisation. C’est simple, mais ne pas y aller serait un crime. Aujourd’hui, ce fut le traquenard d’un ami très cher. Pas question de le regretter. Allez-y !

Rayas au restaurant Patrick Pignol mardi, 4 mai 2010

Le fils d’un ami de quarante ans est devenu lui aussi un ami très proche. Nous déjeunons au restaurant Patrick Pignol. Quand j’arrive – en avance – l’aspirateur est au milieu de la pièce. Maîtres d’hôtel et sommelier sont encore en jeans. Me suis-je trompé de jour ? Patrick et son épouse ont fait refaire la décoration du lieu pendant le week-end, et le nettoyage final se fait à la dernière seconde.

Pendant qu’on se prépare, j’ai le temps d’étudier la carte des vins du restaurant. C’est une des plus belles cartes de vin de Paris. Patrick gère les achats, et comme il est gourmet, il n’achète que le meilleur. Il y a des prix très chers lorsque Patrick veut gérer la rareté avec parcimonie et il y a des prix doux qu’il faut savoir aller chercher dans le livre imposant.

Je ne jette même pas un œil aux bordeaux qui ont définitivement quitté la raison. Je jette mon dévolu sur Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2000 qui fait partie des fondamentaux du bien boire. Si Raymond Domenech gérait la cave comme une équipe de foot, Rayas ne serait pas sur les bancs des remplaçants. Du moins, c’est ce qu’on aimerait que Domenech fasse.

Nous prenons le menu du jour, avec des ravioles de Saint-Jacques au jus corsé et le cochon de lait saisi au four légèrement pimenté au gingembre et à la coriandre. Nicolas carafe le vin. La couleur est légèrement tuilée, évoquant un bourgogne de vingt-cinq ans. Le nez est d’une rare subtilité qui m’évoque certains bordeaux comme les Graves. En bouche, mais c’est la première gorgée qui me piège souvent, je trouve le message un peu fermé, le vin jouant avec un petit bémol. En fait, il faut attendre. Progressivement le vin découvre l’une de ses caractéristiques uniques : c’est le plus bourguignons des Châteauneuf-du-Pape. Selon le plat, on suivra une délicieuse amertume, comme sur les ravioles, ou un velouté délicat, charmeur, enjôleur et captivant comme sur le cochon de lait. L’accord avec le cochon est admirable de confort. Mais le Rayas ne m’a pas donné l’émotion dont il est capable.

Un saint-nectaire un peu trop affiné n’est pas un bon partenaire. Sur une mandarine gentiment confite, un Klein Constantia Afrique du Sud 2005 crée un accord charmant et convaincant.

L’ambiance du restaurant est toujours aussi sympathique. La cuisine est précise et goûteuse. Ici on se sent bien.


déjeuner restaurant Laurent – photos lundi, 3 mai 2010

Chante Alouette Hermitage blanc Chapoutier 1945

Puligny-Montrachet J.B. Duchesne 1961

On voit le bouchon qui flotte dans le vin de belle couleur

Barolo Giacomo Borgogno 1961

Royal Kébir Frédéric Lung Algérie 1945

Anjou J. Touchais 1959

Foie gras de canard poêlé, haricots risina aux olives noires et relevés par un gaspacho

Friands de pieds de porc croustillants, purée de pommes de terre

Charlotte contemporaine aux gariguettes et baies de sureau (on sent le nouveau code de couleurs du restaurant Laurent)

Les belles couleurs des vins

vins de curiosité au restaurant Laurent lundi, 3 mai 2010

Le fait d’écrire sur le site de Robert Parker m’a permis de rencontrer des américains amoureux de vins, dont j’apprécie l’enthousiasme et la compétence de dégustation. Et la différence d’approche est très intéressante.

Un jour, je reçois un message d’un américain du Nebraska qui me complimente, non pas tant pour mes écrits sur le forum de Parker que pour mon livre, qu’il a trouvé « inspirant ». C’est un psychanalyste lacanien et ce détail excite ma curiosité. Il est de passage à Paris pour un congrès de psychanalyse et il me demande que nous déjeunions ensemble, sachant qu’il apporterait des vins. Je ne le connais pas mais ses propos ayant l’effet de la fable du corbeau et du renard, j’ouvre mon large bec.

Nous nous retrouvons au restaurant Laurent, l’endroit de Paris le plus accueillant qui soit. Mes deux vins déjà présents sur place depuis dix jours ont été ouverts il y a plus de deux heures et ceux de Tom peut-être une demi-heure, puisque Tom est arrivé avant l’heure du rendez-vous.

J’avais prévu pour l’entrée un Chante-Alouette Hermitage blanc Chapoutier 1945. La couleur m’étant apparue affreuse, je suis descendu hier en cave pour prévoir une bouteille de remplacement. La première que je prends, un Puligny-Montrachet J.B. Duchesne 1961, de magnifique couleur, a hélas le bouchon qui flotte dans le liquide. Je prends une autre bouteille, un Corton-Charlemagne dont l’année est illisible.

Le premier contact avec le Chante-Alouette est assez désagréable, mais à mon grand étonnement, le final est enlevé et brillant. La question se pose : gardons-nous ce vin, ou prenons-nous les réserves ? Tom me dit qu’il se contenterait bien de ce 1945. Ne sachant pas si c’est de pure politesse, je fais ouvrir le Puligny dont la couleur est très belle, d’un jaune citron de belle jeunesse. Le nez de ce vin est très déplaisant, tendance bouchon. Mais en bouche, quelle surprise ! Le vin est précis, bien dessiné, sans le moindre défaut, et son final citronné est d’une belle définition. Quelle surprise ! Il n’est donc pas nécessaire que j’ouvre le Corton Charlemagne. Tom me dit n’avoir jamais rencontré un vin qui ait un tel écart entre le nez et la bouche. Et, chose importante, le bouchon qui flottait n’avait créé aucune déviation définitive qui eût exclu que le vin fût bu.

L’entrée est un foie gras de canard poêlé, haricots risina aux olives noires et relevés par un gaspacho. C’est fou comme le Chante-Alouette que je commençais à trouver désagréable est mis en valeur par le foie gras. Il gagne en originalité, en coffre, et son petit côté fumé qui le rend rhodanien emporte l’adhésion. J’ai envie d’essayer le premier rouge sur le foie gras. Tom a apporté un Barolo Giacomo Borgogno 1961. Le nez est extrêmement délicat et raffiné. La première approche du vin est celle d’un vin légèrement acide, un peu fluet en bouche, mais au final solide. J’adore ce vin et je dis à Tom qu’il n’a pas d’âge tant il paraît intemporel, accompli et équilibré, fait pour tracer la route de l’histoire sous cette forme inchangée. La deuxième approche est plus étoffée, car le vin s’ébroue, et sur le foie gras, il prend définitivement du coffre, de l’assise et je suis impressionné par la prestance de ce vin charmeur. C’est bon un Barolo de cet âge.

Le foie gras est beaucoup plus accueillant envers le Barolo que vis-à-vis de mon vin, un Royal Kébir Frédéric Lung Algérie 1945 rouge. La bouteille est parfaite, provenant de la caisse d’origine que j’avais moi-même décerclée. J’avais été étonné que les étiquettes soient aussi parfaites que si elles avaient été imprimées la veille, et que les niveaux soient dans le goulot. N’importe quel expert me dirait que c’est forcément un faux, tant elle semble fabriquée il y a moins d’un an. La couleur est noire, à peine tuilée, le nez est convaincant et intense, et en bouche, l’image qui me vient immédiatement est celle de Vega Sicilia Unico. Car les arômes de café, de marc de café, de caramel sont présents, ainsi que des traces d’écorce d’orange que signale Tom. Le vin est résolument non conventionnel et je dis en souriant que l’on comprend pourquoi les bourguignons ont ajouté du vin algérien dans leurs cuves. Car ce vin a de la puissance, du charme et une typicité de vin conquérant. Sa complexité est extrême. Le foie gras ne l’intéresse pas.

Ce qui m’a plu, c’est que Tom, après l’essai des deux rouges vient revisiter les deux blancs pour voir comment ils se comportent avec le foie gras. Cette attitude ouverte vis-à-vis de vins relativement peu glamour m’indique que Tom sait écouter le message des vins.

Le plat suivant est un plat traditionnel de ce restaurant : les friands de pieds de porc croustillants, purée de pommes de terre. Et là, c’est de loin le domaine d’excellence du Royal Kébir qui devient impérial. Il prend une stature de première grandeur. Il s’est coordonné et offre l’opulence des plus grands vins. Il faut absolument que je prévoie d’en ouvrir une bouteille avec un Vega Sicila Unico. Le Barolo avec ce plat riche devient plus strict, plus synthétique, gardant sa densité sans le côté charmeur qu’il avait jusqu’alors.

Comme nous ne sommes que deux, il reste beaucoup à boire aussi un saint-nectaire aide à finir les rouges, et c’est le Barolo qui l’accepte le mieux, et un comté aide à poursuivre l’exploration des blancs. Contrairement à ce que je pensais, l’Hermitage fait un blocage avec le comté, qui lui donne un aspect giboyeux, voire laiteux, alors que le Puligny-Montrachet gagne en élégance, en étoffe et en charme.

Le dessert est une charlotte contemporaine aux gariguettes et baies de sureau. Tom est un peu circonspect sur la pertinence de l’accord avec son vin, mais il verra que ça fonctionne subtilement. L’Anjou J. Touchais Grande Année 1959 a une couleur d’un or glorieux. Quel beau vin dans le verre ! Son nez est discret et c’est en bouche qu’il s’exprime. Il est délicat, pianote dans la douceur, et ce sont des fruits blancs comme les litchis qui jouent piano mais continuo. Ce vin est tout simplement délicieux, mariant une jolie acidité qui fait oublier qu’il est doux avec une longueur déployée comme l’écharpe d’un ange de douceur. Je me reproche de ne pas explorer plus souvent ces vins de Loire qui sont vraiment attachants. Une chose m’a intéressé, c’est que les deux vins de Tom sont intemporels, dans une forme qu’ils garderont pendant de longues années, avec un équilibre rare.

Pour s’amuser, nous avons voté pour nos quatre favoris. Tom a voté ainsi : 1 – Touchais 1959, 2 – Chante-Alouette 1945, 3 – Royal Kébir 1945, 4 – Barolo 1961.

Mon vote est : 1 – Touchais 1959, 2 – Royal Kébir 1945, 3 – Barolo 1961, 4 – Puligny 1961.

Le fait que Tom place le Chante Alouette en second montre son ouverture d’esprit pour ne pas s’arrêter à un petit défaut de fatigue et pour savoir mettre à l’honneur le vin quand un plat le sublime. Nous avons bavardé de choses diverses sur le vin. Tom est un amateur qui a découvert le monde des vins anciens, et qui adopte une approche ouverte à l’écoute des vins. C’est un plaisir pour moi de découvrir ainsi des amateurs qui vibrent de cette façon.

131ème dîner – les vins samedi, 24 avril 2010

Champagne Salon 1971 et son bouchon très court

Champagne Dom Pérignon Oenothèque magnum 1966

Champagne Veuve Clicquot rosé 1947

Montrachet Bouchard Père & Fils 1971

Château Trotanoy 1945

Château Latour 1945

Corton Grancey Louis Latour 1934

Beaune Teurons Bouchard Père & Fils 1943

Château Coutet 1943

Château d’Yquem 1987

Vin de Chypre Ferré 1845