la percée du vin jaune approche ! mardi, 2 février 2010

La Percée du Vin Jaune approche. Cette fête annuelle qui marque la naissance d’un millésime est un événement populaire à ne pas manquer. Un journaliste de France Culture est en charge d’un sujet sur les vins du Jura et sur la Percée. Quand il m’a contacté, je subissais les rigueurs patagoniennes ou je jouissais des douceurs caraïbes.

Un rendez-vous est pris au bar du Crillon pour une interview qui précède la Percée. Le journaliste a peur des bruits parasites de l’atmosphère d’un bar aussi Philippe, barman efficient, trouve un salon privé où nous pourrons deviser en paix face au micro. Hélas, un rhume rebelle nasalise ma voix. En attendant le journaliste, l’idée me vient que l’interview se passe autour d’un vin de la région. Je demande à David Biraud s’il a quelques vins du Jura. David regarde sur sa liste et me propose un Arbois de 2001. Je lui demande s’il n’a pas autre chose et sa réponse est étrange : « oui, bien sûr, mais vous savez, ce sont des vieux ». Me dire ça à moi ! Il pointe sur la carte des vins un Côtes du Jura blanc Jean Bourdy 1934. C’est évidemment celui-là qu’il me faut.

Olivier le journaliste arrive, le barman lui demande s’il veut boire quelque chose et il répond : « pourquoi pas une coupe de champagne ». Quand je dis : « non », le journaliste me regarde avec un air outré. Comment, est-ce possible ? Suis-je l’impertinent qui l’empêcherait de boire du champagne ? Je m’empresse de lui répondre, pour éviter toute susceptibilité : « non, parce que j’ai mieux ».

Nous nous rendons dans le salon privé et David nous sert le vin, doré comme l’armure d’un soldat grec. Olivier a immédiatement le sourire, puisqu’il adore les vins du Jura. Ce vin est délicieux. Malgré mon rhume je perçois le nez profond, pénétrant et insistant. En bouche, il y a du fumé et des fruits jaunes, mais ce qui frappe, c’est l’épanouissement d’un vin à l’équilibre sans défaut. La longueur est belle sans être immense. Le vin est grand, riche, plein, et fait voyager dans une autre dimension.

Olivier me dit qu’il est très sensible au fait que j’aie apporté un vin de ma cave. Je n’ai pas contredit son affirmation. Est-ce péché, je ne sais. Je ne voulais pas qu’il imagine que je dépense des sommes folles uniquement pour un rendez-vous de presse.

Pour ce vin, je commande des huîtres et un cabillaud à la purée truffée. Olivier n’aime pas les huîtres, ce que je ne savais pas, il mariera le vin à un foie gras. Les petites huîtres sont divines avec le vin, sans toutefois offrir un prolongement déterminant. Mais le plaisir est appréciable, que je doublerai puisque les huîtres de la réserve du chef (il n’y en a pas à la carte) ont été ouvertes pour deux.

J’attendais beaucoup du Côtes du Jura sur la purée truffée, et c’est vrai que l’accord fonctionne, mais c’est sur le cabillaud que l’accord est saisissant. L’iode est capté par le vin de 1934 qui le restitue sur la langue en un coup de fouet magistral. Enfant, j’étais fasciné quand Zorro était capable de zébrer son initiale sur une chemise adverse. Ce Côtes du Jura cingle l’iode avec la même célérité.

Feuilleter les vins du Jura, c’est exactement comme lorsque j’étais enfant déchiffrant le grec, les lourdes pages du gros Bailly, ce dictionnaire dont les élèves n’avaient droit qu’à la version abrégée, me donnaient les réponses aux interrogations linguistiques les plus subtiles. L’odeur du papier porteur de la sagesse hellénique était celle d’une secte. Ce vin du Jura a de ce parfum là.

Olivier est ravi. Nous nous reverrons à la vente aux enchères de la Percée du Vin Jaune. Le 1934 a entretenu la flamme de mon amour pour les vins du Jura.

Chez Yvan Roux, les photos dimanche, 31 janvier 2010

Pata Negra

calamars et seiches

pagre

soufflé et sorbet

Châteauneuf-du-Pape Yves Chastan 1967 (il est difficile de dire si c’est 1967 ou 1957 car le haut du chiffre est presque horizontal et droit au lieu d’être arrondi). On note le beau bouchon qui n’a malgré tout pas gardé tout le liquide.

Châteauneuf-du-Pape Domaine de l’Arnesque, Julien Biscarrat & Fils 1991

Un avion fend le ciel au dessus de la baie et du tombolo de Giens

Yvan Roux, suite ! dimanche, 31 janvier 2010

La couvaison n’aura pas duré bien longtemps. Car dans la chaleur communicative du dîner, nous avions pris rendez-vous pour déjeuner le lendemain chez Yvan Roux. Le soleil est radieux, les couleurs de la mer sur la rade de Giens sont magnifiques. Babette ouvre un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle pour que nous dégustions une chiffonnade de « Pata Negra » absolument délicieuse. C’est vraiment ainsi que ce champagne trouve son sens. Mais malgré tout, le message un peu monolithique peine à maintenir l’attention. Suis-je saturé par ce champagne que je connais par cœur ? Il faudrait sans doute en boire de plus âgés.

Le menu composé par Yvan pour ce jour est ainsi rédigé : fricassée de seiches et de calamars / tombée de pousses d’épinards aux petites crevettes décortiquées, à l’échalote et ail confit, et le pavé de pagre à l’unilatérale / soufflé à la vanille de Madagascar et sorbet framboise. Comme hier les cuissons sont spectaculaires, les goûts sont d’une rare finesse dans leur simplicité.

J’ai apporté deux vins qui sont des achats de hasard. Le Châteauneuf-du-Pape Yves Chastan 1967 a perdu de son niveau dans la bouteille, fort teintée d’une lie collante. Ouvert au dernier moment le vin est d’une acidité marquée qui disparaît très vite. Je m’habitue à ce vin qui n’est pas déplaisant, mais je sens que mes amis accrochent moins à son goût de vin ancien. J’ouvre donc un Châteauneuf-du-Pape Domaine de l’Arnesque, Julien Biscarrat & Fils 1991. Effectivement on se raccroche aux saveurs infiniment plus amènes d’un Châteauneuf-du-Pape de 14° tout de même.

La chair du pagre est très prononcée. J’avais peur que les épinards ne luttent contre les rouges, mais en fait, traités en douceur, ils jouent de velours avec eux. La mission que je m’étais fixée est accomplie : le retour en France, dans notre douce France, par un soleil de rêve, est définitivement réussi.

des cigalons chez Yvan Roux dimanche, 31 janvier 2010

Pour un vrai retour en France, il nous fallait un détour dans notre maison du sud. Yvan Roux m’annonce qu’il a des cigalons, qui sont aujourd’hui les mets que je recherche le plus. Nous appelons des amis. Je cherche en cave des vins que j’ai envie de boire. Laissons-nous aller.

Les amis arrivent à la maison. Des petits toasts au foie gras attendent un champagne. J’ai ouvert un Champagne Salon 1983, année difficile pour Salon. Je ne l’ai pas bue depuis plusieurs années. Comment a-t-elle évolué ? Le bouchon est impeccable, souple et puissant, ce qui me fait plaisir. Si l’on a pris le soin de prendre de bons lièges, c’est un signe positif. La bulle est très active, la couleur est d’un or sympathique. Tout s’annonce bien. Dès la première gorgée, on sent que l’on a affaire à un champagne atypique. Le caractère vineux est dominant. L’âge est sensible, et l’on comprend pourquoi ce vin a pu être jugé faible, car il y a un petit creux dans la densité. Mais la compensation existe largement quand l’on écoute le discours fumé d’un champagne vineux, fort, puissant et d’une longueur appréciable.

Nous allons chez Yvan Roux, et dans la cuisine, les fruits de la mer attendent notre gourmandise. Dans une assiette, trois éléments : une friture de petits souclets, des alevins de seiches sans os et des petits crabes de posidonies frits. Tout cela se croque avec bonheur sur un Meursault Clos de la Barre Domaine Comtes Lafon 2000. Le vin est très attendu. C’est-à-dire que la richesse onctueuse d’un vin polymorphe est exactement ce que j’espérais. Mais ce qui frappe, avec une évidence marquée, c’est la longueur du vin. Quand il pianote en début de bouche, on sent ce qu’il veut dire. Et dès qu’il prolonge les aiguilles du temps, on sent qu’il en dit un peu plus. C’est un grand vin.

Le point d’orgue de notre dîner, ce sont les cigalons qu’Yvan a mariés à de l’ail confit. Sur ce plat, deux vins rouges : un Clos de la Roche Armand Rousseau 2002 et un Clos de la Roche Dujac 2002. L’idée de mettre côte à côte ces deux vins m’est apparue ludique. Les cigalons sont transcendantaux. Parmi tous les goûts que je côtoie, le plus fort, le plus excitant aujourd’hui, car nul ne sait de quoi demain sera fait, c’est celui des cigalons. Et, si j’osais le dire, ce sont les cigalons cuits par Yvan.

Rien n’est plus dissemblable que le goût de ces deux Clos de la Roche. Il y a dans le Dujac un côté séducteur, charmant, puissant, flatteur, qui peut convaincre. Et ma voisine et amie est séduite. Mais le Rousseau résume complètement l’identité pure de la Bourgogne. Le charme moderne est chez Dujac. L’authenticité profonde est chez Rousseau. Les deux vins sont grands, mais mon cœur balance vers Rousseau. Les deux vins sont en symbiose avec les cigalons. Je vis un moment grandiose.

Yvan nous sert un carpaccio de pageot à l’huile d’olive et suprêmes de pomelos. La chair du pageot est sublime. Les rouges s’en accommodent bien, du moins ce qu’il en reste, si l’on oublie les pomelos pour n’en conserver que leur trace suggestive. Pour le soufflé à la vanille de Madagascar, mon ami commande un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle. Le soufflé est expressif et aérien. Le Laurent Perrier se place dans son sillage. S’il n’y a pas la complexité du Salon, il y a un plaisir de vivre qui se communique.

Lorsque nos amis nous quittent, je pense à ce dîner. Il y a eu exactement ce que je recherche. A tout moment, il n’y a eu que le goût pur. Pas la moindre fioriture. Le goût pour le goût, avec des cuissons d’une justesse extrême. Je touche à ce que j’aime. Et les vins que j’ai mis à leur contact répondent présents. C’est un plaisir ultime que je veux couver pour longtemps.

dîner chez Yvan Roux photos samedi, 30 janvier 2010

Champagne Salon 1983

Un bouchon splendide

Souclets, petits crabes et alevins de seiches

Meursault Clos de la Barre Domaine Comtes Lafon 2000

Clos de la Roche Domaine Dujac 2002

Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 2002

Petites crevettes roses

Les cigalons, objet de ma convoitise

Carpaccio de pageot

Trois vins que j’apprécie

Soufflé à la vanille

Les bouchons des deux Clos de la Roche

Un hippocampe dans les filets, c’est un porte-bonheur

déjeuner d’amis au restaurant Taillevent mercredi, 27 janvier 2010

J’aime l’impromptu. Un SMS tombe sur mon portable peu après mon retour : « demain, déjeuner, Taillevent, ça te va ? ». Jean-Philippe veut que je lui raconte le récent voyage. Je demande à ma femme si elle veut être de la partie, mais elle s’est engagée vis-à-vis de notre fille. Nous nous retrouvons à deux au restaurant Taillevent. Nous sommes accueillis par un Champagne Jacquesson Sillery Grand Cru 1996. Ce champagne est un 100% pinot noir dégorgé en 2004. A l’aveugle, il ne m’évoque aucun champagne, car il se trouve que j’ai très peu acheté de vins de cette maison. Mais ce que je reconnais volontiers, c’est que le champagne est plaisant. Il est à peine dosé, à 3,5 grammes et a une belle amertume, signe de personnalité. Les affectueuses gougères, sésame de cet endroit, me font de l’œil avec insistance, ce qui permettra à Jean-Marie Ancher de faire de l’humour sur un mode gentil, quand plus tard, il fera habiller une profiterole à la façon d’une gougère.

Nous discutons avec Jean-Philippe du choix des vins et plusieurs pistes sont possibles. Je laisse mon ami proposer les solutions que nous adoptons.

Le premier vin est un Bienvenues Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1989. Après une abstinence vineuse de plus de 25 jours, ce vin fait briller mes yeux. Il y a une complexité, un épanouissement qui sont exemplaires. Le vin est juteux, gras, expressif. C’est du bonheur en bouche. La mise en bouche est succulente, mais nous parlons tant que j’oublie ce qu’elle est. Le consommé de bœuf, moelle et châtaignes est agrémenté d’une belle tranche de truffe noire qui fait vibrer le Bienvenues avec une efficacité remarquable. Lorsque vient la deuxième entrée, Frégola artisanale de Sardaigne cuisiné au homard et aux coquillages, l’accord est tout aussi plaisant, mais j’ai l’envie d’essayer le rouge. Il s’agit d’un Musigny Jacques-Frédéric Mugnier 1999. Le plat rétrécit un peu le vin, c’est évident, mais l’accord ne me déplait pas, iode et vin rouge trouvant en moi un écho particulier.

En fait, le territoire du Musigny, c’est le carré d’agneau des Pyrénées en croûte d’herbes, jus à la sarriette, absolument délicieux. Le vin est très intéressant, atypique car il fait explorer des gammes de goûts qui ne jouent pas sur la séduction, et c’est ce que j’aime dans les bourgognes. Ce vin va encore s’étoffer, prendre de l’ampleur. Mais avec ses dix ans bien sonnés, il commence à parler et raconter des histoires d’un grand Musigny, de belle précision et de belle longueur. J’adore ce vin qui n’a pas le charme direct du Bienvenues, mais une subtilité et une affirmation dans un registre étrange qui s’affinera avec le temps.

C’est amusant d’ailleurs de constater que le Bienvenues est dans un registre complètement connu, exécuté de façon remarquable, alors que le Musigny joue sur la surprise et l’exploration de sentiers non battus. Cette opposition de styles est un bonheur.

Après tant de jours sans vin, j’ai senti leur pesanteur pendant plusieurs heures. Mais le retour au raffinement de la cuisine française, avec la délicatesse d’une grande maison, c’est exactement ce qu’il me fallait, quand en plus, c’est avec un ami.

déjeuner d’amis au restaurant Taillevent photos mercredi, 27 janvier 2010

Champagne Jacquesson Sillery 1996

Bienvenues Bâtard Montrachet domaine Laflaive 1989

Musigny Jacques Frédéric Mugnier 1999

amuse-bouche

Consommé de bœuf, moelle et châtaignes (l’aileron de requin qui flotte dans le consommé est une généreuse tranche de truffe noire)

Frégola artisanale de Sardaigne cuisiné au homard et aux coquillages

Carré d’agneau des Pyrénées en croûte d’herbes, jus à la sarriette

Je me suis fait une farce sur les gougères (eh oui, excusez cette contrepèterie) en début de repas, aussi Jean-Marie Ancher m’a fait cette petite frace d’une profiterole façon gougère. Il a même tenu à immortaliser ma béatitude

Chèvre frais, tapenade et mesclun

Déclinaison de fruits exotiques

Gourmandise de chocolat Nyangbo

vacances en Amérique mardi, 26 janvier 2010

Il est conseillé de lire dans l’ordre inverse de succession des messages, pour respecter l’ordre chronologique.

 

Ce compte-rendu de voyage a été rédigé pour garder la mémoire des événements qui nous ont marqués. Il n’a normalement pas sa place sur le blog, puisqu’on n’y parlera pas de vin. Il ne sera pas inclus dans les bulletins.

Yquem, Banyuls et Maury à Sciences Po lundi, 25 janvier 2010

David, l’animateur du groupe d’œnologie de Sciences Po m’avait contacté il y a de nombreux mois pour que je vienne parler de vins anciens devant une quarantaine d’élèves et anciens élèves. Ayant fait à Normale Sup’ une présentation en compagnie d’un vigneron ami, j’ai suggéré de recommencer cet exercice en binôme. Ce soir, je serai aux côtés de Pierre Lurton qui présentera Yquem.

Quand je me présente, deux élèves rangent les tables et les chaises, n’ont pas encore ouvert les bouteilles, n’ont pas les verres, mais comme par miracle, tout s’assemble au bon moment. C’est plutôt du « last minute » que du « just in time », mais si ça marche, bravo les jeunes.

(la salle avant le début de la réunion)

Pierre Lurton arrive tout sourire et présente le prestigieux domaine du Château d’Yquem. Nous commençons par déguster « Y » d’Yquem 2006. Le nez est de citron vert très raffiné. La bouche est élégante, avec des écorces d’agrumes. Il n’a pas tellement de longueur, mais il promet. Il a du gras, de la charpente, et ce que l’on retient surtout c’est qu’il offre déjà une belle maturité en ne montrant aucun signe des déséquilibres habituels des vins blancs jeunes de Bordeaux.

Le Château d’Yquem 1999 a un nez assez fermé. Et quand il s’ouvre, il offre de belles fleurs blanches. La bouche est très agrumes, et lorsque l’on revient au « Y », le cousinage entre les deux vins est saisissant. Il n’est pas très long, n’a pas beaucoup de richesse, mais il compense par une ravissante fraîcheur. Il a un peu de pâtes de fruits qui donnent de la consistance. Sa caractéristique est d’être élégant.

Avec le Château d’Yquem 1996 on entre de plain-pied dans le monde d’Yquem. Car voilà un vrai Yquem. Le nez est beaucoup plus riche et l’on y trouve du coing. Le goût est beaucoup plus épanoui. La trace finale est la signature d’Yquem. La pâte de fruit est construite, le poivre est agréable, le pamplemousse et l’orange ajoutent la note d’agrumes indispensable. La longueur est là avec une fraîcheur remarquable.

Le Château d’Yquem 1989 est un des membres actifs d’une trilogie légendaire pour Yquem : 88, 89 et 90. Le nez est superbe, épanoui à souhait. Fruits confits et agrumes sont richement développés. Le goût est puissant, concentré, très droit. Il joue plus sur la puissance et un léger goût de camphre me gêne un peu. Son sucre est un peu fort. On sent le sucre caramélisé. Le final n’a pas l’affirmation que j’aurais attendue.

J’interviens auprès de Pierre Lurton pour parler de vieux Yquem dont l’évocation fait briller les yeux des élèves, aux remarques pertinentes. J’ai apporté deux vins que nous allons goûter sur deux chocolats achetés par les élèves, un chocolat résolument noir et l’autre plus doux. Le Maury La Coume du Roy, domaine de Volontat 1925 est extrêmement doux et ne fait pas son âge. Son attaque est toute en rondeur, puis l’alcool s’installe en bouche et son final d’une grande finesse apporte une fraîcheur particulièrement élégante.

Le Banyuls de coopérative 1929 ne montre aussi aucun signe d’âge. Son fruit est plus riche et plus expressif que celui du Maury. Il est plus fort en alcool et bénéficie lui aussi d’une belle fraîcheur. Je préfère le banyuls. Mais sur le chocolat, c’est le Maury qui emporte la mise, car la continuité gustative est nettement plus évidente, marquée par la douceur. Et c’est le chocolat le plus rêche, le plus noir, qui fait vibrer le Maury pour l’enrichir encore.

Il faut rendre la salle à 21h15, ce qui met un terme à mille questions d’élèves passionnés. Un ancien me dit qu’une tradition est de poursuivre les discussions dans un restaurant voisin.

(avec de telles munitions, tout est sourire)

Dans un restaurant italien proche, nous sommes huit, dont trois anciens ont déjà entamé une carrière dans le monde du vin. Il reste du « Y » et suffisamment d’Yquem pour que nos échanges se poursuivent au-delà de minuit. Ces jeunes, enthousiastes, montrent que l’amour du bon vin n’est pas près de s’éteindre. Des mordus participent aux concours inter-écoles. Il est prévu de se revoir soit à l’académie des vins anciens, soit lors d’un de leurs concours. Ça bouge à Sciences Po.

Cancun – fin et conclusion du voyage samedi, 23 janvier 2010

Dernier jour et essai de synthèse à chaud.

 

22 janv.-10 et 23 janv.-10

 

Pour la première fois, nous avons un petit-déjeuner en chambre que nous avons commandé à l’heure que nous avons décidée, car il n’y a aucun rendez-vous le matin.

 

Ayant tellement de fois fait et défait nos valises, les remplir ne nous fait pas peur. Aussi, avons-nous quasiment toute la matinée pour flâner au bord de la piscine ou sur la plage de sable blanc. Allongés sur de larges transats recouverts de serviettes moelleuses, mon Dieu que c’est bon. On dirait presque que c’est notre plus belle journée de vacances.

 

Je fais une dizaine de longueurs dans la piscine, puis avec Silke, nous allons affronter les vagues fortes qui créent un courant latéral qui nous déporte. Quel bain de bonheur. Nous allons ensuite déjeuner sous la hutte qui est sur la plage. Puis, séance de valises, attente de la voiture qui nous conduit à l’aéroport de Cancun.

 

Tout le long du trajet, nous sommes une nouvelle fois étonnés de l’importance du tourisme dans cette région. Nos plus grands ensembles de tourisme sont des nains à côté de ce que l’on voit ici.

 

A l’aéroport, nous nous enregistrons très facilement et il nous faut tuer le temps car j’avais prévu large, comme le premier jour. Comme nous voyageons en classe affaires, je cherche le salon d’attente correspondant à ce statut. Là où nous nous présentons, la compagnie XL ne figure pas. A voir la tête des préposés quand je présente nos billets, on se dit que notre compagnie doit faire charter. Nous nous présentons à un deuxième salon et à la réception c’est encore une fois la même moue dédaigneuse : « nous ne connaissons pas ce genre de compagnies ».

 

Nous attendons dans un bar insipide où le produits sont facturés plus chers qu’au Fouquet’s, et je me renseigne au bureau de la porte d’embarquement : « non, cette compagnie n’a pas de salon pour la classe affaires ».

 

Lorsque nous embarquons dans un Airbus A 320 notoirement fatigué et abîmé, nous constatons que l’espace qui nous est réservé est particulièrement exigu. Et comme la commande des sièges ne fonctionne pas, il n’est pas question de s’allonger pour dormir. A partir du moment où nous volons, tout devient de la caricature. Imaginons que l’on demande à quelqu’un de faire le repas le plus indigeste et immangeable possible, il est sûr qu’il n’arrivera pas à faire aussi efficace que cette compagnie. Je n’ai pas mangé la moitié de ce qui nous a été servi. C’est du surgelé gorgé d’eau et sans le moindre goût. Affreux. Et tout fait chiche, calculé pour un prix de revient le plus bas possible.

 

Nous avons même eu droit à la zone de turbulence nous clouant à nos sièges pendant plus de trois heures, ce qui est extrêmement long. Est-ce que le pilote, ayant à économiser le carburant, n’a rien fait pour éviter la ligne droite qui croisait du mauvais temps ? Est-ce un moyen pour l’équipage de s’offrir un long moment de tranquillité ? Je ne sais pas répondre.

 

Il fut impossible de dormir et la position unique dans le siège m’a poussé à me contorsionner sur mon siège.

 

Nous sommes arrivés à l’heure dite, même avec de l’avance, et les formalités à la douane sont proches du zéro absolu. Je me demande même si les douaniers regardent les passeports, car leurs yeux ne se tournent qu’à peine vers les documents. Ils semblent plus intéressés pas le jolies touristes qui passent. Aucune file d’attente. On entre en France avec une facilité étonnante, voire coupable.

 

Aucune attente au tourniquet des bagages. Jamais je n’ai connu une arrivée aussi rapide et facile. Il y a 28° d’écart de température entre hier et aujourd’hui. Il va falloir se réhabituer.

 

Conclusion

 

Il est trop tôt de tirer les conclusions d’un tel voyage.

 

Voici quelques impressions trois heures seulement après avoir atterri.

 

D’abord, nous étions heureux d’être ensemble, et c’est le principal, car c’est ce que nous voulions.

 

Un programme aussi vaste avec autant de changements de lieux, d’hôtels et de vols est bâti pour des voyageurs de 40 ans plus que pour notre âge. Nous avons tenu le coup, mais nous aurions enchaîné beaucoup mieux à 40 ans.

 

Faire un voyage avec des guides qui sont toujours ponctuels, érudits, c’est d’un confort absolu.

 

Le bât a blessé en ce qui concerne les hôtels. Certains n’ont pas la qualité que nous souhaitions pour que ce séjour donne aussi un air de vacances luxueuses.

 

Mais ce qui compte le plus, c’est évidemment le contenu de ce que nous avons découvert. Nous voulions connaître trois civilisations disparues, celle de l’île de Pâques, celle des indiens de la Patagonie et celle des mayas. Nous avons appris beaucoup de choses sur l’histoire du monde, sur son caractère éphémère et sur la cruauté des humains.

 

Et il y a eu tellement de « premières » pour nous : première fois en Amérique du Sud, première fois au Chili, première fois à l’île de Pâques, première fois en Patagonie, première fois où j’ai survolé le Cap Horn, première fois sur les sites mayas, première fois au Yucatan.

 

Et les bains furent aussi des premières : je me suis baigné pour la première fois dans l’océan Pacifique, je me suis baigné pour la première fois dans le lac du cratère d’un volcan, je me suis baigné pour la première fois dans la mer des Caraïbes, je me suis baigné pour la première fois dans une mangrove, je me suis baigné pour la première fois dans une grotte souterraine, je me suis baigné pour la première fois avec des dauphins.

 

Tout ce que nous avons fait était déraisonnable. Mais nous sommes ravis de l’avoir fait.

 

Dans mes dîners il y a toujours le classement des vins que l’on a préférés. Quels sont les moments les plus riches pour moi : 1 – le survol du Cap Horn, 2 – le site de Chichen Itza, 3 – les statues des Moais plantées dans le désordre sur les pentes du volcan qui sert de carrière, 4 – la contemplation du site de Torres del Paine.

 

Alors, avons-nous envie de refaire un programme aussi fou ? Un petit coup de farniente sous les cocotiers face à une mer chaude serait le bienvenu.