23 bourgognes de légende au restaurant Spago dimanche, 8 novembre 2009

Le dernier repas, un déjeuner, se tient au restaurant Spago, comme le premier repas. Les hors d’œuvre se dégustent sur un champagne Laurent Perrier que j’apprécie plus que le premier jour, alors que c’est le même : hamachi ceviche with chili and yuzu citrus / duck liver mousse on pear and golden raisin tartelette / crouton with sturgeon mousse and Santa Barbara zea urchin / prosciutto di Parma pizza.

Le menu composé par Wolfgang Puck et son équipe est le suivant : Wild Alaskan salmon, braised cabbage, confit bacon, pinot reduction and wild huckleberries / Risotto, first of the season white truffles / wood oven roasted breats of Scottish pheasant, duxelle of porcini mushrooms and black walnuts, shepherd’s pie with braised leg and parsnip puree / selection of artisanal cheeses, toasted walnut bread / sweet potato sticky bun, candied walnuts and bliss maple syrup sorbet.

La première série démarre fort, car nous avons dix vins devant nous : Clos Vougeot Arnoux 1929, Clos Vougeot Boyer 1929, Clos Vougeot Faiveley 1929, Corton-Bressandes Yard 1929, Charmes-Chambertin Boyer 1929, Corton Grancey Latour 1949, Clos des Cortons Faiveley 1949, Clos de Vougeot Liger-Belair 1949, La Grande Rue Lamarche 1959, Clos Vougeot Bouchard 1959. Comme les vins ont – c’est une constante – été ouverts beaucoup trop tard, je vais progresser dans la connaissance de ces vins qui évoluent en permanence. Ces notes montrent mon cheminement.

Les nez des cinq vins de 1929 sont tous très engageants. Je goûte les vins sans plat. Le Clos Vougeot Arnoux 1929 est incroyablement fruité et délicat, très pêche de vigne. Le final est épicé. C’est un très grand vin qui parait fatigué mais ne l’est pas. Il vient juste d’être réveillé. Le Clos Vougeot Boyer 1929 a une attaque plus fatiguée et un final un peu amer tendant vers le thé. Le Clos Vougeot Faiveley 1929 fait âgé, mais il exprime quand même ce qu’est un grand vin. Le Corton-Bressandes Yard 1929 est très riche, plus plein. C’est un grand vin, pur, strict, très peu fruité, doté d’un beau final. Le Charmes-Chambertin Boyer 1929 est beaucoup plus doux que les autres. Il est charmant. Il a peu d’ampleur mais un final passionnant. C’est un très grand vin. Le Corton Grancey Latour 1949 a une attaque moyenne mais se place bien en bouche. On ne sent pas qu’il est de vingt ans plus jeune, ce qui est tout à l’honneur des 1929. Son final est poivré. Le Clos des Cortons Faiveley 1949 est bouchonné et déstructuré. Quelle ne sera pas ma surprise quand certains diront l’avoir aimé ! Le Clos de Vougeot Liger-Belair 1949 a un nez superbe. En bouche il est acide, amer, ce qui masque le message du vin fatigué. Il faut évidemment que je me méfie, car ces vins sont en phase de retour à la vie. La Grande Rue Lamarche 1959 est très doucereux, au final amer. Le vin est assez simple, et assez plaisant à boire. Le Clos Vougeot Bouchard 1959 a la plus jeune des couleurs. Son attaque paraît un peu fatiguée, mais il a une très belle trame. C’est le plus vivace de tous.

Je refais un tour. Le Clos Vougeot Arnoux 1929 est adorable malgré ses signes d’âge. On sent la framboise, signe d’évolution, mais c’est un bon vin. Le Clos Vougeot Boyer 1929 est un très bon vin, riche, jeune, au-delà de ses traces d’âge. Le Clos Vougeot Faiveley 1929 est assez fatigué, vin moyen. Le Corton-Bressandes Yard 1929 est vivant et très agréable. Le Charmes-Chambertin Boyer 1929 est pur, clair, c’est un grand vin, peut-être le plus jeune des 1929. C’est alors que le plat arrive, qui va évidemment donner un coup de fouet aux vins. Le Corton Grancey Latour 1949 devient donc charmant. Le Clos des Cortons Faiveley 1949 est toujours mort. Le Clos de Vougeot Liger-Belair 1949 n’est pas parfait, un peu fluide.

Les 1929 sont nettement meilleurs que les 1949. La Grande Rue Lamarche 1959 est nettement meilleur avec le temps et avec le plat. C’est un grand vin même s’il n’a pas une trame extrême. Il est très séducteur et velouté. Le Clos Vougeot Bouchard 1959 est meilleur que La Grande Rue Lamarche 1959. C’est le vin le plus fringant et joyeux.

Je commence à classer, mais je change tout le temps car les vins s’éveillent. Ça commence par Le Clos Vougeot Bouchard 1959, Le Charmes-Chambertin Boyer 1929, Le Corton-Bressandes Yard 1929, La Grande Rue Lamarche 1959, Le Corton Grancey Latour 1949, Le Clos Vougeot Boyer 1929 et Le Clos Vougeot Arnoux 1929. Puis je change les quatre premiers, mais j’y reviens. Le Corton Grancey Latour 1949 passe devant La Grande Rue Lamarche 1959. Au final j’intervertirai les deux premiers pour classer ainsi : 1 – Le Charmes-Chambertin Boyer 1929, 2 – Le Clos Vougeot Bouchard 1959, 3 – Le Corton-Bressandes Yard 1929, 4 – Le Corton Grancey Latour 1949, 5 – La Grande Rue Lamarche 1959, 6 – Le Clos Vougeot Boyer 1929, 7 – Le Clos de Vougeot Liger-Belair 1949 et 8 – Le Clos Vougeot Arnoux 1929. Ce classement est forcément indécis car les vins changent tout le temps. Le Corton Grancey 1949 ne cesse de s’améliorer. Pour cette session, les Boyer se comportent nettement mieux que les Liger-Belair. Mais on n’en fera pas une règle. Le Bouchard semble se fatiguer, le Yard s’améliore. Bipin m’indique que le Louis Latour a été pasteurisé et que le Bouchard a été reconditionné. Ce qu’il faut retenir, c’est la belle leçon que donnent les 1929, qui sont souvent apparus plus jeunes que les 1949 et les 1959. Quelle chance que d’avoir eu ces vins à déguster ! L’accord de tous les vins avec le saumon a été parfait.

La deuxième série contient du lourd. Il y a « seulement » cinq vins, tous de 1959, mais quels vins ! La Tâche DRC 1959, Musigny Leroy 1959, Musigny Voguë 1959, Bonnes-Mares Roumier 1959, Chambertin Leroy 1959. La couleur la plus jeune est celle du Voguë et la plus tuilée celle de La Tâche. Il est illusoire de juger des parfums des vins qui viennent d’être ouverts il y a moins de dix minutes. Les plus beaux nez sont à ce stade ceux du Roumier et du Musigny Leroy. L’examen commence sans plat.

Le Chambertin Leroy 1959 est un peu fatigué. L’alcool ressort. Il y a une belle épice. Le final est un peu coincé mais complexe. Le Bonnes-Mares Roumier 1959 est un vin qui me fait dire : « wow ». Quel vin ! Si l’on me disait qu’il est de 1990, je le croirais. Il est d’une pureté rare. Epicé, charnu, fruité, il a un final un peu serré et moins brillant que son attaque. Le Musigny Comte de Voguë 1959 est lui aussi un vin immense. C’est la pureté absolue. On est dans le grandiose. Son final est meilleur que celui du Roumier. C’est un bourgogne parfait.

La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1959 est le plus complexe de tous. Il est plus interlope, plus interpellant. Pour mon palais il a un côté canaille et salin que j’adore dans les vins de la Romanée-Conti. Le Musigny Leroy 1959 me fait penser que l’on va de mieux en mieux, car ce vin est d’une richesse et d’une perfection absolues. Comment différencier des vins aussi beaux ? Je classe en fait les vins dans l’ordre inverse de leur dégustation. Est-ce l’effet de l’épanouissement dans le verre de vins ouverts au dernier moment ? Pas seulement. Je reviens à chaque vin et Le Musigny Leroy confirme son équilibre, sa générosité et une perfection absolue. Le Musigny Voguë est d’une précision parfaite, un peu moins ample que le Leroy. La Tâche évolue vers un goût de Porto qui me déplait. Le Bonnes Marres a le plus beau fruité. J’hésite longtemps entre le 5ème dégusté et le 2ème pour finir ainsi : 1 – Bonnes-Mares Roumier 1959, 2 – Musigny Leroy 1959, 3 – Musigny Comte de Voguë 1959, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1959, 5 – Chambertin Leroy 1959. Mais les vins continuent à évoluer dans leurs verres. Quand j’ai entendu que certains mettaient le Chambertin Leroy en premier, je n’arrivais pas à y croire.

La troisième série comprend six vins de 1949 : Chambertin Leroy 1949, La Romanée Liger-Belair 1949, La Tache DRC 1949, Musigny Liger-Belair 1949, Musigny Leroy 1949 et Musigny Voguë 1949.

Le nez de La Tâche est parfait. Va-t-il tenir ? Je commence par goûter ceux dont les nez sont difficiles. Le Chambertin Leroy 1949 a un léger parfum de gibier. En bouche, l’attaque est agréable, mais le final où se retrouve un goût de gibier limite le plaisir. C’est un vin moyen. Le Musigny Comte de Voguë 1949 a un nez fatigué. La bouche est agréable. Il n’a aucun fruit. C’est un vin simplifié mais dont le final est agréable. Je dirais que c’est un vin vieux, la limite de mes remarques étant liée à cette malheureuse ouverture tardive. Le Musigny Liger-Belair 1949 est riche et bien épanoui. Son final est intéressant, avec une amertume bourguignonne que j’adore. La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1949 a un palais assez peu équilibré. Le vin n’est pas ouvert mais on sent sa promesse et sa grande race. Le Musigny Leroy 1949 a une bouche normale, sans réelle tendance marquée. On sent légèrement son alcool. Le final est très élégant de fruit et de rose fanée. La Romanée Liger-Belair 1949 est très riche. S’il y a un léger défaut, cela n’enlève rien à son plaisir et à son final bien solide. Malgré tout, il ne donne pas encore beaucoup d’émotion.

J’ai l’impression que le match va se jouer entre La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1949 et le Musigny Liger-Belair 1949 qui ont des similitudes dans leurs amertumes bourguignonnes. La Tâche commençant à évoluer vers le Porto comme l’avait fait le 1959, c’est le Liger Belair qui va gagner. Mais le plat arrive et redistribue les cartes. Le Voguë s’épanouit, La Tâche développe des arômes de roses, la Romanée se structure de façon spectaculaire. Mon classement bouge encore pour se fixer à : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1949, 2 – La Romanée Liger-Belair 1949, 3 – Musigny Leroy 1949, 4 – Musigny Liger-Belair 1949, 5 – Musigny Voguë 1949, 6 – Chambertin Leroy 1949.

Je me suis amusé à comparer les deux Chambertin Leroy 1949 et 1959 et les deux La Tâche 1949 et 1959. Dans les deux cas, la typicité du domaine se retrouve quasiment à l’identique et les déviations, des Leroy vers le gibier et des La Tâche vers le porto se reproduisent d’une égale façon.

Nous finissons le repas sur deux vins de majesté : Echézeaux Henri Jayer 1989, La Tache DRC 1989. La couleur a plus belle est chez Jayer. Le plus beau nez est à La Tâche. L’Echézeaux Henri Jayer 1989 est d’une richesse de fruit spectaculaire. Sa pureté est incomparable. La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1989 a la typicité du domaine. L’alcool est là, mais aussi la complexité, la virilité et la salinité. Les deux vins sont très différents, le Jayer très généreux et le DRC moins conventionnel, ce qui me plait plus. Le Jayer est la simplicité naturelle, La Tâche, c’est la complexité terrienne. C’est elle que je préfère est c’est pour moi le plus grand vin de ce jour merveilleux.

Une remarque me tient à cœur. Au repas des Bordeaux rouges, j’ai vu le sommelier vider les fonds de bouteilles dans un verre unique, où ils se mélangent, qui sera mis à l’évier. Une telle attitude me révolte. Aussi le lendemain, avec une diplomatie matoise, je suis allé lui dire que s’il y a des fonds de bouteilles, j’aimerais bien les boire, plutôt que de les voir jetés. Rien n’est venu jusqu’à moi. N’ayant aucune illusion sur la possibilité d’influencer le cours des choses, je regrette que pour beaucoup de vins, nous n’avons goûté, pour des vins sublimes, que la moitié de ce qu’ils ont à dire. Mais la moitié fut si belle que j’ai encore l’émerveillement d’un enfant gâté. En trois jours, tant de vins historiques, c’est fou.

dîner au restaurant Chinois on Main Los Angeles : photos dimanche, 8 novembre 2009

dîner au restaurant Chinois on Main

Une décoration typée :

mais dans un coin de la pièce, il y a cette impressionnante collection de grands formats de vins américains :

champagne 2003 by Bollinger 2003

champagne Billecart-Salmon Clos Saint-Hilaire 1996

champagne Dom Pérignon 1982

champagne Krug Clos du Mesnil 1986

champagne Salon 1996

Le menu composé par le restaurant selon les suggestions de Bipin est :

warm sweet curried oysters with cucumber sauce and salmon pearls

sizzling calamari and rock shrimp salad served in a won ton cup with Chinese chili paste

pancakes with stir-fried duck, mushrooms and cilantro

whole sizzling catfish with ginger and ponzu sauce / vegetable fried rice

sweet finale

le vin doux de dessert que je n’ai pas goûté

dîner de champagne au restaurant Chinois on Main dimanche, 8 novembre 2009

En partant à Los Angeles, au moment d’éteindre mon portable avant la fermeture des portes de l’avion, je lis un message de Bipin Desai : « j’ai prévu un dîner informel le samedi soir. Vous êtes mon invité. Apportez un grand champagne jeune. Je compte sur vous ». Si je dis oui, cela fera quatre repas de vins de suite : dîner, déjeuner, dîner, déjeuner. C’est de la folie. Hélas, je ne dis pas non.

Bipin doit me prendre à mon hôtel en taxi à 7h20. Comme avec tous les américains, la ponctualité est de règle. Profondément endormi dans une sieste qui suivait le déjeuner au « CUT », je lève un cil sur l’horloge digitale : 7h08. Dès cet instant, Usain Bolt perd le statut de champion du monde. Car à 7h19, je suis devant le hall de l’hôtel, prêt à accueillir Bipin et son taxi. Le chauffeur de taxi qui pèse une tonne doit porter son tee-shirt depuis des lunes. Je demande qu’il ouvre ma fenêtre, condamnée de son poste de pilotage. Mais Bipin est frileux. Je suis le trajet en apnée.

Le dîner a lieu au restaurant Chinois on Main, que Bipin aime beaucoup. C’est un endroit très couru pour la qualité de sa cuisine. La patronne ou plutôt la matrone au visage rebondi et enjoué accueille Bipin par de larges embrassades. Bipin voulait que nous profitions de l’atmosphère bruyante du lieu très branché, mais la propriétaire a préféré nous donner la salle que je connais depuis longtemps pour y avoir dégusté des vins mémorables, afin que nous soyons tranquilles. La décoration est d’un mauvais goût assez rare. Mais ce qui compte, c’est l’assiette. Nous ne sommes que cinq car des défections pour cause de prétendue grippe porcine ont permis à certains d’éviter cette épreuve de fond.

Le menu composé par le restaurant selon les suggestions de Bipin est : warm sweet curried oysters with cucumber sauce and salmon pearls / sizzling calamari and rock shrimp salad served in a won ton cup with Chinese chili paste / pancakes with stir-fried duck, mushrooms and cilantro / whole sizzling catfish with ginger and ponzu sauce / vegetable fried rice / sweet finale. Malgré la longueur des énoncés, ce fut léger et délicat. C’est effectivement une belle cuisine.

Chacun ayant apporté une bouteille de champagne personne ne connaissait à l’avance le programme.

Nous commençons par le champagne 2003 by Bollinger. La couleur est plus ambrée que ce que l’on pourrait attendre. La bulle est belle, l’attaque est très généreuse, mais la longueur est faible. Ce champagne est très sec, d’une belle complexité, mais le final coupe court. L’huître est délicieuse, le cresson très épicé ce qui brûle la bouche pour le plus grand plaisir de Bipin. Le Bollinger est globalement un grand champagne, très original.

Le champagne Billecart-Salmon Clos Saint-Hilaire 1996 a une couleur déjà très avancée. En bouche, c’est évolué, mais j’aime bien. La bulle est active. Il y a un peu d’oxydation. Si on accepte l’aspect un peu fumé et évolué, le champagne typé est assez intéressant, mais je trouve que ces deux premiers champagnes ne sont pas au sommet de leur forme.

Le champagne Dom Pérignon 1982 est aussi d’une couleur avancée, ce qui n’est pas habituel pour Dom Pérignon. Le nez est très élégant. En bouche le vin est aussi avancé, mais élégant. Chacun dit que c’est une très belle bouteille. Ma course contre la montre dans ma chambre et dans l’hôtel a-t-elle dévié mon goût ? Car contrairement aux autres je le trouve évolué, bon, mais marqué. Le plat de canard est fantastique et aide beaucoup le Dom Pérignon que je vois évoluer à toute vitesse et devenir ce que j’en connais et que j’aime. Mes amis avaient-ils une préscience de ce retournement que je n’avais pas ? J’en doute.

Le champagne Krug Clos du Mesnil 1986 est extrêmement bizarre. Son nez est de fruit rouge. Sa bouche est incroyable de fruits rouges aussi. Il est incroyable et d’une délicatesse rare. C’est pour moi complètement unique et me rappelle les évolutions de très vieux bourgognes. C’est un très grand champagne mais qui fait du hors piste. Pendant ce temps le 1982 devient un vrai Dom Pérignon. Le 1986 est follement fruité et de belle acidité. C’est du beau chardonnay.

Le champagne Salon 1996 que j’ai apporté – on dira que je manque d’objectivité – est le top du top. Sa couleur est de loin la plus jeune. Et ce champagne est le seul qui a le goût de champagne. Ici, nous sommes dans la pureté la plus orthodoxe. Avec la viande, c’est un régal. Je note sur mon carnet : « c’est le seul ‘vrai’ champagne ». Le 1986 est le charme absolu. Mais il est extraterrestre. Le Salon est le plus jeune, le meilleur, le plus grand.

Très curieusement les couleurs des champagnes évolués tendent à devenir de plus en plus claires. Le Dom Pérignon est très excitant et très vivant. Le 1986 est le plus extravagant.

Je classe : 1 – Salon 96, 2 – Krug Clos du Mesnil 1986, 3 – Dom Pérignon 1982, 4 – Bollinger 2003, 5 – Billecart Clos Saint-Hilaire 1996.

Je n’ai pas regretté la folie d’avoir dit oui.

déjeuner au restaurant « CUT » de Berverly Hills photos des vins samedi, 7 novembre 2009

Mon petit déjeuner léger pour compenser ce qui va suivre

La logistique des vins

champagne Moët & Chandon 2000

Haut Brion 1989, La Mission Haut Brion 1989, Lafleur 1989, Le Pin 1989, Petrus 1989

Latour 1929, La Mission Haut Brion 1929, La Mission Haut Brion 1949, Mouton Rothschild (mag) 1949

Haut Brion 1959, Lafite 1959, Latour 1959

Hermitage La Chapelle 1949, Hermitage La Chapelle 1959, Cte Rotie La Landonne 1989, Cote Rotie La Mouline 1989, Cote Rotie La Turque 1989, Hermitage (Chave) 1989

Chateau Rayas 1989, Chateauneuf-du-Pape Hommage Perrin 1989

déjeuner au restaurant « CUT » de Berverly Hills photos du repas samedi, 7 novembre 2009

Le menu est aussi détaillé que le générique d’un film de Cecil B. de Mille : « surf and turf » :

warm Maine lobster, French black truffle infused vin blanc and crispy Kurobuta pork belly, roasted quince and sun dried cherry compote, Chinese 10 spices

A tasting of beef : snake river farms Kobe style New York sirloin, cognac mustard sauce, 35 days dry aged sirloin, green pepper and Armagnac sauce, roasted bone marrow flan, mushroom marmalade, bordelaise, toasted brioche

The side : roasted Brussels sprouts, smoked bacon, pearl onions

four story hill farms, milk fed veal “tongue and cheek” : braised cheek, celery Bartlett pear puree, roasted chestnut dust, autumn root vegetables, Cotes-du-Rhone black pepper reduction and brioche thyme crusted tongue; black trumpet mushrooms

the side : creamy parmesan polenta, Italian white truffles from Alba

The cheeses, Carmody, red hawk, green hill, grilled fruit and nut bread

(je n’aurais pas mis les à-côtés que je n’ai pas touchés)

Dessert : marjolaine nouveau. Avec un Warre’s Vintage Porto 1997

20 vins rouges au restaurant « CUT » du Willshire hotel Beverly Hills samedi, 7 novembre 2009

Le deuxième repas est un déjeuner au restaurant « CUT », animé par Wolfgang Puck, comme le Spago, mais ici au sein de mon hôtel, le Wilshire Beverly Hills. Il ne me faut donc que deux minutes pour être à pied d’œuvre. Le restaurant joue branché. Une décoration minimaliste, avec d’immenses photos d’une crudité, voir d’une cruauté manifeste. Robert de Niro, Brad Pitt ou Barack Obama ont des têtes de plus d’un mètre de haut, ce qui exacerbe chaque détail du visage. Nous prenons l’apéritif debout sur un champagne Moët & Chandon 2000 plus inspiré que le Laurent Perrier de la veille. Les amuse-bouche sont : USDA prime steak Tartare, Dion, Capers, grilled sourdough / Grilled cheese, white truffle from Alba / sweet potato-amaretto knisch / grilles Kobe sliders, house made pickles, toasted brioche. Présentés par des serveurs stylés, ces amuse-bouche sont goûteux. Inutile de dire que comme la mouette rieuse, je lance mon bec vers les truffes d’Alba infiniment possessives, qui font vibrer le champagne.

Le menu est aussi détaillé que le générique d’un film de Cecil B. de Mille : « surf and turf » : warm Maine lobster, French black truffle infused vin blanc and crispy Kurobuta pork belly, roasted quince and sun dried cherry compote, Chinese 10 spices / A tasting of beef : snake river farms Kobe style New York sirloin, cognac mustard sauce, 35 days dry aged sirloin, green pepper and Armagnac sauce, roasted bone marrow flan, mushroom marmalade, bordelaise, toasted brioche / The side : roasted Brussels sprouts, smoked bacon, pearl onions / four story hill farms, milk fed veal “tongue and cheek” : braised cheek, celery Bartlett pear puree, roasted chestnut dust, autumn root vegetables, Cotes-du-Rhone black pepper reduction and brioche thyme crusted tongue; black trumpet mushrooms / the side : creamy parmesan polenta, Italian white truffles from Alba / The cheeses, Carmody, red hawk, green hill, grilled fruit and nut bread / Dessert : marjolaine nouveau. Il ne fallait pas moins de quatre chefs pour réaliser ce menu, aussi copieux que les intitulés sont longs.

La première série est constituée de bordeaux de 1989 : Haut Brion 1989, La Mission Haut Brion 1989, Lafleur 1989, Le Pin 1989, Pétrus 1989. Le nez du Haut-Brion est superbe et riche, celui du Mission est très profond. Le nez du Pétrus est discret, mais on sent la trame d’un grand vin. Le nez de Le Pin est très discret et celui de Lafleur très neutre. Je commence à goûter les vins sans plat. Le Lafleur est très pur, avec un final marqué par l’alcool. Le Pin est assez neutre et demanderait un plat. Je le trouve réservé. Le premier contact avec Pétrus n’est pas extraordinaire, mais le final révèle plus ce qu’il peut être. On sent que c’est grand, mais objectivement, il faut chercher. Il convient de remarquer que tous les vins sur ces trois jours, sont ouverts au dernier moment. Ils ne trouveront leur valeur que progressivement. La Mission montre une différence sensible avec les pomerols. Il a du café, de la douceur, et beaucoup plus de charme. Sa longueur est plus sensible et le final est fantastique. Le Haut-Brion est grand, rond, facile à comprendre, avec un très beau final. A ce stade je préfère la Mission, plus sauvage. Je classe : Mission, Haut-Brion, Pétrus, Le Pin, Lafleur.

Sur le homard, qui crée un accord délicieux, le Lafleur s’anime mais reste encore fermé. Le Pin est très pur, précis, mais franchement, il n’y a pas de quoi sauter en l’air, sauf que le final est très grand. Le Pétrus a une attaque assez calme, et c’est dans le final que la structure explose. Le temps passe, les vins s’ouvrent et maintenant, je reconnais le Pétrus 1989 tel que je l’aime : il est grand, dense, profond, avec une trace énorme. Après cette progression de Pétrus, Mission fait moins impressionnant, mais le final a un sacré charme. C’est la Mission qui est idéal avec le homard. Le Haut-Brion attaque en douceur, puis il occupe fermement la bouche. Il est grand, au final parfait. A ce stade, grâce au homard et à la truffe blanche, le classement est : Haut-Brion, Pétrus, Mission.

Pendant ce temps, Le Pin se réveille, mais il joue un peu : « programme minimum ». Lafleur passe devant Le Pin. La deuxième partie du plat est du porc. Le Haut-Brion s’y adapte, vin quasiment parfait. Mais je ne lui donnerais pas 100 points Parker. Le Pétrus est maintenant totalement excitant. C’est un vin qui dérange, qui pulse. Lafleur n’est pas mal, mais un peu limité, et Le Pin est charmant, mais n’a pas le caractère extrême que l’on attendrait. Le Mission a un final qui rachète une attaque devenue calme. Mon classement va encore varier au fur et à mesure des évolutions des vins. Je classerai finalement : Pétrus 1989, Mission Haut-Brion 1989, Lafleur 1989, Haut-Brion 1989 et Le Pin 1989.

Je me suis évidemment demandé si mon classement n’est pas influencé par mon amour pour Pétrus 1989. Mais le constat est sans appel : Pétrus a tout pour lui, et l’écart avec Le Pin est spectaculaire. Si les vins avaient été ouverts avant, je suis sûr que Lafleur aurait offert beaucoup plus de plaisir.

Bipin fait s’exprimer les quatre tables, et comme cela se passera tout au long des trois jours, je suis sidéré de voir la divergence des opinions sur les vins.

La deuxième série comprend des vins impressionnants : Latour 1929, La Mission Haut Brion 1929, La Mission Haut Brion 1949, Mouton Rothschild (magnum) 1949, Haut Brion 1959, Lafite 1959, Latour 1959. Le premier examen est celui des parfums. Latour 1959 a un nez très dense, ainsi que le Lafite 1959. Le nez du Haut-brion 1959 est beaucoup plus doux. Celui de Mission 1949 est spectaculaire. Mon verre de Mouton sent le verre, ce qui gêne l’examen. Le nez de Latour 1929 est discret et difficile à lire et celui du Mission 1929 est marqué d’alcool. Il faut attendre avant de juger.

Le premier examen des vins se fait avant l’arrivée du plat. Le Latour 1959 est complexe. Je le sens un peu minéral. Il faut attendre qu’il s’ouvre. Le Lafite 59 n’est pas encore ouvert. Il faut attendre, car à ce stade on ressent l’âge et un éventuel problème de conservation. Le Haut-Brion 59 me gêne, car je ne suis pas habitué de boire de si grands vins ouverts aussi tard. Les trois vins de 1959 sont de belles promesses à qui l’on n’a pas donné de temps. Le Mission 49 est très doux, un peu faible, mais on sent que le charme velouté va apparaître. Le goût du Mouton 49 me rebute un peu. Il promet d’être grand, car son final est long et riche. Le Mission 1929 est un vin énorme de puissance. Il évoque le café. Il faut encore attendre. Le Latour 1929 a une attaque légère mais un très beau final.

Le plat est maintenant servi. Sur la viande, Latour 59 est immense. Il est grand, puissant, viril et répond à la viande comme en un écho. Lafite 1959 est superbement élégant, d’un raffinement incroyable. Il fait partie des grands Lafite qui m’émeuvent. Le Haut-Brion 59 est plus torréfié. La compétition des 59 se fera entre Latour et Lafite. Le Mission 49 a un léger problème, mais c’est un vin très opulent, grand, lourd, au beau final. Le Mouton 49 est très Mouton, c’est-à-dire fantasque. J’aime beaucoup, même s’il n’a pas la rigueur des autres. Le Mission 29 est agréable mais un peu limité. Il est torréfié. Le Latour 1929 a la subtilité des bordeaux de 1929. Il est charmant mais a du mal à lutter avec les 1959. Latour 59 a tout pour lui, il est parfait. Le Lafite 59 donne envie de l’aimer. Je note à la volée sur mon petit carnet : « on aimerait tellement que Lafite soit aimé ». C’est le vin que j’aimerais encourager. J’ai évoqué les 100 points Parker. Pour mon goût, les trois vins de 1959 méritent 100 points.

Le Mouton 1949 me donne l’impression d’un bolide qui n’utiliserait que dix cylindres sur douze. Le Mission 49 est grand, même si une petite amertume me gêne. Mission 29 est meilleur que Mission 1949. Le final fruité du Latour 1929 est unique. Je classe : Latour 59, Lafite 59, Latour 29, Haut-Brion 59, Mission 29, Mission 49 et Mouton 49. C’est intéressant de comparer les Latour de 59 et 29. Le final du 29 est plus pur. Mais le 59 offre – aujourd’hui – beaucoup plus. Le Mouton, s’il était bu tout seul, serait jugé magnifique. Il est d’ailleurs adoré à beaucoup de tables. Le Mission 49 a perdu son petit défaut maintenant que le temps a passé. Les évolutions dans les verres me conduisent à ce classement final : Latour 59, Haut-Brion 59, Lafite 59, Latour 29, Mission 49, Mouton 49 et Mission 29. Les votes diffèrent à chaque table.

La troisième série nous fait changer de région : Hermitage La Chapelle 1949, Hermitage La Chapelle 1959, Hermitage Chave 1989, Côte Rôtie La Landonne 1989, Côte Rôtie La Mouline 1989, Côte Rôtie La Turque 1989. Les nez des vins ouverts tard ne veulent pas dire grand-chose, sauf que le nez de La Chapelle 49 est désagréable alors que celui du 59 est très élégant.

La Mouline est un grand vin, mais après les bordeaux, ça surprend. Le vin est astringent et poivré. La Turque est très grand, plus fin. La Landonne est plus équilibré. Le Chave est plus sauvage, viril, brutal. Il me plait et j’écris : « ça c’est du vin ». En reprenant La Mouline juste après le Chave, le vin de Guigal montre un charme énorme et sacrément efficace. Le nez de La Chapelle 49 ne s’est pas calmé, mais en bouche il est très acceptable. Le 1959 de La Chapelle est charmant, d’un équilibre rare. On sent son alcool, mais c’est un très grand vin. La Turque est très boisée. La Mouline est plus séduisante, mais La Turque est plus typée. La Landonne est la force tranquille, grande, au final imposant. Le Chave fait un peu plus faible maintenant. Comment voter pour les trois Guigal si différents ? La Mouline est parfaite, La Turque plus typée, et La Landonne plus sécurisante.

Le gagnant, ce sera La Chapelle 59 qui a un équilibre charmant malgré la pression alcoolique, et une complexité infinie. Mon classement final sera : Hermitage La Chapelle Jaboulet 1959, Côte Rôtie La Turque 1989, Côte Rôtie La Mouline 1989, Hermitage Chave 1989, Côte Rôtie La Landonne 1989, Hermitage La Chapelle 1949. Il faut admettre qu’à part le 1949 tous ces vins se valent. L’Hermitage 1959 raconte énormément de choses et je l’aime, même si j’imagine volontiers qu’il eût été meilleur quelques années auparavant. Alors que je suis un adorateur de ces vins du Rhône, je n’ai pas eu l’élan de joie que j’attendais car les bordeaux qui précèdent m’ont plus impressionné. Mais cela tient au fait que l’on a bu ces vins du Rhône ouverts depuis moins de dix minutes, ce qui est frustrant.

Comme au dîner des vins blancs il y a deux vedettes américaine, le Chateau Rayas 1989 et le Chateauneuf-du-Pape Hommage à Jacques Perrin 1989. Mais le combat n’aura pas lieu, car le Rayas a un infime bouchon au nez et en bouche.

L’Hommage a un nez très jeune, beaucoup plus jeune que les précédents vins. Le Rayas a un beau goût bien fruité, élégant. Mais le 1% de bouchon limite le plaisir. Le Perrin est tout en générosité. Il est large et ouvert, mais le final n’est pas totalement net. Le fromage accentue le défaut du Rayas, mais on peut clairement imaginer ce qu’il aurait pu être. J’aime beaucoup le Perrin qui malgré son amertume est généreux, joyeux et très beau.

Je m’amuse à classer les vins de toutes les séries et mon classement final est : 1 – Latour 1959, 2 – Pétrus 1989, 3 – Lafite 1959 et Haut-Brion 1959, 5 – Latour 1929, 6 – Hommage à Jacques Perrin 1989. La deuxième série de bordeaux à maturité m’a fortement marqué. Cette expérience montre que les grands bordeaux sont d’un niveau exceptionnel. Le repas se finit sur un dessert au chocolat accompagné d’un Porto Warre’s Vintage 1997 élégant et très « léger », fluide et goûteux.

La cuisine du « Cut » est d’un niveau supérieur à ce que Spago nous a proposé hier. Il est très réconfortant d’avoir pu goûter des bordeaux de 1959 aussi beaux.

shopping à Beverly Hills vendredi, 6 novembre 2009

Aller faire du shopping à Beverly Hills ne ressemble à rien d’autre. Toutes les plus grandes marques mondiales du luxe sont présentes dans de larges avenues où le vrombissement des Ferrari et le feulement de mastodontes dont le son évoque les vieux bateaux de pêche, passent totalement inaperçus. Ici, tout respire le fric, tout exsude l’opulence avec des taux de concentration qui dépassent les seuils admissibles et pourraient être interdits par la loi si l’on était en France. Ici, tout est serein, assumé. J’avoue que venant d’un pays où la réussite n’est pas acceptée et doit être cachée, on se sent bien. Mais on se sent petit, tant l’échelle du pouvoir d’achat paraît atteindre des dimensions inconnues. Le plaisir de se promener dans des allées où les palmiers graciles montent au ciel l’emporte largement.

Bipin Desai, l’organisateur des trois jours de folie ayant prévu d’organiser un dîner informel entre les trois repas officiels m’a demandé de fournir un champagne récent de qualité. Ayant reçu son mail après mon départ en avion, je vais dans une boutique de vins de qualité que j’avais déjà visitée. Le double magnum de Mouton 1929 est toujours là, ainsi que d’impressionnantes collections de grands vins anciens. J’achète un champagne et voulant négocier, le vendeur me dit qu’il faut l’aval de la patronne propriétaire de l’endroit. Nous bavardons, j’achète et elle me dit : « voulez-vous prendre un café ». Et à la terrasse d’une échoppe qui vend des chocolats, nous avons bavardé autour d’un café coupé de chocolat chaud. Il n’y a qu’en Amérique qu’une telle convivialité peut si facilement se nouer.

dîner au Spago Beverly Hills – photos des vins vendredi, 6 novembre 2009

Les verres préparés pour le service

Champagne Laurent Perrier brut LP ss A

Yquem 1929, Yquem 1949, Yquem 1959, Yquem 1989

je n’aime pas qu’ils soient posés sur le la glace, qui gèle le bas alors que le haut reste chaud

des couleurs exceptionnelles

champagne Veuve Clicquot 1949, champagne Bollinger 1969, champagne Krug Vintage 1979

Les séries de vins :

Yquem 1929, Yquem 1949, Yquem 1959, Yquem 1989

champagne Veuve Clicquot 1949, champagne Bollinger 1969, champagne Krug Vintage 1979

Corton Charlemagne (Bonneau du Martray) 1989, Corton Charlemagne (Coche Dury) 1989, Corton Charlemagne (Jadot) 1989, Corton Charlemagne (Leroy) 1989, Meursault Charmes (Lafon) 1989, Meursault Perrieres (Lafon) 1989,

Chevalier Montrachet (Leflaive) 1989, Montrachet (Bouchard) 1989, Montrachet (Jadot) 1989, Montrachet (Lafon) 1989, Montrachet (P. Morey) 1989, Montrachet (Ramonet) 1989, Montrachet Laguiche 1989,

Montrachet (Leflaive) 1999, Montrachet (DRC) 1999

dîner au Spago photos du dîner vendredi, 6 novembre 2009

Le menu conçu par Wolfgang Puck avec Lee Hefter, Thomas Boyce et Sherry Yard est ainsi rédigé :

Duo of foie gras, pastrami in rye crisp with apple-mustard, seared wit apricot chutney, roasted pear and toasted hazelnuts

Osetra caviar, smoked sturgeon croquette with shellfish emulsion

rabbit, pork and veal tortellini in celery apple brood

pan roasted Dover sole, Maryland crab and Japanese Matsutake mushrooms

selection of artisanal cheeses toasted walnut bread

pink lady apple caramel pudding cake.

dîner au restaurant Spago Beverly Hills avec des vins mythiques vendredi, 6 novembre 2009

De temps à autre sur des forums de passionnés de vins revient une discussion sur les buveurs d’étiquette. Elle est fondée sur un postulat : celui qui boit grand boit cher et s’il boit cher, c’est qu’il n’a pas de palais. Car s’il en avait, il boirait les petits vins pas chers qui ont un rapport qualité-prix exceptionnel. Cette querelle n’aura jamais de fin. Elle sert d’introduction au dîner de ce soir, et des deux autres repas qui suivront, où seul le meilleur et le plus renommé aura droit de cité. Alors, serons-nous ce soir influencés par les étiquettes ? C’est un vrai cas d’école, car des étiquettes, il n’y a que ça. Et à ce stade, il n’y a plus d’influence puisque tous les vins sont d’une noblesse consanguine.

Le dîner se tient au restaurant Spago Beverly Hills, dont le chef Wolfgang Puck est un génie du marketing, puisqu’il doit posséder autour de deux cents restaurants dans le monde et appose sa signature sur des produits comme le fait Paul Bocuse. Nous sommes convoqués à 20 heures, mais j’arrive avec une demi-heure d’avance. Je suis contrarié car les Yquem sont dans des seaux à glace remplis de glaçons mais sans eau, ce qui gèle quasiment le bas de la bouteille alors que le haut est beaucoup plus chaud. Les bouteilles seront ouvertes, selon les habitudes de Bipin Desai, l’organisateur du dîner, au dernier moment. Je vois le sommelier Christopher Miller utilisant un ridicule tirebouchon « limonadier » qui brise les bouchons et fait tomber des miettes dans le vin, ce qui m’affole. Il me dit : « je préfère travailler seul », ce que je comprends, mais je lui réponds : « oui, mais il s’agit de mes vins ».

Pendant ce temps, nous prenons un long apéritif sur un champagne Laurent Perrier brut LP sans année, qui n’est pas particulièrement folichon, ne dégageant aucune réelle émotion. Les amuse-bouche sont : spicy tuna tartare in sesame-miso tuile cones / warm Kumomoto oyster in Meyer melon / Japanese Kobe beef « Nigiri » with Asian pear and Shiso / first of the season white truffle pizza.

Nous passons à table. Nous sommes plus d’une vingtaine autour de trois tables. Il n’y a qu’une bouteille par vin, mais l’expérience montre que c’est suffisant. Le menu conçu par Wolfgang Puck avec Lee Hefter, Thomas Boyce et Sherry Yard est ainsi rédigé : Duo of foie gras, pastrami in rye crisp with apple-mustard, seared wit apricot chutney, roasted pear and toasted hazelnuts / Osetra caviar, smoked sturgeon croquette with shellfish emulsion / rabbit, pork and veal tortellini in celery apple brood / pan roasted Dover sole, Maryland crab and Japanese Matsutake mushrooms / selection of artisanal cheeses toasted walnut bread / pink lady apple caramel pudding cake.

Devant nous, quatre verres : Yquem 1989, Yquem 1959, Yquem 1949, Yquem 1929. Les couleurs sont magnifiques. Le 1989 est d’un or très clair. Les deux suivants sont couleur acajou, le 1959 étant le plus foncé. Le 1929 tend vers le chocolat noir ou le caramel foncé. Les parfums sont liés à une ouverture trop récente. Le 1989 est discret, mais l’on pressent sa profondeur. Le nez du 1959 est incroyablement puissant. Celui du 1949 est plus équilibré, tendant vers les fruits jaunes. Le 1929, encore discret évoque le caramel.

Nous buvons les vins sans plat car le service tarde. Le 1989 est très gras en bouche, opulent. Le 1959 semble devenu plus sec, avec un sucre apparemment atténué. Tel qu’il se présente, il est adorable, parfait de construction, magique, avec un final interminable. Le 1949 est lui aussi magique, plein, plus rond que le 1959, plus accompli, mais au final moins impressionnant. Le 1929 est d’une pureté absolue. Il a du caramel légèrement fumé. C’est un vin profond et dense. Il y a dans le caramel une pointe de thé. Les trois anciens se caractérisent par une magnifique acidité. A ce stade, je classe : 29, 59, 49, 89. Le foie gras est un plat beaucoup trop compliqué pour les vins qu’il ne met pas en valeur. Le foie n’est pas assez cuit. Mais sur le plat, le 1989 prend de l’ampleur. J’aime beaucoup plus le 1949 que Bipin Desai qui lui voit un petit défaut. Je ne suis pas d’accord et quatre heures plus tard, le 1949 me donnera raison. Les vins évoluent dans leurs verres et mes sensations aussi. Brusquement, Bipin me demande de commenter les vins. Ayant entendu les remarques à ma table, je commence à dire que les avis sont extrêmement personnels. N’aimant pas trop les Yquem qui tendent vers le caramel, mon classement va défavoriser le 1929 alors qu’il a sans doute la plus belle structure. Et j’ajoute que considérant les 1949 et 1959 que j’ai apportés comme mes enfants, j’ai évidemment pour eux des yeux paternels. Mon classement est : 1959, 1949, 1929 et 1989, ce dernier étant une magnifique promesse, mais désavantagé de se situer avec de telles icônes.

La cuisine se simplifie avec le caviar, qui joue parfaitement son rôle pour les trois champagnes. Le champagne Veuve Clicquot Dry 1949 donne l’impression d’être un peu évolué, mais il est délicieux. Le champagne Bollinger Tradition 1969 est absolument génial, fluide, aqueux, mais d’immense complexité. Pour moi, c’est « love at first sight », alors qu’à ma table le Bollinger ne fait pas recette. Le champagne Krug Vintage 1979 est nettement plus jeune que les deux autres. Sa bulle est forte et insistante. Il est très Krug, sans toutefois l’ampleur qu’il pourrait avoir. A ma première impression, le classement est : 69, 49, 79, mais le Veuve Clicquot s’épanouissant de façon spectaculaire, le classement devient et restera : 1949, 1969 et 1979. La jeunesse et la force de la bulle jouent contre le Krug, ce qui est paradoxal. Il est très précis, très complexe, fruité. C’est un grand champagne, mais les plus anciens présentent plus d’intérêt du fait du développement de leur complexité que donne leur évolution. Le 1949 est un immense champagne.

Avec la troisième série, ça commence à « décoiffer ». Car nous avons en face de nous : Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1989, Corton Charlemagne Coche Dury 1989, Corton Charlemagne Jadot 1989, Corton Charlemagne Leroy 1989, Meursault Charmes Comtes Lafon 1989, Meursault Perrières Comtes Lafon 1989.

Le Bonneau du Martray et le Leroy sont les deux vins les plus pâles de cette série aux couleurs très homogènes. Le Bonneau du Martray est très pur, magnifiquement dessiné, et bien fruité. Le Jadot est plus épais, montrant son alcool et je trouve moins fin. Le Leroy est pour moi le plus Corton Charlemagne, plus même que le Bonneau du Martray qui est traditionnellement le « témoin » de l’appellation. Le Coche-Dury est de loin le plus fruité, le « plus » sur tous les compartiments du jeu, mais à mon palais il joue plus Meursault que Corton Charlemagne. Le Perrières est un vin parfait, vin de plaisir absolu. Dans l’échelle des émotions, c’est ce Meursault qui m’émeut le plus. Le Charmes est plus attendu, et dégage moins d’émotion, aussi, quelle ne sera pas ma surprise lorsque des amis se lèveront des deux autres tables pour déclarer que le Charmes est plus grand que le Perrières. C’est absolument étonnant tant l’écart me paraît évident. Autres lieux, autres palais sans doute.

A ce premier stade, je classe le meursault Perrières, le Corton Charlemagne Leroy et le Coche-Dury. Mais les vins évoluent dans les verres. Le Bonneau du Martray explose de noix. C’est envahissant. Le Jadot se domestique mais n’arrive pas à éveiller l’émotion. Le Leroy est impressionnant de précision. Le Coche Dury est maintenant le plus expansif, le plus grand. L’élégance du Perrières est hors du commun. La sauce citronnée et crémée se marie au mieux avec le Perrières. Plus on avance et plus le Coche Dury devient une bombe aromatique et le Bonneau du Martray exprime sa précision. Si je ne le classe pas mieux, c’est à cause de l’insistance de sa saveur de noix. Le Jadot montre trop d’alcool. Le Leroy est magnifique. Quel immense luxe que d’avoir d’aussi grands vins réunis. Le Coche Dury est le plus grand de tous, mais je mettrai en premier celui qui m’a donné le plus d’émotions par ses côtés chantants, joyeux, épanouis et brillants. Mon classement est 1 – Meursault Perrières Comtes Lafon, 2 – Corton Charlemagne Coche Dury, 3 – Corton Charlemagne Leroy, 4 – Corton Charlemagne Bonneau du Martray, 5 – Meursault Charmes Comtes Lafon, 6 – Corton Charlemagne Jadot. Il faut se dire cependant que le classement est lié à l’état des bouteilles. Et chacun de ces vins, s’il était seul dans un repas, serait l’empereur à la barbe fleurie.

Nous pouvions penser avoir atteint un nirvana, mais l’escalier a une marche de plus, et une grande, car arrivent maintenant les poids lourds. Excusez du peu : Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1989, Montrachet Bouchard Père & Fils 1989, Montrachet Jadot 1989, Montrachet Lafon 1989, Montrachet Pierre Morey 1989, Montrachet Ramonet 1989, Montrachet Drouhin Marquis de Laguiche 1989. Si ça décoiffait, maintenant, ça déchire ! Il y a six Montrachet et un Chevalier, accepté au sein de ce groupe car c’est un Leflaive.

Les nez les plus ouverts sont ceux du Lafon, du Leflaive et du Ramonet. Le plus fermé est celui du Bouchard. Le Lafon est fruité, complet, joyeux, plein. Son final est assez court, ce qui me surprend. Le Pierre Morey est plus léger mais plus chantant. Il est aussi joyeux et même s’il est grand, il manque un peu de complexité. Le Ramonet est d’une grande fluidité, plein de grâce et de complexité. Son final est très élégant. Je le trouve très consensuel.

Le Drouhin Laguiche est plus conventionnel. Il manque un peu d’ampleur mais il est très bon, très fruité, avec un beau final. Le Chevalier Leflaive, seul Chevalier-Montrachet, tient bien la comparaison avec les Montrachet. Il a de la noix, du beurre et du miel. Il est coloré et riche. C’est un très grand vin dont le travail m’évoque celui de Coche-Dury. Le Jadot est très précis. Il n’a pas l’ampleur des autres mais il est très joli. J’aime beaucoup ce vin qui, lui aussi, a du beurre et de la noisette, exacerbés par la sole qui est divinement dans la ligne de ces vins. Le Bouchard est un peu faible. Il manque d’ampleur et de complexité par rapport aux autres. C’est très difficile de classer ces vins tous différents, car nous sommes au sommet de la hiérarchie. Le Lafon est assez archétypal mais court, défaut qui ne gêne pas Bipin. Le Ramonet a toutes les qualités, au final exceptionnel. Le Leflaive me gêne un peu par son côté trop noisette beurrée, un peu comme le Bonneau du Martray m’avait gêné par sa noix insistante ou l’Yquem 1929 par son caramel imposant. Le Jadot est élégant et n’en fait pas trop, ce qui me plait assez. Mon classement est : 1 – Montrachet Ramonet, 2 – Montrachet Jadot, 3 – Montrachet Lafon, 4, Montrachet Laguiche, 5 – Chevalier Leflaive, 6 – Montrachet Pierre Morey, 7 – Montrachet Bouchard.

Bipin Desai est toujours plus lent à manger et à boire que chacun d’entre nous. Aussi profite-t-il de l’expansion du Lafon qu’il classe premier. Je vérifie et c’est vrai que sa longueur s’améliore. Pourquoi ces vins ont-ils été ouverts aussi tard ?

La cinquième série est celle des vedettes américaines. Aussi est-il dommage de les associer à des fromages fort bons, mais incapables de révéler la majesté de deux seigneurs : Montrachet Leflaive 1999 et Montrachet Domaine de la Romanée Conti (DRC) 1999. Le Leflaive est d’une rare élégance, d’une définition de même ampleur que celle du Lafon 89. Le DRC a du charme, de la présence, de la puissance et une précision rare. Le Leflaive est plus élégant, du moins au premier contact et le DRC est plus kaléidoscopique. A chaque gorgée une découverte nouvelle. Je préfère le Leflaive, puis je préfère le DRC. En fait mon cœur balance pour ces deux vins parfaits. Malgré les affirmations de Bipin, je confirme que le Lafon 89 n’a pas la longueur qu’il devrait avoir. Le Montrachet DRC 99 est le premier de tous ces blancs, suivi par le couple Leflaive 99 et Ramonet 89. Quel spectacle !

Pendant le temps du dessert associé à un petit muscat perlant sans intérêt, je revisite les Yquem qui sont maintenant au faîte de leur gloire, alors que le Krug s’est acidifié. Mes vins de la soirée sont : 1 – Yquem 1959, 2 – Montrachet DRC 1999, 3 – champagne Veuve Clicquot 1949, 4 – Montrachet Ramonet 1989, 5 – Yquem 1949. 6 – Montrachet Leflaive 1999.

En rentrant à pied à mon hôtel, j’avais le sourire des gens heureux.