Pas de « French Laundry » lundi, 12 octobre 2009

Le lendemain, alors que les « Blue Angels » sous un ciel bas essayaient par de chiches acrobaties de faire oublier leur semi-défection de la veille qui avait choqué le public non prévenu, mon nouvel ami m’appelle pour me dire qu’il aurait oublié qu’il avait un autre dîner. J’imagine qu’il était aussi fatigué que moi. Une salade verte avec des frites fut mon dernier repas de ce séjour à San Francisco.

Succession de dîners fous samedi, 10 octobre 2009

Steve m’avait dit que le lendemain de notre magnifique dîner, il y aurait juste une petite collation en cercle élargi, d’une quinzaine de personnes. Steve avait suggéré que nous apportions des magnums. J’avais prévu un magnum de l’Hermitage la Chapelle Jaboulet 1990. Il ne put venir du fait de mes problèmes de douanes. Steve a fourni mon vin : un magnum de Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1997.

Nous nous dirigeons vers le restaurant Acquerello, un restaurant italien qui m’a étonné par la pertinence de chacun de ses plats. L’apéritif est debout, avec des hors d’œuvre : Pate Campagnola on crostini / Arancini di riso / roasted peppers with tuna ‘tonnato’ / Grilled prawns scented with citrus. Ils nous sont servis sur un champagne Veuve Clicquot en magnum 1979 qui est manifestement bon, mais s’arrête au seuil de la zone où il pourrait donner de l’émotion. Il est bien fait, mais seulement bien fait. Au contraire, le Champagne Bollinger R.D. en magnum 1988, lui aussi bien structuré, crée des vibrations. ‘Ça pulse’ comme on dirait aujourd’hui. L’un comme l’autre les deux champagnes évoquent le miel.

Nous passons à table et Steve m’indique la place d’honneur au centre de la grande table de quinze convives. Le menu realisé par la chef Suzette Gresham-Tognetti est rédigé dans un mix d’anglo-italien : pan seared scallops, corn fritter, baby fennel and tarragon / lobster panzerotti in a lobster brodo with “Diavolicchio’ / risotto with wild mushrooms / home made ‘tajarin’ with fresh white truffles / scared lamb loin caponata and cornmeal cake / seared breast of squab with herbed faro and prosciutto basket / American Kobe beef with Piemontese ‘dragon beans’, tomato soffritto and basil / basil gelato roasted strawberries and pistachio praline / peach tart with Italian triple cream.

Nous commençons par le Château Haut-Brion blanc en magnum 1985. Ce vin est très grand. Ce qui m’intéresse le plus, c’est que ce vin est dans une période charnière entre la belle jeunesse et le début d’une maturité. Sa palette de goûts est très colorée. L’accord avec la Saint-Jacques est fabuleux. C’est un vin de plaisir, excitant par sa trace fumée que capte le coquillage.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils en magnum 1996 a tous les atouts d’un Montrachet avec une complexité minérale prononcée. Mais je trouve qu’il exprime plus le style Bouchard que le style Montrachet. Le Montrachet Louis Latour 1995 est fantastique. Il combine le goût d’un grand vin avec le goût d’un vin vieux alors qu’il ne l’est pas. Je suis très enthousiaste de cette duplicité. Le 1995 est fumé, miel, acacia. C’est un trésor. Le Louis Latour est beaucoup plus évolué que le Bouchard, et selon les convives, les préférences iront pour l’un ou pour l’autre. J’aurais tendance à préférer le Bouchard que je trouve le plus authentique. Mais le plat de homard est tellement en osmose avec le Louis Latour que je finis par préférer celui-là.

Nous goûtons maintenant deux Barolos : un Barolo Palladino en magnum 2003 qui titre 13,5° et un Barolo Bricco Rocche 1982 qui titre 13°. Les deux nez sont très proches, le 2003 étant évidemment plus jeune. Le 2003 est astringent mais très riche. Il est puissant et riche comme un vin de plaisir. Le 1982 est très poivré, plus astringent encore, moins généreux, tourné vers le café. Avec le risotto de champignons, le 2003 s’exprime mieux et exacerbe son poivre. Le plat à la truffe blanche est à se damner. Une perfection absolue. Et les deux Barolos brillent. Mais c’est le 2003 qui se marie le mieux. Et par un fait étrange, quand le plat est enlevé, le 2003 a le goût de la truffe blanche, alors que le 1982 l’a déjà oubliée. Le plat est extraordinaire.

Le Château Figeac en magnum 1982 a un léger problème de bouchon qui va entraver sa prestation. Le Château Trotanoy en magnum 1970 a de l’ampleur. C’est un vin opulent. Il a une structure lourde et puissante que la douceur de l’agneau va apprivoiser. Sa jeunesse est impressionnante.

Le Vosne–Romanée Cros Parantoux Henri Jayer en magnum 1997 est très sauvage. C’est un vin de grande pureté, sans aucune concession. Le nez du Bonnes-Mares, domaine de Voguë en magnum 1988 est plus plaisant. En bouche la trace est plus bourguignonne, même si elle est moins pure que celle du 1997. Il évoque le café, le poivron dans un registre très bourguignon.

Le Bonnes-Mares, domaine de Voguë en magnum 1990 est d’une maturité tranquille. C’est très difficile de juger et hiérarchiser ces trois vins dissemblables, mais mes préférences sont : 1997, 1988 et 1990, même si ce dernier a très probablement le plus bel avenir.

Le Corton Clos du Roy Camille Giroud 1976 est délicieux sur le bœuf de Kobe. On pourrait presque dire qu’il est hermitagé tant il est joyeux. Il est généreux mais très simple, bien adapté à la viande riche.

On me demande de donner mes préférences et ce serait : 1 – Vosne–Romanée Cros Parantoux Henri Jayer en magnum 1997, 2 – Château Trotanoy en magnum 1970, 3 – Montrachet Louis Latour 1995. J’explique bien en annonçant mon vote qu’il est influencé par mes sensibilités sur certains thèmes de pureté et d’authenticité que d’autres amateurs peuvent de pas ressentir avec la même intensité. Mon vote est très généralement approuvé. Le Bonnes-Mares, domaine de Voguë en magnum 1988 continue de s’améliorer dans le verre et me plait beaucoup tandis que le Montrachet Bouchard montre une tenue remarquable.

La précision des plats est spectaculaire. Il est rare que le goût principal soit aussi bien mis en valeur et non pas détourné par les clins d’œil excessifs d’ingrédients parasites. Nous avons remarquablement mangé. Les vins ont été d’un niveau qualitatif exemplaire. La fatigue commençait à se montrer, cat tant de vins en deux jours ou même trois jours, c’est humainement difficile.

Il y avait hier et aujourd’hui l’un des copropriétaires de « French Laundry », le plus réputé des restaurants de la Napa Valley. Il m’a proposé d’y aller dîner demain. Pourvu qu’à son réveil il ait oublié sa proposition !

dîner au restaurant Acquerello à San Francisco samedi, 10 octobre 2009

champagne Veuve Clicquot en magnum 1979

Champagne Bollinger R.D. en magnum 1988

Château Haut-Brion blanc en magnum 1985

Montrachet Bouchard Père & Fils en magnum 1996

Montrachet Louis Latour 1995

Barolo Palladino en magnum 2003

Barolo Bricco Rocche 1982

Château Figeac en magnum 1982

Château Trotanoy en magnum 1970

Vosne–Romanée Cros Parantoux Henri Jayer en magnum 1997

Bonnes-Mares, domaine de Voguë en magnum 1988

Bonnes-Mares, domaine de Voguë en magnum 1990

Corton Clos du Roy Camille Giroud 1976

Le menu réalisé par la chef Suzette Gresham-Tognetti est rédigé dans un mix d’anglo-italien :

pan seared scallops, corn fritter, baby fennel and tarragon

lobster panzerotti in a lobster brodo with “Diavolicchio’

risotto with wild mushrooms

home made ‘tajarin’ with fresh white truffles

scared lamb loin caponata and cornmeal cake

seared breast of squab with herbed faro and prosciutto basket

American Kobe beef with Piemontese ‘dragon beans’, tomato soffritto and basil

basil gelato roasted strawberries and pistachio praline


peach tart with Italian triple cream.

Les verres en fin de repas

Une suite sans suite … samedi, 10 octobre 2009

Mon ami Steve, qui aime faire les choses avec panache, a voulu que nous profitions de la vue d’une terrasse pour le spectacle aérien des avions de chasse de l’armée américaine. Une seule suite de l’hôtel Mandarin Oriental a une terrasse : la suite orientale. Steve l’a louée. Mais hélas, les occupants précédents tardent à libérer la chambre. Au moment où Steve me demande de le rejoindre, j’ai pu de ma chambre suivre une partie du programme. Je descends et sur la belle terrasse de cette suite, il fait un froid de canard. La femme de Steve a organisé un petit buffet pour que l’on grignote, sur un Champagne Pommery Cuvée Louise 1999. Nous attendons quelques instants, puis venons grignoter à l’intérieur pour nous réchauffer. Et toujours rien. Lorsque les bateaux alignés pour voir le show quittèrent leurs amarres, nous comprîmes que le spectacle n’aurait pas lieu. Pourquoi, nous le saurons demain dans les journaux. Prendre une si belle suite pour quelques tartines seulement, cela doit faire rager !

A quoi sert de collectionner des vins anciens ? A des partages uniques. vendredi, 9 octobre 2009

Steve, un collectionneur californien de vins anciens, avait participé en 2005 à un voyage en France d’amateurs américains d’un même forum sur le vin. Le voyage avait deux destinations, la Bourgogne, dont j’avais géré l’organisation et le bordelais, mis au point par d’autres amis. Il avait ensuite participé à l’un de mes dîners. La conversation que nous avons eue nous a conduits à décider de nous rencontrer deux fois par an, une fois à San Francisco et une fois à Paris pour partager nos plus belles bouteilles.

Je suis à San Francisco depuis deux jours, et le jour de gloire est enfin arrivé. Une matinée de shopping me montre l’attrait d’un dollar faible. Nous passons en revue le programme des festivités avec Steve lors d’un snack rapide, suivi d’une sieste interrompue par l’impressionnant ballet aérien des avions de chasse qui révisent leurs acrobaties avant le grand show de samedi. A 17 heures précises une limousine interminable va nous conduire au dîner. En entrant dans ce salon roulant où tout brille d’un clinquant assumé, il ne manque, pour ressembler aux clips des chanteurs à la mode, que ces filles aux shorts dorés incapables de retenir les opulentes chairs rebondies offertes aux rappeurs à casquettes, chaînes en or et tatouages de Yakuzas. C’est peut-être parce que nous sommes cravatés.

Nous arrivons au restaurant La Toque à Napa. J’ai en main une bouteille de La Tour Blanche 1898 qui a voyagé avec moi et une autre bouteille de secours qu’il ne sera pas nécessaire d’ouvrir et sera offerte à Steve. J’avais prévu une liste de quatre vins pour faire équilibre avec les apports de Steve, mais mes vins ont été bloqués à la douane à Roissy et ont fait un trajet aller et retour de ma cave à Roissy. Le sauternes est venu seul dans mes bagages.

Nous sommes salués par le sommelier et par le chef. Alors que nous ne sommes pas présentés, Yoon Ha, qui fera le service du vin, me dit : « monsieur Audouze, j’utilise votre méthode d’ouverture des vins et je la trouve d’une efficacité remarquable ». Etre reconnu en terre inconnue est assez sympathique. Ken Frank me serre la main et se présente en français : « Ken Frank, chef et propriétaire du restaurant ». Le décor est planté.

J’ouvre ma bouteille que je confie à Yoon dans une cave très fraîche. L’odeur me ravit. Nous discutons de l’ouverture des autres vins car rien n’a encore été fait. Sentant les vins une fois que l’opération est accomplie, je suggère à Yoon que certains soient mis en salle de restaurant pour qu’une température plus clémente leur permette de s’épanouir. Il reste du temps avant le dîner, aussi, avec quelques dissipés nous allons grignoter un snack à la brasserie de l’hôtel dont l’immeuble abrite La Toque.

A 19h30 les huit hommes sont au complet. Au comptoir d’entrée nous buvons debout un Champagne Krug Grande Cuvée en magnum qui doit avoir sept ou huit ans. Il est d’une belle acidité et ce qui est marquant, c’est sa longueur en bouche, avec une belle persistance de fruits jaunes. La croquette au crabe lui convient mieux que le foie gras trempé dans une sauce très épicée.

Le menu conçu par Ken Frank pour les vins est ainsi rédigé : Crab croquette – foie gras as a « Corn Dog » / Rosti potato with Russian Osetra caviar / Sea scallop with pearl tapioca and squid ink / Alaskan halibut with celery root mousseline and mushroom parmesan broth / Nilgai antelope with braised lentils and root vegetables / Angus beef braised all day in Napa Valley red wine / Wolfe farm quail with chanterelles / Chick pea ravioli with fresh Burgundy truffle / Fourme d’Ambert. Ce fut d’une grande justesse et d’une belle intelligence au service des vins.

Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1959 a un nez un peu amer mais en bouche il est doux, profond et de belle longueur. Sans bulle, il est dans un autre monde de saveurs que tout ce que l’on connaît. Le caviar lui donne de l’ampleur. Mais le Champagne Krug 1952 est tellement grand qu’on ne pense plus qu’à lui. Sa couleur est encore d’un jaune pâle, la bulle est active. C’est un champagne vivant. Sa longueur est infinie avec une rémanence gustative de fruits bruns. J’adore cette sensation aromatique inextinguible.

Le parfum du Château Haut-Brion blanc 1998 envahit la pièce. Le vin est très large et la Saint-Jacques l’élargit encore. Il est magnifique dans sa jeunesse, au fruit très lourd. Le Château Haut-Brion blanc 1928 a une couleur d’un or très pur. Le nez est plus discret et élégant. Je suis gêné au début par une légère amertume et je pense préférer le 1998, mais le vin ne cesse de grandir dans le verre, et la densité de sa structure est remarquable. Les soixante-dix ans de différence confirment l’image que je donne souvent pour expliquer le travail du temps : le 1998 est un silex aux arêtes saillantes alors que le 1928 est un galet parfaitement équilibré. Le plus ancien s’accorde merveilleusement au léger goût sucré de la Saint-Jacques. Les perles noires de tapioca ne sont pas nécessaires. Le 1928 montre que seul un terroir unique peut donner un vin de 81 ans aussi riche et complet.

Le Château Margaux 1929 a une couleur d’une belle jeunesse. Je ressens l’espace d’un instant un léger bouchon dans le parfum, mais la bouche n’est pas altérée. Elle est complexe. Le vin est tout en fruit rouge, et la sauce du flétan arrondit les angles du vin, gommant l’essentiel de ses légers défauts. Le vin a le style Margaux, très souple, délicat, et dont les défauts n’empêchent pas de le trouver grand. Le céleri a un pouvoir extrême pour le magnifier. Si le Haut-Brion 1928 blanc atteint un sommet, ce Margaux 1929 est surpassé pas des Margaux plus jeunes.

Le Château La Mission Haut-Brion 1947 a une couleur très dense, presque noire. Le nez est fantastique de puissance. En bouche, c’est la puissance absolue. Boisé, poivré, on imagine volontiers sur l’antilope que l’on boit un 1989. La sauce rend le vin encore plus grand. Les légumes ne sont pas utiles. A ce stade, ce vin est le plus parfait.

Mais voilà… Le Château Latour 1945 ne peut entraîner qu’un seul commentaire : c’est la perfection absolue. Le bœuf est grandiose, avec sa polenta qui lèche le vin, et il n’est pas possible d’envisager quoi que ce soit de plus grand que ce vin et que cet accord. Comme nous le commentons, bien sûr Mouton 1945 est au dessus de ce Latour. Mais nous sommes en face d’une telle perfection qu’il n’est pas question de bouder ce moment de bonheur pur. Le pauvre Château Latour à Pomerol 1945 qui cohabite sur l’Angus a bien du mal à trouver sa place. Tout seul il serait apprécié. Mais comme lorsque deux jeunes femmes se promènent dans la rue, on n’en voit qu’une seule, la plus belle. Sa fraîcheur mentholée est agréable, mais le vin servi trop froid ne peut rien faire pour lutter contre un génie.

Comment est-il possible qu’un Château Cheval Blanc 1926 à la couleur aussi pâle puisse donner tant de bonheur ? Il est délicat, fait de fruits rouges, avec une subtilité pleine de charme. Le Château Haut-Brion rouge 1926 paraît sombre tant le contraste des couleurs est grand. Le second a besoin d’être réchauffé dans les verres, et malgré sa structure lourde presque torréfiée, je préfère le Cheval Blanc au Haut-Brion. La sauce de la caille est un délice sur le Cheval Blanc.

La Romanée Leroy 1955 a un nez magique, d’une rare sensualité. Steve l’a fait servir avant La Romanée Leroy 1962 pensant que le premier est le plus léger. Mais si le 1962 est plus sensuel, le 1955 est plus profond et trouve un écho dans la truffe d’été. Ce vin est immense et me plait plus que le 1962. Comme je fais mon classement au fur et à mesure des arrivées de vins, je suis bien embarrassé de hiérarchiser les bordeaux et les bourgognes tant les registres sont différents.

Le nez du Château la Tour Blanche 1898 est devenu beaucoup plus strict qu’à l’ouverture où il était brillant et chaleureux. En bouche il est un peu sec et strict, mais sa structure s’impose. Il réagit bien sur des amandes. Le Château Suduiraut 1921 a une couleur plus dorée. Le vin est plus précis. Mais mon cœur penche vers le vin du 19ème siècle, plus concentré et de plus en plus dense quand il s’ouvre.

Le Tokaji Eszencia 1912 évoque le café et la réglisse. Ce vin de l’année de naissance de ma mère est magnifique et extraterrestre. C’est l’un des meilleurs Tokays anciens que j’aie jamais goûté.

Dans mon classement, la première place est indiscutable. Ensuite, les impressions du moment pèsent beaucoup : 1 – Latour 1945, 2 – Romanée Leroy 1955, 3 – Mission 1947, 4 – La Tour Blanche 1898, 5 – Romanée Leroy 1962, 6 – Haut-Brion 1928 blanc, 7 – Cheval Blanc 1926, 8 – Suduiraut 1921, 9 – Krug 1952, 10 – Margaux 1929. Insérer le Tokay dans ce classement est quasiment impossible, peut-être en 5ème position.

L’accord le plus grandiose est celui du bœuf Angus avec le Latour 1945. Ken est venu bavarder avec nous, heureux d’avoir pu exprimer son talent en tournant sa cuisine vers les vins qu’il a tous goûtés. Yoon a vécu un moment précieux pour lui et nous avons tous les deux ensemble abondamment commenté les accords et les vins.

Un tel repas est la récompense ultime d’une vie de collectionneur. La revanche aura lieu dans six mois à Paris, comme chaque année….

au restaurant La Toque à Napa dîner de grands vins vendredi, 9 octobre 2009

Photos prises dans la cave du restaurant

Champagne Krug Grande Cuvée en magnum

Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1959

Champagne Krug 1952

Château Haut-Brion blanc 1998

Château Haut-Brion blanc 1928

Château Margaux 1929

Château La Mission Haut-Brion 1947

Château Latour 1945

Château Latour à Pomerol 1945

Château Cheval Blanc 1926

Château Haut-Brion rouge 1926

La Romanée Leroy 1955

La Romanée Leroy 1962

Château la Tour Blanche 1898

Château Suduiraut 1921

Tokaji Eszencia 1912

Le menu conçu par Ken Frank :

Crab croquette – foie gras as a « Corn Dog »

Rosti potato with Russian Osetra caviar

Sea scallop with pearl tapioca and squid ink

Alaskan halibut with celery root mousseline and mushroom parmesan broth

Nilgai antelope with braised lentils and root vegetables

Angus beef braised all day in Napa Valley red wine

Wolfe farm quail with chanterelles

Chick pea ravioli with fresh Burgundy truffle

Fourme d’Ambert

Quelques ratés au restaurant Aqua vendredi, 9 octobre 2009

Sur le forum de Robert Parker, j’avais fait la connaissance virtuelle d’une femme propriétaire d’un vignoble dans la Napa Valley. Elle semblait intéressée par mes écrits et montrait une grande connaissance des grands vins anciens qui jalonnent l’histoire. Lorsqu’elle est venue à Paris avec son frère, un rendez-vous était prévu avec eux, mais elle vint seule. Par un biais que j’ignore, elle a su que je venais en Californie, aussi m’a-t-elle invité à dîner avec l’un de ses amis. L’ami ne se présentant pas alors que nous allions attaquer le plat principal, je me suis pris à penser à un « coup monté » (en anglais dans le texte). Mais l’ami apparut.

Le dîner se tient au restaurant Aqua, où je me rends à pied. Samantha arrive en même temps que moi. Elle a dans un petit carton trois bouteilles. L’une, de son vin, est un cadeau au sommelier de l’endroit. Les deux autres ont été achetées en catastrophe pour ce dîner, car, n’ayant pu retourner à son domicile du fait de ses rendez-vous, elle a cherché ce qui pouvait être intéressant à gouter ce soir. Le maître d’hôtel qui connaît bien Samantha, puisqu’il est l’ami de son maître de chais, nous propose une coupe du champagne Pierre Moncuit à Mesnil sur Oger, non millésimé. Tout ce qui vient de Mesnil-sur-Oger est grand, aussi nous régalons-nous de ce champagne direct, précis, sans grande émotion mais très agréable. Un petit amuse-bouche à la Saint-Jacques couverte de caviar sur un lit de légume manque d’équilibre, car les légumes castrent le tout, le caviar restant quasiment muet.

Le maître d’hôtel ouvre le Champagne Louis Roederer 1966. La couleur est d’un rose légèrement brun. Le nez est à peine doucereux mais surtout délicat. En bouche, une belle acidité donne au champagne à la bulle chiche une intéressante jeunesse. Ce qui fascine dans ce champagne, c’est que chaque gorgée fait visiter de nouvelles saveurs. Le champagne est insaisissable tant ses facettes sont nombreuses. Des fruits jaunes orangés, des agrumes discrets, du thé parfois jalonnent son parcours. Le tartare de thon est pointillé de pignons qui eussent dû ne pas être grillés. Un poivre intense empêche le champagne de collaborer avec la chair douce qui eût pu surfer sur ce champagne délicat.

Une coquille Saint-Jacques très épaisse est goûteuse, mais les petits pois et haricots en grains sont trop forts pour que le champagne en profite. Sur un soufflé qui sert d’intermède, je demande que le rouge soit servi, mais il n’a pas été ouvert depuis notre arrivée. Le Chambertin Clos-de-Bèze du domaine Prieuré Roch 1996 a une couleur trouble. Le nez évoque un étron de cheval qui évoluera au fil des minutes vers l’odeur de pieds sales. Le vin est mort, quelle que soit l’analyse que l’on pourrait faire autour.

Le maître d’hôtel alerté nous suggère un vin dont il vante le prix. On ne devrait jamais suivre l’avis d’un sommelier ou d’un maître d’hôtel lorsque l’argument du prix est mis en avant. Je suis inquiet quand il apporte une bouteille d’un vin rouge, qui sort d’un réfrigérateur, plus froide qu’un champagne. Le Gevrey-Chambertin 1er Cru Lavaut Saint-Jacques Jean Claude Boisset 2003 n’a pas grand-chose à dire dans cette froidure. Comme mon pigeon est notoirement non-cuit, il est temps d’ouvrir ma mallette diplomatique pour qu’aucun de mes propos ne puisse se retourner contre moi. Car tout ceci frôle gentiment le n’importe quoi.

Sur des fromages et du fait du réchauffement de ce climat de Bourgogne, le vin s’anime un peu. Quelques minutes plus tard, le vin sombre à nouveau dans l’ennui. Samantha qui a invité son ami et moi est fort marrie de ces contrariétés. Comme elle est en période de vendanges qui l’oblige à ne dormir que cinq heures par nuit, la soirée s’abrège rapidement. Le champagne de 1966 restera l’étincelle de ce repas ainsi que la générosité de cette vigneronne qui a voulu nous faire plaisir.

Steve m’a annoncé que demain, nous serons huit pour 17 vins plus rares les uns que les autres. Vite au lit !

humeurs…. jeudi, 8 octobre 2009

Dans la savane, les mouches curieuses, en un ballet incessant, vérifient la mollesse des chairs restantes des cadavres en décomposition.

Dans les chambres d’hôtel, chaque corps de métier veut montrer qu’il est en activité, et vérifie la résistance de l’humeur des résidents.

Ring the bell, ring the bell….

dîner au restaurant Aqua de San Francisco jeudi, 8 octobre 2009

Les vins :

champagne Pierre Moncuit à Mesnil sur Oger, non millésimé

Champagne Louis Roederer 1966

Chambertin Clos-de-Bèze du domaine Prieuré Roch 1996

Gevrey-Chambertin 1er Cru Lavaut Saint-Jacques Jean Claude Boisset 2003

le repas ne restera pas un souvenir impérissable

coquilles Saint-Jacques aux légumes trop appuyés

pigeon pas assez cuit

séjour à San Francisco – 1er jour (suite) jeudi, 8 octobre 2009

Ma chambre de l’hôtel Mandarin Oriental a trois fenêtres qui donnent une magnifique vue sur la baie de San Francisco. Je compte bien en profiter pour la parade aérienne d’avions de chasse ce dimanche, spectacle extraordinaire. Quand le soleil est vif, vers 15 heures, la chambre a des langueurs d’Honolulu, car l’immeuble, gruyère thermique, ne hulotte pas, du nom de ce Cassandre écologique dont le message est gauchi par des considérations sur le partage des richesses qui feront fuir les plus motivés des défenseurs de l’environnement.

Par un mécanisme assez compréhensible, une vitre qui laisse passer le chaud laisse aussi passer le froid. Par un phénomène météorologique spectaculaire à San Francisco, en milieu d’après-midi un énorme front nuageux au ras du sol progresse à grande vitesse et avale toute la ville de son opacité cotonneuse. Cela m’évoque chaque fois le reflux des eaux après la traversée de la Mer Rouge par Moïse. Très rapidement on se trouve au centre d’un épais brouillard. Et le climat change !

Je suis en froid avec mon climatiseur. J’ai beau manier les Fahrenheit comme si j’en connaissais les valeurs, une moitié de ma chambre est désespérément calée sur la Marche de l’Empereur. Blotti sous les couettes comme le manchot sous ses plumes d’hiver, j’attends de pouvoir aller dîner. Après une douche dont j’ai compris le mécanisme en imaginant qu’il fallait tourner la manette à travers la zone « cold » pour trouver de l’eau chaude, si l’on prend soin de ne pas être sur la trajectoire du jet, je me rends à la réception de l’hôtel à 19h30 (il est pour mon organisme 4h30 du matin d’une journée en continu) pour demander si à cette heure il est possible de dîner. La jeune réceptionniste m’offre de m’accompagner jusqu’au restaurant, ce qui est une attention à laquelle je suis sensible. Arrivé sur place, un serveur me dit qu’il va vérifier si une table est disponible. Peu de temps après, il me demande d’attendre que l’on me dresse une table. Ce cérémonial serait compréhensible si le restaurant n’était aux trois quarts vide.

Il y a dans les restaurants d’hôtel, lorsque le chef n’est pas médiatique, une atmosphère particulière. Car les tables sont plus volontiers réservées par ceux qui couchent sur place que par ceux qui veulent honorer la cuisine du chef. La volonté de compenser cela par un service onctueux voire mielleux est manifeste.

J’ai bien dîné. Car la caille à la polenta est bien cuite et goûteuse, et le flétan à peine cuit se mange de bonne faim. Le dessert, comme souvent, cherche plus l’accroche visuelle que gustative. C’est en fait la décoration des restaurants d’hôtels qui pèse le plus, avec un passe-partout pseudo-chic qui anesthésie toute émotion. J’aurais mauvaise grâce à faire des reproches à un service qui cherche à bien faire et à un chef qui cuisine de façon très honnête.

Comme en un miracle les manchots empereurs ont grimpé quelques latitudes. Perdu dans mes fuseaux horaires, je m’écroule comme une masse pour un sommeil réparateur.