Livres en Vignes à Clos Vougeot et dîner de la Confrérie du Tastevin samedi, 26 septembre 2009

Le lendemain matin, les écrivains s’installent à leur pupitre pour signer leurs ouvrages et le mien est si étroit que je vagabonde pour discuter avec les auteurs et acheter plus de livres que je n’en signerai. Le déjeuner se tient au sein du château de Clos-Vougeot et le buffet est de grande qualité : une joue de veau est d’une grande tendresse qui met en valeur un Ladoix Clos des Chagnots Pierre André 2006 que j’ai particulièrement apprécié pour sa franchise de ton et sa générosité sans complication.

On s’habille vite en tenue de soirée pour participer à la grande soirée de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. Dans la salle des pressoirs qui date du 12ème siècle, le grand conseil intronise à tour de bras de nouveaux chevaliers, en décrivant chacun par un joli mot aimable de présentation. Nous passons ensuite dans la grande salle du chapitre pour le dîner de gala dont le menu bourguignon est ainsi présenté : le pressé de volaille de Bresse aux écrevisses / le suprême de maigre moustardier / les œufs en meurette vigneronne / la noisette de Charolais en truffade / les bons fromages de Bourgogne et d’ailleurs / l’escargot en glace, le confit de pommes glacé tradition / les petits fours.

Le Rully blanc 1er cru Chapitre 2006 est très animé par la gelée aux écrevisses. Il n’a pas beaucoup de profondeur, mais beaucoup de rondeur. Le Beaune blanc 1er cru Champs Pimont 2000 Tasteviné est un peu trop riche pour moi. Sa structure est un peu faible pour la puissance excessive qu’il délivre. Le plat de poisson est moins adapté que les autres plats pour faire briller le vin.

Le Pernand-Vergelesses Les Belles Filles Tasteviné 2001 est un peu amer mais les œufs meurette le rendent charmant et sympathique. Le Volnay 1er Cru En Chevret Tasteviné 1997 est très beau, subtil, agréable car il n’en fait pas trop. Légèrement amer il est délicieusement râpeux sur le bœuf. Le Chambertin Clos de Bèze Grand Cru 2004 a beaucoup de matière et d’opulence. Il s’anime sur le fromage « les délices de Pommard » car les grains de moutarde le titillent. Il est moins fringant sur le Brillat-Savarin et un peu minéral sur l’Epoisses. Dans une chaleur insupportable, les discours se succèdent. Les prix littéraires sont décernés, dont le prix Livres en Vignes à Antoine Laurain devenu depuis l’an dernier ici même notre ami et qui a brillamment intégré dans son livre la description d’une Romanée Conti 1937. Nous avons quitté cette fête joyeuse et calembourdesque avant que n’apparaissent les Crémants et les marcs. Il était tard quand nous avons fermé les yeux sur le souvenir de ces rabelaiseries.

Livres en Vignes – photos samedi, 26 septembre 2009

Dans la salle des pressoirs du 12ème siècle, les officiels annoncent l’ouverture de la 2ème édition de Livre en Vigne. Le Président de cette édition est Bernard Pivot

Dans la cour du chateau de Clos Vougeot, le bâtiment qui accueillera ce soir le Chapitre de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. Un musicien remplit d’un liquide imbuvable les verres pour un orgue de verres. Il jouera la première gymnopédie d’Erik Satie

du porche rond, la salle du chapitre, encore presque nue, paraît toute petite, alors qu’elle va accueillir plus de 550 personnes !

dans la cuverie, une intéressante exposition permet de sentir les arômes du vin, capturées dans de nombreuses carafes de laboratoires

Avoir un nom en "A" permet d’être vu sur les listes. Un sculpteur pratiquait l’art de la caricature !

Ce bas-relief, sur le manteau de la cheminée d’une des salles du château, réunit livres et vignes, puisque le moine qui veut couper la vigne écoute le moine qui lui montre comment procéder en s’inspirant du livre.

Un agréable Ladoix Clos des Chagnots Pierre André 2006 au déjeuner buffet au Chateau de Clos-Vougeot

Dans la salle des pressoirs, le Grand Conseil de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin va introniser de nouveaux chavaliers en provenance de beaucoup de pays du monde

Le soir, la salle du dîner de la Confrérie vide ce matin, se remplit

discours et plaisanteries ponctuent cette soirée qui fait partie d’un folklore qu’adorent les étrangers.

Livres en Vignes – dîner au château de Beaune vendredi, 25 septembre 2009

A Dijon, la grippe du tramway a frappé. Terriblement contagieuse, elle rend la circulation automobile totalement impossible. Alors que nous avions une avance confortable pour nous rendre à l’hôtel de la Cloche, institution dijonnaise, nous n’avons que quelques minutes pour déposer nos bagages et prendre la navette de « Livre en vignes » la désormais célèbre fête de la vigne et des lettres, qui nous conduit chez Bouchard Père & Fils pour la traditionnelle visite des caves, avec une halte émue dans la cave des vins centenaires. Du haut d’une des tours du château de Beaune, le soleil se couchant sur les vignes de Corton est une vision romantique. Nous redescendons pour gagner l’Orangerie du château pour le dîner d’ouverture du salon.

Le menu est ainsi rédigé : pressé d’aubergines aux tomates, chèvre frais de la ferme du Poiset, sauce vierge / cuisse de volaille fermière farcie au vieux Comté, crémeux de moutarde à l’estragon, petit gratin Maintenon / assiette de fromages régionaux / choco-cassis.

Je deviens un convive difficile, car abreuvé aux meilleures cuvées Henriot, je trouve que le Champagne Henriot Brut Souverain n’a pas encore trouvé son équilibre.

Le Chablis Bougros Côte Bouguerots Grand Cru Domaine William Fèvre 2006 en revanche est d’une belle fraîcheur. L’image qui me vient, c’est de l’eau qui s’écoule délicatement sur des ardoises brutes. Car la minéralité du vin laisse la place à une charmante fraîcheur. J’aime beaucoup ce vin précis et naturel.

Le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 vit dans un monde à part. Il est assis, cossu, vin de grande complexité et kaléidoscopique. Ce Chevalier est un peu moins épanoui que ceux que j’ai bus de ma cave, mais cela tient aussi au plat dont la tomate ne met pas en valeur les blancs.

Le Corton Bouchard Père & Fils 2000 est très intéressant car il n’est pas dans les normes. Etrange, énigmatique, hors des sentiers battus, il me plait beaucoup pour sa promesse, malgré une année qui n’est pas au firmament et pour son originalité. Il est assez canaille. Et paradoxalement, il va me plaire un peu plus que le Chambertin Clos de Bèze Bouchard Père & Fils 1989 dont la belle structure est prometteuse. Jacky Rigaud qui présente ce vin, écrivain du vin d’un rare talent, dit qu’il est à son apogée. Je ne suis pas d’accord et je le vois progresser, même s’il n’atteindra pas des sommets de l’appellation.

Mon voisin, écrivain sur l’avenir des civilisations, me demande de désigner un vin de ce dîner. Ne l’écoutant pas, je lui donne mon classement des émotions immédiates, sans relation avec les valeurs intrinsèques : 1 – Chablis, 2 – Le Corton, 3 – Clos de Bèze et 4 – Chevalier-Montrachet. Mais il revient à la charge et me dit. Si vous deviez prendre une seule bouteille, laquelle prendriez-vous ? Et ma réponse est : le Chambertin, ce qui montre que selon l’angle d’approche, la réponse n’est pas la même.

L’accueil chez Bouchard est toujours d’une grande qualité. Avec des écrivains de talent qui abordent des thèmes passionnants, parler de sujets riches est plus facile quand on boit de grands vins.

123ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de l’hôtel Bristol jeudi, 24 septembre 2009

Le 123ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de l’hôtel Bristol. En une belle journée de fin septembre, le jardin donne un air champêtre chic à la salle à manger d’été. Je viens ouvrir les vins à 17h30 et aucune difficulté particulière ne se présente. Des bouchons anciens se déchirent, obligeant à utiliser plusieurs ustensiles pour en venir à bout. Le parfum du vin d’Arlay 1929 est tellement enivrant et sensuel que je le fais sentir à tous les serveurs et au jeune sommelier Maxime qui fera ce soir le service du vin.

C’est une entreprise qui reçoit des clients ou prospects, et la table sera masculine. Les arrivées s’égrènent ce qui nous permet de profiter d’un soir clément dans le beau jardin.

Une longue perche contient trois petits amuse-bouche qui, comme chaque fois, montrent la dextérité exceptionnelle du chef triplement étoilé. Un consommé de cèpes, une tranche d’ananas confit, une sucette où un goût très fort que je n’ai pas reconnu voisine avec de la betterave et enfin une olive travaillée avec talent accueillent le Champagne Krug Vintage 1988. Commencer un repas avec ce champagne au sommet de sa forme est évidemment un signe. Ce qui frappe c’est la persistance aromatique qui plombe la langue. C’est un beau champagne.

Nous passons à table. Le menu créé par Eric Fréchon est ainsi rédigé : Feuilleté et amuse-bouche / Homard bleu rafraîchi d’un gaspacho de tomate, cannelloni d’avocat légèrement pimenté / Macaronis farcis truffe noire, artichaut et foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan / Ris de veau de lait braisé au fenouil sec, carottes au pain d’épices et citron, jus de cuisson / Fromage de chèvre / Assiette de Comté / La fraise des bois fromage blanc allégé, fines crêpes dentelles et sorbet fraise / Mignardises.

Malgré mes explications préalables sur le goût très particulier des champagnes anciens, chacun est en terre inconnue lorsqu’il prend contact avec le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1969. De couleur délicatement ambrée, ce champagne a un nez doucereux. En bouche, la bulle est inexistante, mais l’impression de picotement est sous-jacente. Ce vin évoque un sauternes léger qui serait devenu sec. La délicatesse et l’élégance caractérisent ce champagne. L’amuse-bouche est un peu fort pour lui mais le fait revenir dans le monde des champagnes par un efficace coup de fouet. Lorsque le plat est enlevé, c’est la douceur discrète et raffinée qui revient au palais.

Je n’avais prévu qu’un vin blanc pour le homard. Mais en préparant les bouteilles de ce dîner, l’idée m’est venue d’en mettre deux, pour montrer l’effet du temps. Le Chassagne Montrachet Morgeot Domaine Ramonet 1994 est servi à droite, et le Chassagne Montrachet Domaine des Hautes Cornières Ph. Chapelle 1978 est à gauche. Le deuxième n’est pas un Premier Cru et son domaine m’est totalement inconnu. Quand Maxime me sert pour que je goûte avant le service de ces deux vins, je lui demande de vérifier si réellement ce sont bien les vins dans cet ordre qu’il m’a servis. Car le nez du 1978 est d’une richesse extrême et sa vivacité est remarquable. Maxime et mon voisin de table confirment qu’ils s’agit de ces vins. Et la comparaison est d’un bel étonnement car le 1978 fait aussi fringant que son jeune cousin de 1994. On remarque bien sûr que le Ramonet a une structure plus dense que son aîné. Mais pour beaucoup, le plaisir sera plutôt du côté du fantassin inconnu qui montre la vitalité des vins blancs qui surprend beaucoup de convives. Le homard est particulièrement délicieux. Le cannelloni d’avocat réveille bien le 1978. Il fallait laisser de côté le gaspacho, fort opportunément servi à part.

Les vins rouges vont donner l’occasion de deux accords d’anthologie. Deux Margaux sont servis ensemble, le Château Rauzan-Gassies 1934 et le Château Cantenac Brown 1934. Pourrait-on envisager que des vins si proches montrent autant de différences ? Le Cantenac-Brown est d’une riche structure un peu stricte, alors que le Rauzan-Gassies est plus folâtre, primesautier, romantique. Le macaroni s’accorde avec le Rauzan-Gassies, alors que la lourde sauce à la truffe noire réchauffe le Cantenac-Brown. C’est le plus strict et structuré qui correspond à mon goût. Le vote me montrera à quel point le plus féminin des deux aura du succès. Le plat est toujours aussi merveilleux et l’accord est doctrinal.

Si les deux bordeaux avaient suffisamment de parenté, les deux bourgognes sont dissemblables. Le Nuits-Saint-Georges Bouchard Père & Fils 1947 se présente dans une très curieuse bouteille dissymétrique, au verre torturé comme soufflé à la main et dont la couleur est rouge brun. La couleur du vin est presque noire tant elle est vive. Le nez est puissant et en bouche, ce vin est d’une densité de plomb. Il serait impossible de lui donner un âge tant il est fringant, puissant et riche.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1989 est en contraste complet. Il a le raffinement des vins du domaine, il est d’une couleur plus claire même si elle est soutenue. Son parfum est délicat et en bouche le vin est distingué. L’évocation assez immédiate, c’est celle de la rose, une belle rose épanouie. La tentation est forte de goûter la sauce du ris de veau sur le Nuits. C’est renversant de bonheur. Les deux vins se marient parfaitement au ris de veau d’une qualité extrême. Les deux séries de rouges ont été exceptionnelles dans leur association à leur plat.

A l’ouverture avec Maxime, nous n’aurions pas parié beaucoup sur le Vouvray doux La Lanterne, Péan propriétaire 1959 qui se présentait assez poussiéreux. J’avais demandé un jeune fromage de chèvre pour l’accompagner. A ma grande surprise, le nez du vin est devenu civilisé, agréablement doux. En bouche, le vin a acquis une belle rondeur. Ce qui me frappe, c’est son équilibre. Bien sûr il n’a pas une trame très complexe et on ne le lui demande pas. Mais je n’attendais pas que ce petit Vouvray se comporte aussi bien. L’association avec le sainte-maure est osée. Mais elle est titillante. J’aime ces rencontres imprévues de saveurs que tout oppose.

Le Château d’Arlay, Marquis de Voguë 1929 est dans une bouteille qui doit être un demi-Clavelin. Le flacon est d’une rare élégance. Ce vin jaune au parfum envoûtant a une force en bouche qui est envahissante. Sur un Comté de 36 mois, c’est un régal si l’on prend bien soin de mâcher le fromage en salivant en abondance. La persistance gustative de ce vin est infinie.

Le Monbazillac Monbouché 1929 est d’un bel or doré. En bouche il est d’un charme redoutable. Je succombe à ce vin comme le montrera mon vote. La couleur du vin appelant des fruits jaunes, le mariage avec les fraises des bois ne se fera pas. On profite donc du vin pour lui-même, charmeur, séducteur, aux plaisirs simples mais infinis.

Sur les mignardises, le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle auquel je donne plus de 30 ans remet en perspective le Moët 1969 du début de repas, car celui-ci a de la bulle. Il combine l’attrait des champagnes anciens avec la jeunesse que lui confère la bulle. C’est d’une subtilité conquérante.

Pour la quasi-totalité de la table, cette expérience remet en cause tous les présupposés, toutes les supputations sur les vins anciens. La longévité des vins blancs, la présence des bordeaux de 1934, ces champagnes complètement atypiques bouleversent tous les référentiels que chacun s’était construits.

Je n’insisterai jamais assez sur l’importance du fait que les douze vins de ce repas figurent tous, au moins une fois, dans les votes des dix participants. Ce qui veut dire que même les petits vins de ce repas ont plu à au moins l’un d’entre nous qui les a inclus dans ses quatre préférés. Six vins sur douze ont été nommés premiers, ce qui montre la diversité des goûts. Ont été nommés premiers : le Rauzan Gassies quatre fois, le Nuits-Saint-Georges deux fois et une fois le Krug, le Ramonet, l’Echézeaux et le Monbazillac.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Rauzan-Gassies 1934, 2 – Nuits-Saint-Georges Bouchard Père & Fils 1947, 3 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1989, 4 – Monbazillac Monbouché 1929.

Mon vote, après avoir longtemps hésité à mettre l’Arlay dans mon bulletin, est : 1 – Monbazillac Monbouché 1929, 2 – Nuits-Saint-Georges Bouchard Père & Fils 1947, 3 – Champagne Laurent Perrier Grand Siècle de plus de trente ans, 4 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1989.

La cuisine du chef est d’une grande maturité, le service a été bien conduit. Les deux plats qui accompagnaient les rouges ont créé des accords de haute gastronomie. Les convives ont soulevé le coin du voile qui permet d’entrer dans le monde des vins anciens. J’espère leur avoir inoculé cette belle maladie.

123ème dîner – photos du dîner jeudi, 24 septembre 2009

le joli décor dans lequel s’insère notre table

de jolis bouquets de fleurs

portrait de famille des vins de ce dîner

.

Feuilleté et amuse-bouche

Homard bleu rafraîchi d’un gaspacho de tomate, cannelloni d’avocat légèrement pimenté

Macaronis farcis truffe noire, artichaut et foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan

Ris de veau de lait braisé au fenouil sec, carottes au pain d’épices et citron, jus de cuisson

Assiette de Comté

La fraise des bois fromage blanc allégé, fines crêpes dentelles et sorbet fraise

La photo des verres sur la table, en fin de repas, montre le caractère romantique et raffiné du dîner

123ème dîner de wine-dinners – les vins lundi, 21 septembre 2009

Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1969

Champagne Krug Vintage 1988

Chassagne Montrachet Morgeot Domaine Ramonet 1994

Château Rauzan Gassies Margaux 1934

Château Cantenac Brown 1934

Nuits-Saint-Georges Bouchard Père & Fils 1947

Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1989

Vouvray doux La Lanterne, Péan propriétaire 1959

Château d’Arlay, Marquis de Voguë 1929

Monbazillac Monbouché 1929

Champagne Laurent Perrier Grand Siècle ancien (plus de 30 ans)

un bien beau Figeac 1989 chez Gérard Besson samedi, 19 septembre 2009

Le président de l’association des antiquaires du Louvre des Antiquaires ouvre sa galerie pour la signature du livre « L’histoire de la faïence fine » de Christian Maire, une somme avec des centaines de photos sur les recherches qu’il a conduites sur plus de vingt ans. Comme c’est l’occasion de retrouver l’ami antiquaire, nous nous rendons à cette invitation. Les allées sont presque désertes un samedi après-midi. Vincent a la gentillesse de nous servir un champagne qu’il a commandé au café du premier étage, « le Marengo ». Ce champagne au nom inconnu est particulièrement agréable à boire. Ma femme et moi emmenons ensuite, après avoir acheté le livre, Vincent et un ami écrivain, que nous allons revoir dans peu de jours à « Livres en Vignes » au château de Clos-Vougeot, au restaurant de Gérard Besson.

Le chef nous offre une coupe du champagne Duval-Leroy Blanc de Blancs 1999 bien typé et qui ne fait pas ombrage au « petit » champagne du café Marengo. Après un vol-au-vent au ris de veau, nous profitons des premières grouses qui n’ont pas encore la dureté de chair des volatiles plus tardifs dans la saison. Ces oiseaux sont d’un grand plaisir.

LA GROUSE

Dans la carte des vins très riche mais aux prix parfois dissuasifs, j’ai choisi deux vins. Avec Gilles, le fidèle sommelier au grand savoir, nous hésitons sur l’éventualité d’une décantation qui serait en fait une aération, mais les parfums des deux vins indiquent qu’il ne faut pas transvaser ces vins, à déguster dans le charme de leur fraîcheur. Le Château Figeac 1989 me conquiert instantanément. C’est un beau vin riche mais subtil, élégant, qui profite à plein d’avoir vingt ans. Cette réussite m’enchante. Sa densité est grande, son final est charmant. C’est un bonheur de boire un tel bordeaux.

La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1987 mettra plus de temps à se révéler. Je lui trouve un léger voile et une grande timidité, mais quand il se réveille, il délivre les beautés de ces Côtes Rôties, avec toutefois un manque de puissance qui contraint le plaisir. Ce sont surtout les conversations avec un antiquaire et un écrivain, ajoutant leurs éruditions, qui ont fait le bonheur de cette soirée.

122ème dîner au restaurant Laurent – photos jeudi, 17 septembre 2009

Le beau jardin du restaurant Laurent commence à prendre ses couleurs d’hiver

La photo d’ensemble des vins bus

Champagne Cristal Roederer 1996 – Champagne Dom Pérignon 1982

Château Cheval Blanc 1986 – Château Haut-Brion 1986

La Tâche, Domaine de la Romanée Conti 1998 – Ermitage Le Pavillon Chapoutier 1989

Hermitage Chave 1995

Penfolds Grange Hermitage Bin 95 vintage 1981 – Champagne rosé Cuvée Alexandra Laurent-Perrier 1998

Château Gilette 1970 – Château d’Yquem 1982

Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 1989

Araignée de mer dans ses sucs en gelée, crème de fenouil

Cèpes « bouchon » saisis à la plancha, crème fouettée au lard fermier

Pièce de bœuf rôtie, servie en aiguillettes, macaroni gratinés au parmesan, jus aux herbes et moelle

Tourte de canard Colvert

Pigeon à la goutte de sang, sauce Rouennaise (pas de photo hélas !)

Forme d’Ambert

Mirabelle de Lorraine dans un consommé froid, au thym-citron

Les verres en cours de repas et en fin de repas

122ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 17 septembre 2009

Jonathan est né en 1981. Il a participé à son premier dîner de wine-dinners en novembre 2008. A ce jour il en a déjà fait sept de plus. Cet été il est venu me rejoindre dans le sud pour partager des repas aussi bien chez Matthias Dandine que chez Yvan Roux. Plus mordu que lui, je ne connais pas. Fiancé à une jolie australienne, il a décidé d’émigrer en ces terres lointaines. Il m’a demandé d’organiser, une semaine avant son départ, un diner sous la forme des dîners de wine-dinners avec une particularité : les vins seront presque tous de la cave de son père qui sera présent. J’accepte volontiers, car ce jeune ami est absolument charmant et enthousiaste. Il y aura autour de la table Jonathan, son père et un ami de son père, les deux compères de Jonathan qui étaient venus déjeuner chez Yvan Roux, le plus fidèle des fidèles de mes dîners, un « nouveau » de mes dîners qui a eu la chance de partager avec Jonathan et moi le vin de Constance de 1791 et mon fils. Nous avons la belle table ovale en position centrale dans la salle du restaurant Laurent, qui est la table que nous avions lors du premier dîner de Jonathan il y a dix mois. La boucle est bouclée.

Alors que j’aurais pu déléguer à Patrick Lair, dont je connais la minutie, l’ouverture des vins qui sont peu anciens, Jonathan ayant exprimé le désir d’être avec moi pour l’ouverture des vins, je me rends au restaurant à 17h30 pour cette cérémonie préparatoire du 122ème dîner de wine-dinners. Alors que tout aurait pu se passer comme une lettre à la poste, j’ai dû faire face à des surprises. Le bouchon du Penfolds Grange 1981 paraît neuf tant le haut du bouchon est blanc et intact. En tirant le tirebouchon, j’extraie un carottage de liège en charpie. Le bouchon est collé au verre et le centre est mou. Il faut cureter le liège, avec des chutes de morceaux dans le vin, que Jonathan va pêcher un à un. Dès que je pique le tirebouchon dans le Haut-Brion 1986, je tire sans aucune résistance. C’est qu’en fait une moitié seulement du bouchon remonte, sans que je n’aie créé la moindre brisure. Pour le Gilette 1970, c’est assez classiquement qu’un disque de liège est resté dans le goulot. Mais j’observe sans pouvoir réagir que le disque, comme aspiré, glisse et descend dans le liquide. Il faudra faire une double décantation pour récupérer le liquide totalement pur. Quand tout est fini, je m’habille de frais et j’emmène Jonathan à une présentation du champagne Laurent-Perrier. Nous goûtons le champagne ultra-brut de Laurent-Perrier, au goût agréable mais un peu court.

Dans le petit salon d’entrée du restaurant, notre groupe de neuf hommes et zéro femme se forme. Le Champagne Cristal Roederer 1996 a une couleur d’un miel clair. Le nez est envoûtant et la bulle dynamique. Je suis renversé par la perfection de ce champagne. Il se trouve que Cristal Roederer ne fait pas normalement partie des gibiers que je chasse, car il m’a dissuadé soit par le goût, soit par les prix influencés par la mode russe. Ce 1996 me fait réviser toute idée préconçue, car je suis totalement conquis. Il y a en lui une grâce, un délicat fumé, voire confituré qui est d’un charme sensuel. Le nem de gambas soutenu par de fines branches de légumes n’aide en rien le champagne. Je pourrais passer des heures à me satisfaire de ce goût merveilleux de plénitude, d’affirmation tranquille, avec une trace en bouche quasi indélébile.

Nous passons à table et Jonathan découvre le menu, que je n’avais pas communiqué, composé par Alain Pégouret et Philippe Bourguignon : Araignée de mer dans ses sucs en gelée, crème de fenouil / Cèpes « bouchon » saisis à la plancha, crème fouettée au lard fermier / Pièce de bœuf rôtie, servie en aiguillettes, macaroni gratinés au parmesan, jus aux herbes et moelle / Tourte de canard Colvert / Pigeon à la goutte de sang, sauce Rouennaise / Mirabelle de Lorraine dans un consommé froid, au thym-citron.

Le Champagne Dom Pérignon 1982 est divinement aidé par l’araignée, plat emblématique du restaurant Laurent, petite merveille de précision. Le champagne est à l’opposé complet du Cristal. Sa couleur est d’un jaune pâle ne laissant la place à aucune trace d’âge, la bulle est active et fine, et en bouche, ce champagne est délicieusement féminin, quand le Cristal était un guerrier armé. Nous sommes dans le registre des marivaudages charmants. La comparaison des deux champagnes que je commente avec mon voisin donne lieu à des images résolument différentes des deux vins, ce qui est fréquent.

Deux bordeaux sont servis côte-à-côte. Comme pour les deux champagnes, il est difficile d’imaginer deux rouges aussi dissemblables, alors qu’ils sont de la même année. Le Château Cheval Blanc 1986 a une couleur plus claire, plus rose, et il joue sur une séduction très féminine. Alors que le Château Haut Brion 1986, plus noir et d’une densité énorme, joue sur sa puissance. On peut aimer les deux, mais ce soir, c’est le Cheval Blanc qui conquiert les esprits. Le Haut-Brion sera miraculeux dans vingt ans, car il est porté par une richesse de structure exemplaire. Le Cheval Blanc est doté d’un charme qui est à son apogée et ne gagnera pas autant dans le futur que le Haut-Brion. Les cèpes sont délicats pour mettre en valeur les expressions des deux vins. A noter qu’au nez à l’ouverture, le Haut-Brion paraissait très supérieur au Cheval Blanc qui s’est bien rattrapé depuis.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1998 est d’un rouge sang d’une rare beauté. Le nez est envoûtant. En bouche, c’est une immense surprise, car il est enjôleur, cajoleur, séducteur, au-delà de toutes les expressions bourguignonnes habituelles des vins de la Romanée Conti. C’est rare qu’un vin du domaine joue autant dans le registre de la séduction. La divine pièce de bœuf est d’une telle subtilité qu’elle accompagne le vin comme le témoin accompagne la mariée. Le macaroni ne crée aucune émotion au vin. La Tâche conquiert toute la table comme on le verra dans les votes. C’est un jeune La Tâche, dans une période de séduction juvénile à laquelle on succombe volontiers.

Nous allons goûter trois vins sur le plat qui nous est servi. La tourte de colvert est une merveille. Dans mon cerveau, c’est comme si l’on mettait un switch qui me transporte dans le monde d’Antonin Carême, de Brillat-Savarin, ou de Dodin-Bouffant. C’est l’accomplissement de la cuisine bourgeoise de qualité. Ce plat est gourmand, et va correspondre divinement aux trois vins grandioses.

L’Ermitage Le Pavillon Chapoutier 1989 est d’un très grand charme, énigmatique par certains aspects, étrange, interpelant, mais c’est le charme qui triomphe. A côté de lui, l’Hermitage Chave 1995 est la pureté de l’Hermitage. Tout en lui paraît simple, équilibré, mais c’est une bombe de richesse gustative. Hiérarchiser les deux serait bien difficile, tant ils sont différents et agréables à boire, le Chapoutier dans un registre un peu exotique et le Chave dans la pureté absolue de sa définition.

A ce stade du repas, le père de Jonathan, prévenu des votes à faire en fin de repas déclare que selon lui, les votes seront tous identiques. Instantanément, je parie avec lui du contraire. L’enjeu est un dîner. Les anciens des dîners lui annoncent qu’il a sûrement perdu. Nous verrons.

Pour que je gagne mon pari, je cache autant que je peux l’incroyable choc gustatif que me fait le Penfolds Grange Hermitage 1981, vin de l’année de Jonathan, qu’il s’est fait expédier d’Australie la semaine dernière. Le nez est de poivre et de fruits noirs comme la mûre. Ce nez, que l’on pourrait retrouver en France, ne concernerait que des vins de 2005, et jamais des vins de plus de vingt ans. C’est d’une puissance invraisemblable. En bouche, c’est pour moi un bonheur total. Si l’on imagine les tendances que Robert Parker a encensées puis suscitées, on est au centre de la cible. Il y a des fruits noirs, une richesse d’expression qu’aurait un vin de 14° alors que l’étiquette n’en annonce que 12,6°, soit moins que le Chave et le Chapoutier, et il y a en plus un détail inouï qui m’enchante : le final inextinguible est mentholé, ce qui lui donne une fraîcheur unique que je retrouve dans certaines Côtes Rôties de Guigal. Ce vin a été fait il y a 28 ans, avant que Parker n’existe dans les médias. Ce vin sublime les tendances encensées par Parker et les presque trois décennies donnent une élégance unique à ce vin qui ne tombe en aucun cas dans la caricature du vin moderne. Voilà un vin moderne que j’adore.

La cuisine est un langage précis. J’ai commis une erreur et j’en porte la responsabilité. Je voulais que le vin que j’ai apporté, le Champagne Laurent Perrier Cuvée Alexandra rosé 1998 soit placé à ce stade du repas et soit confronté à un pigeon rose à souhait. Dans mon courriel, j’ai écrit « à la goutte de sang ». Or en cuisine ce fut interprété comme un appel à une sauce faite avec le sang. Heureusement le pigeon ne fut pas nappé par la lourde sauce, aussi ai-je suggéré que l’on ne prenne que les filets, bien roses, avec le champagne. L’accord est particulièrement judicieux et met en valeur ce champagne rare, dont la subtilité ne se révèle que petit à petit. Comme dans une danse des sept voiles, chaque gorgée dénude un peu plus les trésors de grâce et de finesse d’un champagne hors du commun. Subtil il l’est au point qu’un palais non averti pourrait passer à côté de son message.

Jonathan a envie d’une pâte bleue sur le Château Gilette 1970. Les fromages sont déjà rangés au frais car nous sommes les bons derniers et ce n’était pas prévu au programme. On me fait tâter la fourme d’Ambert que je ne trouve pas trop froide. L’essai sera fait. Une nouvelle fois j’explique comment faire cohabiter pâte bleue et Sauternes : « mâchez, mâchez, mâchez ! » et l’expérience est convaincante. J’ai trouvé ce Gilette un peu faible par rapport à d’autres millésimes.

Le Château d’Yquem 1982 est un Yquem classique qui commence à s’épanouir. Déjà bien ambré, il apporte tout ce qu’on aime en Yquem. La mirabelle est un essai réussi. Car quand on boit l’Yquem juste après le fruit, il devient mirabelle, par un heureux mimétisme, et quand on le boit seul il redevient Yquem. Cette acceptation réciproque est aidée par le thym-citron. Cet accord est grand.

J’avais demandé à Alain Pégouret au dernier moment, faute de litchis, quelques tranches de pamplemousses roses pour le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 1989 apporté par l’ami fidèle parmi les fidèles. Ce vin avait le nez le plus beau à l’ouverture. C’est une merveille de précision et de fraîcheur. Le pamplemousse excite certaines de ses caractéristiques, faisant ressortir le doucereux et la précision. C’est un vin de première grandeur, d’une belle joie de vivre.

Les votes sont très difficiles compte tenu de l’extrême accumulation de grands vins. Nous sommes neuf votants pour douze vins. Deux seuls vins n’ont pas de vote, le Dom Pérignon 1982 et le Gilette 1970. Six vins ont eu le mérite d’avoir un vote de premier, ce qui montre une extrême diversité de votes. La Tâche a obtenu trois votes de premier, Yquem a obtenu deux votes de premier et Cheval Blanc, l’Hermitage Chave, le Penfolds Grange et le Gewurztraminer ont eu chacun un vote de premier. La Tâche est le seul qui a reçu neuf votes ce qui veut dire que chacun a voté pour lui.

Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1998, 2 – Château d’Yquem 1982, 3 – Ermitage Le Pavillon Chapoutier 1989, 4 – Hermitage Chave 1995. Mais il convient de dire que les votes pour la quatrième place ont été extrêmement serrés entre le Chave, le Hugel et le Penfolds. Le père de Jonathan a dans le désordre les quatre vins de ce consensus, ce qui justifie qu’il en soit content.

Mon vote est : 1 – Penfolds Grange Hermitage 1981, 2 – Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 1989, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1998, 4 – Champagne Cristal Roederer 1996.

Les votes ont été extrêmement disparates, car les vins méritaient tous notre intérêt. J’ai gagné le pari d’un dîner. La tourte de canard a été unanimement plébiscitée car ce plat est l’expression aboutie de la cuisine bourgeoise gourmande, la prime de l’originalité de l’accord ira à la mirabelle qui a épousé l’Yquem d’une brillante façon. Faire un dîner chez Laurent, c’est l’assurance de passer une belle soirée.

Clos de Tart au restaurant Astrance mercredi, 16 septembre 2009

Bipin Desai fait venir en Europe un groupe d’amateurs et les conduit dans les plus grands restaurants de France, de Belgique et d’Espagne, pour une semaine de trois étoiles midi et soir. C’est Bipin qui m’avait demandé d’organiser le 121ème dîner. Il me propose de me joindre à son groupe pour un déjeuner au restaurant Astrance dont le thème sera Clos de Tart. A la perspective de retrouver Sylvain Pitiot, je dis immédiatement oui. Peu de temps après, Sylvain Pitiot m’appelle au sujet d’un autre repas et j’évoque ce déjeuner. Il m’informe que la date des vendanges ne lui permettra pas de venir. Cela m’attriste, mais je ne vais pas revenir en arrière. Par un hasard extraordinaire, le bulletin que j’émets peu avant ce repas comporte une photo d’un magnum de Pol Roger Sir Winston Churchill. Patrice Noyelle, président de Pol Roger m’appelle pour me signaler qu’il a lu les paroles flatteuses sur le champagne qu’il dirige et me dit : « je viendrai à la dégustation de l’Astrance ». L’épouse de Patrice est une demoiselle Mommessin, ce qui crée le lien, Patrice se rendant trois à quatre fois par an au Clos de Tart auprès de Sylvain Pitiot qui dirige le domaine.

Bipin a réservé deux tables pour ses amis américains, un grand collectionneur belge, Patrice Noyelle et moi. Le repas conçu par Pascal Barbot comporte des plats qui montrent les multiples facettes de son talent : brioche tiède, beurre de cèpe / cuiller de parmesan crémeux / foie gras mariné au verjus, galette de champignon de Paris, purée de citron confit / langoustines dorées, nage de petits légumes au gingembre et soja, herbes sauvages / sole cuite meunière, cèpes crus et cuits / collier d’agneau, haricotes blancs cuisinés au chorizo et coques / colvert cuit au sautoir, condiment griotte / saint-nectaire fermier / capuccino amande, feuille de riz grillé, framboise en compote / vacherin glacé au miel, crème au beurre à l’huile d’(olive et citron, gelée tagette / croustillant au sorbet cassis, mousse de lait, crème de mascarpone / lait de poule au jasmin / fruits frais. Inutile de dire que ce fut grand.

Le champagne blanc de blancs Deutz 1998 a une belle bulle forte. Le goût est élégamment fumé. Le champagne est d’une belle maturité. Le final est très fort, en coup de fouet. Le Pouilly-Fumé « Pur sang » D. Dagueneau 2004 a un nez jeune et frais. Il est très élégant et agréable, mais surtout il est frais. J’ai beau chercher des caractéristiques particulières, on en revient à sa belle fraîcheur. Son final claque bien. La trame est assez neutre, mais la fraîcheur citronnée est remarquable.

Le Pouilly-Fuissé « Clos Reyssié » P. Valette en magnum 2001 a passé quatre ans en barrique avec ouillage à Chaintré. La couleur est très ambrée. En bouche, c’est fumé et l’on pourrait facilement donner vingt ans de plus. C’est très intéressant mais c’est un OVNI, objet vineux non identifié. Patrice Noyelle dit que le vin est mûr mais n’est pas oxydé. Il m’évoque certains bourgognes des années 50. La sole rééquilibre le 2001 et le rend très civilisé. Le vin a un final plein de surprises. Il est complètement hors du commun et se destine à de la grande gastronomie. D’une certaine façon, son caractère atypique me rappelle les champagnes que fait Anselme Selosse.

Le Clos de Tart 2003 est d’une couleur très grenat, beaucoup plus dense que celle du Clos de Tart 2005. Les deux nez sont très épicés. Le collier d’agneau est un plat miraculeux d’étrangeté. Le chorizo que Pascal Barbot aime domestiquer, est excitant et met en valeur les vins rouges. Le 2005 est encore très jeune mais très élégant. Le 2003 est plus charnu, plus lourd, conquérant. Le plat très épicé est fait pour lui. Le 2005 ira beaucoup plus loin que le 2003. En s’ouvrant, le 2005 devient plein de subtilité. Je n’exclue pas que le 2003 devienne un grand vin dans vingt ans. Le 2005 va braver le temps dans l’élégance pure.

Le nez du Clos de Tart 2001 est archétypal fait de poivre et de cassis. Le Clos de Tart 1999 joue sur un registre plus sage. En bouche le 1999 est excellent. Il combine une belle jeunesse avec les signes d’une maturité déjà assumée. Il m’évoque des feuilles vertes. Le 2001 est tonitruant. Il a tout pour lui. C’est l’accomplissement du Clos de Tart à ce stade de sa vie. C’est le Clos de Tart qu’on aime. Le 1999 est plein de promesses. Il va évoluer avec son don de subtilité. Le 2001 a peut-être un avenir moins certain, mais aujourd’hui il est parfait dans sa jeunesse. Le colvert ne vibre pas autant que l’agneau sur les vins.

Le Clos de Tart 1996 a une couleur assez claire. Le nez est discret. Il y a une belle épice mais un contenu assez peu étoffé. Toutefois, la crème diabolique aux cèpes et à l’huile de noisette qui accompagne le saint-nectaire propulse le 1996 à des hauteurs insoupçonnées. Je révise mon jugement sur ce vin ainsi dopé.

Mon classement des Clos de Tart est 2001, 2005, 1999, 1996, 2003. L’Aleatico Massa Vecchia 2002 exagère son raisin surmaturé au goût de pain d’épices. Je ne mords pas aujourd’hui à ce vin. Peut-être demain ?

La cuisine de l’Astrance est toujours aussi raffinée. Le collier d’agneau à lui seul mérite le voyage. Les Clos de Tart jeunes confirment leur excellence. Que demander de plus ?