L’académie des vins anciens tient sa 10è séance au restaurant Macéo vendredi, 5 juin 2009

L’académie des vins anciens tient sa dixième séance au restaurant Macéo. Nous sommes près de quarante ce qui oblige à constituer trois groupes. Pour que chacun puisse profiter d’une grande variété de vins, j’ai apporté seize vins de ma cave, ce qui conduit à 48 vins, soit seize par groupe. Lorsqu’il y a plusieurs bouteilles d’un même vin, elles sont listées à chaque fois. Voici la répartition des vins par groupe.

Vins du groupe 1     tables 1 & 2 : Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, Champagne Mumm Cordon Vert années 20, Champagne Exclusive Vintage 1980, Riesling Clos des Capucines Domaine Weinbach 1977, Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959, Château Larcis-Ducasse 1967, Château Haut Brion 1969, Château Haut Brion 1971, Château Canon 1959, Volnay Champy P&F 1945 (basse), Vougeot Tasteviné J. Thorin 1961 (basse), Beaune Bressandes 1955 Drouhin, Vega Sicilia Unico 1966 (basse), Château des Jaubertes Grand vin du Marquis de Pontac  Graves supérieures, Château Sigalas-Rabaud 1896, Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925.

Vins du groupe 2     tables 3 & 4 : Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, Champagne Krug Grande Cuvée années 80, Champagne Edouard Besserat 1966, Château Bouscaut blanc 1964, Clos de la Coulée de Serrant N.Joly 1983, Château Ducru-Beaucaillou 1970, Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929, Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969, Beaune 1953 Leroy (année illisible), Chambolle Musigny 1947, Chambertin 1959 de la maison Pierre Bourée Fils, Marques de Riscal Reserva 1961, Vega Sicilia Unico 1967 (basse), Château d’Yquem 1961, Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925

Vins du groupe 3     tables 5 & 6, Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, vin de champagne Saran Moët & Chandon 1943, Champagne Mumm, René Lalou 1985, Champagne Krug Grande Cuvée années 80, Château La Tour Léognan 1979, Puligny Montrachet Albert Bichot 1937, Martinez Lacuesta – Rioja – Blanc 1980, Château Coustolle, Côtes de Canon-Fronsac 1966, Château Rolland Taillefer Pomerol 1967, Château Ausone 1979, Domaine de Chevalier rouge 1952, Chambolle Musigny 1947 Maison Remoissenet et Fils, Rioja 1960, Vega Sicilia Unico 1964 (basse), Coteaux du Layon Chaume, Château de la Guimonnière 1945, Grenache Vieux années 20.

J’arrive à 16 heures pour ouvrir les bouteilles et quelques académiciens fidèles me font l’amitié de venir m’aider. Il les faut bien car il y a des bouchons coriaces et certains partent en lambeaux. Mes amis seront bien récompensés car l’un d’entre eux, pour soutenir l’ardeur des travailleurs, a apporté un Champagne Dom Pérignon 1996. J’ai bu souvent ce champagne qui fut couronné premier champagne de son millésime dans un jury dont j’étais membre suppléant. Dans l’ambiance active des détrousseurs de bouchons, je dois dire que c’est le plus beau Dom Pérignon 1996 que je n’aie jamais bu. Il atteint une plénitude spectaculaire. La productivité de l’industrie française terrasserait la germanique avec un tel dopage. 

Les arrivées sont aussi ponctuelles que les horaires des trains un jour de grève. Fort heureusement, nous avons des munitions. Le Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995 me surprend toujours. Car l’âge lui va comme un gant. Chaleureux, avec une acidité judicieuse, c’est un champagne que je devrais éviter de fournir, car il se boit trop bien. Un bon champagne, c’est quand on regarde le fond de la bouteille en se demandant pourquoi elle est vide alors qu’on a soif. Ce champagne est ainsi fait.

Nous passons à table, chacun à la table qui lui est désignée. Il y a beaucoup d’habitués mais fort heureusement de nouveaux visages apparaissent, dont Etienne de Montille, vigneron que j’adore, venu en ami. Le menu composé par Macéo est simple mais goûteux : Crème de petits pois glacée et fumet de saumon ciboulette / Petit tartare de daurade, chair de crabe & quinoa taboulé / Aiguillette de Saint Pierre, têtes d’asperges vertes & condiments / Noisette de veau fermier, croustilles de céleri aromatique / Poires rôties compressées, fine dentelle & gelée de fruits rouges / Chocolat tendre & pipérade de poivrons sésame.

Toute ma table sourit quand je goûte en premier le Champagne Mumm Cordon Vert années 20, car je manque de m’évanouir. Ce champagne qui provient de la cave murée que j’ai acquise est d’une diabolique perfection. D’une couleur d’abricot, il exhale un parfum qui évoque la conquérante attitude de Charlize Théron déchirant ses bijoux et ses habits pour ne conserver sur son corps parfait et doré que son parfum. En bouche, c’est un festival de luxure. La douceur est incommensurable, mariée à une complexité extrême. Ce vin, puisqu’il ne s’agit plus de champagne, est un plaisir absolu. J’annonce tout de suite la couleur : je le classerai premier.

Le Champagne Exclusive Vintage 1980 apporté par celui qui le fait est d’une grande précision. Il est ciselé. Il a le charme de ses près de trente ans, qu’il ne fait pas. Dans un autre contexte on le jugerait irréprochable, mais il fait « attendu » après le Mumm. On m’apporte un verre du Champagne Edouard Besserat 1966 et je me pâme une nouvelle  fois. J’ai un amour pour les champagnes de cette année, car ils sont au sommet de leur art. Celui-ci en est la preuve. Et il renforce un peu plus ce que le Mumm a de miraculeux, car à côté du 1966, ce Mumm qui pourrait être des années 10 porte un supplément d’âme.

Le Riesling Clos des Capucines Domaine Weinbach 1977 est l’occasion de montrer qu’un vin ancien ne peut se boire comme un vin actuel. Car si l’on s’arrêtait aux signes de fatigue, on perdrait le message du vin. Il faut attendre l’épanouissement dans le verre pour saisir le côté chaleureusement alsacien du vin. Mais l’imperfection me gêne un peu.

Le Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959 n’en est que meilleur. Ce vin a la couleur magique de jeunesse est d’une totale perfection. En bouche le vin a la sérénité de son immense année. Etienne de Montille l’adore ce que je prends comme un compliment pour mon vin. C’est un grand vin qui frappe par son équilibre.

On m’apporte une goutte du Martinez Lacuesta, Rioja Blanc 1980. Ce vin qui ne titre que 10,5° est passionnant à découvrir. Je serais bien incapable de trouver un point de repère, car c’est un OVNI (objet vineux non identifié). Il n’en a que plus d’intérêt.

Le Château Larcis-Ducasse 1967 casse un peu le rêve, car même s’il est agréable à boire, il est propret, sans véritable émotion. Le Château Haut Brion 1969 est une bonne surprise car on n’attendrait pas qu’il soit de niveau, du fait de son année qui surprend souvent. Le Château Haut Brion 1971 le domine par son parfum mais est nettement moins agréable à boire. Sans doute parce que l’on en attend plus que du 1969.

Le Château Canon 1959 fait monter de plusieurs crans. Ce vin est militaire. C’est la sérénité en marche du bordeaux bien né. Il porte bien son nom, car c’est ainsi qu’il conçoit sa séduction : en brisant les résistances, s’il y en avait. J’ai beaucoup aimé cet archétype du vin de Bordeaux.

On m’apporte d’une autre table un verre de Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929, vin que j’ai apporté. Et c’est un ravissement. Ce vin qui ne fait pas son âge confirme, s’il en était besoin, la force prodigieuse de l’année 1929. Pur, racé, grand, précis, il a tout cela et en plus un velouté charmeur d’une longueur appréciable. Ce vin chaleureux réjouit celui qui le boit. C’est un grand vin.

Etienne, dont le vin n’est pas de notre groupe est allé soutirer un verre et l’apporte à notre table. Le nez est à se damner. Ce Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969 possède tout ce que j’aime dans la Bourgogne et c’est un festival de charme et de distinction. Ce vin est d’une délicatesse rare.

Dans les vins que j’ai ajoutés, j’ai voulu que l’on puisse essayer des vins de bas niveaux, pour leur laisser une chance d’être bus avant leur mort proche. Et le Volnay Champy P&F 1945 me donne raison, car malgré un niveau très bas, le message est réellement lisible. Il a une belle ampleur, une chaleur veloutée et le vin ne fait pas cuit comme on pourrait le craindre. Il a perdu un peu de finesse mais reste très buvable. Je suis plus sévère pour le Vougeot Tasteviné J. Thorin 1961 dont le niveau est plus haut et l’année plus récente, car celui-ci fait plus torréfié. Ces vins de niveaux bas sont buvables, mais sans entraîner d’enthousiasme. Il faut être content de leur avoir donné une chance.

Le Beaune Bressandes 1955 Drouhin est agréable, élégant, mais la mémoire du Volnay d’Etienne, fait par son père, est trop vivace pour qu’on oublie que le plaisir est là. Un ami, avec mon accord, a ajouté trois Vega Sicilia de niveaux bas, là aussi pour voir, de trois années, 1964, 1966 et 1967. Nous avons à notre table le Vega Sicilia Unico 1966 qui, même si c’est une caractéristique de ce vin, fait beaucoup trop torréfié pour être agréable. Il en est de même des deux autres dont on m’apporte un verre. Cela rend encore plus séduisant le Marques de Riscal Reserva 1961, à la grâce juvénile et à la subtilité inattendue.

J’avais annoncé à l’ami qui avait apporté le Beaune 1953 Leroy que son vin est dépigmenté. Par fierté il m’apporte un verre pour me montrer que cela n’affecte pas le goût. Et c’est vrai. Le Chambolle Musigny 1947 Maison Remoissenet et Fils est pour moi le vin qui représente ce qu’est l’académie. Il est si bon que je suis presque persuadé que c’est moi qui l’ai apporté, ce qui choque à juste titre l’ami apporteur de ce trésor.

Le Château des Jaubertes Grand vin du Marquis de Pontac  Graves supérieures qui doit être des années 80 est doux, charmeur, d’une belle couleur dorée. C’est une belle surprise. Le Château Sigalas-Rabaud 1896 que j’ai apporté est pour beaucoup leur premier vin du 19ème siècle. L’émotion est sensible. Malgré l’intérêt, je suis obligé de dire que c’est plus une évocation qu’un plaisir. Certains à ma table me trouvent sévère, mais c’est le cas. D’autant plus que le Château d’Yquem 1961 qui n’est pas au sommet de son art montre une vivacité chaude que n’apporte pas son aîné. Cet Yquem est extrêmement plaisant.

J’avais dit à l’apporteur du Coteaux du Layon Chaume, Château de la Guimonnière 1945 que sa couleur n’est pas très engageante. Il vient me montrer, verre en main, que le vin est toujours vivant. Il a raison.

Sur le dessert au chocolat, le Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925 est d’un plaisir chaud et joyeux. A côté de lui, le Grenache Vieux des années 20, nettement meilleur que le même que j’avais ouvert il y a peu de semaines est très déroutant. Il combine le doucereux et le sec avec une complexité difficile à appréhender. Aussi, on se réfugie dans les bras du Maury beaucoup plus accueillant.

Un académicien m’avait prévenu que pour me remercier, il offrirait une demi-bouteille de Champagne Bollinger 1959. Mais les académiciens sont des vautours. Nous serons donc nombreux à bénéficier de cette générosité. Lorsque j’ouvre le vin, le bouchon vient bien trop facilement, et l’on découvre un champagne fatigué, mais toujours porteur du message raffiné de Bollinger. Une désagréable trace métallique m’a indisposé pendant une partie de la nuit. La générosité aura un souvenir plus durable.

Choisir entre tous ces vins est très difficile. Le vote que j’ai fait n’a pas été confronté à d’autres. Je mettrai en premier, de loin, le Champagne Mumm Cordon Vert années 20, suivi du Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959, puis le  Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969, le Champagne Edouard Besserat 1966, le Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929, le Château Canon 1959 et le Château d’Yquem 1961.

Lorsque je dirigeais un groupe comptant plusieurs centaines de cadres que je réunissais chaque année, il était d’usage que les plus soucieux de leur carrière me disent que la réunion qui s’achevait était de loin la plus réussie de toutes. Je n’ai pas de carrière à défendre mais il me semble que cette réunion fut la plus belle de toutes celles que nous avons faites. Les vins furent d’une grande qualité, les bourgognes se montrant les plus exceptionnels. L’ambiance était chaleureuse, joyeuse, rieuse. Cette occasion donnée à des vins d’âges canoniques de briller lors d’une réunion d’amateurs compétents est un concept qu’il faut amplifier en visant, comme nous le fîmes ce soir, l’excellence absolue.

Académie, tout commence et tout finit par… vendredi, 5 juin 2009

Tout commence et tout finit par de la générosité.

Un académicien venu m’aider à ouvrir les bouteilles a apporté cela pour étancher nos soifs de travailleurs :

Ce Dom Pérignon 1996 fut but avant la 10ème séance de l’académie des vins anciens.

Un académicien heureux de venir a offert cette demi-bouteille en espérant que beaucoup d’amis seraient déjà partis pour qu’on la boive en petit comité. C’était pour me remercier :

 Champagne Renaudin Bollinger 1959

académie des vins anciens – vins de 1995 à 1969 vendredi, 5 juin 2009

Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995 (4 bt)

Champagne Mumm, René Lalou 1985

Clos de la Coulée de Serrant N.Joly 1983

Champagne Krug Grande Cuvée années 80 (2bt)

Champagne Exclusive Vintage 1980

Martinez Lacuesta – Rioja – Blanc 1980

Château des Jaubertes Grand vin du Marquis de Pontac  Graves supérieures  (quelle année ???)

Château Ausone 1979

Château La Tour Léognan 1979

Riesling Clos des Capucines Domaine Weinbach 1977

Château Haut Brion 1971

Château Ducru-Beaucaillou 1970

Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969 sans étiquette (il vient directement du domaine, et ce qui est curieux, c’est qu’il a été capsulé)

Château Haut Brion 1969

académie des vins anciens – vins de 1967 à 1959 vendredi, 5 juin 2009

Vega Sicilia Unico 1967 (basse)

Château Larcis-Ducasse 1967

Château Rolland Taillefer Pomerol 1967

Vega Sicilia Unico 1966 (basse)

Champagne Edouard Besserat 1966

Château Coustolle, Côtes de Canon-Fronsac 1966

Vega Sicilia Unico 1964 (basse)

Château Bouscaut blanc 1964

Château d’Yquem 1961

Marques de Riscal Reserva 1961  (notez la société Philomathique !)

Vougeot Tasteviné J. Thorin 1961 (basse)

Rioja 1960

Chambertin 1959 de la maison Pierre Bourée Fils

Puligny Montrachet A. Bichot 1937 (qui est en fait un 1959). On a étiqueté au dernier moment sans voir l’étiquette ancienne.

Bâtard Montrachet Chanson Père & Fils 1959

Château Canon 1959

académie des vins anciens – vins de 1955 à 1896 vendredi, 5 juin 2009

Beaune Bressandes 1955 Joseph Drouhin

Beaune 1953 Leroy (année illisible)

Domaine de Chevalier rouge 1952

Chambolle Musigny A. Rossigneux et Fils 1947 

Chambolle Musigny 1947 Maison Remoissenet et Fils

Coteaux du Layon Chaume, Château de la Guimonnière 1945

Volnay Champy P&F 1945 (basse)

vin de champagne Saran Moët & Chandon 1943 (année annoncée, illisible)

Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929

Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925 (2 bt)

Grenache années 20. Notez le « très recommandé »

Champagne Mumm Cordon Vert années 20

Château Sigalas-Rabaud 1896

(pas facile à lire)

Académie des Vins anciens – 10ème séance du 05 juin 2009 – les règles vendredi, 5 juin 2009

Académie des Vins anciens – 10ème séance du 05 juin 2009

Informations sur la 10ème séance de l’académie des vins anciens du 05 juin 2009 :

Lieu de la réunion : restaurant Macéo  15 r Petits Champs 75001 PARIS  01 42 97 53 85

Date de la réunion : c’est le 05 juin à  19 heures, heure absolument impérative.

Coût de la participation : 120 € pour un académicien qui vient avec une bouteille ancienne. 240 € pour les académiciens sans bouteille. Chèque à adresser dès maintenant à l’ordre de "François Audouze AVA" à l’adresse suivante : François Audouze société ACIPAR, 18 rue de Paris, 93130 Noisy-le-Sec.

Inscription : par mail à François Audouze

Proposition de vins anciens : indiquer toutes informations sur l’état et le niveau. Toute bouteille proposée doit être agréée par François Audouze

Dates limites : comme nous sommes proches de la date de réunion : livrer les bouteilles au plus vite après approbation. Envoyer votre chèque avant le 25 mai, date vraiment limite.

Nota : les chèques reçus avant la séance ne sont pas remis en banque avant la séance. Il n’y a donc aucun avantage à retarder l’envoi.

Livraison des bouteilles :

Si vous déposez les bouteilles, faites le au bureau de la maison de champagne Henriot 5 rue la Boétie 75008 PARIS – tél : 01.47.42.18.06. C’est au deuxième étage. Indiquez bien votre nom sur votre paquet, mais surtout, n’écrivez rien sur les bouteilles et ne collez rien sur les bouteilles. Ne mettez pas votre chèque avec la bouteille.

Si vous expédiez les bouteilles, faites le à l’adresse de mon bureau : François Audouze société ACIPAR, 18 rue de Paris, 93130 Noisy-le-Sec, et je les garderai dans ma cave. Bien indiquer ACIPAR sur l’adresse de livraison

Informations complémentaires :

Vous pouvez vous informer sur les précédentes réunions en regardant sur le blog, dans la catégorie « académie des vins anciens ».

Moët & Chandon à Roland-Garros jeudi, 4 juin 2009

Chaque année, comme beaucoup de grandes entreprises françaises, Moët & Chandon dispose d’un espace privatif au sein du « village » de Roland-Garros. Comme pour la Formule 1, le sport est un bon prétexte pour des relations publiques efficaces. Je suppose que chaque jour doit avoir un thème. Aujourd’hui, je suis reçu avec quelques vignerons qui vendent leurs raisins à Moët, avec des membres de la direction des relations humaines, et avec plusieurs représentants de la presse écrite du vin et de la gastronomie. Dans cette oasis de communication, on ne lésine ni sur le nombre d’hôtesses, ni sur leur beauté. Nous bavardons entre invités autour d’un champagne Moët & Chandon brut sans année ou bien du même mais rosé. L’un et l’autre se boivent bien mais j’ai un penchant naturel vers le champagne plus que vers le rosé.

Nous passons ensuite au Champagne Moët & Chandon millésimé 2003 ainsi que son cousin rosé. J’insisterai sur le champagne, très original et qui se boit avec plaisir. Frédéric Cuménal, président de Moët & Chandon est tout sourire, rugbyman toujours pratiquant, avec les risques que cela comporte, tel que celui de ne plus pouvoir lever le coude, a invité deux rugbymen, joueurs internationaux. Nous passons à table et le menu a été préparé par Potel & Chabot. Je ne toucherai pas au Chablis 2007 et au Crozes-Hermitage 2007 pour éviter des mélanges avec des vins très jeunes. De ce que j’ai compris par les remarques alentour, les deux vins avaient probablement pour mission de ne pas faire de l’ombre au champagne. Je suis donc resté à son soleil, d’autant qu’il se boit facilement.

La présentation de la volaille sur le menu mérite d’être signalée. Car dans un monde de cocooning et de principe de précaution, on materne vraiment le consommateur. Voici ce qu’on en dit : « Poulet de Bresse, « appellation d’origine contrôlée », gaulois à crête rouge, plumage blanc et pattes bleues, entre Louhans et Pont-de-Vaux, Montrevel et Bourg-en-Bresse, gourmand et bagarreur, je cours libre dans les prés, glorieux, fier de ma chair et de mes lettres de noblesse ». J’attends avec impatience un couplet de même nature sur les escargots de Bourgogne.

Les conversations allaient bon train quand à la fin du repas arrive à notre table Alain Prost qui était invité à un autre endroit mais a tenu à saluer Jean Berchon, grand amateur s’il en est d’automobiles rares. Deux sujets ont pris le pas sur tous les autres : la voiture et l’écologie dans le monde actuel et le retour de la France au sein des pays organisateurs de Formule 1. Souriant, serein, Alain Prost est passionnant. Il m’a ouvert des thèmes de réflexion en faisant remarquer que la voiture électrique, tout bien pesé, n’est peut-être pas aussi écologique qu’on le dit.

Comme beaucoup, j’ai prétexté un après-midi studieux pour ne pas me rendre sur les gradins. Roland-Garros resta donc un prétexte à bénéficier de la générosité et de l’amitié de Moët & Chandon.

A moi de renvoyer la balle…

un vin de 1730 mercredi, 3 juin 2009

Aujourd’hui, j’ai reçu un vin de 1730 environ. Il provient de la cargaison d’un bateau qui a coulé en 1735. L’estimer à 1730 est réaliste.

La cargaison a été retrouvée en 1983 par des fouilles sous-marines, et le gouvernement hollandais a préempté certaines pièces dont cette bouteille. Elle a été récemment remise sur le marché et un français l’a acquise. Il a goûté le vin et l’a trouvé imbuvable. Il a consciencieusement rebouché la bouteille après ce prélèvement de 2 cl qu’il a remplacé par de l’eau stérile. Il dit que c’est imbuvable, mais que c’est encore du vin.

J’ai ouvert le paquet avec mon fils. Nous avons chacun guetté les réactions de l’autre. A un moment mon fils m’a demandé : voudras-tu l’ouvrir ? J’ai répondu que si je le fais, j’aimerais que ce soit bu avec lui.

La bouteille a été posée dans une case de la cave, à côté d’un flacon qui m’a été adressé il y a quelques années par un professeur d’université américain qui porte cette seule bague autour du goulot : "Port 1548". Ayant peur d’un mauvais plaisant, je n’ai pas remercié de l’envoi. C’est une autre énigme.

Ouvrir les deux le même jour ? En tout cas, c’est une belle émotion d’avoir un flacon qui a du liquide de 270 ans.

 

Les Yquem des années 30 mardi, 2 juin 2009

Lors d’une discussion sur un forum, j’ai recherché mes notes sur les Yquem des années trente.

Voici ce que j’ai écrit. Il est intéressant de les avoir réunis.

(Yquem 1931 bu après Filhot 1975)

Magnifique château d’Yquem 1931 que j’ai trouvé moins sec que ce que j’imaginais. On avait en bouche une belle définition du Yquem historique où la mangue, le thé, le fruit délicatement caramélisé forment un éventail de saveurs à la persistance sans limite.

(Yquem 1932 bu avec Alexandre de Lur Saluces)

Nous avons eu ensuite le cadeau de la soirée. Alexandre de Lur Saluces à qui j’avais raconté mon excitation de boire Yquem 1932 avait accepté de nous rejoindre, car la curiosité le tenait lui aussi. J’ai ouvert cette belle bouteille jamais rebouchée, et la remarque immédiate d’Alexandre de Lur Saluces fut intéressante : "il est probable qu’aujourd’hui, on aurait vinifié le millésime d’une toute autre façon". C’est très caractéristique, car Alexandre de Lur Saluces, soucieux de sa récolte en cours ou à commencer, pense au travail qui est fait. Ma démarche est de me concentrer sur le témoignage. Il fallait que les convives profitent de cette année si rarement ouverte. C’est le témoignage, quoi qu’il délivre, qui est souhaité avant tout. On sait en buvant 1932 que ce ne sera pas 1929, année grandiose. Mais c’est le 1932 qu’il faut découvrir. Un nez très Yquem, doucereux, fruité et affirmé, et en bouche, l’étonnement : c’est presque un vin sec. On n’a pas le charnu, le fruité d’un Yquem généreux, mais quel plaisir de découverte.

(un ami avait annoncé qu’il apportait Yquem 1921 et il a apporté Yquem 1933)

Merveilleux accord avec la mangue, mais le miel avait été calibré sur Yquem 1921 et non pas sur Yquem 1933, particulièrement sec. L’auteur de ce cadeau regrettait la sécheresse et je lui ai fait la même remarque que celle que j’avais faite à Alexandre de Lur Saluces à propos de Yquem 1932 si sec : c’est l’expression de Yquem sur cette année là, alors je la prends comme telle. Et j’ai adoré ce Yquem 1933 bien sec, mais couvrant une subtilité de message rare. J’adore ces Yquem suggérés.

(bu au Château d’Yquem, avec un accord que je ne recommanderais pas !)

Le Yquem 1934 a une robe de miel. Tout de suite ce qui frappe c’est qu’il a peu d’alcool. Il est assez sec comme beaucoup de vins de la décennie 30 à l’exception du 1937. Il a une longueur limitée mais un charme inimitable. Aimant les Sauternes devenus assez secs, je suis tout à mon aise. Il y eut deux écoles : ceux qui trouvèrent que le feuilleté de rhubarbe au Sauternes accompagnait admirablement le Yquem 1934 et ceux qui comme Francis et moi trouvaient que ce dessert délicieux, qui avait bien capté les composantes de ce délicieux breuvage, raccourcissait le Yquem. A chacun son goût. On vérifie chaque jour que les réactions ne sont jamais identiques.

(bu lors d’une verticale d’Yquem)

Le Yquem 1934 est très surprenant. Mon opinion est qu’il a changé par rapport à son goût originel, évoluant vers une combinaison d’alcool et d’oranges très mûres. Si ce vin était bu tout seul, nous le trouverions absolument superbe. Mais mis ensemble avec le 1947 et le 1948 c’est un challenge trop lourd.

(bu juste après un Coutet 1949)

Nous remontons dans la suite japonisante de mon ami pour goûter mon deuxième apport : Château d’Yquem 1935. Ce changement de lieu convient bien à l’Yquem qui n’aurait pas trop aimé d’être comparé. Sa couleur est plus claire que celle du Coutet. C’est un vin peu botrytisé, moins dense que le Coutet, mais la signature d’Yquem est tellement éblouissante que je suis conquis par cet Yquem moins exubérant, mais infiniment séduisant.

(bu après un Haut Sauternes Guillaume 1943)

Trompettes, sonnez maintenant, car le Château d’Yquem 1936 au bouchon d’origine, d’un niveau irréprochable est d’une perfection irréelle. J’avais de la décennie 30 l’image d’Yquem peu botrytisés. Or ce 1936, que j’ai déjà bu, est ici pimpant, joyeux, magnifique. Il est dans la lignée des Yquem que j’adore, aux tons d’orange, de mangue, d’abricot. C’est magnifique, d’un équilibre absolument parfait. Joyeux, il me plait plus que le 1937 que l’on a bu à l’académie des vins anciens. La poire d’Eric Fréchon est très belle. Mais un si beau sauternes ne gagne rien avec le dessert. Il fallait le déguster seul, dans son impériale beauté.

(bu lors d’un dîner à la mémoire de Jean-Claude Vrinat de Taillevent)

Un des grands moments du dîner, c’est l’apparition de Château d’Yquem 1936. Le nez est d’une poésie extrême. Intense, subtil, il est ravissant. La couleur est d’un or clair. En bouche c’est l’image fidèle de l’Yquem de cette année et l’un d’entre nous fit un parallèle avec Jean-Claude Vrinat né cette année. Intelligence, finesse, discrétion, subtilité et équilibre, tout cela s’applique à l’homme et au vin. C’est un très grand Yquem si l’on accepte qu’à cette décennie le sucre est discret, les notes de pamplemousse et de thé étant plus suggestives qu’explosives. Pour mon palais c’est un Yquem parfait dans cette acception. Le dessert, gourmandise au pamplemousse et au thé vert est très agréable, mais seul le pamplemousse répond vraiment à la subtilité du vin.

(où Yquem 1937 se fait surpasser)

Le Château Rabaud 1945 crée en moi une émotion invraisemblable. D’une douceur, d’une délicatesse rare. Le Château Suduiraut 1945, plus flamboyant, semblait fait du même moule, mais, comme il est plus sûr de lui, j’ai l’œil plus attiré par le Rabaud. Le Château d’Yquem 1937 a une couleur de thé presque irréelle de jeunesse. En bouche, on sent immédiatement que c’est Yquem. Mais ayant bu déjà un Yquem 1937 plus extraordinaire encore, je choisirai dans ces trois exemples de la perfection du sauternes accompli le Rabaud, puis Suduiraut et enfin Yquem, classement purement sentimental, sans référence à des sens objectifs et seulement à des émotions.

(Yquem 1937 bu avec Alexandre de Lur Saluces)

L’arrivée d’un Yquem 1937 est toujours emprunte d’une grande émotion surtout quand on peut bénéficier des commentaires si pertinents et formateurs d’Alexandre de Lur Saluces. Une couleur aussi merveilleusement dorée mais une transparence rare pour un vin de cette époque. C’est l’affirmation de la perfection d’Yquem avec cette présence, cette densité et cette concentration unique d’arômes inimitables. On a entre les mains et sur la langue l’expression la plus absolue du vin parfait. Le dessert ne pouvait pas convenir, comme on m’en fit la remarque, alors que si on acceptait d’essayer, l’opposition des saveurs ne manquait pas d’intérêt. Nous bûmes donc ce nectar seul, ce qui lui va sans doute encore mieux. J’ai trouvé intéressant que ce vin qui a encore la chaleur du sucre commence à prendre des aspects secs que j’adore, caractéristiques des cette décennie d’Yquem. Ce 1937 est d’une stature de très haut niveau.

(Yquem 1937 bu dans une verticale)

Le Yquem 1937 est plus fluide, acide, très dans le style des années 30. Il est très différent du style des années 40. Il y a du pamplemousse, du citron vert. C’est un vin de gastronomie, un grand Yquem. Le 1921 est complètement atypique. Il y a du thé et du café, mais aussi du citron. La longueur est unique. C’est grand, opulent, et confortable. Si j’avais à faire une critique, je dirais qu’il manque un peu d’excentricité.

(Yquem 1938 bu après un 1ères côtes de Bordeaux 1937)

Il a la courtoisie de servir de faire-valoir, et c’est ce que j’avais voulu, à un splendide Château d’Yquem 1938, serein, plein, épanoui, sûr de lui, à la profondeur de goût inimitable. Je ne m’attendais pas qu’il ait cette plénitude, car la décennie 30, à l’exception de 1937 est un peu légère. Cela fait une exception de plus.

(Yquem 1939 bu après un vin jaune de 1967)

Le Château d’Yquem 1939 a un nez qui se suffit à lui-même. Il fait partie de ces vins dont le parfum tétanise. Le plaisir du nez est si grand que le bras est paralysé et l’on n’éprouve pas le besoin de boire le vin. Je me souviens de ce Suduiraut 1928 que nous avions gardé en main, sans boire, plus de dix minutes lorsqu’il nous fut servi en compagnie de Guy Savoy assis à notre table, tant l’odeur était paralysante. Nous sommes ici dans le même cas avec des évocations de pamplemousse, de mangue et d’ananas. Tous les fruits de la même gamme de couleur que l’or serein de ce vin sont appelés à s’exprimer dans nos narines. Je fus bien inspiré de faire orienter le dessert vers la mangue, car ce fruit merveilleusement traité fit chanter cet Yquem immense. Je n’aurais jamais soupçonné que le 1939 d’Yquem ait ce charme là. Il n’a pas la solide présence du 1955 récent, mais il a un équilibre de ses composantes qui est assez spectaculaire car ici aucun trait n’est forcé. Yquem sait jouer de son charme dans ces années moins tonitruantes.