Spectacular difference between Beaucastel 1991 and 1998 samedi, 28 février 2009

Yesterday I invited my daughter in law, my daughter and her husband in a restaurant that I like, restaurant of Patrick Pignol.

We began with a Champagne Drappier Grande Sendrée 1996. Very strange, very unusual, it had a certain dryness at the end of taste, but was sufficiently complex to be pleasant.

Then, we had Chateau de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape 1991. The nose is glorious, extremely expressive. In mouth, it is a pure pleasure, and possesses a maturity of the best possible level. Every drop of this wine gives a complete and sensual sensation.

As we had finished the wine before the end of the main course, I ordered a Chateau de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape 1998. Nicolas, the sommelier, had warned me that I would find a great difference and would have preferred that I continue with a new 1991.

I remember having drunk this 1998 soon after it was released. And I had liked its spontaneous natural taste. But tonight, just after the 1991, the 1998 appeared as brutal, too simple, with a taste of too much in many aspects of its body.

The bottle is not in question, but the wine.

I can imagine that it is my taste which creates this impression. But my guests, of a younger generation, had the same opinion as mine.

I would be happy to know who has an opinion like mine, or who differs ?

LCI radio m’interroge sur les trois étoiles et la crise jeudi, 26 février 2009

L’annonce de l’arrêt du restaurant de Marc Veyrat sous la forme « trois étoiles » juste avant la parution du guide Michelin fait beaucoup parler.

Pascal Emond de LCI radio m’a demandé de venir à LCI radio pour répondre à ses questions et à celles de Stéphanie Morbois.

Voici le lien vers l’émission enregistrée le 26 février :

(écoutez la deuxième partie, en bas de page)

Elle sera diffusée dès le 27 sur www.lciradio.fr

Horaires : samedi 17h samedi 21h, dimanche 15h, lundi 10h, 16h

J’en ai profité pour parler du problème du prix des vins sur la carte des restaurants.

restaurant l’Ami Jean tenu par Stéphane Jégo jeudi, 26 février 2009

On trouve toujours plus fou que soi. Il me semblait que j’étais assidu des grandes tables. J’ai trouvé mon maître. Il connaît toutes les tables, vissé en permanence à leurs sièges. Il me donne rendez-vous au restaurant l’Ami Jean tenu par Stéphane Jégo. J’arrive un peu en avance. Dès que l’on entre en ce lieu, on remarque les ardoises aux murs, les tables de tout petit gabarit, en bois brut sur lequel on mange, et une atmosphère de bons vivants. Ici, c’est C.C.C. On se souvient de ce sigle qui voulait dire, je crois, Comptoir Commercial du Caoutchouc. Chez l’Ami Jean, ce serait plutôt Cochonnaille, Cholestérol et Calorie. Car l’endroit n’est pas pour ceux qui mangent avec l’auriculaire levé en l’air. On mange, on tortore, on se lèche les babines, et on sauce les plats en s’aidant de larges tranches de pain. Si on observe un peu plus les tableaux sur les murs et si l’on va se laver les mains, on se rend compte que de jeunes lycéennes pourraient enfin savoir pourquoi le Créateur a doté les deux sexes d’attributs différents. Pour les dessinateurs, il est évident que le Dieu Priape occupe une place importante dans leurs Panthéons.

Mon ami arrive avec son épouse et j’apprends que le menu est fait. Il a été conçu pour son gabarit. Le soigneur du coin de son épouse jettera l’éponge avant l’appel du huitième plat. Et devant une assiette de pattes de pigeons je déclarerai forfait pendant que mon ami les dévore en déclarant : « ça se mange sans faim ». Ce qui justifie qu’il en reprenne une autre.

Le lieu est joyeux. Tout le monde ici est conscient qu’il fera exploser ses analyses de laboratoire. Il y a une atmosphère d’« après moi le déluge », dans une bonhommie sincère. Le menu donne un aperçu complet du talent du chef, qui est grand. Les plats s’égrènent comme les cheveux d’Eléonore. Nous sommes joyeux. Et la cuisine est beaucoup plus légère et digeste que ce que l’énoncé pourrait suggérer. Nous avons tout eu : coquilles Saint-Jacques, calamars, cabillaud, ris de veau, rognon, pigeon, œufs au lait. Et j’en oublie sans doute. C’est léger, les sauces sont trop salées, mais on dévore de bon entrain.

J’avais eu le temps de regarder la carte des vins. Un établissement aussi joyeux mériterait une plus grande imagination dans les choix. Les prix sont acceptables, et puis il y a la folie. Pourquoi un magnum de 1998 d’un champagne qui ne fait pas partie des dix plus grandes maisons est-il présenté à 1.200 € ? Pour essayer de rendre acceptables les autres prix ? Ayant détecté une pépite, j’ai voulu en faire profiter mes amis dont le maître d’hôtel qui les connaît m’avait dit qu’ils commençaient toujours par du chablis.

Nous avons donc bu une Roussette Altesse domaine Dupasquier 2005 particulièrement charmante. Légèrement fumée, à peine doucereuse, elle est riche de goûts simples.

Le Chablis Vieilles Vignes Guy Robin & Fils 2006 est plaisant, fluide, facile à boire mais n’a pas la complexité joyeuse de la Roussette. La mauvaise surprise pour moi est le Chateauneuf-du-Pape domaine de la Vieille Julienne 2005 qui titre 15,5°. A mon palais ce n’est plus du vin car l’alcool écrase tout sur son passage. Fort intelligemment mon ami demanda un seau d’eau fraîche pour que le vin se refroidisse ce qui produisit un effet spectaculaire. Les fruits mauves et violets jaillirent en boisseaux pour exciter nos papilles. Mais trop, c’est trop. Je ne suis pas fait pour ces vins trop riches.

Nous nous levons avec une pesanteur newtonienne et mon ami me lance : « une petite verte ? ». C’est sur une Chartreuse verte VEP que je me rendis compte que mon coup de fourchette est celui d’un boy-scout comparé à celui de mon ami.

restaurant l’Ami Jean – les photos jeudi, 26 février 2009

Siné a dessiné sur les tasses, mais aussi sur les murs. Enfants, fermez les yeux !

Roussette Altesse domaine Dupasquier 2005

Chablis Vieilles Vignes Guy Robin & Fils 2006

Chateauneuf-du-Pape domaine de la Vieille Julienne 2005 qui titre 15,5°

avant – après, une émulsion délicieuse

supions, coquilles aux endives

avant – après, morue à la truffe

le même sous un autre angle et le ris de veau et rognon

le pigeon et son accompagnement (lamelle de betterave confite). Je n’ai pas photographié l’assiette de pattes de pigeon

le riz au lait avec ses petits pots de compotes ou confitures

là-dessus, une bonne Chartreuse Verte V.E.P.

Quel festin !

déjeuner de conscrits au Yacht club de France mercredi, 25 février 2009

La fréquence de nos déjeuners de conscrits s’accélère. Ayant trouvé agréable l’atmosphère de la grande salle à manger du Yacht Club de France, j’ai proposé à mes amis d’anticiper mon tour d’inviter et d’organiser un déjeuner avec mes vins dans cette belle salle. Thierry Le Luc, le gérant des lieux, accepta volontiers. Mes vins furent livrés deux jours avant et ouverts deux heures avant le déjeuner. Le secrétaire de notre petit club ayant mal apprécié les convives, j’avais ouvert plus de vins qu’il ne fallait. Mes amis se sacrifièrent pour que rien ne fût gâché. C’est cela l’amitié.

Le Champagne Mumm Cordon Rouge en magnum 1975 a une belle couleur d’un jaune délicatement doré. Ce qui frappe immédiatement, c’est la jeunesse de ce champagne. Il est vivace, doté d’une bulle active. Il s’est arrondi et offre un équilibre rare. Ce champagne de 34 ans remet en cause toutes les conventions sur la durée de vie des champagnes. Nous le goûtons sur des tranches de jambon de Parme assez viriles qui ne sont pas désagréables mais n’excitent pas particulièrement le champagne.

Sur de délicieuses coquilles Saint-Jacques, nous goûtons un Château d’Epiré Savennières 1995. L’accord est d’une rare beauté. Car le léger sucre du vin sur un fond citronné correspond au léger sucre de la coquille. L’accord est vibrant. Nous en prenons conscience d’autant que le Meursault Olivier Leflaive 1993 absolument brillant, joyeux, plein en bouche et profitant de son âge, vin plus charpenté et plus expressif que le Savennières n’arrive pas à créer l’émotion gustative avec la coquille que donne le 1995. Ces deux blancs opposés dans leurs définitions sont très agréables.

Sur un agneau cuit à la perfection, le Château Haut-Brion rouge en magnum 1970 dès qu’il s’ébroue dans le verre, ce qui ne prend que peu de minutes, montre une noblesse et un velouté qui sont remarquables. Ce vin dans ce millésime a un avenir brillant devant lui. Sa longueur est belle, sa délicatesse est certaine, mais c’est surtout le velouté qui me séduit.

Une impressionnante pièce de bœuf est découpée devant nous. Une fois de plus la qualité de la chair est à signaler. L’accord avec le Vega Sicilia Unico 1964 est purement sensuel et je demande à Thierry Le Luc qu’il le découvre avec nous. Le vin est un peu torréfié, avec une tendance au café ou au caramel. C’est un vin lourd, noir presque, qui envahit le palais de sa trace profonde. Lorsque j’avais senti les vins à l’ouverture, j’avais placé en second celle des deux bouteilles de Vega Sicilia qui me plaisait le plus au nez. La seconde est un plus fatiguée ce qui est dommage, mais le charme agit toujours.

Lorsque l’on repasse au Haut-Brion, si différent du vin espagnol, son raffinement n’en devient que plus éclatant. Nous dégustons de très beaux fromages sur les vins rouges ou blancs. Un reste de champagne s’amuse d’un goûteux paris-brest composé devant nous.

Dans les beaux volumes de cette salle couverte de trophées, coupes et maquettes de navires, de beaux vins sur une belle cuisine, simplifiée comme il le fallait, ont réchauffé l’amitié de notre groupe de conscrits.

déjeuner de conscrits – les vins mercredi, 25 février 2009

Champagne Mumm Cordon rouge 1975 en magnum

Meursault Olivier Leflaive 1993

Chateau d’Epiré Savennières 1996

Château Haut-Brion rouge 1970 en magnum

Vega Sicilia Unico 1964. ce qui est étonnant, c’est que ces deux bouteilles de même provenance et de n°s proches ont deux étiquettes différentes !

dîner wine-dinners du 19 février – vins – photos jeudi, 19 février 2009

Champagne Dom Pérignon Œnothèque en magnum 1990 (photo des deux champagnes sur fond d’ardoise)

Vouvray sec Caves Prunier 1959

Chassagne Montrachet Moillard Grivot (Tasteviné en 1951) 1947

Chablis 1er Cru Fourchaume Joseph Drouhin 1962 (en sécurité)

Château Pontet Grand Cru Saint-Emilion 1955

Château Tertre Daugay Saint-Emilion 1955 (en sécurité)

Cos Labory Saint-Estèphe 1928

Moulin à Vent Chanson Père et Fils 1945

Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1983

Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969

Château d’Yquem 1966

dîner à l’Astrance – les photos jeudi, 19 février 2009

Tous les vins du dîner

autres photos de groupe

Le bouchon de La Tâche 1983 et celui brisé de l’Yquem 1966.

Le bouchon du Moulin à Vent voisin de celui en charpie du Vouvray

La totalité des bouchons

Il y a un contraste entre les teintes bonbon acidulé de la table et les teintes pastel de cette jolie décoration florale

Brioche tiède, beurre à la truffe noire, copeaux de poire

Cappuccino de champignons, fondue de parmesan

Coquille Saint Jacques dorée, poudre de cèpe et pomme

foie gras en dés que j’ai fait ajouter pour le Vouvray

Sole meunière, épinard et pâte de citron jaune, noisette grillée

jeunesse de couleur des bordeaux

Agneau grillé, aubergine laquée au miso, jus de cuisson

Pigeon cuit au sautoir, fondue d’oignon très légèrement épicée

Fricassée d’abat de canard

dessert meringué au thé vert fait par surprise par Pascal Barbot

Mangue caramélisée et madeleines

Je n’ai pas eu le réflexe de photographier tout de suite tous les verres. Certains sont déjà partis

La Tour Eiffel, sans doute contente de voir que l’on a honoré la réputation gastronomique de Paris, me fait un gentil clin d’oeil.

112ème dîner de wine-dinners au restaurant Astrance jeudi, 19 février 2009

Le 112ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Astrance. J’arrive un peu avant 17 heures pour ouvrir les bouteilles. Il faudrait que je m’applique à noter plus de détails sur cette opération cruciale. Pour m’échauffer, car la qualité superbe des bouchons devrait me faire démarrer par une ouverture facile, je choisis en premier l’Yquem 1966. Mais, oh surprise, le bouchon s’émiette en mille morceaux, ce qui est étonnant. L’odeur du vin est sensuelle et explose de mangue. C’est un modèle absolu de la perfection du parfum d’Yquem. J’ouvre ensuite La Tâche 1983. Avec autant d’imprévu que dans un film de John Wayne, le haut du bouchon sent une fois de plus avec une forte intensité la terre de la cave du domaine de la Romanée Conti. Le bouchon est superbe, sain, de grande qualité. Le nez du vin a l’émotion des vins du Domaine. La capsule du Pontet 1955 est plusieurs fois trouée et quand je l’enlève je constate que le bouchon a baissé d’un bon centimètre. Comment ne pas l’enfoncer dans le vin ? Archimède disait : « donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde ». Il me fallait pouvoir piquer dans le bouchon sans le pousser. J’y suis arrivé. Le bouchon est un peu sec sur la partie supérieure et bien souple sur le reste. Le niveau est à mi-épaule. L’odeur est saine. Le bouchon du Cos Labory est de la charpie. L’odeur est saine, aussi n’ai-je pas besoin d’ouvrir le bordeaux de réserve. Le bouchon du Moulin à Vent 1945 est une petite merveille. Parfaitement sain et souple il est venu en une fois, entier. J’admire sa qualité. Il pourrait être une leçon pour des appellations plus prestigieuses.

Le Vouvray sec 1959 a de la cire, cassée sur le dessus par un croisillon métallique comme on en trouve pour les pétillants. Mais ce croisillon n’a pas pour mission de retenir le bouchon. C’est de la décoration. Le bouchon se brise en mille morceaux et montre sa texture particulièrement déplorable. Le Chassagne-Montrachet 1947 et le Chablis 1962 ont des bouchons conformes à ce que je pouvais attendre. Le Chablis a été ajouté car les couleurs des deux autres blancs suggèrent une forte madérisation. Son odeur est engageante.

La taille maximale d’une table étant de huit, nous sommes huit, dont trois vignerons, l’un de champagne, un autre de Bordeaux et le troisième de Bourgogne. Il n’est pas prévu que l’on boive les vins des vignerons sauf pour les champagnes, car il est difficile de faire boire à un champenois autre chose que son enfant. Nous sommes entre hommes, la table étant complétée par des habitués amateurs de vins anciens.

Le menu de Pascal Barbot est fondé sur les produits du moment : Brioche tiède, beurre à la truffe noire, copeaux de poire / Cappuccino de champignons, fondue de parmesan / Coquille Saint Jacques dorée, poudre de cèpe et pomme / Sole meunière, épinard et pâte de citron jaune, noisette grillée / Agneau grillé, aubergine laquée au miso, jus de cuisson / Pigeon cuit au sautoir, fondue d’oignon très légèrement épicée / Fricassée d’abat de canard / Mangue caramélisée et madeleines.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque en magnum 1990 se présente dans un flacon d’une rare élégance. Le nez du premier versement est extrêmement minéral. Le vin est d’une grande personnalité. Comme nous le découvrons sans nourriture, nous sentons le besoin de manger, car le champagne brillera. Et la brioche à la truffe propulse le champagne au firmament. Il devient opulent, assis, sans puissance excessive, avec le frémissement romantique de la bulle propre à Dom Pérignon. Les petits copeaux de poire excitent son caractère de fruit blanc. Le champagne change complètement de personnalité sur l’émulsion de champignons, gagnant en rectitude et en synthèse. Et quand le parmesan de fond de plat prend le pouvoir, il estompe le champignon, donnant un troisième aspect à ce grand champagne sans une once d’acidité et à la puissance mesurée.

Lorsque j’avais choisi les vins de ce dîner, je les avais rangés dans une case qui leur est affectée. C’est au moment de prendre les photos des bouteilles que je me suis rendu compte des couleurs très foncées des deux blancs secs prévus. Aussi ai-je ajouté un chablis. Ne sachant pas ce qui se passera, les trois blancs sont servis ensemble.

Le Vouvray sec Caves Prunier 1959 est très ambré. Son goût est plus qu’acceptable et les deux plats vont le mettre en valeur. C’est un vin déroutant, car ce type de goût avancé est relativement peu habituel, mais le vin se comporte bien, se montrant un compagnon des deux plats qui suscite notre intérêt.

Avec le Chassagne Montrachet Moillard Grivot 1947 (Tasteviné en 1951) lui aussi fort ambré, on sait que l’on a quitté la planète de Chassagne-Montrachet. Le vin n’est plus dans sa définition théorique, c’est un objet vineux différent. Il s’améliore dans le verre au point d’être aisément buvable, mais n’a pas beaucoup plus d’attrait que celui de la curiosité.

Par contraste, le Chablis 1er Cru Fourchaume Joseph Drouhin 1962 apparaît d’autant plus jeune. Sa belle couleur est d’un jaune vert, plein de jeunesse et son goût est chatoyant et multiforme avec un joli final citronné. L’un des convives dit qu’il a la force des vins de la région de Chassagne-Montrachet.

J’avais demandé à Pascal Barbot d’introduire les deux vins ambrés avec des petits dés de foie gras, pour atténuer un éventuel gout de madère. Ce petit viatique vient en fait entre les deux plats de poissons, mais c’est une pause agréable et justifiée, le Vouvray réagissant merveilleusement sur le foie gras délicieux.

Les deux plats de poisson mettent en valeur chacun des vins avec au moins l’une de leurs composantes, la poudre de cèpe et pomme s’alliant au Vouvray et au Chassagne pendant que la coquille fait de l’œil au chablis. La sole plaît aux trois vins, la petite pâte de citron jaune, signature de Pascal Barbot réussissant au Vouvray.

Sur l’agneau, les deux bordeaux sont servis ensemble et ce qui frappe immédiatement c’est la jeunesse de leurs couleurs. C’est assez spectaculaire. Le sang de pigeon, le rouge bien prononcé sans la moindre trace d’orangé caractérisent ces deux vins. Le Château Pontet Grand Cru Saint-Emilion 1955 est très saint-émilion. D’une année en pleine possession de ses moyens, il bénéficie du support de l’agneau pour se présenter avec charme.

Le Cos Labory Saint-Estèphe 1928 est beaucoup plus charpenté et structuré, même s’il est un peu rigide. Epanoui comme un 1928 sans trace de fatigue, il ravit l’ensemble de la table, y compris le vigneron bordelais qui le classera premier dans son vote. J’ai apprécié un peu moins que d’autres l’aubergine au miso, un peu pâle face aux vins.

Alexandre, sommelier de talent, devait servir les deux vins qui accompagnent le pigeon avec quelques minutes d’écart, pour qu’ils ne se nuisent pas. Pour des questions d’organisation Alexandre n’a pas décalé les deux services, ce qui, comme je le craignais, ne fut pas à l’avantage du Moulin à Vent Chanson Père et Fils 1945. Ce beaujolais est un grand vin, à la belle structure généreuse et agréable à boire. Mais il ne peut rien faire quand on le met à côté de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983. L’année 1983 n’est pas considérée comme une année de réussite au Domaine de la Romanée Conti. Mais cet exemplaire que nous buvons fera mentir les archives. Car ce vin est absolument divin. Richard Geoffroy crie presque : « mais c’est de la rose », car l’évocation de pétales de rose est particulièrement affirmée, ainsi que la salinité excitante des vins du domaine. Le pigeon est magique de tendreté et le vin de Bourgogne s’épanouit sans contrainte, avec une longueur qui pianote sur la langue. C’est un grand moment.

Pour faire plaisir à Richard Geoffroy, j’ai demandé à Pascal Barbot de créer pour le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969 un accord de confrontation. Il fallait que ça boxe dans les papilles. Et les abats de canard ont répondu présents, pour croiser les gants avec le splendide champagne de 1969, d’une personnalité affirmée et d’une trace profonde. C’est un immense champagne à l’acidité plus marquée que celle du 1990.

L’association mangue et sauternes commence à me coller aux basques. Car quand j’évoque les liquoreux, on sait que j’aime les associer aux mangues. Le Château d’Yquem 1966, à l’ouverture, avait ce parfum intense de mangue. Et voici qu’au moment où on nous le sert, il semble avoir perdu de son sucre au profit de suggestions de thé. Il dément donc l’odeur initiale. Et le dessert meringué au thé vert fait par surprise par Pascal Barbot donne un coup de poing à l’association mangues et Yquem, qui paraît plus fade et plus convenue. L’Yquem est grand, et j’adore cette forme d’expression où le thé corrige le doucereux.

Il est temps de voter. Nous sommes huit pour dix vins dont un magnum. Assez logiquement deux vins n’ont pas de vote, du fait de leurs voisinages, le Chassagne-Montrachet et le Moulin à Vent, ce dernier n’ayant démérité d’aucune façon. La Tâche reçoit huit votes, ce qui est un carton plein et un joli score pour une année supposée petite. Cinq vins ont le privilège d’être nommés premiers : La Tâche, le Dom Pérignon 1969 et le Cos Labory deux fois chacun et le Vouvray (mais oui) et l’Yquem chacun une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Cos Labory Saint-Estèphe 1928, quasi ex-æquo avec Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969, 4 – Vouvray sec Caves Prunier 1959.

Mon vote : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Château d’Yquem 1966, 3 – Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969, 4 – Chablis 1er Cru Fourchaume Joseph Drouhin 1962.

Pascal Barbot est venu nous rejoindre en fin de service pour discuter des accords. Sa sensibilité est extrême, sa bonne humeur, son sourire joyeux me ravissent. En m’amusant je lui ai dit que sa crème meringuée au thé gagnait par KO sur la mangue, et je l’ai chaudement félicité. Les dés de foie gras que j’avais fait ajouter se justifiaient. Pascal nous a dit que le menu servi à chaque table avait été personnalisé, les plats de notre table n’ayant été créés que pour nous. J’ai pour la cuisine de ce chef une immense affinité. Les saveurs exprimées avec justesse et simplicité sont idéales pour les vins. Ce fut du grand art.

Les vins de ce soir étaient de niveaux très différents, de petites appellations ou de petits crus voisinant avec de plus grands. Dans une ambiance joyeuse, animée et amicale, nous avons passé un grand moment de découverte gastronomique et vineuse.