déjeuner au restaurant de Jacques Le Divellec mercredi, 26 novembre 2008

Une coutume s’est créée : je vais déjeuner avec Jacques Le Divellec en son restaurant quand il me faut préparer un dîner de vins qu’il réalisera, le 107ème. Le restaurant est en effervescence, car c’est ici que les hommes politiques viennent lustrer leurs alliances, dans des temps où le tangage des uns ne signifie pas que les autres soient en mer calme. Aussi Jacques se lèvera souvent de table pour surveiller le ballet des intrigues pesées au trébuchet des alliances et des compromissions. L’amuse- bouche est délicieux et Olivier, le sympathique sommelier veut me faire goûter un  Bordeaux Supérieur dont je n’ai pas mémorisé le nom. Nous nous regardons avec Jacques, car ce vin n’a rien. Pas la moindre petite esquisse d’une personnalité. Le vin est vite remplacé par un Château Grand Corbin 2000, un beau saint-émilion chaleureux. Il accompagne avec bonheur des petites huîtres de Marennes aux évocations marines délicates. Les impressionnantes coquilles Saint-Jacques – Jacques me dit qu’il y en a trois par kilo – servies entières, c’est-à-dire non émasculées, ce que j’aime, sont délicieuses et les petits légumes sont croquants. Le chariot de dessert comprend une majorité de compotes, ce qui est une belle idée. Le talent de Jacques s’est joyeusement exprimé pour ce déjeuner de travail.

Les amuse-bouche

Les huîtres et le Grand Corbin 2000

Les coquilles et les légumes

Les plus beaux vins du Grand Tasting samedi, 22 novembre 2008

Classement forcément subjectif. Mais l’exercice est tentant :

1 – Clos Sainte Hune VT 1989
2 – Dom Pérignon 1962
3 – Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale domaine Jacques Frédéric Mugnier 2005
4 – Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998
5 – Vouvray Le Mont Demi-Sec domaine Huet 2002

6 – Montrachet Domaine Jacques Prieur 2006
7 – La Turque 2004
8 – Chateau Rayas 1998
9 – Gilette 1975
10 – Pol Roger Winston Churchill 1998

Grand Tasting 2ème jour et une dégustation de légende samedi, 22 novembre 2008

La deuxième journée commence pour moi par le point culminant du Grand Tasting, une Master Class Prestige intitulée : « de 1959 à 1998 : la légende du demi-siècle ».

Nous débutons par un chef d’œuvre totalement introuvable pour les amateurs de vins, le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1962. Il est présenté par Richard Geoffroy, l’homme qui fait Dom Pérignon, habité par une passion communicative. La couleur du champagne est d’un or très noble teinté d’une légère trace de cire. Le nez est extrêmement raffiné. On sent l’amande. La bulle est très active le dégorgement ayant été fait en 2004, Geoffroy jugeant que les dégorgements trop récents ne sont pas à l’avantage du vin. En bouche on perçoit l’amande, la noisette et le poivre. La longueur est belle et le final est en panache. Richard insiste sur le caractère réducteur du vin et ses notes grillées et toastées. Il décrit l’orange et le jasmin. La fraîcheur est associée à l’intensité et Richard compare l’équilibre entre le noir et le blanc à celui du yin et du yang. Le final est salin et l’agrume apparaît progressivement. C’est un immense champagne.

Martine Byat présente le Volnay Caillerets ancienne cuvée Carnot Bouchard Père et Fils 1959. La couleur est d’un rouge légèrement brun, très légère. Le nez est absolument bourguignon, avec de l’amertume. En bouche l’amertume est sensible aussi, cette belle caractéristique bourguignonne. Le vin est très frais, avec des notes de cuir et de fumé. Il est caractérisé par son harmonie, sa finesse et sa subtilité.

Yorick d’Alton présente le Château Léoville Las Cases 1985. Il nous dit que c’est un vin d’un millésime de douceur, de velours. Sa couleur est très foncée après le rubis du Volnay. Ce qui frappe c’est son beau final de fruits bruns comme des pruneaux. Il est frais et désaltérant et montre une jeunesse remarquable. L’acidité la fraîcheur et l’astringence sont plus que sensibles. Le final mentholé de fraîcheur est convaincant.

Gérard Perse présente son parcours avant de parler de son vin, le Château Pavie 1998. Le vin est de couleur noire, semblant très lourd. Le nez est très riche, de forte densité. En bouche, le vin est très riche mais aussi très pur. Michel Bettane aime beaucoup ce vin élégant montrant déjà une belle maturité. Tout est un peu excessif en ce vin mais force est de constater que le résultat se conçoit, même s’il mange les gencives. Thierry Desseauve parle de noblesse et de mesure.

François Perrin parle de sa famille et de son vin le Château de Beaucastel, Chateauneuf-du-Pape 1981. La couleur est un peu trouble, d’un rouge de sang séché. Le nez est un peu doucereux et évoque l’écurie. La bouche est fraîche avec un petit aspect viande. François dit qu’il a pué dans sa jeunesse et que si l’on n’aime pas les senteurs viriles il ne faut pas s’intéresser à ces vins. Ce vin montre très peu d’alcool. Il a une grande complexité aromatique de rose, de poivre et d’animal. Il montre quelques signes d’évolution. François dit que pour déguster ses vins, l’idéal est quand les tannins deviennent sucrés. Le temps passant le vin devient plus doucereux, plus sucré. Il est d’une belle évolution, c’est un vin de plaisir.

Le Riesling Clos Sainte-Hune Vendanges tardives Trimbach 1989 est un vin que j’ai déjà bu comme le Dom Pérignon 1962. Mais je ne peux m’empêcher de prendre de plein fouet le choc de sa perfection. Car ce vin est totalement parfait. Richard Geoffroy auprès duquel je suis assis cherche les similitudes entre ce vin idéal et son champagne. Au nez, on sent qu’un pont peut exister. Pierre Trimbach rappelle que le Clos Sainte Hune a une superficie de 1,38 ha, ce qui donne la mesure du cadeau qui nous est fait. Il ajoute que si le 1989 est un Vendanges Tardives, ce qui résulte d’un accident, le domaine s’étant fait surprendre par la nature, la stratégie de son domaine sera de ne plus faire que des secs. Le vin est jaune d’or. Le nez est minéral et litchi et annonce la perfection qui va venir. 1989 est en Alsace la plus grande année de botrytis après 1967. Le domaine a essayé de le faire le plus sec possible malgré le développement du botrytis et ce vin se boit aujourd’hui presque sec. Il y a du litchi de la pêche blanche, des fleurs blanches, mais l’on retient surtout l’élégance et la fraîcheur. C’est un vin époustouflant de perfection.

Julie Gonet-Médeville parle du Château Gilette 1975. Sa famille possède cette parcelle de 4,5 ha depuis 1710 et sa caractéristique est que le vieillissement se fait en cuve sans aucun bois. La moyenne de vieillissement est de quinze à vingt ans, le 1953 étant resté vingt-sept ans en cuve. Il n’est toujours pas ouvert dit-elle ! Le nez du 1975 est intense de botrytis. Il est très pur. La fraîcheur est exemplaire alors que le vin titre plus de 14°. Julie dit que Gilette ne fait maintenant que des crèmes de tête, ce qui fait que certains millésimes ne seront pas produits sous le nom Gilette. Le final du vin est très long avec des oranges amères et de peaux d’oranges confites.

Richard Geoffroy fait remarquer que le choix de Michel et Thierry pour cette séance porte sur des vins qui sont tous réducteurs et marqués par une imposante fraîcheur.

Le dernier vin de cette dégustation d’enchantement est un Porto Taylor’s 1985 présenté par Luis Esgonnière Carneiro. La couleur est belle, plus rouge que noire. L’attaque est toute en fraîcheur (elle aussi) et le final très frais montre à peine l’alcool. Les griottes confites, les cerises sont d’une belle complexité. Jancis Robinson à la demande de Michel décrit ce porto en parlant de final mentholé et de réglisse. Elle insiste sur le caractère très « claret » au sens anglais de ce porto. Enzo Vizzari, grand spécialiste de vins tonitrue que c’est un crime de boire ce porto si jeune et qu’il faut recommencer l’ensemble de la dégustation avec un porto de cinquante ans de plus. J’ai adoré ce vin qui se goûte comme un bonbon de plaisir sans que l’on ressente la moindre fatigue.

Cette superbe dégustation est toute à l’honneur du Grand Tasting. Sans l’estime que des vignerons ont pour Michel Bettane et Thierry Desseauve, jamais ce n’eût été possible de réunir de tels vins.

Antoine Pétrus, jeune sommelier brillantissime a organisé le service des vins pour les Master Class avec de jeunes élèves sommeliers. Ils sont chaudement applaudis car leur tâche était difficile. Même si certains vins furent un peu froids, la prestation fut remarquable.

Trop fatigué pour assister à la Master Class suivante, j’ai quand même goûté en cuisine le Montrachet Grand Cru Domaine Jacques Prieur 2006. Ce vin est prodigieux, goûteux, chaleureux, expansif en bouche. Bu en cuisine il n’a pas le même charme que commenté. Mais qu’est-ce que c’est bon !

J’ai rejoint ma fille et son compagnon qui sont des amoureux des vins de Jean-Luc Thunevin. Ma fille n’arrêtait pas de rire quand Jean-Luc ne cessait de me chambrer fort gentiment. J’ai goûté le Bordeaux Bad Boy rouge 2005 qui est extrêmement plaisant ainsi que le Fronsac Haut-Carles 2006 que je connaissais déjà. Je fus chambré de même par Olivier Decelle qui me fit goûter le Mas Amiel Maury rouge1969 que ma fille adore. Ce ne furent que rires qui doivent pousser ma fille à se demander si ma passion des vins anciens est prise au sérieux. Je sais que ces petites piques sont très amicales.

Pour finir mon Grand Tasting, j’ai « picoré » dans les allées au domaine Marcel Deiss son Schoffweg blanc 2004 remarquable de précision. J’ai mangé un sandwich sur le Champagne Pol Roger cuvée Winston Churchill 1998 d’une subtilité rare, puis sur un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998 absolument exceptionnel. J’ai goûté un Champagne Henriot 1996 très précis et un Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 floral et épanoui. Martine Byat qui se doutait que je repasserais à son stand m’avait gardé un peu du Volnay Caillerets 1959 plus épanoui et vibrant encore, une ou deux heures après sa présentation. J’ai goûté le Champagne Moët & Chandon 2003 subtil et déjà prêt à boire, le Champagne Bollinger 1999 très précis et le Champagne Les Echansons Mailly 1999.

J’ai manqué de visiter tellement de vins qu’il eût fallu deux jours de plus pour découvrir toutes les richesses de ce salon qui fut une grande réussite.

Grand Tasting – Quelques photos samedi, 22 novembre 2008

Présentation des vins de la maison Drouhin. Ici le Laurène, Orégon 2005

Quatre millésimes d’Yquem pour plus de cent personnes, c’est une générosité à signaler.

Antoine Pétrus préparait le service des vins des Master Class. Il a mis des "écharpes" de fortune autour des cols de ces merveilleux vins de Guigal et de Gaja

Le Gaja Sperss 2004

Volnay Caillerets Ancienne cuvée Carnot Bouchard Père & Fils 1959 présenté lors de la prestigieuse dégustation couvrant 50 ans de vins qui ont marqué l’histoire

Les vins de la Master Class de prestige (voir texte)

dîner d’amis avec Romanée Conti 1981 à Taillevent vendredi, 21 novembre 2008

Quittant le Grand Tasting je rejoins mon épouse et nous arrivons au restaurant Taillevent pour un dîner de huit pour fêter un ami grand amateur de vins qui franchit la barre symbolique des cinquante ans. Il a fourni tous les vins sauf le premier et le dernier. Beaucoup seront bus à l’aveugle car il y a autour de la table de solides spécialistes des vins. Le menu a été mis au point par Jean-Marie Ancher, le directeur du restaurant, le chef Alain Solivérès bien sûr, et Jean-Philippe Durand, amateur et esthète, cuisinier de talent de surcroît.

Le menu : amuse-bouche / carpaccio de coquilles Saint-Jacques marinées aux agrumes / épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouilles dorées / homard et châtaignes cuisinés en cocotte lutée / noix de ris de veau braisée aux légumes d’automne / perdreau patte-grise rôti salsifis et girolles / noisettes de chevreuil dorées sauce poivrade / stilton / mandarine en fraîcheur acidulée.

Le premier vin a été apporté par Jean-Philippe Durand, un Champagne Selosse millésimé 1998. Le miel est très imprégnant ainsi que le caramel. La longueur est belle et l’ampleur de ce champagne lui donne un goût plus évolué que ce que son âge supposerait. Quelques amis ont trouvé à l’aveugle ce champagne.

Le Bordeaux Supérieur «  G » de Château Gilette 1958, vin sec de cette propriété emblématique du Sauternes a une sucrosité forte associée à une  grande amertume. Après avoir erré dans mes supputations dans une autre région, j’ai imaginé qu’il s’agissait du vin sec d’un sauternes. C’est une chance, car la complexité incroyable de ce vin brouillait toutes les pistes. C’est vin déroutant mais excitant du fait de son originalité extrême. Le sucré de la coquille exquise rebondit sur le vin.

Le Chablis Grand Cru Les Clos Domaine François Raveneau 1978 est un vin magistral. Il combine des notes doucereuses à du litchi. Je pense à deux pistes : un Vouvray ou bien un chablis très ancien. Luc, l’ami qui nous reçoit, me pousse dans mes retranchements pour que j’accouche de Chablis alors que j’hésite. La minéralité et les agrumes m’y poussent. Ce vin délicieux, rareté historique, fait plus vieux que son âge, comme plusieurs ce soir, sans que cela nuise à son charme. L’épeautre est divin en risotto et c’est la sauce très réduite qui cajole le mieux le chablis.

Le Montrachet Grand Cru Baron Thénard 1988 est suffisamment lisible pour que nous trouvions tous sa région et sa sous-région. Mais le manque de puissance ne pousse aucun de nous à simplifier le nom de l’appellation pour ne garder que le mot le plus noble que nous attachions à d’autres : Montrachet. C’est un grand vin très subtil qui accompagne le homard époustouflant. Ce beau vin est déjà évolué.

Deux vins nous sont servis ensemble et beaucoup d’amis répondent presque instantanément « rive gauche – rive droite ». Manuel Peyrondet qui vient d’être sacré meilleur sommelier de France s’amuse de nos recherches mais vit avec respect l’expérience passionnante qui se déroule. Le Château Haut-Brion rouge 1958 a une trame très serrée et un goût fumé et de truffe intense. Comme un ami insistait sur Pauillac, je n’osais répondre Haut-Brion alors que je venais d’en goûter trois au Grand Tasting il y a quelques heures. Je m’en suis voulu d’avoir cette prudence. En revanche, je n’aurais pas trouvé le Château Ausone 1958, vin plus doux, arrondi dont j’entends mes amis parler de puissance à mon étonnement. J’ai préféré le Haut-Brion alors que beaucoup ont préféré Ausone. Ces deux vins de 1958 ont brillé sur la noix de ris de veau croquante à souhait, aux légumes à se damner.

Il est bien nécessaire de ne plus boire « à l’aveugle » pour se recueillir sur le vin qui suit. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981 est le rêve absolu. Et le fait de savoir ce que l’on boit permet d’en jouir encore plus. La robe est d’un rose pâle. Le vin n’est pas tonitruant. Son nez évoque les fleurs et fruits roses. En bouche, ce sont les pétales de rose, et les fruits roses, qui sont exposés avec la puissance du son mise à son maximum. Ce vin est horizontal. C’est-à-dire qu’à chaque seconde ou dixième de seconde de son passage en bouche, chaque élément chromatique est étiré à l’infini. La plénitude en bouche est invraisemblable et la complexité infinie elle aussi. La longueur est extrême. La salinité est une signature du domaine, mais ici exposée avec la justesse d’un stradivarius. En fermant les yeux, on comprend ce qui fait la magie de ce vin et une preuve supplémentaire en sera donnée par le vin qui suit, pourtant parmi les plus grands, mais qui montre un écart spectaculaire avec ce génie. Cette remarque ne diminue en rien la beauté du vin qui va suivre, mais confirme pourquoi Romanée Conti est cette légende vivante. Le perdreau n’a pas servi de tremplin au vin qui trônait seul au firmament.

Le Musigny Vieilles Vignes Comtes de Voguë 1988 est assurément un grand vin. Riche, tout en plaisir, il a une force de persuasion extrême. Beaucoup plus puissant que son prédécesseur, il est à l’aise avec les merveilleuses noisettes de chevreuil. Dans un autre repas, c’est lui qui serait la vedette.

Le Château Rieussec 1978 est bu à l’aveugle. Sa force, sa présence, son or profond sont particulièrement brillants. Il a une densité de trame et une intensité de fruit confit qui ravissent. Le stilton est trop affiné pour que le mariage soit consommé avec le beau sauternes.

Le Château Rieussec 1958 est délicieux et la mandarine le met en valeur de parfaite façon. Nous sommes aux anges avec ce subtil sauternes à la trace éternelle dans le palais.

Manuel nous offre maintenant un Porto Quinta do Noval Colheta 1968, de l’année qui manquait dans les séries de « 8 ». Ce porto est un véritable bonbon qui se déguste comme une mignardise qu’il accompagne parfaitement.

Luc a soufflé la bougie symbolique. Nous lui donnons nos cadeaux. Tiens, comme c’est curieux, nous offrons tous des vins ! La générosité de Luc est incroyable. Son choix de vins dans une poésie numérique est d’une subtilité que seule permet sa connaissance des vins. La cuisine fut splendide et délicate, dans la lignée de l’image de Taillevent. Le service chaleureux et amical ainsi que les commentaires éclairés de Manuel nous ont permis de vivre un de ces moments de gastronomie dont on se souvient toute une vie. Une Romanée Conti 1981  et la chaleureuse générosité de notre ami impriment à jamais leurs traces dans nos mémoires.

dîner au Taillevent – les photos des vins vendredi, 21 novembre 2008

Le vin sec de Chateau Gilette "G" 1958

Chablis Grand Cru "Clos" François Raveneau 1978

Montrachet Domaine Baron Thénard 1988

Chateau  Haut-Brion 1958, Chateau Ausone 1958, Romanée Conti 1981

Musigny Vieilles Vignes Domaine de Voguë 1988, Chateau Rieussec 1978 et 1958

Quinta do Noval 1968

Merveilleuse brochette de vins

Table joyeuse

dîner au Taillevent – photos des plats vendredi, 21 novembre 2008

amuse-bouche

carpaccio de coquilles Saint-Jacques marinées aux agrumes / épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouilles dorées

homard et châtaignes cuisinés en cocotte lutée (avant ouverture et après)

le homard servi

noix de ris de veau braisée aux légumes d’automne (avant et après le service de sauce)

perdreau patte-grise rôti salsifis et girolles / noisettes de chevreuil dorées sauce poivrade

Luc souffle la bougie de ses 50 ans. On dirait un tableau de Georges de La Tour (j’ai doublé la bougie ici)

Grand tasting – première journée vendredi, 21 novembre 2008

Le Grand Tasting se tient au Carrousel du Louvre et c’est la onzième édition du successeur du Salon des Grands Vins. De nombreux vignerons tiennent stand et font déguster des vins de haut niveau, et des séances de présentation sont de quatre familles, les bars gourmets, les ateliers gourmets avec un piano de haut niveau pour créer des accords mets et vins élaborés, les Master Class et les Master Class de prestige. Les programmes sont plus alléchants les uns que les autres, et ma première matinée commence par une séance intitulée : « les cinq producteurs au sommet ». Nicolas de Rabaudy rappelle l’histoire de ces salons dont il fut l’un des pères fondateurs, et Michel Bettane, Thierry Desseauve ou l’un des membres de leur équipe animeront les dégustations. Pour celle-ci, c’est Michel et j’ai la chance de pouvoir figurer à la table des présentateurs, tout au long de ce salon.

Les cinq producteurs au sommet ont été choisis par Michel et Thierry. Le Château Ducru-Beaucaillou 2004 a un nez très doux, capiteux. En bouche, ce sont des fruits noirs très doux comme la quetsche qui apparaissent. Le final est de poivre et d’un bois très bien dessiné, qui indique un beau potentiel de vieillissement dans la rondeur. Michel Bettane vantant les méthodes de sélection des grains de raisin dit de ce vin que c’est du caviar qui est mis en barrique.

Le Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale domaine Jacques Frédéric Mugnier 2005 est présenté par Frédéric Mugnier qui représente la cinquième génération des propriétaires de ce domaine dont le dernier achat de vignes date de 1902 et c’est du Clos de la Maréchale qu’il s’agit. C’est un grand honneur qui nous est fait de nous présenter un 2005. Le nez est discret mais extrêmement subtil. En bouche, le fruit rouge poivré est magnifique de joie et d’expansion, ce qui résulte aussi bien du travail qui est fait que de l’année qui est magique. La perfection est associée au millésime. Le fruit rouge est enthousiasmant. C’est un vin d’une rare subtilité.

La Syrah Leone, Domaine Peyre-Rose Coteaux du Languedoc 2002 est présentée en l’absence de Marlène Soria. Le nez est particulièrement subtil et fin. C’est une belle surprise. La bouche est ample, ronde, portée par des fruits bruns et un beau poivre. Ce qui frappe, c’est l’équilibre et l’absence d’excès. L’astringence finale montre un potentiel de vieillissement. Le vin est un peu torréfié, méditerranéen. Il est délicieux à boire.

Le Château Rayas, Chateauneuf-du-Pape 1998 est présenté par Emmanuel Reynaud, gérant du domaine que sa famille possède depuis 1880. La couleur est très claire. Le parfum est racé, évoquant le porto. La fraîcheur est ce qui frappe en premier. Il y a des fruits jaunes et de la cerise blanche. Le vin est très capiteux tout en étant léger, ne révélant pas du tout ses 14,5°. Très fluide, il se présente plus vieux que son année qui est une grande année. Ce vin n’est pas un Chateauneuf-du-Pape, c’est un Rayas.

Noël Pinguet présente le Vouvray Le Mont Demi-Sec domaine Huet 2002. Son domaine est en biodynamie depuis vingt ans. Il considère que c’est le demi-sec qui représente le mieux la qualité du Vouvray. Ce vin est magnifique. Sa fraîcheur est extrême. Le sucre est discret et le final à l’acidité citronnée est frais. Litchi, citron vert, mandarine s’exposent subtilement. La pureté et la fraîcheur de ce vin sont enthousiasmantes. Ces cinq vins méritaient d’être mis en valeur en début du Grand Tasting.

La séance suivante est la présentation par Véronique Drouhin de trois Chablis et d’un vin de l’Oregon de la maison Joseph Drouhin qui est aussi en biodynamie.

Le Chablis Premier Cru Vaillons Joseph Drouhin 2007 a un nez discret. La robe est d’un jaune d’or assez soutenu. Ce vin très pur manque un peu d’ampleur. Il a un beau final avec des agrumes légèrement poivrés. C’est un vin équilibré. Le Chablis Grand Cru les Clos Joseph Drouhin 2006  a un nez beaucoup plus puissant. Il montre une belle minéralité. La bouche est ample, équilibrée. Le final est un peu astringent mais très subtil. La longueur est significative et charmante. C’est un vin qui donne soif d’en reprendre.

Le Chablis Grand Cru les Clos Joseph Drouhin 2002  a un nez plus doux et moins minéral que le 2006. Son goût est plus doux et plus flatteur. Véronique remarque que sa palette aromatique est plus large en 2002, alors que je préfère le 2006, car le 2002, dans une phase intermédiaire de sa vie, s’est un peu civilisé. Il offre des évocations de noisettes et d’amandes, avec un beau final.

Le Pinot Noir d’Oregon Laurène Joseph Drouhin 2005 est une belle surprise. Il titre 13,5°. Son nez est hyperpuissant mais pur. Le vin est gourmand, bon à boire, joyeux. Il est très bien fait, léger et frais en bouche. Ce vin déjouerait toutes les supputations s’il était dégusté à l’aveugle. Ce fut une présentation originale de quelques vins de la gamme très étendue de la maison Drouhin.

C’est Sandrine Garbay, maître de chai du château d’Yquem qui présente une verticale de Château d’Yquem. La salle de cette Master Class de prestige offrait 80 sièges. Il fallut à la hâte en rajouter vingt pour contenir une foule avide de déguster ce vin légendaire.

Le Château d’Yquem 2005 a un gras énorme. Il ressemble un peu à des pastilles acidulées qui chavirent le palais, tant on est confondu par la balance entre le sucré et la fraîcheur. On sent la perfection formelle de ce vin. Il y a du miel, du citron, des agrumes. Le fruit confit viendra plus tard et le sucre se dominera dans le goût riche de ce vin prometteur.

Le Château d’Yquem 1999 a un jaune déjà très doré. Le nez est intense, et la bouche est élégante. Ce vin se goûte bien. Le final est sucré, pâte de fruit. Son élevage a été de quarante mois, alors que depuis l’arrivée de Pierre Lurton au domaine, donc pour le millésime 2005 que nous venons de goûter, l’élevage a été réduit de dix mois. Ce 1999 est le meilleur de ceux que j’aie goûtés, ce qui montre le progrès au fil du temps.

Le Château d’Yquem 1996 a un  nez généreux. L’attaque est puissante et très équilibrée. Comme dit Sandrine, c’est un millésime académique pour le développement de son botrytis. Ce vin fait de mangues, de fruits confits et poivrés et d’oranges, au final très frais, est un archétype de l’Yquem historique. Sa fraîcheur est extrême.

Le Château d’Yquem 1989 a un or déjà foncé. Il est affirmé, très joli. C’est le seul qui montre des notes de thé, indice de la fusion du sucre dans le goût. La fraîcheur est extrême et l’amertume est belle. C’est le 1989 qui est le plus frais des quatre présentés. Nous avons animé le débat avec Sandrine sur les mets qui s’allient à Yquem en montrant de petites divergences comme j’avais pu le faire avec Alexandre de Lur Saluces lors de la récente présentation de Fargues. Ce qui compte au final, c’est la générosité du château d’Yquem et la possibilité qui a été donnée aux inscrits de boire quatre vins de légende.

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Le Château Bahans Haut-Brion 2000 est le second vin de Haut-Brion. Il ne provient pas de parcelles différentes de celles du grand vin mais d’une sélection par la dégustation. Le nez est assez amer. Le vin est servi trop froid. L’amertume est forte au goût ainsi que l’astringence.

Le Château Haut-Brion rouge 1998 est un vin très élégant qui montre un saut qualitatif majeur. Il y a des fruits noirs et des notes mentholées. Il est magnifiquement fait, frais en final. C’est un vin très subtil.

Le Château Haut-Brion rouge 1995 qui nous est servi est bouchonné. Le deuxième est plus chaleureux mais il a une astringence qu’il ne devrait pas avoir. Il ne peut pas être jugé.

Jean-Philippe Delmas présente l’histoire du Château Haut-Brion, le plus ancien cru classé de Bordeaux, car il s’est appelé « cru » dès 1525. Jean-Philippe fait le vin pour la famille Dillon, à la suite de son père qui avait fait les vins depuis 1961.

Angelo Gaja devait présenter ses vins en même temps que Philippe Guigal présente les siens, mais il n’est pas venu. Philippe raconte l’histoire de La Côte Rôtie La Turque. Cette parcelle d’un hectare était la propriété d’un homme qui n’avait qu’un seul client : l’Elysée. Après de sombres histoires ce vignoble fut vendu à Vidal-Fleury où travaillait le grand-père de Philippe. Quand celui-ci, après avoir fondé la maison Guigal en 1946 racheta Vidal-Fleury, il inclut La Turque dans sa gamme. Cette terre de la « Côte Brune » n’a pas produit de vins pendant cinquante ans, aussi trouve-t-on des Turque d’avant 1935 ou depuis 1985, les vignes ayant été replantées vers 1980.

La Côte Rôtie La Turque 2004 a un nez poivré. Ce vin est poivre et fruit noir. Ce qui le caractérise, c’est une fraîcheur extrême. Le final est de mûre et de cassis. C’est un grand vin.

La Côte Rôtie La Turque 1998 a un nez de framboise, de fruit rose et de pâte de fruit. Son goût est joli, fruité, de fruits rouges ou roses comme les framboises. Le final est assez astringent et la fraîcheur est extrême.

Les vins d’Angelo Gala sont des Barolos, mais comme ils n’ont pas 100% de cépage nebbiolo, ils n’ont pas le droit à l’appellation. Angelo a découvert que l’ajoute de 5 à 10% de barbera profitait à son vin. Se souciant comme d’une guigne des obligations, il a fait le vin que nous dégustons, baptisé Sperss, qui veut dire nostalgie.

Le Sperss Gaja 2004 a un nez d’une race étourdissante. Très doucereux en bouche, doux, il est d’une belle astringence. Noble et généreux, il a des points communs avec le Guigal de la même année. Le vin est ample, coloré, complexe dans ses teints veloutés. Il appelle la truffe blanche dont il évoque le goût. Michel précise que 2004 est un millésime exceptionnel dans le Piémont, comme l’est 2005 en France. Le fumé de truffe est charmant.

Le Sperss Gaja 1996 a une couleur très noire et un parfum très profond. La rondeur est immédiate et l’astringence est forte. Michel parle de cèdre et de tabac. Grand, puissant et rond c’est un vin très fort, différent et distant de La Turque 1998. Ce vin qui évoque encore plus la truffe blanche est un vin impressionnant. Il se trouve que Gaja et Guigal présentent souvent leurs vins ensemble par amitié et aussi pour partager les frais de ces expositions. Ils nous ont offert quatre vins d’un immense plaisir.

Idealwine a retenu une centaine de leurs principaux clients ou correspondants et Angélique de Lencquesaing m’a fait le plaisir de m’inviter. Les vins présentés sont spectaculaires, mais pensant au dîner qui m’attend je ne goûte qu’un champagne William Deutz 1998 fort bon et bien structuré. Je salue des amis présents et m’éclipse vite pour me rendre au dîner de jubilé d’un ami.