de beaux accords sur Rimauresq, Ausone, Daumas Gassac et Filhot vendredi, 12 septembre 2008

Après une journée passée en mer avec des amis, nous nous retrouvons tous à dîner à mon domicile. L’apéritif débute sur un Champagne Charles Heidsick mis en cave en 1997 qui étanche la soif que donne le séjour en mer. De la poutargue, des sablés au parmesan, des dès de fromage de chèvre à la figue, du jambon Pata Negra s’amusent gentiment avec ce beau champagne rond, joyeux, sans souci. Il se boit si bien qu’il faut vite ouvrir un champagne Dom Pérignon 1998 qui impose sa personnalité, de plus en plus marquée par les dix ans qu’il vient de vivre. Le caractère floral, le goût de groseille blanche qui flirte avec un pamplemousse rose et la finesse de la bulle composent en bouche un tableau pastoral. On comprend le charme redoutable de ce champagne.

Nous commençons à table par une terrine de courgettes qu’accompagne fort bien un Mas de Daumas Gassac blanc 2001, au sommet de sa forme, sommet sur lequel il s’installe sans doute pour longtemps. Le fumé, les fruits délicatement confits chantent en bouche.

Mais le plaisir s’accroît quand ma femme nous présente une de ses nouveautés, un maquereau en filets au foie gras dans une robe de chou. Le Daumas Gassac est concerné par chacune des saveurs et leur ajoute une cohérence. L’accord est divinement bon. Le sucré du foie gras, l’amertume du chou et l’intensité du maquereau créent tant de résonnance avec le vin qu’il gagne en coffre, en chair, et délivre un plaisir complet. Son opulence et sa longueur sont à signaler.

Un des amis ayant apporté un fond de bouteille à me faire découvrir à l’aveugle, un chablis 1986 que je n’ai pas reconnu, je décide d’en faire autant pour les rouges. Et quand ce professionnel du vin, qui a bien reconnu la région, me dit du premier vin : « il s’agit là d’une très grande année », je suis particulièrement content. Car il s’agit de Château Ausone 1992, d’une année particulièrement ignorée des amateurs. Le fait qu’Ausone en cette petite année ait réalisé un vin puissant, ayant du corps, de la profondeur, et une longueur que jamais 1992 ne devrait avoir, confirme une fois de plus que l’on extrémise à l’excès les écarts de jugement entre les années. Ce vin est un grand vin, dont on sait qu’il n’a pas tout ce qu’Ausone peut donner, mais qui offre un plaisir sans mélange et sans restriction.

Le vin suivant, bu aussi à l’aveugle, subjugue cet ami professionnel et l’ami propriétaire du bateau sur lequel nous avons fendu l’onde. L’idée qui leur vient est celle du Rhône septentrional. Le vin est un Rimauresq, Côtes de Provence 1983 rouge, d’une plénitude étonnante. Absolument accompli, d’une maturité qui durera encore pendant des décennies, ce vin a toutes les caractéristiques d’un Côtes de Provence, mais sublimée. Je pense qu’à l’aveugle, je n’aurais pas reconnu non plus tant ce vin brillant dépasse les critères normaux des Côtes de Provence. Un grenadin de veau cuit à basse température avec des courges de Nice cuites sur une sauce à l’amande et la noix s’accorde avec les deux rouges brillamment car chaque composante du plat est destinée à mettre en valeur les deux rouges.

Nous essayons un camembert Jort et un camembert d’Isigny. Alors que le Jort, combinant le crémeux et l’amertume ammoniaquée est d’une sensualité rare, l’un d’entre nous, le marin, déclare sa préférence pour celui d’Isigny. Tous les goûts sont dans la nature !

La tarte aux quetsches s’associe au Château Filhot 1990 beaucoup mieux que je ne le pensais. Le sauternes d’un beau jaune commençant à accrocher de filets d’or à sa robe est très élégant et déjà arrondi dans sa jeunesse. On sait que soixante ans de plus le rendront magique, mais tel qu’il est là, à l’état d’adolescent, avec des notes d’un abricot discret, il est chaleureux, plein de joie et ravit le palais. Son adaptabilité à l’acidité de la quetsche est à signaler.

Nous n’avons pas voté mais après coup je voterais pour le Rimauresq 1983, suivi ex aequo par l’Ausone 1992 et le Dom Pérignon 1998. Chaque vin s’est bien comporté malgré l’atmosphère étouffante et orageuse peu propice aux vins. Dans ce dîner dont la cuisine de ma femme fut d’une grande justesse, les accords mets et vins fonctionnèrent tous. Il faut vite recommencer.

au Carré des Feuillants avec Etienne de Montille mercredi, 10 septembre 2008

Bipin Desai continue de promener ses amis californiens de grande table en grande table. Nous nous retrouvons au restaurant Le Carré des Feuillants pour un déjeuner dont l’invité d’honneur est Etienne de Montille, dirigeant du domaine éponyme. Nous nous rendons dans la salle de réunion du sous-sol du restaurant où un champagne Femme de Duval-Leroy 1995 est très avenant. Il est pur, élégant, frais en bouche, peu dosé et se boit bien. On nous propose à profusion des petits millefeuilles de saumon et pistache, des pommes de terre au raifort et à la poutargue, et de succulents tempuras de gambas et estragon. On succombe à ces tempuras.

Nous passons à table et voici le menu composé par Alain Dutournier : salades de tomates et piments de mon jardin / huîtres, caviar d’Aquitaine, tartare d’algues, écume crémeuse / tronçon de saint-pierre ficelé de pomme de terre, copeaux de poutargue / gratin de queues d’écrevisse aux premiers cèpes / cailles des prés truffée flanquée de foie gras / fromages affinés du sud Adour – Perdigailh (brebis) et Pomarez (vache) / macaron aux fraises des bois, rose et litchi / café, mignardises et chocolat.

Le Domaine de Chevalier Graves blanc 2003 a un nez incroyablement puissant. Il évoque le citron mais aussi la peau d’orange confite. Sa couleur est jaune clair. Par opposition, le Château Haut-Brion Graves blanc 1990 a une couleur de miel assez clair. Le nez est plus civilisé, de grande race. Le Château Laville Haut-Brion Graves blanc 1985 est plus clair que le Haut-Brion, pourtant plus jeune, et son parfum est très chaleureux. Son nez est fantastique. En bouche, le 2003 a un goût très pur, gras, de noix pilée. Le Haut-Brion est confortable et évoque l’amande grillée et le beurre. Il est épais en bouche et de grande longueur. Le Laville est plus fluide, moins ample que le 1990, mais d’une plus grande subtilité. Le Domaine de Chevalier impressionne par sa puissance joyeuse. Il est très bon. Classique, il a un final très coloré. Il est à mon avis ce qu’un Graves blanc de cet âge doit être. Le Haut-Brion 1990 n’est manifestement pas ce qu’il pourrait être, trop assagi, même si c’est un grand vin. Très brillant sur l’huître, il est complexe, et je l’apprécie mieux quand le plat à la tomate est parti. C’est le Laville qui ramasse la mise, nettement plus subtil et gentiment parfumé, vin brillant.

Les couleurs du Criots Bâtard Montrachet Fontaine-Gagnard 2004 et du Bâtard Montrachet Fontaine-Gagnard 2004 sont d’un jaune citron brillant. Le Bâtard Montrachet Gagnard-Delagrange 2002 est d’un jaune doré. Le nez du Criots est puissant et un peu glycériné. Le nez du Bâtard 2004 est encore plus puissant et racé, d’un plus bel équilibre. Le nez du Bâtard 2002 est plus discret, parfumé, alcoolique, avec de herbes à foison comme en donne une Chartreuse. L’odeur la plus élégante émane du Bâtard 2004.

A la dégustation, le Criots est chaleureux, confortable, de beurre et de poivre. Il est très expressif. Le Bâtard 2004 est moins structuré en bouche. Il n’a pas encore atteint un point d’équilibre. Le Bâtard 2002 a une attaque très élégante et malgré une légère amertume, je le trouve très subtil. A ce stade, je préfère le Criots 2004. Le saint-pierre est un peu salé mais très goûteux. C’est un plat que j’adore. Le Criots 2004 se révèle le plus brillant sur ce poisson, d’un équilibre complet, avec un final qui trompette. Le Bâtard 2004 est trop envahissant et le 2002 joue piano. Le poireau qui accompagne l’écrevisse est tout simplement génial.

A notre table où se trouve Bipin Desai, une aimable querelle prend de l’ampleur, car Bipin, seul contre tous, préfère le Bâtard Montrachet 2004, au motif qu’il sera un jour le plus grand. Nous lui opposons que nous jugeons le vin tel qu’il se présente et non tel qu’il pourrait être. Ce n’est pas la première fois que de telles disputes surgissent, qui justifient à mauvais compte des infanticides, quand on boit des vins non encore assemblés en imaginant un plaisir qu’ils pourraient donner mais ne donnent pas encore. Nous étions plus que majoritaires contre Bipin qui ne changea pas d’avis.

Nous en venons maintenant aux vins d’Etienne de Montille, présent à notre table, et le menu indique ses vins dans un ordre qui n’est pas celui du service. Et je m’amuse à constater que mon attention est attirée par l’écart entre ce que je bois et l’année que je lis, sans que je ne me révolte. Je me dis : « tiens », et non pas « ce n’est pas possible ».

Le nez du Volnay 1er Cru « Les Taillepieds » de Montille en magnum 1995 est très frais, âpre. Celui du Pommard 1er Cru « Les Pézerolles » de Montille en magnum 1978 est plus formé, très bourguignon. J’adore le goût de ce vin délicieusement bourguignon, c’est-à-dire canaille. Avec la caille, d’un bel équilibre, les deux vins s’accordent merveilleusement. Ils sont très opposés, le 1995 ayant encore la fougue de la jeunesse, quand le 1978 est plus recentré sur une approche synthétique et simplifiée de la Bourgogne.

Le Volnay 1er Cru « Les Mitans » de Montille en magnum 2003 a un nez un peu fermé. Sa couleur est belle très pure, d’un beau rubis. En bouche le vin est pur, râpeux, astringent, élégant. Sur le fromage doux et discret, c’est un vin que j’adore. Le 1978 n’a pas du tout le caractère féminin du pommard, il est plus interlope.

Comme souvent lorsque je viens dans ce prestigieux restaurant, je constate les deux tendances qu’explore Alain Dutournier qui vient nous saluer avec un large sourire. Il y a un plat comme la caille qui représente l’excellence de la cuisine bourgeoise. Et il y a les plats en trois parties, ce chiffre trois représentant une constance dans la cuisine d’Alain, qui, comme huîtres, caviar d’Aquitaine, tartare d’algues, écume crémeuse, représentent une forme plus intellectuelle de la cuisine que la tendance spontanément sud-ouest du talent de ce grand chef.

L’avant-dessert au chocolat, thé et rhum est un exercice de style qui se veut un clin d’œil à la cuisine moléculaire. Le Château Guiraud Sauternes 1983, pur, beau, équilibré, élégant et bien dosé vibre avec émotion sur le litchi. La rose et la fraise sont merveilleuses.

L’amitié d’Etienne de Montille et de grands vins sur une cuisine parfaite ont fait de ce déjeuner un grand moment.

Carré des Feuillants – les vins – photos mercredi, 10 septembre 2008

Domaine de Chevalier blanc 2003

Haut-Brion blanc 1990 et Laville Haut-Brion 1985

Criots Bâtard Montrachet Fontaine-Gagnard 2004 et Bâtard Montrachet Fontaine-Gagnard 2004

Bâtard Montrachet Gagnard-Delagrange 2002

Volnay 1er Cru « Les Taillepieds » de Montille en magnum 1995 et Pommard 1er Cru « Les Pézerolles » de Montille en magnum 1978

Volnay 1er Cru « Les Mitans » de Montille en magnum 2003

Carré des Feuillants – le repas – photos mercredi, 10 septembre 2008

jolie serviette

joli couteau

on reconnaît sur le plat de droite l’usage du chiffre trois

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encore les trois parties, constante de la cuisine d’Alain Dutournier

encore un "trois" esquissé, puis un "deux" !

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petit essai de cuisine semi-moléculaire sur du chocolat blanc

délicieux dessert aux tons de roses

 

Michel Bettane et Thierry Desseauve aux Caves Legrand mardi, 9 septembre 2008

Aux Caves Legrand à Paris, Michel Bettane et Thierry Desseauve fêtent la parution de leur guide 2009. Ils ont réuni autour d’eux des amis et des vignerons venus nombreux. Dans une ambiance joyeuse, c’est une belle occasion de boire de beaux vins et de bavarder avec ceux qui les ont faits. J’ai pu tremper mes lèvres dans un champagne rosé Gonet de Mesnil-sur-Oger original, un champagne Pol Roger toujours aussi solide et direct, un champagne Jacquesson cuvée 732 d’une construction et un raffinement remarquables, un Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale Jacques-Frédéric Mugnier 2005 absolument splendide, un Peyre Rose, Coteaux du Languedoc 2003 radicalement opposé au vin bourguignon et résolument moderne, un Château Ducru-Beaucaillou 2004 très agréable même si ce n’est pas sa meilleure année et un Riesling Grand Cru Engelberg Pfister 2006 magnifique de pureté. Les vendanges s’approchent et le millésime à venir et à faire occupe les conversations fort amicales d’une belle soirée.

Une prestigieuse dégustation des vins du domaine Liger-Belair lundi, 8 septembre 2008

Bipin Desai, qui venait de participer au 103ème dîner, cornaque un groupe d’américains amateurs pour lesquels il prépare deux à trois fois par an de beaux événements. Ce soir, au restaurant Taillevent, et dans la même salle qu’il y a quatre jours, Bipin accueille le Comte Louis-Michel Liger-Belair qui présente les vins de son domaine.

Nous sommes une vingtaine dans cette belle salle mais auparavant, nous trinquons sur du Champagne Taillevent qui est un Deutz fort agréable sur de goûteuses gougères. A table, le champagne accompagne un délicieux amuse-bouche, une omelette à la ciboulette qui allume des milliers de souvenirs d’enfance avec un gros dé de homard qui lui en allume beaucoup moins, car le homard n’était pas l’ordinaire à l’époque.

Louis-Michel Liger-Belair raconte brièvement l’histoire de sa famille où l’avenir des garçons était d’être général ou de travailler dans la vigne. Louis-Michel n’a pas choisi la carrière militaire. Il exploite depuis l’an 2000 le domaine que sa famille possède depuis 1815. Le premier millésime de la Romanée, fleuron prestigieux de ce domaine, qu’il ait fait lui-même est le 2002.

Le menu composé à cette occasion : Parfait de pigeon au chou et au foie gras / ravioli de cèpes et girolles / filet mignon de veau aux girolles / Ossau Iraty, confiture de cerises noires / fantaisie de fraises parfumée au citron.

Les vins seront servis en petits groupes de deux ou trois. D’habitude, je ne prends jamais de notes afin de ne restituer que ce qui m’a marqué. Devant assister à plusieurs événements à la suite, et voyant la profusion de vins, j’ai pris des notes. Je suis revenu plusieurs fois sur le même vin, aussi le commentaire évolue car je reviens de nombreuses fois sur les vins d’un groupe. Plutôt que de donner une synthèse pour chaque vin, je préfère livrer les commentaires au fil de la plume, ce qui changera un peu des comptes-rendus habituels.

La première série comprend : Vosne-Romanée « Clos du Château » Liger-Belair Monopole 2006 – 2004 – 2002 en magnum. Il s’agit d’un vin qui a l’appellation Vosne-Romanée, que Louis-Michel Liger-Belair qualifie de « Villages ». Le 2006 a un nez très ample. Le 2004 a un nez plus tranquille et le 2002 a un nez très bourguignon. Le 2006 a un goût doux et profond. Le 2004 est plus arrondi, le poivre est élégant. Ce vin rond est plutôt plaisant. Le 2002 est plus âpre, plus bourguignon. Il est assez agréable même s’il manque d’ampleur. L’accord ne se trouve pas du toute entre le plat et les vins.

Le 2006 a beaucoup de charme. Il est fort en alcool. Le 2004 est bien équilibré et s’arrondit. Elégant, son final est très pruneau. Le 2002, très bourguignon, donne une impression d’incomplet. L’ordre de préférence est 2006, 2004, 2002. Pour schématiser je dirais que le 2006 est beau, le 2005 équilibré et le 2002 bourguignon.

La deuxième série comprend : Vosne-Romanée premier cru « Aux Reignots » Liger-Belair 2006 – 2003 – 2002 en magnum. Les couleurs des trois vins sont plus belles, plus rubis que les précédentes. Les trois vins ont des nez fermés. Le 2006 a un nez minéral le 2003 a un nez amer et m’évoque l’artichaut, le 2002 a un nez minéral, de pétrole.

En bouche, le 2006 est très charmant, puissant, flatteur, précis, fort en alcool. Le 2003 a un très bel équilibre. Je vois des fruits bleus ou noirs, la myrtille, la mûre. Le 2002 est puissant, très riche, mais comme pour la série précédente, je sens qu’il manque d’un je ne sais quoi. Le plat est absolument divin avec ces trois vins. Le 2006 se régale avec les cèpes et avec la sauce. Il montre sa joie. Le 2003 progresse et gagne un équilibre majeur. Il évoque les pruneaux et les prunes. Le 2002 est pierre à fusil. Il est râpeux mais me plait,  quoiqu’à la longue, le minéral me gêne. Le fruit du 2003 est plaisant et le 2006 est généreux, opulent, sûr de lui. Mon ordre de préférence : 2006, 2003, 2002. Sur ces deux séries, les meilleurs sont les plus jeunes. Au-delà de l’effet millésime, cela semble démontrer la pertinence du travail de Louis-Michel.

Le Vosne-Romanée premier cru « les Brûlées » 2006 en magnum qui nous est servi est une grande curiosité, car ce vin n’est mis en bouteilles qu’en magnum ou en formats plus grands. Il n’est jamais vendu, et sa destination principale est de figurer dans des dîners caritatifs. Il est servi avec l’Echézeaux Liger-Belair 2006 et La Romanée Liger-Belair Monopole 2006 – 2002 en magnum.

Ces vins de grande classe me paraissent insuffisamment ouverts, stockés sans doute trop froids avant le dîner. Le nez de l’Echézeaux est fermé, l’alcool domine, ainsi que la pierre à fusil. La Romanée 2006 a une couleur plus claire que l’Echézeaux. L’alcool domine dans l’odeur de la Romanée 2002. Le Vosne Romanée a un nez très fin. En bouche, il a beaucoup de fruit. Sur le veau, ce vin est très beau, avec une légère astringence.

L’Echézeaux est vraiment un très grand vin. Il donne du plaisir sans compter. Il est profond, beau, d’un poivre élégant. La Romanée 2006 a un nez très délicat maintenant, et j’adore son goût d’un équilibre superbe. J’aime ce vin-là. La Romanée 2002 est plus plat, plus en demi-teinte, mais il est grand quand même. On l’aurait seul à un dîner, on serait ravi. En comparaison, on extrémise les différences. Il faut dire qu’il se boit à côté de grands vins de 2006.

La Romanée 2006, c’est le raffinement, mais mon cœur balance en faveur de l’Echézeaux. Les Brûlées est un vin superbe. Je classe dans cet ordre : Echézeaux 2006, La Romanée 2006, Les Brûlées 2006, La Romanée 2002. Mais comme dans les courses de chevaux, venant du diable vauvert, Les Brûlées ne serait pas loin de ramasser la mise, tant son charme se développe avec un poivre subtil et omniprésent.

Louis-Michel nous présente maintenant des vins qu’il n’a pas faits, qui donneront une perspective historique intéressante. Il s’agit de : La Romanée Liger-Belair Monopole 1996 – 1988 – 1974.

La couleur du 1974 est la plus tuilée. Le 1996 a un nez subtil, le 1988 a un nez plus fermé et le 1974 dégage un parfum bourguignon où je sens le sel. Les nez sont plus structurés que ceux des vins récents, mais il faut dire aussi que les bouteilles sont ouvertes depuis plus longtemps.

Le 1996 évoque les fruits à l’eau de vie. Il est un peu amer. Le 1988 est fruité, rond. J’aime assez le final qui est plus puissant que ce que le millésime suggère. Il remplit la bouche avec beaucoup de fruit et un soupçon d’acidité et d’astringence. Le 1974 est plus discret, calme, un peu en sourdine mais il est équilibré et plaisant. Il se développe largement dans le verre.

Louis-Michel Liger-Belair nous dit qu’il fait les vins qu’il aime boire. Un grand cru, ce doit être une symphonie. Un grand cru se caractérise par la longueur. Il peut être moins puissant qu’un premier cru, mais doit être plus symphonique et plus long en bouche. Le 1974 est très différent des autres, et je préfère le 1988 dans ce groupe. Les trois vins qui émergent de cette dégustation sont La Romanée 2006, L’Echézeaux 2006 et le Vosne-Romanée « Les Brûlées » 2006.

Sur un dessert absolument délicieux le Riesling Frédéric Emile Trimbach 2000 est à son aise, mais je lui trouve un certain manque d’équilibre.

Ce qui m’a le plus marqué de cette soirée, c’est l’implication de Louis-Michel Liger-Belair. La Romanée qui appartenait à sa famille a été vinifiée par d’autres. Elle revient dans la famille sous son autorité et cela lui donne une grande ambition. Les 2006 des différents vins que nous avons bus sont tous réussis. Il se dégage de cette dégustation que ce domaine a une envie d’excellence qui le portera au firmament des vins les plus recherchés de Bourgogne.

présentation de vins de Liger-Belair – photos lundi, 8 septembre 2008

Omelette à la ciboulette avec un gros dé de homard

Parfait de pigeon au chou et au foie gras

ravioli de cèpes et girolles

filet mignon de veau aux girolles

fromage et délicieux dessert fondant en bouche

Vosne-Romanée Les Brûlées Domaine du Comte Liger-Belair 2006, bouteille rarissime

Louis-Michel Liger-Belair peut être fier des vins qu’il a faits.

les verres de la dégustation

Visites du blog – août 2008 dimanche, 7 septembre 2008

Visites du blog

Mois par mois, j’ai donné des informations sur les visites du blog.

Randy Resnick, qui a développé le blog que j’enrichis jour après jour m’avait signalé que les statistiques peuvent inclure des visites automatiques d’ordinateurs qui font des recherches de liens.

Le site qui comptait les chiffres a cessé de m’indiquer les chiffres au 1er août.

Quelqu’un m’a envoyé une analyse faite par un outil de Google.

Cela concerne la période du 7 août 2008 au 6 septembre 2008.

Voici les chiffres sur un mois :

Nombre de visites : 5.875

Nombre de visiteurs différents : 4.636

Nombre de pages lues : 9.895 (soit 1,68 pages par visite)

« Bounce rate » (que je traduis par : taux de rebond ???) 78,77% ???

Temps moyen de visite : 1’24’’ (ce qui diffère fortement des statistiques précédentes)

Taux de nouvelles visites : 71,80%

L’accès au blog est direct à 14,60%, se fait par des sites où le blog est référencé à 9,17% et par des outils de recherche à 76,20%

Les mots qui ont servi à la recherche sont nombreux. Les plus fréquents sont mon nom, à 6,7%, el bulli à 3,2% et domaine de Montille à 1,4%

Les demandes viennent de 75 pays.

Sur 5.875 visites il y en a 4.251 de France, 291 de Belgique, 289 de Suisse, 209 du Canada, 183 des USA, 171 de Grande Bretagne, 50 d’Allemagne, 36 d’Espagne, 35 d’Italie, 32 du Brésil, etc…

Malgré les quelques sujets traduits en anglais, le site est surtout lu par des pays francophones.

103ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent jeudi, 4 septembre 2008

Le 103ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Bipin Desai, un amateur américain qui organise des dégustations thématiques d’anthologie m’avait demandé de prévoir un dîner au début du mois de septembre, en insistant sur les bourgognes. Mes dîners ne sont habituellement  pas dédiés à une seule région, mais l’exercice me tentait.

Mehdi, nouveau sommelier qui a exercé ses talents dans de nombreuses maisons a bien préparé les vins, redressés la veille en cave, pour que je puisse les ouvrir dès 17 heures dans les meilleures conditions. Pour une fois, j’ai pris des notes sur cette étape importante de l’ouverture des vins. Le Pommard Jérôme Buffon négociant 1959 a un bouchon qui se brise en mille morceaux. L’odeur est prometteuse. Le bouchon du Vosne-Romanée Mugneret-Gibourg 1972  est noir sur le dessus, comme s’il avait été calciné. Il sort entier. Le parfum du vin est délicieusement bourguignon. On sent qu’il a besoin d’air pour s’épanouir.

Le Corton Bouchard Père & Fils 1966 a un bouchon dont la partie supérieure, sous la capsule est aussi blanche que celle du 1972 était noire. Le bouchon très sain, de belle texture vient en entier. La capsule du Vosne-Romanée Lausson 1947 représente une couronne impériale d’un rouge groseille. Une épaisse couche noire colle en haut du bouchon. Il est imbibé comme celui du 1966. Le beau bouchon se casse en deux mais sort entier. L’odeur est animale et de vieux grenier. La bouteille ancienne est soufflée et le col est désaxé.

Le Chambertin (mis en bouteille en 1906) de producteur inconnu 1904 a la même capsule que le 1947, avec la couronne impériale d’un rouge vif. Je n’avais pas remarqué cette similitude en choisissant les vins. Le bouchon a légèrement remonté dans le goulot, sec au dessus et noir graisseux sur le corps. L’odeur est celle d’un porto léger, un peu torréfie. Reviendra-t-il à la vie ? Nous le saurons dans quelques heures.

Sur la capsule du Volnay Coron Père & Fils 1928 je peux lire : Menetèze Brières Vins. Ceci ne m’évoque rien alors que Coron m’a donné de multiples occasions de goûter des vins remarquables. La bouteille est d’une lourdeur extrême, le verre est très épais, surtout au niveau du goulot qui laisse peu de place à un bouchon minuscule. Le bouchon est noir, légèrement baissé dans le goulot. Il y a une légère impression de vinaigre qui ne masque pas un velouté qui promet. Le verre de la bouteille de Romanée Conti, Domaine de la Romanée Conti 1973 est vert, comme c’était le cas en période de guerre où le plomb manquait. Je retrouve comme chaque fois une poussière noire au dessus du bouchon qui sent la terre de la cave du domaine de la Romanée Conti. Le bouchon de grande qualité vient entièrement, sans brisure. Le nez est très prometteur.

Le dessus du bouchon du Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915  est impeccable, à peine marqué par le temps. Le bouchon sort entier malgré de fines brisures. Le parfum du vin est aussi superbe que d’habitude. La capsule du Château Filhot 1928 est presque une œuvre d’art et séduirait un numismate. Le haut du bouchon non encore ouvert sent le fuit confit. Le bouchon se brise en cinq ou six morceaux qui viennent tous ensemble grâce à la mèche que j’utilise, qui les récupère du fait de mon geste. Le nez du vin évoque l’orange. Cette opération d’ouverture n’a montré aucun vin en situation dangereuse sauf peut-être le 1904, sans que je sois vraiment craintif.

Les convives arrivent dans la merveilleuse salle lambrissée que je considère comme l’une des plus belles de tous les restaurants parisiens. Notre assemblée de dix comprend Bipin Desai, ce physicien américain dont j’ai raconté quelques fabuleuses dégustations, un couple dont le mari est américain et la femme française, un couple de japonais vivant en France, des amis habitués de ces dîners. Il y a trois novices auxquels je donne les consignes d’usage.

Voici le menu créé par Alain Solivérès : Tarte fine aux cèpes, noix fraîches et copeaux de jambon / Bar de ligne aux girolles / Noix de ris de veau meunière, amandes fraîches et sucrine / Canard Colvert aux figues de Solliès / Vacherin glacé à l’ananas / Mignardises. Il comporte relativement peu de plats pour le nombre élevé de vins, ce qui oblige de prévoir trois vins pour chacun des deux plats principaux.

Le Champagne Pol Roger Brut 1990 en magnum est un très bon champagne classique que nous commençons à boire debout avec des gougères, puis à table. Les cèpes adoucissent le vin. Ce champagne lisible, d’expression très claire est agréable.

Le Pommard Jérôme Buffon négociant 1959 est doux, particulièrement féminin. Il est un peu court en bouche au début, mais on sent une montée en puissance progressive qui le rend de plus en plus chaleureux. Le Vosne-Romanée Mugneret-Gibourg 1972  est résolument bourguignon, viril, interlope. C’est le loulou de banlieue dont l’expression est une de celles de la Bourgogne que je préfère. Bipin Desai est impressionné et dit que c’est certainement l’un des plus grands 1972 qu’il ait jamais bus. L’astringence de ce vin, très provocante, rend ce vin adorable. Les deux vins accompagnent divinement bien un bar légèrement trop cuit pour moi, et confirment, s’il en était besoin, la pertinence des rouges sur les poissons.

Alors que le 1972 dominait le débat, la remontée et le développement du 1959 pendant que le 1972 s’ascétise font que le 1959 gagne alors que j’aurais parié sur le 1972 en début de plat.

Les trois vins qui suivent accompagnent le ris de veau. Le Corton Bouchard Père & Fils 1966 est très pur. C’est un vin ciselé. Le Vosne-Romanée Lausson négociant 1947, est, selon mon carnet de notes  « fantastique, fabuleux ». Il est viril, râpeux, très bourguignon comme l’autre Vosne-Romanée et son final est glorieux. Je suis servi en premier du Chambertin (mis en bouteille en 1906) producteur inconnu 1904 et la première approche me paraît dangereuse, car il y a des notes animales. J’en préviens mes convives et l’on m’adresse de vifs reproches, car la suite de la bouteille, plus brune, se développe nettement. Et c’est vrai que le 1904 revit, mais il est objectivement fatigué. Un petit navet avec le 1947 crée un fol accord. La sauce lourde et délicieuse du plat donne un mariage grandiose avec le 1904. C’est une fusion spectaculaire.

Quand le canard est servi, le Volnay Coron Père & Fils 1928 semble fait pour lui. Il est rond, chaleureux, séduisant, plein comme un 1928. Le contraste est énorme avec la Romanée Conti, Domaine de la Romanée Conti 1973 qui est d’une subtilité exceptionnelle. Bipin Desai est admiratif de la faculté d’expression de ce vin d’une année faible. Ma voisine me demande si notre enthousiasme pour ce vin n’est pas dû à la connaissance de son nom. Je lui explique que la connaissance du nom nous rend attentifs, mais que la subtilité que nous lisons est bien réelle. Le Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915  est d’une solidité à toute épreuve. C’est un vin hors du temps, parfait, d’une sécurité absolue. La subtilité de la Romanée Conti sous son grand équilibre est un grand plaisir. Il nous confirme la capacité de ce vin légendaire à tirer le meilleur parti d’un millésime en demi-teinte.

Je redoutais l’accord du dessert avec le Filhot, mais c’est le Champagne Mumm Cordon Vert ½ sec vers 1950 qui va réussir un mariage unique. Ce champagne, qui n’a plus de champagne que le nom a un goût d’une sensualité exacerbée. C’est chaleureux, doux comme un oreiller parfumé, plaisant comme un bonbon. L’étonnement est extrême de voir ce vin capable d’autant de séduction.

Le Château Filhot 1928 va se déguster sur des mignardises adaptées à sa structure. Le vin d’un bel or d’un ambre léger évoque plus l’orange que le pamplemousse au nez comme en bouche. Un peu sec, il est d’une grande séduction, avec un final rare. J’adore ces vins qui me satisfont particulièrement.

Le vote est certainement le plus surprenant de tous les dîners. Nous sommes neuf à voter car l’épouse japonaise ne boit pas. Les vins qui ont été élus premiers sont le Chambertin 1904 avec 5 voix, et ceux avec une voix sont le Vosne-Romanée 1947, la Romanée Conti 1973, le Nuits Cailles 1915 et le Filhot 1928. Huit vins sur onze ont eu des votes ce qui est une belle variété. Le vote de Bipin Desai est : 1 – Romanée Conti 1973 car il a été impressionné par sa prestation, 2 – Nuits Cailles 1915, 3 – Pommard 1959 et 4 – Vosne-Romanée 1972.

Le vote du consensus serait : 1 – Chambertin 1904, 2 – Nuits Cailles 1915, 3 – Romanée Conti 1973, 4 – Filhot 1928 et le Mumm vers 1950 serait le 5ème.

Mon vote est : 1 – Filhot 1928, 2 – Nuits Cailles 1915, 3 – Romanée Conti 1973, 4 – Mumm Cordon Vert vers 1950.  

Ce qui est surprenant, c’est que Bipin et moi, qui sommes plus que d’autres habitués aux vins anciens, avons remarqué que le 1904 est le vin qui s’écartait le plus de la prestation qu’il aurait pu offrir. Alors, pourquoi ce vin se détache-t-il autant dans les votes avec cinq votes de premier ? On ne peut exclure que beaucoup de convives aient été impressionné par les 104 ans d’âge de ce vin. C’est à rapprocher de la remarque qui m’avait été faite de l’influence de l’étiquette sur l’intérêt que l’on porte à un vin. Dans ce cas, ce n’est pas l’étiquette, puisque le producteur est inconnu, mais l’âge qui a fait aimer ce vin, du moins je le suppose. Ce qui compte au final, c’est que le plaisir soit là, qu’il corresponde ou non à une vérité intrinsèque qui n’existe sans doute pas.

Dans cette merveilleuse salle, le service fut parfait, conforme à la réputation du lieu. Mehdi a bien assuré le service des vins, Jean-Claude a supervisé le service des plats avec talent. Alain Solivérès a fait une cuisine qui correspond exactement à l’esprit de ces dîners : les plats sont cohérents, les saveurs sont lisibles, adaptées aux vins. On aurait pu sans doute ajouter un plat, mais cet essai fut intéressant.

Ce soir, huit bourgognes de 1973, 1972, 1966, 1959, 1947, 1928, 1915, 1904 nous ont permis de faire un voyage passionnant dans l’histoire du vin de Bourgogne. Les deux plus vieux sont le premier et le deuxième du vote général. Le vin de Bourgogne vieillit bien. C’est agréable de le constater au cours d’un repas amical et enjoué à l’une des plus belles tables françaises.