Champagne et fraises dimanche, 29 juillet 2007

Le médecin attitré de ma fille vient aussi contempler la huitième merveille du monde. Un flan de courgette, un risotto à la poutargue imposent un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum. C’est incroyable de constater à quel point le risotto stérilise le goût de la poutargue qui doit se manger seule. Le champagne, tel Baden Powell et ses millions de continuateurs, est toujours prêt à s’adapter à chaque mets. Mais c’est avec les fraises Mara des bois que l’accord me pâme d’aise. Le champagne léger et floral, qui glisse si bien en bouche, lèche la fraise pour prendre des tonalités de rose. Et la fraise conserve son goût de friandise, exhaussé par la bulle vivante du champagne. C’est une délicatesse.

Un beau mariage (un vrai celui-là) avec de grands bourgognes samedi, 28 juillet 2007

Un cousin, lointain sur l’arbre généalogique mais proche de mon cœur marie sa fille Amarante. Par une chaleur rare, deux familles se réunissent en l’église de Sérignan du Comtat où un prêtre à l’accent plus que prononcé mais à l’humour mutin va prononcer l’union d’un jeune et beau couple dans une bonne humeur souriante et contagieuse. Un vin d’honneur est offert sur le parvis de la belle église fendillée par l’âge. Un convoi se forme, on se perd, pour aller à la Ferme Saint-Hugues à Pujaut. Je suis conduit par un couple de vignerons bourguignons, ce qui est assez original dans cette région où les appellations de vins de Rhône pullulent. L’apéritif se commence à l’eau, car il faut ménager sa monture, puis on se laisse gagner par un champagne Emile Leclère de Mardeuil, non millésimé brut. Il est fort aimable sur des toasts goûteux. Après avoir bavardé avec ma famille où les jeunes générations sont très représentées, nous passons à table dans une belle salle où des voûtes multiples forment un treillis médiéval aux proportions harmonieuses.

Mon cousin ayant vécu une grande partie de sa jeunesse à Morogues, j’apprécie la délicatesse de commencer le repas sur un Ménetou Salon Réserve du Marquis de Maupas 2006. Ah, évidemment, c’est un peu astringent et citronné en bouche, alors que j’ai connu des Ménetou-Salon fort amènes. Mais l’évocation du fruit de ce vin simple et sincère me plait beaucoup.

Les choses deviennent plus sérieuses lorsque l’on attaque les vins du couple qui va m’héberger ce soir, ou plutôt demain matin car la soirée sera longue. Le Vosne Romanée « aux Réas » Domaine Anne-Françoise Gros 1997 présenté en magnum a un superbe nez. J’aime beaucoup sa pureté bourguignonne et un final léger de belle soif qui signe un bon vin. Sur un filet de bœuf aux morilles et petits légumes, cela se passe bien. Le Pommard 1er Cru « les Epenots » Domaine François Parent 1985 est un peu plus strict. Il faut qu’il s’ouvre dans le verre et l’on peut alors apprécier l’authenticité bourguignonne de ce beau vin au final moins chantant que le Vosne Romanée. Je me suis plu à trouver un air de parenté entre les deux vins, malgré les appellations différentes, car il y a dans les deux une recherche de pureté qui me plaît beaucoup. L’intérêt pour ces bons vins s’estompe dès que la musique prend le pouvoir, car c’est l’heure pour toutes les générations, sans limite d’âge, de se trémousser sur la piste. Du fait de la chaleur on fait de larges pauses entre les danses ce qui permet de parler.

Au milieu des vignes, dans la maison des vignerons bourguignons, le petit déjeuner permet de parler de vins. Nous rejoignons les rescapés de l’étape d’hier à la maison de mon cousin où l’on félicite autour d’un buffet les jeunes mariés et leurs parents. Bavardant avec des cousins je sens deux mains humides qui mouillent mon visage et ma nuque. Je ne sais qui c’est et ne réagis pas. C’est le prêtre facétieux et joyeux venu saluer la famille après les offices du dimanche matin qui m’a fait cette gentille farce, voulant montrer ainsi son bonheur d’avoir célébré cette union.

L’entente familiale, les rires, et deux vins bourguignons de grande classe ont permis à cette fête d’être particulièrement  joyeuse et affectueuse.

Méga star mercredi, 25 juillet 2007

Certaines stars sont obligées de mettre des lunettes noires pour ne pas être reconnues.

Il faut bien que je débute par au moins quelque chose !

 C’est pour cela que mes lunettes ont ce look "camouflage".

(nota : c’est mon gendre qui a pris cette photo et qui m’a dit : elle ferait bien sur votre blog. J’ai joué la paix familiale).

Un Salon 1990 à couper le souffle lundi, 23 juillet 2007

Toutes ces occasions de boire sont évidemment sympathiques, mais à un moment, il faut se lancer. Le prétexte de la naissance de Lise est assez facile, mais ce sont les grosses ficelles qui marchent le mieux. J’annonce donc que l’on boira Salon 1990. La voix de Lise étant joliment placée, la fatigue se lit sur les visages féminins. Il sera donc question de sushi, pour simplifier les ordonnancements. Le spécialiste local ayant choisi de s’entourer de top models pour manier le riz et livrer les commandes clients, il est assez légitime que je me dévoue pour aller passer commande. Et nul autre que moi n’ira quérir la livraison de la commande, tant la déesse aux plateaux m’envoûte. Après quelques vocalises de Lise, j’ouvre le champagne Salon 1990. Un saucisson assez viril prépare la bouche à accepter ce champagne qui me conquiert par son miel, ses teints floraux de couleur blanche, et cette longueur insistante invraisemblable. Saucisson, tapenade, olives noires, tout révèle la splendeur du champagne. Voyant avec quelle vitesse s’amorce la décrue du Salon sur le seul apéritif, je décide d’ouvrir un champagne Henri Giraud de Aÿ, champagne brut fûts de chêne 1996. Le champagne est fort bon, sert de faire valoir au Salon qui n’en devient que plus sublime, mais tient sa place, beaucoup plus ambré, plus âgé, ce qui est paradoxal, fumé et typé que le Salon. C’est surtout sur la longueur que la différence est flagrante. Un mot sur le sushi : il n’y a franchement pas de quoi pavoiser sur les accords avec le champagne. L’accord est banalement scolaire. Craignant que les sushi ne nous nourrissent guère alors qu’ils nous gavaient, nous entamons une dégustation comparative de trois camemberts, le Président, le Lanquetot et le Lepetit. Le Président s’élimine d’emblée, trop crémeux et sans virilité. Alors que pour mon gendre la question se pose encore, le match est sans appel pour moi, le Lepetit exprimant une amertume sans rivale. Avec le champagne, le plaisir est grand sans être parfait. Je pense à quelques vins du domaine de la Romanée Conti qui s’accoupleraient avec ce Lepetit pour des plaisirs salaces que seule la décence m’interdit de qualifier.

Le Salon 1990 revient en scène, et sur des petits dés de pain d’épice mouillés de jus de citron, l’accord est amusant, mais restreint le Salon. J’ai l’idée de tartiner sur des galettes de la mère Poulard de la confiture de rhubarbe, ce qui redonne de la longueur au Salon. Et quand on goûte la confiture à la rhubarbe seule, alors le Salon chante, trouvant sa vibration tout en conservant une longueur infinie.

L’instant vient de faire ce qui doit être fait. Sur un transat, sous une lune au milieu de son premier quartier qui chasse les nuages qu’elle argente, je goûte le champagne Salon 1990 seul et je me rends compte de son absolue perfection. Quelle que soit la saveur à laquelle on pense, elle est dans ce champagne. J’y vois surtout des fleurs blanches, du miel, des pamplemousse blancs, et surtout une longueur invraisemblable qui, au lieu d’être linéaire, récite un vocabulaire gustatif de plus de mille mots. Ce champagne est extraordinaire, absolument parfait. Faut-il le comparer maintenant à d’autres immenses champagnes que j’ai bus comme le récent Salon 1982 ou Pol Roger 1921 ou cet éblouissant Moët 1945 ? Que m’importe. Ce soir, ce Salon 1990 est une merveille absolue qui va peupler mes souvenirs.

 La bouteille est très jolie, d’une forme assez proche de celle d’un magnum de Perrier, et les textes sont sérigraphiés ce qui donne beaucoup d’allure à ce flacon.

 J’aime beaucoup cette photo, car au dessus de l’étiquette, on dirait un feu d’articice, et les grosses gouttes qui glissent sous le feu d’artifice forment une grappe de raisin.

Fantasmons un peu. Cette photo est l’image de la nuit, avec l’évocation très sobre d’un des plus grands champagnes du monde, et cette capsule qui se dénude comme une épaule, de façon fort suggestive…

Hello docteur Darwin lundi, 23 juillet 2007

– Hello, docteur Darwin, savez-vous dans la grande histoire de l’évolution des espèces, d’où vient le dauphin ?

– Eh bien, le dauphin provient d’un citron de Carqueiranne.

– Comment est-ce possible ?

– regardez :

 

Quelques vins bus dans le Sud dimanche, 22 juillet 2007

Les amis viennent de-ci de-là et l’on ouvre des vins jeunes ! Ainsi, un Rimauresq rosé Côtes de Provence 2006 (oui, 2006), est un très agréable rosé qui est excité par le goût des olives noires. Vin d’été, on ne lui demande pas d’avoir invité la lune, mais ce qui compte, c’est que son goût soit franc. Un Montus Madiran 1995, c’est autre chose. Voilà un vin qui a perdu toute notion de naturel. Il annonce sur l’étiquette 12,5° d’alcool, mais c’est par modestie. Le bois est outrageusement présent, et si le vin est flatteur, voire même plaisant, c’est qu’il a épousé toutes les techniques de notre époque. Ces vins ne sont pas dans ma démarche, même si je comprends que le consommateur d’aujourd’hui s’y sente à l’aise. Le Rimauresq rouge Côtes de Provence en magnum 2003 est d’une toute autre trempe. Voilà un vin sincère. Avec mon gendre, nous nous faisons la remarque que ce vin qui nous plait énormément ne peut le faire qu’ici. Transposez-le à Paris, et les analyses changeront du tout au tout. Ici, sur un agneau de Sisteron dardé d’ail, cuit quatre heures sur un lit de pommes de terre, tomates et olives noires, ce vin est une pure merveille, avec une astringence totalement à propos, mais surtout une sincérité conquérante. Chaque gorgée est un plaisir simple.

Sur des bars d’élevage, qui montrent sans conteste l’écart gustatif avec des bars de ligne, le reste du Rimauresq 2003 est suivi du Rimauresq Côtes de Provence rouge 1990. Et là, respect, on entre dans une autre catégorie. Ce vin est adorable. Il y a une virilité sauvage, une absence de concession et une pureté de ton qui classent ce vin dans les réussites les plus belles de cette région. Et c’est la démonstration sans appel de la capacité de vieillissement de ces Côtes de Provence que l’on boit beaucoup trop jeunes.

J’ai apporté chez des amis un Maury Paule de Volontat 1925. L’amie qui nous recevait avait prévu une tarte façon Tatin aux mangues. On me demanda comment j’avais pu imaginer qu’il y aurait ce dessert pour que l’accord soit aussi brillant. J’ai confessé que je pratique l’art de la divination. Allais-je avouer que c’était de la chance ?

My preferred Cheval Blanc jeudi, 19 juillet 2007

On the forum of Robert Parker, a report was made of some years of Cheval Blanc, from 1981 to 2003.

It was an occasion to check which years I have loved.

I have checked which years I have drunk of Cheval Blanc, and, from memory, here is the ranking that I would give :

 

1947 / 1959 / 1949 / 1934 / 1945 / 1941 (1) / 1990 / 1919 / 1986 / 1989 / 1961 / 1937 / 1943 / 1950 / 1960 / 1998 / 1995 / 2001 / 2004 / #1900 / 1958 / 1984

 

I give a special mention to the 1941 which bluffed us as never. This weak year performed so well that we were completely astonished.

 

Of course this ranking depends on the fact that I see in recent wines more a promise than a reality.

en blanc, Bordeaux et Loire cohabitent mercredi, 18 juillet 2007

Journée ensoleillée, mer calme, barbecue. Des olives noires bien pleines appellent un Château Laville Haut-Brion 1980. La couleur est jaune claire, comme celle d’un vin récent. Le nez du vin est tout à fait troublant. Cela sent la poudre à canon. En bouche, le vin est très citronné, très sec, presque asséchant, avec une finale courte, mais le charme de Laville est bien présent. Si on me faisait boire ce vin à l’aveugle en me demandant de trouver quel est ce 2003, je ne tiquerais pas sur l’année, car ce 1980 est irréellement jeune. Pendant que le barbecue crépite en dorant des daurades, le niveau du Laville baisse dangereusement aussi nous boirons un Clos de la Coulée de Serrant Nicolas Joly 1990 sur les daurades. Instantanément, ce vin a plus de présence que le Laville. Plus dense, concentré, fumé, il a une trace insistance de réglisse. Ce vin est en dehors de toute norme. Il est à part, et les repères me manquent, mais j’aime bien. C’est manifestement un vin de gastronomie, dont le spectre de compétence me paraît très large. C’est un vin que l’on imagine vieillir avec intérêt. Belle bouteille au charme énigmatique.

les cigales chantent tout l’été mardi, 17 juillet 2007

Au bout du fil : « François, j’ai deux cigales ». Ma réponse : « d’accord, ce soir ». Nous arrivons par un soir d’été magnifique chez Yvan Roux. Voici notre table, face à la presqu’île de Giens.

Pas de Pata Negra pour le Laurent Perrier Grand Siècle. Que se passe-t-il ? Nous aurons quelques compensations. Ce sont d’abord trois petits cigalons à la chair intense, qui excitent bien le champagne. Puis une petite friture de poissons délicieux, pour lesquels le champagne est un accompagnement naturel. Ce sont ensuite de belles girelles dont la chair est très neutre, voire un peu fade. Ce sont ensuite des anémones de mer pour lesquelles je cherche encore le vin qui se marierait bien. J’ai peur qu’un Banyuls n’écrase les anémones. Est-ce plutôt un vin rouge charnu ? Il faudra essayer. Les entrées allaient-elles finir ?

Yvan nous fait goûter un essai : des œufs brouillés aux anémones. L’évidence est criante, seul un champagne peut accompagner ce goût subtil, tout en étrangeté.

Pour les cigales au goût très pur, fait d’une mâche intense et d’une fraîcheur presque mentholée, c’est un Bastor-Lamontagne, sauternes 1995 que j’ai apporté. Bu seul, ce sont le caramel et le pain d’épices qui dominent. Avec la cigale, la continuité est assez spectaculaire. Et comme avec l’Yquem d’un essai récent, ce qui frappe, c’est qu’au-delà de la continuité, le sauternes respecte la chair de la cigale qui reste présente en bouche, sans aucune altération. La mise en valeur est concluante.

Une glace vanille avec des copeaux de pain d’épices vient apaiser un festin de haut niveau. Face à une mer calme sillonnée par des hélicoptères en quête d’on ne sait quoi, sous un ciel dégagé qui miroite d’étoiles, il fait bon vivre de produits de la mer judicieusement traités.