surprise d’une table d’hôte jeudi, 17 août 2006

Sur une colline de Carqueiranne où les maisons en surplomb encastrent bâtiments et piscines à la façon d’un puzzle, une immense maison d’une architecture épurée attire le regard. Une terrasse de 36 mètres de long sur 5,5 mètres de large offre une jolie vue sur la baie de Carqueiranne et la presqu’île de Giens. Trois immenses pièces d’un are chacune sont d’une rare beauté. Nous somme accueillis par le maître de céans de cette table d’hôtes, ancien membre de l’équipe de France de rugby qui me rappelle des personnages de bandes dessinées de ma jeunesse. Double mètre, carrure à apeurer les taureaux de combat, bras interminables comme son sourire avenant. Notre table jouxte une piscine intérieure et la vue sur mer est totale, car la terrasse n’a pas de rambarde. Notre hôte s’assied gentiment à notre table pour nous expliquer le mode d’emploi. Ni menu ni prix annoncés, cela impose un acte de foi. Il sera récompensé.

On sent que la place n’a pas le culte du vin, mais on cite deux ou trois champagnes. Je retiens Cuvée Laurent Perrier Grand Siècle dont les deux bouteilles que nous boirons avec bonheur nous rappelleront celles que nous ouvrons à moins d’un kilomètre de ce lieu. Les petits alevins de rougets absolument délicieux font briller le goûteux champagne, plus ébroué que celui de la maison. Mais c’est sans doute l’atmosphère qui veut cela. Dans ses bras puissants, le cuisinier colosse nous apporte un poisson « denti » oserais-je dire « dents de scie » qui ferait passer un mérou pour un gringalet, dont il nous suggère la dégustation, et vient à notre table trier les langoustes que nous mangerons.

Les alevins de rougets reviennent à profusion. Une assiette copieuse de calamars et seiches préparés de trois façons est sans doute la meilleure préparation de calamars et seiches que je n’aie jamais mangée. Une franchise de goûts succulente. Un Château les Valentines, Côtes de Provence 2004, qui ne prétend pas nous subjuguer, va trouver sur les chairs de ce plat un tremplin inespéré.

Les langoustes saisies au gril ont une chair irréellement blanche. La cuisson parfaite à la seconde près décuple notre plaisir. Sentant que peut-être nous aimons le vin, notre rugbyman apporte un Domaine de l’Eglise Pomerol 1998, cadeau qui lui avait été fait, dont nous saurons plus tard que ce fut aussi un cadeau de sa part. Le vin est délicieux, franc, à peine un peu moderne pour moi. Sur la langouste et sur le « dents de scie », c’est exactement ce qu’il faut.

Dans une architecture simple mais immédiatement sympathique, face à un panorama grandiose, un cuisinier sportif de haut niveau à la chaleur communicative rayonnante, approvisionné de ce qui se fait de mieux en produits de la mer, pratiquant des cuissons justes, nous a fait passer une mémorable soirée de plaisir.

D’immenses vins à l’hôtel des Roches (à nouveau !) mercredi, 9 août 2006

Aller de nouveau à l’hôtel des Roches à Aiguebelle pourrait paraître obsessionnel. Ça l’est. Je voulais que Jean-Philippe Durand, notre ami cuisinier amateur, connaisse la cuisine de Mathias Dandine. Occasion de rassembler nos enfants. Le chasseur à l’entrée est constant : il est hors sujet. Commençant par dire qu’il n’y a plus de place et voyant de nouveau mon œil courroucé, il prend les clés de la voiture, l’air las. Dès qu’on a pénétré dans l’enceinte de l’hôtel, c’est un ravissement. Notre table regarde les îles du Levant et de Port-Cros, et la lune apparait dans toute sa plénitude, rose comme un homard amoureux. Reflets de lune argentés sur une mer légèrement agitée, vins délicats, cuisine rassurante, tout ici est bonheur.

Le champagne Moët & Chandon 1999 m’avait déjà séduit par une belle personnalité, et celui-ci n’y faillit pas. L’amuse-bouche est une crème de fenouil qui chatouille le Moët. La tartine de truffe d’été appelle un champagne Krug Grande Cuvée. La tartine est croquante et goûteuse. Le champagne fait un flop, car il n’a absolument pas le charme qu’on peut attendre d’un Krug. Il faut sans doute lui laisser quelques années pour qu’il s’arrondisse, mais je n’en suis pas sûr. Par contraste, le Moët brille.

La brandade de morue à la truffe d’été en deuxième amuse-bouche est plaisante. Mais comme au précédent essai, je préférerais une version plus virile, plus villageoise de ce plat.

Des langoustes juste grillées à la sauce vierge arrivent en peloton serré pour faire la haie d’honneur au Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 2002. La cuisson de la langouste est superbe, la chair prodigieuse. Il faut bien cette expressivité pour balancer l’immense persuasion de ce blanc que j’adore. Quel beau vin, puissant, vaste, opulent, remplissant le palais de joie pure. Ce vin est grandiose. Il lui faut des chairs typées comme celle-ci pour qu’il y ait jeu égal. Un beau moment de plaisir culinaire.

A notre arrivée, on nous avait présenté une montagne de sel dont la couleur et la taille faisaient penser à un bébé phoque. On me demande si le fait de manger un loup de plus de trois kilos nous tente. C’est le type de question qui n’a qu’une seule réponse. Car devant ses invités, comment dire non, si en plus on désire ce poisson ? J’avais trouvé dans la carte des vins la réponse à ce gros gabarit de poisson : Vieux Château Certan, Pomerol, 1990. L’accord avec le loup en croûte de sel est divin. Le vin s’exprime totalement. Toutes ses subtilités de Pomerol sont magnifiées par la chair du loup. Vin immense, chair goûteuse. Une précision extrême.

C’est sur les girolles que l’on peut vérifier la magnitude du talent de Jean-Philippe Durand. Car les girolles de Mathias Dandine sont bonnes. Mais la même poêlée réalisée la veille avait un goût transcendant par rapport à celle-là. Ce n’est pas une critique du talent de ce sympathique et généreux chef qui va progresser lorsqu’il aura cette maison bien en mains. C’est uniquement la reconnaissance d’un don de Jean-Philippe qui le place très près du niveau des restaurateurs trois étoiles que j’aime. Les cuissons des langoustes et du loup ont été brillantes. Cette remarque n’entache pas mon jugement sur ce chef chez qui je reviendrai avec plaisir.

Les girolles appelaient un vin. Ce fut Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée-Conti 1997. Un immense bonheur. Un vin direct, franc, généreux, subtil, bien assis dans cette année qui ne commet pas l’erreur d’éblouir. Un grand moment avec les girolles.

L’excès de mignardises aux parfums trop variés est passé comme une lettre à la poste avec un joli Comtes de Champagne Taittinger 1997 à la bonne humeur communicative de pure soif qui conclut ce repas splendide et montra que le Krug que nous avons eu a un problème.

C’est difficile de classer des vins aussi dissemblables. Malgré l’amour immodéré que j’ai pour le Bâtard-Montrachet, je donnerai ce soir la palme au Vieux Château Certan 1990 éblouissant, complice d’un loup idéal pour le révéler. Ensuite le Bâtard et le Romanée Saint-Vivant. Tant de bons vins sur de belles chairs merveilleusement traitées, c’est de la joie pure.

galerie 1861 mercredi, 9 août 2006

Cette bouteille légendaire d’Yquem 1861 au bouchon d’origine, ce qui est assez exceptionnel, provenant de ma cave, a été bue au Chateau d’Yquem lors du dîner que j’ai organisé le 9 mars 2006. Ici, une des seules parties lisibles de l’étiquette. Le compte-rendu complet du dîner figure à cette date.

Bollinger RD 90, Mouton 87, Beaucastel 82 … mardi, 8 août 2006

Jean-Philippe Durand, invité à passer quelques jours dans notre maison du Sud, décide de prendre en mains le dîner de ce soir. Ma femme a dû regarnir la maison d’une tonne de nouveaux matériels sophistiqués pour mixer, mélanger, hacher, concasser. Entre deux séances de tennis, Jean Philippe prépare ses sauces, hume les évolutions. La cuisine d’été est envahie d’assiettes diverses garnies d’ingrédients qui auront, à l’heure prévue, leur utilité. Mon gendre prépare le barbecue qu’il va faire fonctionner au petit bois, sans autre apport.

Le champagne Bollinger R.D. 1990 accueille deux préparations :

        velouté de patate douce au basilic

        véritable capuccino de moules au café

Il est assez évident que des amuse-bouche aussi contrastés vont révéler des facettes résolument distinctes de cet immense champagne. Sa distinction, son élégance frappent instantanément. Très typé, très fort, il impressionne. Sa longueur est remarquable.

La joue de lotte, zeste de citron au gingembre, coulis de pêche blanche au curry est un bonheur gustatif de première grandeur. L’Ermitage Ex Voto Guigal 2001  est un vin très puissant alors qu’il ne déclare « que » 13°. Je le trouve très brut, très anguleux, car les myriades de saveurs complexes qu’il étale sont relativement peu intégrées, signe que l’âge lui est nécessaire. Je pressens que ce grand blanc sera magnifique avec dix ans de plus. Sa fougue se dompte par le zeste et par le coulis passionnant. Comme on pouvait s’y attendre, le plat est d’une délicatesse rare.

Quand Jean-Philippe m’a donné l’intitulé du plat qui suit, ma réponse fut immédiate : Château Mouton-Rothschild 1987. Et ce fut de l’immense gastronomie, celle qui vous donne un coup de poing dans le cœur. Les allumettes d’espadon, oignons doux et poêlée de girolles ont eu une compréhension du Mouton que Jean-Philippe avait humé à l’avance (comme le rouge qui va suivre). Et ce Mouton, d’une année légère et élégante a dévoilé une élégance, une maîtrise d’un talent rare qui nous ont laissés pantois. Le vin est immense sur le poisson. C’est dans ces rares moments que l’on se rend compte que la cuisine faite par un amoureux du vin connaisseur prend une autre dimension. Des Senderens, Guy Savoy, Patrick Pignol sont de ce modèle là.

Transpercé d’une sonde thermique, la côte de bœuf n’avait qu’à bien se tenir pour arriver à la température voulue. La côte de bœuf au feu de bois, sauce cacao et fruits noirs, figues rôties est un plat simple et goûteux pour accueillir à la perfection Château de Beaucastel rouge 1982 d’un confort parfait. Très Beaucastel serein, calme, ce vin de 12° seulement, assez velouté a une séduction naturelle fondée sur sa franchise. Alors, sur une viande qui l’excite, ça fonctionne tranquillement. On est en 1982 plus décontracté que des versions plus récentes de ce grand vin qui a évolué comme la demande gustative d’aujourd’hui.

Dans des grands dîners, j’aime toujours ajouter des vins inconnus. Plus inconnu que celui là, je ne vois pas, car imaginez ce nom : Alrokan grand vin moelleux, Bordeaux 1964, Mr Bossetti à La Rochelle. La bouteille est belle, avec une étiquette sobre passe-partout. Le liquide est joliment doré d’un jaune discret. Le nez est calme. La bouche est prudente. Je ne m’attendais évidemment pas à trouver un goût d’Yquem. Mais sur un roquefort artisanal, le vin s’ébroue avec intelligence, et sur une poêlée de mangues au gingembre, le vin devient charmant. Mission accomplie.

Ma femme étant championne du monde de la mousse au chocolat, c’est elle qui intervint, ma fille ajoutant une glace au poivron rouge pour mettre en valeur un Maury 1928 Domaine et Terroirs du Sud de plaisir premier : on ne lui demande pas de faire le saut périlleux. C’est bon, cela suffit au plaisir.

Ce soir, c’est de loin le Mouton 1987 qui a dominé les autres vins par une subtilité inégalable. Et l’accord de ce vin avec l’espadon est d’une émotion gastronomique de grande magnitude.

Discussions, rires, décontraction dans l’approche des vins. Une magnifique soirée.

Rhône et Provence dans le Sud lundi, 7 août 2006

Mon ami Jean-Philippe Durand, grand cuisinier amateur devant l’éternel, vient passer quelques jours dans notre maison du Sud. Un champagne Laurent Perrier Grand Siècle sert de bienvenue, et un très grand saumon d’une cuisson parfaite au barbecue accueille trois vins. Le Gigondas vignoble Gleize 1973 a un nez canaille, un goût râpeux de bourgogne, et se marie agréablement avec la chair délicieuse du saumon. Le Macon Champy père & fils 1966 promettait beaucoup au nez à l’ouverture, mais il semble bloqué, limité, et ne dégage pas beaucoup de personnalité. Le Châteauneuf du Pape domaine de la petite Gardiole 1965 prend lui aussi un goût de bourgogne, et la juxtaposition des trois vins montre que la cave qui les a vus vieillir, puisque les trois bouteilles ont la même provenance, a connu un coup de chaleur.

Le lendemain, je pars en jet ski avec Jean-Philippe pour amerrir au ponton de la maison de pêcheur de mon fils. Notre passeport est un rosé Mas Cal Demoura Qu’es Aquo 2003 du Languedoc, à l’intérêt certain et de belle densité. Nous grignotons des crevettes roses, jetant en mer les coquilles que les mouettes viennent picorer avec une précision de voltigeur. Un Château de Galoupet Côtes de Provence blanc 2005 n’a pas grand intérêt. Imiter le Chili n’est pas une voie à suivre en Côtes de Provence.

Nous sommes assis à grignoter quand le bruit d’une lutte de mouettes nous fait tourner la tête. Une mouette courageuse a subtilisé une des brochettes qui cuisait sur un barbecue planté dans le sable de la plage. A l’apéritif du soir, le reste d’une bouteille de Cuvée Grand Siècle est d’une rare élégance. La bulle s’est estompée, et la qualité intrinsèque du vin se découvre de façon remarquable. Sur des olives noires, c’est un rare plaisir. Des crevettes roses sont maintenant présentées avec de l’avocat et un goûteux jus de pamplemousse. Le champagne Dom Pérignon 1998 chante avec cette amusante préparation. Mais c’est surtout sur l’association avocat et jus de pamplemousse que le Dom Pérignon prend une trace d’agrume d’une longueur infinie et découvre son charme avec talent.

Sur l’agneau de Sisteron, le Châteauneuf du Pape domaine de la petite Gardiole 1965 d’un jour de plus brille comme on ne l’aurait pas soupçonné. Il s’est épanoui, a gommé ses petits défauts, et sur la lie, où se concentrent les arômes, je fais un rêve, celui de reconnaître un Chambertin 1929, tant le vin a pris de la noblesse.

Un Côtes de Provence Rimauresq rouge 1985, en s’ouvrant, montre comme les vins de cette région vieillissent bien. Ces vins prendront un jour la renommée qu’ils méritent, partageant avec les vins du Sud du Rhône une tranquillité et une sérénité gustative de grand confort. La maison fourmille, car ce soir, Jean-Philippe cuisine. A suivre…

my cellar was on Tele Monte-Carlo samedi, 5 août 2006

I did not mention it as I did not want that it would be badly appreciated that I announce it in advance.

So, on this Saturday, at 7 pm French time on Tele Monte Carlo, there was a subject on collectors.

The announce which is given some minutes before the time showed Mr. Al Fayed in the house of Duke of Windsor that he has acquired.

Then pub, then weather, then, Rosalie, the producer of the emission interviews Mr Al Fayed, either in Hotel Ritz or in the house of Duke of Windsor.
Then pub, then Al Fayed again.
Then the subject stops (why ?) and Rosalie announces a subject on a collector less known than Mr Al Fayed, and for three minutes, I talk in my cellar, showing rare bottles.
Then the subject on my cellar and me ends and the subject on Al Fayed continues.

At the end, my wife and some friends who had viewed with us told me : it was good.
But I was depressed.
No logic in including the subject on my cellar. It appeared as if they had no more to say on Duke of Windsor’s house.
I was frustrated.

I had given them a good way to introduce my subject as I had acquired a part of the cellar of Duke of Windsor. So they could have given a logic to the subject.
I can imagine that no one has understood why there was a subject on an obscure man within a subject on Mr Al Fayed.

It is not very important. But I would have been pleased if the subject had a greater logic.

Now, my cellar will be hidden

reportage sur ma cave samedi, 5 août 2006

Le 5 août 2006 à 18 heures, sur Télé Monte-Carlo (TMC).

A ne pas manquer ! Dans une série d’émissions sur des collectionneurs, on m’interviewe dans ma cave.

Je n’ai pas vu le contenu. Mais il faut absolument le voir !!!

ce soir j’aurais aimé une cuisine plus minimaliste jeudi, 3 août 2006

Nous récidivons à l’hôtel des Roches, ce qui indique que nous nous y plaisons. Cette soirée m’aura montré que dans le jugement que l’on fait sur un restaurant, pour autant que l’on éprouve le besoin de juger, il y a l’observé et l’observant. En ce qui me concerne, l’influence de l’humeur de l’observant compte beaucoup.

J’étais heureux d’avoir conclu un investissement qui m’intéresse par les perspectives de développement que j’entrevois, et il fallait que cela se fête avec des amis. D’humeur joyeuse, je commande Krug Grande Cuvée qui doit avoir un peu moins de cinq ans de bouteille. Une immense personnalité. Ce champagne est vivant comme pas deux. Il est expressif, typé et ne laisse pas indifférent. Il aurait fallu ne pas nous donner la première mini-entrée standard à base de crème de tomate, qui stérilise le Krug, alors que l’autre mini-entrée créée juste pour nous faire plaisir, à base de chair de rascasse, purée discrète de fenouil et jus «roquette » est un démarrage gustatif de vraie gastronomie. Cette remarque, que je fais souvent, je vais la faire encore : quand le sommelier ou le maître d’hôtel repère une table où les vins vont être de gros calibre, il ne faut pas faire servir l’amuse-bouche standard, mais en adapter un au choix des vins, s’il est déjà fait.

En l’occurrence, la rascasse appelait le premier vin que j’avais commandé à mon arrivée, Château Rayas, Châteauneuf du Pape blanc 1998. Le mariage avec ce blanc étonnant est idéal, la chair expressive du poisson mettant en valeur le blanc merveilleux. Ce qui frappe d’abord, c’est la longueur du vin. On dirait un tapis qui se déroule, qui découvre à chaque pli des couleurs et des dessins nouveaux. L’exposé des motifs est quasi interminable. Ce blanc étonne car il change d’aspect à chaque mouvement de langue. C’est sans doute moins complexe qu’un bourgogne blanc, mais c’est terriblement envoûtant. J’avais commandé sur ce vin une brandade de morue aux truffes d’été, émulsion au thym des collines, car je sentais que l’accord serait parfait entre l’ail et le fumé du Rayas. Or je suis un peu resté au milieu du gué, car je voulais de la brandade, de la pure, de la virile et je trouvais en fait une interprétation de la brandade intellectualisée, qui aseptisait le choc gustatif que j’attendais. C’était bon, bien sûr, mais n’avait pas la pureté brute que j’avais imaginée. A ce vin typé, affirmé, il fallait une brandade claire, directe, franche comme le « jus de pomme » des Tontons Flingueurs.

Ayant adoré les cigales de mer sur l’Yquem 1987 lors du dernier dîner, il était tentant de les revisiter sur un rouge, et pourquoi pas l’un des plus grands : Château de Beaucastel, Châteauneuf du Pape, Hommage à Jacques Perrin 1995. Matthias Dandine a fort intelligemment adapté l’accompagnement en changeant la préparation du menu pour des légumes du potager discrets et des girolles d’été, mais n’a pas remis en cause la sauce trop prononcée qui masque la pureté de la chair. L’accord ne s’est fait que lorsque j’ai cureté de la chair non imprégnée dans la tête de la cigale. Là, le vin rouge s’est mis à chanter. Avec une cigale en plein été, n’est-ce pas ce qu’il doit faire ? Cet « Hommage » est trop jeune, c’est évident. Mais le bambin a déjà une morphologie d’athlète. Pur, simple, direct, s’exprimant dans une langue claire, ce vin rassure par la précision de sa construction. Le Rayas blanc miroitait de mille facettes. Et ce futur sumo pousse toute fioriture en dehors du cercle de combat. Le vin est affirmé, puissant, sûr de lui, et il est bon. Que demander d’autre, quand on a tant de plaisir en bouche.

Là où l’observant joue son rôle, c’est que je voulais ce soir m’installer dans les arts culinaires premiers. Je voulais une brandade qui joue la brandade et une chair de cigale dans sa pureté intrinsèque. Ce soir les variations sur des thèmes ont occulté les accords purs que je souhaitais. Il est sûr qu’un autre soir, je serais satisfait de ces recettes. Je rêverais de refaire le même repas, avec les mêmes vins, car je suis très satisfait de mon choix de vins, et avec les mêmes plats, car je crois en eux, mais minimalisés au profit de saveurs franches et pures. Je crois que ce serait grandiose, et le chef le réussirait avec élégance.

Me méfiant autant de mon rôle d’observant que de ce que j’observe, j’ai réservé une nouvelle table pour dans huit jours …