Dîner d’amis à Miami mercredi, 13 décembre 2023

Des amis de mon fils désirent faire un dîner de vins. Ils s’annoncent à six ce qui impose de dîner ailleurs que chez mon fils. Nous allons visiter un marchand de vins, Happy Wine in the Grove qui vend du vin mais fait aussi restaurant. A l’étage, nous pourrions privatiser la très jolie grande salle.

Peu de jours après, le groupe de six n’est plus que de deux, ce qui change un peu le programme mais n’empêche pas de garder la jolie salle.

Le jour venu, dès 15 heures, j’ouvre les deux Bordeaux de mon fils, un Latour 1984 et un Cheval Blanc 1969. Les deux vins ont besoin de temps pour que les parfums s’épanouissent. Mon fils ajoute à son apport un Charlemagne de Louis Jadot 2003, qui sera ouvert en cas de besoin. Mon apport sera un saké IWA 5 que m’a offert Richard Geoffroy il y a quelques jours lorsque nous nous sommes rencontrés, profitant de la concordance de nos présences à Miami.

Nous sommes six à dîner, Austin ami de mon fils venu avec son épouse Eileen et trois jolis vins, Adnan autre ami de mon fils et Abdo le jeune propriétaire de la boutique et du restaurant Happy Wine in the Grove, créés par son père colombien.

Les vins non ouverts le sont à l’arrivée des convives, sauf ceux d’Austin qu’il avait ouverts à l’avance comme nous l’avions fait.

Nous mangerons des amuse-bouches à base de jambon ibérique ou de fromages, des tapas, une paella, des viandes diverses accompagnées de frites et autres légumes. Les plats se bousculeront sans ordre précis, mais cela n’est pas gênant.

Le Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004 est d’une intensité impressionnante. Il est vif, tranchant et d’une très belle personnalité.

Le Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990 est l’exact opposé au précédent, car il est tout en charme et en présence. Quel grand champagne ! Un régal. Les deux champagnes sont complémentaires.

Le Charlemagne Louis Jadot 2003 n’est pas très puissant mais je le trouve fort agréable. Il n’est pas dans la classe des plus grands, mais on peut l’apprécier avec plaisir. Il est à noter que si l’on boit le Pol Roger juste après avoir bu du Charlemagne, le champagne gagne en largeur et en force. Le vin propulse le champagne.

Le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014 est fascinant. Il a une longueur invraisemblable. Son message très frais et fluide et ne finit pas. C’est du bonheur esthétique pur. Nous sommes tous conquis par de vin d’une rare noblesse. Quelle longueur !

Le Saké IWA 5 apparaît maintenant. J’avais essayé de lire les recommandations de température de service du saké, mais il y a tellement de cas possibles que j’ai préféré qu’on le serve assez frais. Aucun de nous n’a une connaissance suffisante pour saisir les subtilités de cet agréable liquide légèrement sucré et d’un alcool sensible et délicat. Il faut impérativement que je demande à Richard Geoffroy de me faire entrer dans le monde de ce beau saké.

On n’attendrait normalement pas beaucoup d’un Château Latour 1984 du fait de son millésime, mais on sait qu’avec le temps, les petits millésimes s’améliorent. C’est le cas de ce Latour, qui ne fait pas partie des plus grands mais montre qu’il est de belle lignée. Un vin très agréable.

Le Château Cheval Blanc 1969 fait partie des très grands vins, même si son millésime ne le suggère pas. Riche, structuré, intense, c’est un très grand vin aux complexité extrêmes et d’une jeunesse qui trouble plusieurs convives, encore marqués par les périodes de « buvabilité » faussement pronostiquées par Robert Parker.

Le Clos de Tart 1985 est plébiscité par toute la table, car on boit rarement ce vin mythique et dans ce grand millésime. Je suis le seul à ne pas être conquis car sa force alcoolique empêche qu’il soit équilibré. On ressent le grand vin, mais pas intégré, du moins pour mon goût.

En guise de dessert, Ado a ouvert un Château Rieussec 2001 à la couleur étrangement foncée pour un vin si jeune. Son parfum et son goût d’une grande année sont absolument délicieux.

J’ai raconté beaucoup d’anecdotes car j’ai senti que mes convives les appréciaient. Ma présence sur Instagram a certainement de l’influence, au point que les adjoints d’Abdo qui ont fait le service ont tous voulu être photographiés avec moi.

L’occasion était belle que l’on vote pour les cinq vins préférés de neufs vins servis. Le Corton Charlemagne a eu trois votes de premier, le Clos de Tart deux votes de premier et le Cheval Blanc un vote de premier.

Le vote de l’ensemble de la table est : 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014, 2 – Clos de Tart 1985, 3 – Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990, 4 – Château Cheval Blanc 1969, 5 – Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004.

Mon vote est : 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014, 2 – Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990, 3 – Château Cheval Blanc 1969, 4 – Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004, 5 – Château Rieussec 2001.

La gentillesse de tous et leur générosité ont fait de ce repas un grand moment de partage. C’est extrêmement plaisant.

Séjour à Miami vendredi, 8 décembre 2023

Juste après l’académie des vins anciens je m’envole avec ma femme vers Miami. Accueilli par mon fils avec un Champagne Robert Moncuit Grand Cru Les Chétillons 2015 extra brut dégorgé en avril 2020. Voilà un bien beau départ de séjour qui accompagne des langoustes. Quel bonheur d’être en une cité où tout est propre et joyeux, avec de folles décorations de Noël.

Dans un mail Richard Geoffroy me dit qu’il aimerait beaucoup me revoir. Je lui réponds que c’est difficile puisque je suis à Miami. Il me répond : ‘moi aussi’. Nous nous rencontrons au bar de l’hôtel Biltmore, heureux de nous retrouver. Nous buvons de l’eau (!) et il m’offre une bouteille du saké qu’il produit, le saké IWA 5.

Dans un restaurant sympathique nous buvons un Gaja Sperss 1998 que j’adore pour sa richesse qu’accompagne beaucoup de grâce.

En diverses occasions avec mon fils chez lui, nous buvons un Tibouren Clos Cibonne Cuvée Caroline 1919 pour nous rappeler les vacances dans le sud, un solide Château Léoville Barton 2000 à la richesse distinguée, un Peñas Aladas Ribera del Duero 2016 et un Champagne Krug Grande Cuvée 170ème édition fort subtil.

Une autre fois mon fils ouvre un Champagne Mumm Extra Dry sans année, qui comme son nom ne l’indique pas est très doux et aimable. C’est une belle découverte.

Un grand moment est la visite d’un jardin botanique privé où l’on déjeune végan. La nature luxuriante et dans son état le plus authentique est un bonheur simple et particulier.

39ème séance de l’Académie des Vins Anciens mardi, 5 décembre 2023

La 39ème séance de l’Académie des Vins Anciens est une aventure à rebondissements. Vers le début novembre je m’aperçois avec horreur que je n’ai pas réservé le premier étage du restaurant Macéo où nous avons l’habitude de faire nos réunions. J’en informe Adrian Williamson qui gère l’organisation de nos réunions. Il m’informe que la salle est prise et que le client qui a réservé étant un client fidèle, il est exclu de lui demander de trouver une autre solution.

L’idée qui vient est de réserver la grande salle du rez-de-chaussée mais Adrian nous obligera à supporter une recette minimum. Pour ne pas payer en vain des forfaits la solution est de former un groupe beaucoup plus important que d’habitude. Alors que nous ne dépassons pas 36 personnes à l’étage, il faudrait être plus nombreux. Grâce à l’active réaction de quelques amis, nous arrivons à former un groupe de 45 personnes et à récolter, incluant mes vins, une palette de 57 vins dont quatre magnums, ce qui fait m’équivalent de 61 bouteilles de 75 centilitres.

C’est alors qu’Adrian m’annonce que son client annule sa réservation. La perte de recette s’annonce lourde. Adrian me dit : si vous étiez moins de 40, on pourrait faire la séance à l’étage. J’avais réussi à gonfler le nombre pour être en bas. Il devenait impossible de passer en haut avec le nombre d’inscrits.

Une fée devait avoir pris notre énigme entre ses mains car je me suis rendu compte que trois inscrits n’avaient pas confirmé leur présence. A 42, on pourrait tenter le coup alors qu’Adrian me limitait à 36. Nous partons sur cette idée. L’aide de la fée a deux facettes : une bonne, car le matin du jour de l’Académie, j’ai reçu quatre annulations. Une mauvaise, car il s’agit des quatre mexicains avec qui j’avais fait le 279ème repas il y a deux jours, et qui sont empêchés car l’un d’entre eux, suite à un malaise, est à l’hôpital à Paris pour examen. C’est vraiment dommage pour ces nouveaux amis qui voulaient explorer les deux types d’événements, les repas gastronomiques et l’académie.

Nous voilà donc 38 en quatre tables de dix ou neuf convives. Avec les 57 vins, cela fait une académie particulièrement généreuse.

A propos de générosité, certains académiciens sont allés très loin et j’ai décidé que ma table de dix accueillerait les plus généreux. Qu’on en juge : les apports de vins des inscrits de ma table, plus les miens, représentent 36 bouteilles sur les 57. Généralement, les participants aiment boire les vins qu’ils ont apportés. Il fallait choisir.

Ma table aura 19 vins des apporteurs et les 17 autres vins de leurs apports seraient partagés aux autres tables en plus des apports de chacun des académiciens.

Cela donne le programme suivant :

Les champagnes : Champagne Perrier Jouët Brut sans année, Champagne Veuve Clicquot Brut sans année, Champagne Veuve Clicquot Brut sans année, Champagne Louis Roederer Brut sans année, Magnum Champagne Vranken 1976, Champagne Lanson black label, Magnum Moët et Chandon Cuvée 250ème Anniversaire 1983, Magnum de Champagne Legras & Haas 1995.

La table 1 : Champagne Krug Private Cuvée étiquette olive, Meursault 1er cru Charmes 1931 de Roger Cavin (vidange), Blanc d’Algérie 1956 du domaine de la Trappe, Rosé d’Algérie 1945 du domaine Frédéric Lung, Sidi Brahim Rosé d’Algérie Vin fin Vieux 1961, Le Rabelais Algérie rosé 1952, Lung rosé Algérie 1942, Château Ausone 1937, Château Pichon Baron de Longueville 1928, Charmes Chambertin Louis Latour années 20 (vidange), Gevrey Chambertin 1er Cru Guichard Portheret 1929, Barolo 1912, Rouge d’Algérie 1947 du domaine Frédéric Lung, Moulin Touchais Anjou 1928, Haut Sauternes Boussay Cru Lamothe vers 1900.

La table 2 : Meursault Thomas Bassot 1966, Chassagne Montrachet 1947, Chablis Patriarche P&F 1943, Château Ferrand Pomerol 1983, Magnum de Château La Lagune 1970, Château Durfort-Vivens Margaux 1966, Volnay Lagrive 1953, Clos des Lambrays 1943 (mise marchand), Barolo Riserva Spéciale d’Aldo Conterno 1967, Riesling SGN Cru Eltviller Sonnenberg – Egon Mauer 1967, Château Gilette Crème de Tête 1937, Marc du domaine d’Ott 1929.

La table 3 : Pouilly-Fuissé maison de négoce1948, Meursault Jaboulet Vercherre 1938, Côtes du Jura Rosé 1976, Château Lagrange 1975 (niveau bas), Château TrotteVieille 1964, Château Calon Ségur 1973, Château Mouton Rothschild 1967 (niveau bas), Charmes Chambertin « union vinicole des propriétaires » 1959, Pommard La Commarine 1937, Gewurztraminer SGN Château d’Orschwihr 1989, Sainte Croix du Mont générique 1928.

La table 4 : Champagne Gosset Grand Millésime 1993, Chablis 1er cru Les Vaillons Alain Bayol 1984, Chablis Chanson P&F 1970, Château de Sales 1967, Château Haut-Bailly 1964, Fixin Clos du Chapitre Dufouleur & Fils 1959, Gevrey Chambertin Bouchard père et fils 1967, Château La Gardine Châteauneuf du Pape 1953, Vouvray Grde réserve cuvée Zoë Claude Villain Rochecorbon 1990, Monbazillac Chateau de la Salagre 1945, Massandra White Muscat 1961.

Jamais nous n’avons eu autant de vins. Pour mesurer à quel point cette réunion est exceptionnelle, voici les différents millésimes qui sont présents. Il y en a 31 pour ces 57 vins : 1900, 1912, 1920, 1928 (3), 1929 (2), 1931, 1937 (3), 1938, 1942, 1943 (2), 1945 (2), 1947 (2), 1948, 1952, 1953 (2), 1956, 1959 (2), 1961 (2), 1964 (2), 1966 (2), 1967 (5), 1970 (2), 1973, 1975, 1976 (2), 1983 (2), 1984, 1989, 1990, 1993, 1995, sans année (6). C’est absolument hors norme.

Je redoutais la séance d’ouverture des vins mais plusieurs académiciens sont venus m’aider, accompagnés de vins pour donner du cœur à l’ouvrage aux ouvreurs. Un Champagne Jacquessin 741 ultra brut à dégorgement tardif est rafraîchissant, tandis qu’un Asti Gancia Spumente très ancien est tout en douceur. Un vin russe est, comme on dit, hors de ma zone de confort car je n’ai pas de repère. Un ami alla même jusqu’à venir avec un Madère qu’il estime de 1800. Je le verrai plutôt cinquante ans plus jeune. Avec cette aide et les ‘carburants’ ajoutés, l’ouverture fut rapide et nous avons occupé le temps à boire ces apports généreux et discuter de tout et de rien.

Le menu concocté par Adrian est : carpaccio de Saint-Jacques de Normandie, kiwi et tartare d’algues / terrine du chef, canard, cochon et pistache, sucrine marinée au sésame / agneau de nos plaines confit dans le grenache 12 heures, giroles et purée / trio de fromages affinés par la maison Bordier / chocolat Saint-Domingue, noix fraîches et orange confite.

Ayant un genou qui crie à l’aide lorsque je reste longtemps en position verticale, l’apéritif s’est pris assis, chacun étant à sa table. C’est dommage car les discussions avec l’ensemble des convives sont intéressantes, et on ne sait plus très bien ce qu’on boit lorsqu’on est servi de plusieurs champagnes en même temps. Mais on essaie de se repérer.

J’ai été très impressionné par le Magnum de Champagne Legras & Haas 1995 d’une magnifique présence et par l’originalité extravagante du Magnum Champagne Vranken 1976 tellement atypique et passionnant.

Pour ma table, le grand moment du repas allait être la présence de six vins algériens soit blancs soit rosés. Il convient de rappeler que c’est il y a plus de 45 ans que j’ai découvert chez un épicier du Perreux sur Marne les vieux vins algériens qui m’ont subjugué. J’en ai acheté massivement et quand j’ai écrit sur les vins dès l’an 2000, plusieurs lecteurs intrigués ont eu la curiosité de s’y intéresser. Les prix ont augmenté et ces vins sont devenus presque introuvables et inaccessibles. Les plus curieux sont devenus des fidèles de l’académie ce qui explique cette mise en commun exceptionnelle.

Voici la brochette quasi irréelle que nous avons partagée. Le Blanc de Blancs Vin Fin extra-sec Alger Eschenauer années 50 est un vin d’une grande puissance et persuasif. Racé, son expression impressionne.

Le Domaine de la Trappe Vin Fin Henri Borgeaud rosé Algérie 1956 est un vin plus calme mais lui aussi très expressif. Le Frédéric Lung rosé 1945 est un vin totalement exceptionnel. Il est magique. Il combine la puissance des vins d’Algérie avec des accents gracieux. C’est l’élégance absolue.

Le Frédéric Lung rosé 1942 est presque aussi grand que le 1945. Il joue juste un ton en dessous, mais reste exceptionnel.

Le Rabelais Haut-Dahra rosé 1952 est très original. Il a un charme fou. C’est une autre acception du rosé algérien qui m’intéresse, car je suis plus habitué aux vins de Frédéric Lung. Il y a dans ce vin des notes de café.

Le Sidi Brahim Vin Fin Vieux rosé Vins Vigna Chalon-sur-Saône 1961 pourrait être l’énigme dans un concours de dégustation à l’aveugle. Qui oserait dire Sidi Brahim en buvant ce vin puissant et expressif quand Sidi Brahim avait l’image d’un vin plus qu’ordinaire.

A ma table, nous sommes tous conscients de vivre un moment unique qui a toutes les chances de ne pas pouvoir se reproduire, puisque beaucoup de ces vins sont devenus introuvables. Mon classement de ces six vins est : 1 – Lung 1945, 2 – Lung 1942, 3 – Rabelais 1953, 4 – Blanc de Blancs années 50, 5 – Sidi Brahim 1961, 6 – La Trappe 1956.

Autour de la table l’émotion est palpable. L’intensité de ces vins puissants et riches est étonnante. C’est un moment de l’histoire qui ne peut plus se poursuivre, puisque ces vins ne se font plus. Essayez de dire à vos amis : j’ai bu des rosés, d’abord d’Algérie, ensuite de plus de cinquante ans et on vous regardera comme une bête curieuse.

Il y a à notre table beaucoup d’autres vins. Le Champagne Krug Private Cuvée étiquette olive n’est pas ce qu’il aurait dû être avec énormément de sédiment. Certainement un problème de température de stockage.

Le Meursault 1er cru Charmes 1931 de Roger Cavin au niveau très bas s’est montré très au-dessus de mes attentes, avec une personnalité préservée.

Le Château Ausone 1937 est une merveille. Son parfum est d’une noblesse certaine et le goût intense et racé signe un vin au sommet de son art. Le Château Pichon Baron de Longueville 1928 est lui aussi d’un magnifique accomplissement, millésime oblige. J’avais apporté ces deux bordeaux et je suis heureux qu’ils se soient montrés d’un niveau aussi grand.

J’ai moins de souvenirs du Charmes Chambertin Louis Latour années 20 et j’ai le souvenir que le Gevrey Chambertin 1er Cru Guichard Portheret 1929 représente dignement le caractère mythique de son année.

Le Barolo 1912 est un très beau Barolo qui n’a pas l’émotion d’un Barolo 1920 qui m’avait subjugué. Il est toutefois de belle prestance.

Le Rouge d’Algérie 1947 du domaine Frédéric Lung me donne un coup de poignard dans le cœur car il est absolument parfait, riche, ample, une merveille.

Les deux liquoreux, Moulin Touchais Anjou 1928 et Haut Sauternes Boussay Cru Lamothe vers 1900 ont joliment joué leur partition mais le Haut-Sauternes qui n’avait aucune étiquette est apparu pour nous tous comme plus probablement des années 30 du fait de sa fraîcheur gracile.

Pour faire un classement global des vins de ma table il faudrait mêler les rosés algériens avec les autres vins, ce qui me paraît difficile aussi hors rosés je classerais : 1 – Frédéric Lung 1947, 2 – Ausone 1937, 3 – Pichon Baron 1928, 4 – Barolo 1912.

Si je mêlais les deux classements, ce serait : 1 – Lung rouge 1947, 2 – Lung rosé 1945, 3 – Ausone 1937, 4 – Lung rosé 1942. On l’aura compris, j’aime les vieux vins algériens.

Cette académie fut exceptionnelle pour toutes les tables, dans une ambiance amicale et attentive. Vivement la 40ème séance de l’académie des vins anciens.


Voici le compte-rendu d’un ami à qui j’avais demandé de prendre des notes et de me les envoyer pour m’aider à faire mon compte-rendu. En fait, j’ai rédigé un compte-rendu sans avoir de notes et sans avoir lu les siennes.

Il est donc intéressant de lire sa vision, très différente de la mienne. C’est ça la magie du vin qui qui n’émeut personne de la même façon.

Voici son texte.

Note préliminaire : J’exprime ici, aussi simplement que possible, les mots qui me sont apparus lorsque j’ai senti et goûté les vins. J’essaye de les analyser, en mettant les mots qui correspondent selon moi le mieux à ce que je sens à l’instant présent. Cela ne veut pas dire que d’autres mots sont malvenus. Mais que si je veux tenter de retranscrire ce qui m’est apparu, ces mots sont les plus indiqués.

Je dinais la veille avec le sympathique propriétaire du domaine Leflaive. Il me racontait une histoire que je trouve pleine de bon sens. Lors d’une dégustation avec M. de Vilaine, M. de la Morandière et lui s’amusaient à associer chaque vin bu à quelqu’un de leur famille. Ils disaient ainsi : « celui-ci est un peu austère, pas forcément plaisanteur, mais dans le fond il est comique. », pour décrire à la fois le vin et la personne. Il m’indiquait que ces descriptions avaient suscité des rires très enjoués. En l’absence d’esprit de sérieux, j’associe donc en gras une phrase d’un personnage ou d’une situation qui correspond à mon émotion.

Champagne Veuve Cliquot-Ponsardin non millésimé : un vin fin et sans âge, d’un pétillant plaisant. De la truffe blanche apparaît au nez et se conjugue avec un miellé très classique. La bouche est plus traçante, initialement un peu acquise avant de se développer gentiment sur des notes d’embrun marin. Je le pense des années 1990, il permet d’entamer correctement le repas.

Moet et Chandon 1983 (Magnum) : Le premier champagne servi à table est d’une grange noblesse. Il est incroyablement pur, sa robe est claire or, unie, brillante, sans dépôt. Le vin présente encore une petite bulle dans le verre. Il est très iodé et huitré au premier nez, puis viennent des senteurs originales et rafraichissantes de miel d’acacia, de pin et de gingembre. La bouche est tout à fait joyeuse, le pétillant contrastant avec l’impression sérieuse et ferme de l’ensemble. C’est un vin terrestre, qui amène par des amers à une finale longue et crayeuse d’un grand raffinement. Le champagne est divin avec des gougères. C’est un aristocrate, corseté mais à l’aise dans son corset. Il est désirable.

Vranken 1976 (Magnum) : Le vin est légèrement plus orangé, notamment sur son disque. Il est nettement plus miellé avec du gras et des fleurs blanches. Il commence à faire son âge. Du chocolat blanc apparaît, et un peu de pruneaux.

En bouche, la bulle est fine et légère mais encore vivace. Le vin surprend par un caractère citrique, comme un chablis d’une année un peu froide. C’est curieux pour 1976. Il est légèrement plus fatigué et poussiéreux, un peu chloré notamment, mais passons.

Lanson sans millésime fin années 1950 début années 1960 : La robe est maronnée et assez profonde. Elle est marquée. Le nez est d’une immense gourmandise, du pur chocolat. Il est très plaisant avec des notes de tabac brun. En bouche, le vin n’a pas de bulle, il est un peu chloré. Il développe une mâche presque bourguignonne ; Meursault n’est pas loin. Il a les pieds dans le sol. Par rapport au vin qui va suivre, il est plus largé, comme un pruneau confit avec du lard.

Krug Private cuvée étiquette olive 1982-1986 : c’est un vin tout à fait curieux, et qu’il vaut mieux boire un vin plus que comme un champagne. Hors de l’académie, des esprits chagrins ne termineraient pas leur verre, alors que c’est sans doute le plus raffiné de l’ensemble. Sa robe est très foncée et marronnée, plus encore que le Lanson. Il y a du dépôt en suspension. Le chocolat noir est envoutant, mais s’y ajoute un poivre d’andaliman qui apporte une touche d’exotisme exubérante. Il est pur et cohérent en bouche, pleinement assemblé, sans bulle, avec une finale sur une légère pointe d’amande. La bulle n’existe plus que comme fantôme. Le vin est ample, franc et pierreux. Il développe des notes d’embruns marins et se déploie de la même façon que la forme d’une trompette, exponentiellement vers la fin. Sa finale sur la noix de coco est divine, couplée à de la morille et de la noix qui en font une riche expérience. Il paraît bien plus âgé, mais qu’importe. C’est Saint-Augustin passé du manichéisme à la sainteté.

Legras et haas 1995 (dégorgé en 2001) (Magnum) : Legras est tout le contraire de Krug. On lui donnerait cinq ans. Il est clair, léger, brillant avec des reflets verts. Il a un fort pétillant et un nez incroyablment jeune de mirabelle, de fruits jaunes et de pêche. En bouche, son gras est pénétrant et les notes de sel et de poivre se conjuguent merveilleusement. C’est un champagne qui irait divinement bien avec une carbonara, si tant est que la viande utilisée soit bien du guanciale, cette joue de porc confite dans le poivre et le sel. C’est un jeune fougueux.

Mon classement est : Krug, Legras, Moet, Lanson, Vranken, Cliquot.

Le Meursault 1er cru 1931 Charmes Roger Cavin est presque la raison d’être de l’académie. Le vin est absolument horrible lorsque je l’apporte. Sa couleur est noire comme du charbon, l’étiquette est tout à fait désuète, le bouchon suinte, la bouteille a perdu 11 centimètres et le millésime, 1931, est l’un des cinq pires du siècle avec entre autres 1910, 1930 et 1977. Bref, c’est pour la gloire et bien parce qu’il faut ouvrir un jour ce genre de vieux vins. Et pourtant…

La première surprise viendra en début d’après-midi du bouchon qui était venu entier et avait laisser émaner des odeurs pénétrantes de vanille et de coco. Assurément une grande surprise.

La robe est ocre. Le nez est immédiatement sur les fruits blancs, ce qui frappe, car il paraît nettement plus jeune. C’est du café fraichement moulu avec des notes de poivre blanc de kampot d’une grande finesse. Il s’ouvre avec le temps sur la rose, l’encens, le bois de santal. Puis viennent une myriade de senteurs d’un beau jardin : la menthe, le thé, la fleur de cerisier, le feu de cheminée. La bouche se déploie merveilleusement avec un gras pénétrant avant de laisser place à une finale terriblement saline. Avec les saint-Jacques et une compotée d’herbes en salaison, le vin est à tomber. C’est un jardin devenu une jungle florissante. Un très grand moment d’enseignement pour moi, car ce vin sur lequel je me vantais de ne jamais placer la moindre espérance m’aura surpris tout au long de soirée, m’empêchant à chaque fois de lui infliger la dernière gorgée.

Le blanc de blanc Algérie années 1950 est curieux, car on ne l’attend pas en Algérie. On imagine un vin du rhône tout à fait gras et opulent, sur la violette et l’abricot, avec peut-être même un peu d’amertume en moins. Il est légèrement oxydé mais développe de jolies notes de pomme au four, de confit, de mandarine et de citron. Il se fatigue, mais on se dirait que ce vin a été « hermitagé », dans le sens où on a mis de l’hermitage dans un vin d’Algérie ! C’est un inconnu en son propre pays. La bouche est légère, ample, mais le réchauffement ne viendra qu’apporter de détestables notes de bouchon et de carton.

Rosé d’Algérie, domaine de la Trappe 1956 était annoncé comme un blanc, mais sa couleur est bien trop orangée ou brillante pour ne pas y voir un rosé. Tout de suite, on est en Algérie. Il explose d’orange, de mandarine. Il est opulent, avec quelques notes marines presque envahissantes. La bouche est puissante, comme une compotée de fruits rouges. Puis la finale laisse place à des épices et des plantes, notamment du fenouil, de la cardamome verte et de l’anis étoilé. Il est tout à fait sirupeux en bouche. C’est un agriculteur qui nous accueille sur ses terres et nous offre le gîte et le couvert.

Rosé d’Algérie 1945 domaine Frédéric Lung est d’un tout autre bois. La robe est moins marquée, plus grâcieuse. Le vin est très léger, parfois presque timide. Le nez est une compotée de fraise, d’ananas et de vanille. Il a le fumé d’un grand Bourgogne rouge. La framboise apparaît avec le temps et avec une précision qui me saisit. En bouche, passé une première impression poussiéreuse qui va vite disparaître, il se déploie énormément par cercles concentriques et ne révèle toutes ses beautés qu’au fil du temps. Il est impérial, comme un roi qui choisirait de lui-même s’imposer l’étiquette pour n’en être que plus grand.

Rosé d’Algérie 1942 du domaine Frédéric Lung est encore d’une autre nature. La robe est plus profonde mais tout aussi pure et limpide. C’est le jour et la nuit avec le 1945. Il est austère sur le cassis, l’herbe coupée, le cornichon et l’endive. Il est calcaire à souhait, terrien comme jamais. En bouche il est poivré mais laisse vite la place à une fantastique mache et une acidité minérale tout à fait magistral. Il me fait penser dans son équilibre à un muscadet. Ce n’est pas un empereur, mais un duc qui vit dans sa terre.

Le Rabelais Algérie rosé 1952 n’est pas sans me rappeler le Rabelais rouge 1951 bu à l’académie précédente. Il est d’une fumée pénétrante. Il est de café, de barbecue, de tomates confites. On y trouve presque des notes d’umami et de poisson fermenté. Il est opulent. En bouche, il est très liquide mais grâcieux. Il a des tanins et fait petit à petit apparaître un ensemble d’épices, de poivre, de girofle et de cannelle, merveilleusement soutenu tous ensemble par un alcool fort proche du Marc. C’est Rabelais avec un turban.

Sidi Brahim Rosé d’Algérie vin fin 1961 . La robe est la plus profonde de cette glorieuse série. Elle est marronnée. Le premier nez est surprenant, de cola et de cerise. Il est si jeune. Il est opulent comme un vieux sauternes perdant ses sucres. La bouche est légère puis austère, avec une finale sur les encens, la girofle et le poivre vert merveilleuse. La finale le déséquilibre complètement et le fait vaciller, on passe d’une gorgée à une autre d’un amer terrible à une acidité claquante. C’est tout à fait curieux. Il est dans le charme de l’inaccomplissement, dans le plaisir de l’inachevé.

Château Ausone 1937. Qu’un Bourguignon en vienne à dire que les Bordeaux sont formidables, c’est vraiment qu’ils étaient à la hauteur…

Ausone est d’une robe rouge encore légèrement foncé. Il est presque opaque avec des reflets ocres. Son premier nez évoque la fraise, la pierre, les bais roses et le piment rouge. Puis vient l’évidence : Ausone 1937 est un fumeur de havane. Tout sent en lui le cigare. La bouche est ample, cohérente, avec du fruit écrasé du plus bel effet. Les tanins ont fondu, le vin a une belle acidité. Il aime la viande. Avec le temps hélas, le vin développe des notes de champignon, de cisal et d’humidité que j n’aime guère.

Pichon-Baron 1928… Que dire. La robe est opaque. Le vin est teinturier, la couleur accroche la parroi. Il est à peine tuilée et a du dépôt en suspension. Il est fait de cirage, de poivron rouge. Il est terrestre, évoquant à peine le sous-bois. Si ce n’est pas un prêtre en soutane, on pourrait presque l’associer à l’Angélus peint par Millet. Il a en bouche une grâce et une amplitude merveilleuse avec des notes de violette à se damner. La girole fumée lui convient tout à fait. Surtout, ses tanins sont âpres et puissants, sans équivalents. C’est un excellent 1988, à 60 ans près. Absolument étonnant.

Charmes-Chambertin Louis Latour années 1920 réalise presque la prouesse dont le Meursault a été capable. Il était aussi au niveau vidange, et le bouchon était venu en mille morceaux. La robe est marron trouble, mais le premier nez est tout aussi chocolaté que le Krug. Il a quelques notes de pommes qui soulignent de l’oxydation, mais la grande cohérence du nez invite à goûter. En bouche, les notes d’Ajowan ont envahi le vin, la bouche est austère et puissante mais ne délivre son message que dans la longueur. Il a des tanins, il ne cherche pas à plaire. On pourrait presque dire qu’il est rustre et qu’il est désagréable, mais sa violence et ses faiblesses le rendent paradoxalement attachant. Sa finale de fumée et de cacahuète me passionnent. C’est le vieux Salamano et son chien dans l’Etranger de Camus.

Gevrey-Chambertin 1er cru Guichard-Portheret 1929 est une franche réussite, car tout en lui est éternel. Sa robe est rouge brillante. Il ne vieillira jamais. Il a une grande acidité, mais évoque le cirage, le poivre noir, la rhubarbe. Il est fait de cardamome et de plantes vertes. En bouche, sa masse tannique est énorme, et il évoque comme un souvenir lointain les fruits rouges comme un pinot noir fraichement vendangé. Avec le temps, il laisse apparaître des notes de rose tandis que la bouche s’affine est devient saline. C’est un empereur.

On m’apporte tour à tour des verres de Clos des Lambrays 1943 et de Pommard La commaraine 1937. Ils sont plaisants, surtout le Pommard 1937 qui a une bouche de poire et de pain grillé envoutante. Mais même par rapport au Charmes-Chambertin, ils sont un peu à la traine !

Le Barolo 1912 est sans doute l’énigme de la distinction. Comment un vin de 110 ans peut être sans aucun manque ? La robe est rouge orange, sans disque d’une couleur dégradée. Il est cohérent, clairet, filtré, avec des reflets dorés. Le premier nez s’offre sur la noix, le gorgonzola, l’écrasé de menthe. En bouche, il est evanescent, un pur jus d’orange qui se déploie avec des notes ça et là de poivre vert. Il est d’une grande finesse, car rien ne lui manque et son message est infiniment simple et clair. Il n’y a aucune fioriture. C’est comme Horowitz à la fin de sa vie : lorsqu’il joue Rachmaninov, il ne bouge plus que les doigts, tout autre mouvement du corps est devenu superflu et a disparu. Il n’y a plus d’écart, plus d’embellissement, rien de baroque, seulement le pur mouvement sans aucun faux-mouvement… Comme il est difficile de faire simple, disait Van Gogh !

Rouge d’Algérie 1947 domaine Frédéric Lung est le dernier rouge, et il n’est pas sans lien de famille avec les rosés du même vigneron qui l’ont précédé. Sa robe est rouge profonde, assez opaque. Il a des notes de café enivrantes, de cannelle de ceylan. On est chez un marchand d’épice. Il invite au voyage… et à ne pas prendre le volant, car il est largement au-dessus des 13 degrés d’alcool sur l’étiquette. Il est puissant, comme un tank. Il est pénétrant et fait tout sentir plus intensément. Il est un peu huitré et crayeux sur la finale, ce qui limite hélas la magie.

Moulin Touchais Anjou 1928 est d’une robe or brillante, orangée mais aux reflets verts fluorescents. Il a des notes que j’adore : la quiuine, l’orange très amer, le fenouil. Il est médicamenteux, mais dans le bon sens du terme. Il évoque le chèvre frais. On sent plutôt du passerillage au nez. En bouche, c’est très surprenant, car il est gras et ample, avec une certaine lourdeur et densité. Il évoque l’amande, la frangipane. Ce n’est pas l’électricité d’un pur botrytis, mais il est tout de même saisissant.

Haut Sauternes Boussay Cru Lamothe vers 1900 est d’une robe orangée, assez jaune encore. Il est très frais, fait de citron vert. Il est brillant et cohérent, mais il rend confus, car il est trop vivace pour être de son âge. Il évoque la pistache et la rose. En bouche, on sent bien le botrytis, il est d’une belle longueur et d’une acidité clinquante. Il me fait plutôt penser à 1934 ou 1937. Ce qui me surprend aussi, c’est qu’avec le chocolat il réalise un mariage de raison, alors que les vieux Sauternes préfèrent les fruits.

La fin de soirée est prompte aux échanges et aux dégustations. Les moins téméraires dédaignent les vins liquoreux qu’ils n’hésitent pas à apporter. Deux vins surprennent tout particulièrement. Le Massandra 1961 est un pur bonbon à la menthe. Une menthe de bonbon de voiture, extrêmement précise et concentrée. En bouche, c’est une canne à sucre, riche et saisissante. Le Gilette Crème de tête 1937 présente un nez curieusement très proche du Sauternes Boussay cru Lamothe vers 1900, ce qui tend à penser que le second a l’âge du premier. Mais c’est sa bouche qui illumine la soirée et la conclut brillamment, car c’est désormais une menthe marocaine qu’on ressent, avec une densité et un gras qui entoure l’ensemble du palais. L’acidité domine l’ensemble, et donne envie de se resservir, encore, pour la beauté du geste.

Il est difficile d’établir un classement tant les réussites sont nombreuses, mais je dirais : (1) le Barolo, pour sa perfection et la clarté de son message, (2) le Meursault pour l’immense surprise qu’il a fait et son mariage absolument parfait avec l’entrée de saint-jacques et d’herbes en salaison, (3) ex-aequo le Pichon-Baron 1928 et le Gevrey Chambertin 1929 qui représentent chacun leur région et leur millésime à la perfection, (5) le Lung 1945 qui ne se livre qu’avec du temps mais laisse entrevoir un monde tout à fait magique et son homologue (6) Lung 1947 rouge qui reste envoutant au nez. Viendraient ensuite l’Anjou, le Gilette, l’Ausone et l’ensemble des rosés.

Déjeuner au siège des champagnes Salon et Delamotte jeudi, 30 novembre 2023

Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte reçoit de temps à autre des amis amateurs de ses champagnes pour un déjeuner appelé : « entre privilégiés ». Je reconnais des participants avec qui j’ai déjà fait de belles dégustations. Nous serons nombreux car il y a quatre jeunes personnes de Chine ou du Japon et des têtes nouvelles puisque nous sommes plus nombreux que d’habitude, autour de vingt personnes.

J’avais vu sur Instagram que le compte du champagne Salon a parlé plusieurs fois du millésime 1905. Cela a attiré ma curiosité et, sans savoir si je l’ouvrirais, j’ai pris avec moi une bouteille d’alcool de 1905 sans aucune autre indication que la date.

Lorsque j’arrive au domaine, je demande à Didier à quoi correspond 1905. Il me dit que c’est le premier millésime fait par Aimé Salon. La réponse est claire et m’invite à ouvrir l’alcool 1905. Didier pense que c’est un alcool de prune. Je suis plus circonspect car je sens l’alcool mais je ne vois pas un fruit précis.

Nous allons en salle de dégustation, accueillis par un Champagne Blanc de Blancs Delamotte sans année. Ce champagne est une très belle expression précise et ciselée de ce que doit être un blanc de blancs.

Avant de passer à table Didier fait dégorger dans la cour deux magnums dont il ne donne aucune idée d’âge.

Nous passons à table. Comme chaque fois il y aura des vins à deviner. Les trois premiers champagnes sont servis dans des verres différents. Nous cherchons tous des différences et il est assez consensuel de classer le 2ème puis le 3ème et le 1er. On se torture en conjectures et nous sommes bien attrapés car les trois champagnes sont les mêmes, le Champagne Delamotte 2018. Il est délicieux dans sa jeunesse et on voit l’importance des verres dans la dégustation, puisqu’ils créent des écarts très sensibles.

Didier Depond est très fier car le millésime 2018 est le premier où il a pu inclure dans le vin les six grands crus de la Côte des Blancs, alors qu’il n’y en avait que quatre jusqu’alors.

La deuxième série d’énigmes est une comparaison de deux Delamotte 2007, le Champagne Delamotte 2007 dégorgé d’origine et le Champagne Delamotte 2007 dégorgé il y a six mois. Le dégorgé récent est tout en fraîcheur alors que le champagne initial a plus d’assise et de complexité.

Le menu conçu par un restaurateur célèbre de la Champagne est ainsi rédigé : Langoustine marinée caviar / le saumon de Normandie, mi-cuit, tiède, sauce champagne, émulsion de pomme de terre fumée et caviar / bar de ligne « ikejimé » de pêche artisanale de Vendée, fondu de fenouil et huîtres Gillardeau, sauce champagne / filet de cerf d’Alsace rôti, sauce cassis / bouillon clair de pot au feu / fromage frais et affinés / fine tarte aux pommes, glace vanille / café et mignardises.

Ce menu est raffiné et très bien exécuté. Le plat qui m’a enthousiasmé est celui du saumon.

Trois champagnes sont bus sans énigme, le Champagne Salon 2013 qui promet énormément et qui est déjà parfaitement expressif et équilibré, le Champagne Salon 2002 dégorgé ce matin dans la cour et le Champagne Salon 1996. Le 1996 est un seigneur éblouissant alors que le 2002 est beaucoup plus sentimental. Si le 1996 m’impressionne, le 2002 m’émeut.

Suivent deux vins rouges à boire à l’aveugle. Beaucoup de réponses allaient vers le bordelais. J’ai été le seul à suggérer l’Espagne pour le premier et j’ai visé juste. Le premier est un Priorat Terrasse Espagne 2007 et le second que j’avais déjà gouté est un vin argentin de 2013 qui est fait en collaboration par Didier Depond et un de ses amis présents que j’apprécie beaucoup.

Le champagne suivant est un Magnum Champagne Delamotte Collection 1983 et j’ai été le premier à donner le bon millésime (si je cite mes prouesses, c’est parce qu’il y en a peu). Ce champagne délicat est absolument charmant et montre à quel point l’âge est un facteur positif.

Nous poursuivons avec deux magnums de Champagne Delamotte Rosé base 1993 que j’adore car il explore des pistes de goûts irréels et énigmatiques. Et je suis conquis par ses subtilités joyeuses.

Le suivant est un magnum de Champagne Salon 1976 dont la couleur est assez proche de la couleur du rosé. Quel grand champagne racé et vif, d’une jeunesse que seuls les grands champagnes peuvent garder.

Sans que j’aie été prévenu huit bougies allumées arrivent devant moi. Quelle gentille attention que de fêter mes dix fois plus d’années que de bougies.

C’est alors que j’explique pourquoi j’ai apporté un alcool de 1905. En le sentant, le parfum m’indique la possibilité d’un armagnac, plus qu’une prune. Et en bouche je suis surpris par un sucre très présent. Et cela me semble une évidence : c’est un Rhum 1905 absolument splendide, d’une force qu’on n’attendrait pas de 118 ans ! Un régal rare.

Didier réussit à créer une ambiance extrêmement amicale qui aide à la dégustation. A part le Rhum sublime, mon cœur ira vers le Salon 1976 et le brillantissime rosé 1983 de Delamotte.

Quelle belle journée d’amitié !

279ème repas au restaurant Pages jeudi, 30 novembre 2023

Un Mexicain qui me suit sur Instagram m’a demandé d’organiser un de mes repas pour un petit groupe de quatre et il me donne un budget pour ce repas. Il demande aussi que son groupe participe à l’Académie des Vins Anciens. Il est prévu aussi que son groupe vienne assister à l’ouverture des vins à 10h30 avant le déjeuner au restaurant Pages que j’apprécie pour son adaptabilité à l’organisation de tels repas. Ce repas sera le 279ème de mes repas.

A 10h30 nous sommes présents tous les cinq. Je souhaite commencer par ouvrir La Tâche 1986 qui doit profiter du temps le plus long d’oxygénation lente. Le bouchon est extrêmement serré et j’ai de grandes difficultés à le tirer. Commencer de cette façon n’est sans doute pas très brillant pour impressionner mes convives car j’arriverai à tirer le bouchon seulement après l’avoir cassé en deux au milieu. J’aurais bien aimé le garder entier car il est beau. Le parfum est encore timide mais prometteur.

J’ouvre ensuite l’Hermitage blanc Chave 1993 et je suis face au même problème de bouchon trop serré, mais je m’en tire beaucoup mieux. Le nez est lui aussi timide mais moins que La Tâche. Il promet un beau résultat.

Le Chambertin 1990 a un bouchon qui vient entier sans problème et la délicatesse de son parfum annonce de belles choses.

L’Yquem 1944 a une bouteille magnifique, avec un niveau parfait. La couleur est d’un acajou presque noir en haut de bouteille et des reflets plus dorés en bas de bouteille du fait que la lumière traverse le verre du fond. Le bouchon est d’une qualité parfaite et le parfum est une explosion de fragrances séduisantes.

J’ajoute au programme convenu un Château l’Etoile Vin Jaune 1982 au parfum très fort d’un bel alcool car j’ai envie d’associer des blancs très différents.

Mes nouveaux amis qui avaient lu mes aventures attendaient que je propose, après la séance d’ouverture, d’aller au restaurant 116 pour boire une bière et sucer des édamamés. Ce que nous faisons, dans une ambiance de belle complicité. Cette étape au restaurant 116 fait partie du rite de mes repas au restaurant Pages.

Avant que mes convives n’arrivent, j’avais mis au point le menu avec le chef Ken et le pâtissier. L’idée du menu est de petits amuse-bouches, puis : filets de rouget crus / lieu jaune sauce umami / raviole de homard / veau avec une sauce au vin / wagyu et sa gaufre / saint-nectaire / dessert à la châtaigne.

J’ouvre le Champagne Dom Pérignon 1982 et un joli pschitt accompagne la sortie du bouchon. Le Champagne est magnifique, cohérent et c’est en fin de bouche qu’un joli fruit apparaît. J’adore le millésime 1982 et cette bouteille est d’une qualité particulière.

Pour le poisson cru, nous aurons le champagne et le Château l’Etoile Vin Jaune JH Vandelle 1982 de la même année. Le vin jaune est fort et superbe. Je trouve que l’accord avec le poisson est plus excitant avec le vin jaune même si le champagne est beaucoup plus subtil.

Le poisson est accompagné de l’Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993. Sa fraîcheur à la longueur éternelle m’impressionne énormément. L’accord avec la sauce umami est divin. C’est un instant de pur bonheur.

La raviole de homard est à l’aise avec le champagne et le vin du Jura. La juxtaposition des trois vins, de Champagne, du Jura et du Rhône est idéale pour voyager dans toutes les gammes de goûts.

Le Chambertin Rossignol Trapet 1990 a une forte parenté avec le Chambertin Trapet 1990 que j’adore. Ils sont vraiment cousins. L’accord avec le veau discret est subtil. Ce chambertin exprime la sensibilité des vins de Bourgogne. Et nous allons connaître les mêmes sensations en faisant suivre ce vin par La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 que celles que nous avons eues avec les gagnants d’un championnat européen de dégustation à l’aveugle : le chambertin est si riche et si percutant qu’il domine, dans le cœur de mes amis, la subtilité du vin de la Romanée Conti.

J’aime beaucoup La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 au goût mêlant raffinement et puissance. Comme il y a une semaine je mets le vin de la Romanée Conti devant le chambertin et mes convives le mettent derrière.

Le wagyu, gras mais pas trop, est un compagnon idéal pour La Tâche.

Le Château d’Yquem 1944 est un vin d’une grâce infinie. Sa couleur annonce des goûts de marron, qui convergent vers le délicieux dessert aux châtaignes. C’est un régal raffiné.

La pertinence des accords a impressionné mes nouveaux amis mexicains.

Nous votons et c’est assez invraisemblable que nous ayons quatre gagnants mis en place de numéro un, alors que nous ne sommes que cinq. C’est le chambertin qui a deux votes de premier, ceux qui ont un vote de premier sont le Dom Pérignon, l’Hermitage blanc et l’Yquem. J’ai mis l’Hermitage en premier car la sensation de fraîcheur m’a impressionné fortement. Mes amis ont été étonné que nos votes puissent être aussi distincts.

Le vote global serait : 1 – Chambertin Rossignol Trapet 1990, 2 – Champagne Dom Pérignon 1982, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986, 4 – Château d’Yquem 1944, 5 – Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993, 6 – Château L’Etoile Vin Jaune JH Vandelle 1982.

Mon vote est : 1 – Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986, 3 – Chambertin Rossignol Trapet 1990, 4 – Château d’Yquem 1944, 5 – Champagne Dom Pérignon 1982.

Dans deux jours je vais revoir ces nouveaux amis à l’académie des vins anciens. Ce sera une toute autre expérience.

entre conscrits au Yacht Club de France jeudi, 30 novembre 2023

Nous nous retrouvons entre conscrits au Yacht Club de France. Thierry Le Luc, le directeur de la restauration du club a apporté un soin particulier à cette rencontre. Les hors-d’œuvre sont toujours pantagruéliques et pourraient suffire pour un déjeuner : poutargue, ris de veau, croustillant, andouille, risotto aux gésiers.

Ils sont accompagnés par un Champagne Laurent-Perrier millésimé 2012 de belle fraîcheur, très agréable à boire. Voilà une bonne pioche !

Le menu est : assiette de fruits de mer / rôti de lotte comme une viande, sauce béarnaise, girolles et cèpes, légumes de saison / fromages d’Éric Lefebvre / Pavlova aux agrumes.

Deux rôtis de lotte ont été présentés dans des potirons comme un clin d’œil à Halloween. Ce plat est remarquable. La lotte et la Pavlova ont été les grands moments du repas.

Deux Meursault de 2017 et 2018, un Puligny-Montrachet 2020 et un Château les Carmes Haut-Brion 2002 ont accompagné le repas, fort agréables. Je n’ai pas bu le vin rouge car je n’ai pas pris de fromage, du fait d’agapes très rapprochées des précédents jours.

L’équipe du Yacht Club de France fait des prouesses pour nous satisfaire, et ça se sent. Nous en sommes reconnaissants.

Dîner pour les vainqueurs d’un concours européen de dégustation à l’aveugle vendredi, 24 novembre 2023

Une habitude avait été créée il y a quelques années de proposer à des étudiants de grandes écoles de participer à l’Académie des Vins Anciens en bénéficiant d’un tarif préférentiel. Plusieurs étudiants de diverses écoles, HEC, Normale Sup et autres, en avaient profité. J’avais revu certains étudiants lors de dîners privés et j’ai appris qu’ils avaient formé un groupe qui participait aux compétitions ouvertes aux grandes écoles européennes de dégustation de vins à l’aveugle.

J’avais dit à ces candidats : si vous gagnez la compétition, j’ouvrirai pour vous de belles bouteilles. Il se trouve qu’ils ont gagné. Je n’ai pas vu le diplôme, je fais confiance.

Nous avons échangé des messages pour mettre au point le programme des vins. L’un des lauréats a proposé un restaurant que je ne connais pas, le restaurant Passionné, fondé il y a un an. Le personnel est prévenu que je viendrai vers 17 heures ouvrir les vins.

Lorsque je me présente, l’accueil est sympathique. On sent le personnel très intéressé et concerné par notre dîner.

J’ouvre les vins. Le serveur ou sommelier qui accompagne mon travail vient avec plusieurs carafes et je lui dis que je ne les utiliserai pas. Pendant l’ouverture, je me fais expliquer les plats conçus par le chef Satoshi Horiuchi et je fais modifier l’ordre de service, j’ajoute un plat et certains ingrédients seront évités, comme la vanille ou la vinaigrette. Cela se fait dans un climat ouvert.

Le Montrachet Caves Nicolas 1928 a un verre très clair qui permet de voir que le vin est trouble. Le nez n’est pas parfait mais il faut attendre avant de juger. Le Kébir Rosé Frédéric Lung probable 1947 a un nez qui me rappelle de beaux souvenirs. Un sourire illumine mon visage.

Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 a un parfum qui promet du bonheur et La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1963 promet de la grandeur.

J’ouvre maintenant le vin parmi les trois que j’ai apportés qui est le cadeau symbolique pour mes amis gagnants du concours : le Cru de Coÿ Enclave Yquem Sauternes 1923. Il a cent ans tout juste et il a vécu dans le berceau d’Yquem. Il y a un fort symbole dans ce cadeau. Son parfum est d’une justesse parfaite.

L’ami qui a apporté son vin, le Château Siran Margaux 1929 est un héritier des propriétaires. La bouteille a été reconditionnée au château en 2002. On sent que le parfum est plus jeune que celui d’un 1929, même si le vin est authentiquement de 1929.

Les deux champagnes sont ouverts au dernier moment car je ne voulais pas les ouvrir avant l’arrivée de leur apporteur.

Les bouteilles étant ouvertes, j’ai le temps de me rendre au siège de la Banque J.P. Morgan où le cognac Hennessy va faire goûter des cognacs d’exception en présence du Maître Assembleur Renaud Fillioux de Gironde. Je bavarde avec plusieurs personnes invitées en grignotant des petits canapés sympathiques et en buvant un champagne du groupe Moët Hennessy. Devant repartir assez vite, je demande à Renaud de me faire goûter un seul cognac avant le début de la dégustation. C’est un Cognac Richard Hennessy qui m’est tendu. Quel grand cognac. Il ne peut se boire que religieusement.

Je reviens vite au restaurant Passionné. Le menu du repas est : Le menu : amuse-bouches: saint Jacques, crabe, tourteau et betterave / saint Jacques dans sa coque, ormeaux avec aubergine / déclinaison autour du champignon, comme un café gourmand / lieu jaune / ris de veau et crevettes / canard / lièvre à la royale / Tatin / cannelés exotiques.

Parmi les deux champagnes Pol Roger Demi-Sec nous commençons par le Champagne Pol Roger Extra Cuvée de Réserve Demi-Sec années 50. C’est la mauvaise pioche car en voulant le plus sec des deux, nous nous sommes méfiés de la notation « goût français », mais le plus dosé est l’extra cuvée de réserve. Le champagne en soi est follement intéressant, mais il le serait plus sur le dessert que sur les entrées. La coquille Saint-Jacques crue n’est pas à l’aise avec lui aussi nous précipitons le service des blancs. Le Montrachet Caves Nicolas 1928 a un nez incertain que l’un d’entre nous trouve bouchonné. Je lui suggère de passer outre ce sentiment, car en milieu de bouche le vin est extrêmement agréable. Il est riche et puissant, et en laissant de côté le très léger défaut de nez, on se régale.

Le Kébir Rosé Frédéric Lung probable 1947 est un vin absolument plaisant aux goûts exotiques. Les ormeaux sont magnifiquement réussis et trouvent un écho avec le vin algérien. Les ormeaux pourraient cohabiter avec un vin rouge et l’essai avec le Château Siran Margaux 1929 est concluant. Ce vin de Bordeaux est frais avec des accents jeunes. Il est riche et cohérent. Je le trouve accompli comme un 1929 doit l’être.

J’avais vanté les qualités du Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 que j’avais massivement acheté il y a une quarantaine d’années. Damoy était le nom d’une chaîne de magasins et peu de gens s’intéressaient à un chambertin doté d’un tel nom. Quelle erreur, car ce vin que j’ai mis souvent dans mes dîners finissait presque chaque fois en premier ou en second des votes des convives. Alors après tant de compliments, mes jeunes amis étaient curieux.

Sur le ris de veau, bonheur absolu, car ce chambertin est d’un accomplissement total. Il a des notes salines qui suggèrent un peu celles des vins de la Romanée Conti. Il est riche, droit, serein. Une merveille et mes amis comprennent mon amour pour ce vin. Ils sont conquis.

Pour beaucoup, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1963 est le premier vin du domaine de la Romanée Conti qu’ils découvrent. Et ils ont une immense chance car cette Tâche est exceptionnelle. Par un hasard de l’histoire, il y a le même nombre de vins mis en bouteilles pour les millésimes 1963 et 1966. Comme la donnée du nombre de bouteilles produites est la seule permettant une identification je pourrais choisir 1963 ou 1966, mais le caractère gracieux et délicat de ce vin subtil me suggère de le dater en 1963. La rose et le sel sont présents avec grâce et raffinement. C’est une Tâche qui ne joue pas sur sa puissance mais sur son élégance. Un immense vin, idéal pour le lièvre à la royale que j’ai préféré à celui du Train Bleu beaucoup plus gibier. Celui-ci, plus doux mais très goûteux, est idéal pour le vin. Du bonheur.

Le Cru de Coÿ Enclave Yquem Sauternes 1923 est un sauternes d’une grande délicatesse. Il est subtil et délicieux mais il n’a pas le coffre des vins d’Yquem. Ce qui est intéressant c’est qu’il a atteint un équilibre qui le rend sans âge. A l’aveugle, personne ne s’aventurerait à lui donner cent ans. C’est un vin d’un bel équilibre. J’avais demandé pour ce vin une Tarte Tatin, mais j’ai trouvé qu’elle ne faisait pas Tatin et n’apportait pas sa douceur appuyée au vin. Boire ce vin centenaire est un grand moment.

Le Champagne Pol Roger Grand Vin Goût Français Demi-Sec années 50 est absolument charmant. On regrette qu’il n’ait pas été en tête de repas, car il est beaucoup plus sec que le premier que nous avons bu. Dommage car ce champagne raffiné est très grand.

Il y a quelques mois quelqu’un a remis au restaurant L’Ecru de France un petit flacon à mon intention. On peut lire sur le verre : Pure Single Rum Renaissance Distillery Isle of Formose Single Cask. Je ne sais pas du tout qui me l’a adressé et s’il lit cet article, qu’il me contacte pour que je le remercie. Nous buvons ce rhum comme point final de notre repas, mais ce breuvage m’évoque beaucoup plus un excellent Bourbon qu’un rhum. Agréable à boire, large d’épaules, mais très peu rhum.

Que dire de ce repas ? Mes amis sont charmants, ils ont l’avenir devant eux et ils aiment le vin ce qui est un atout de plus. Je suis heureux de leur avoir fait découvrir deux bourgognes dans leur plus belle expression. Le restaurant a été très réactif, dans une ambiance de belle coopération. Les apports de mes amis ont été généreux. Les ormeaux et le lièvre à la royale m’ont séduit.

Ce grand moment d’amitié avec des jeunes prometteurs est très important pour moi.


Après mon compte-rendu il est intéressant de voir les comptes rendus des participants. C’est très intéressant de voir ces approches différentes.

Compte-rendu d’un des convives :

(1)         Pol Roger demi-sec, années 1950 : la robe est claire, brillante et orangée. L’on dirait un sauternes de vingt ans tant la couleur est sirupeuse. Le premier nez est opulent, encore sur les fruits jaunes et la mangue. C’est très surprenant, avec encore un peu de brioché qui donne de la jeunesse. Le nez s’arrondit sur la cire, le menthol : mon ami à ma gauche me dira que cela fait penser aux salons nouvel-empire. Je ne peux qu’y souscrire.

La bouche est surprenante. Une légère bulle soutient le vin et lui donne de l’ampleur. La longueur est immense, avec un sucre épais et massif. On peut hésiter entre 100 et 200 grammes de sucre résiduel. Je m’attendais avec la mention « demi-sec » à moins, mais avec l’âge le sucre est suffisamment patiné pour que le vin ouvre le bal sans heurter les suivants.

Il me rappellera un cidre de glace fait par Antoine Marois et dégusté il y a quelques semaines. Un merveilleux vin.

(2)         Le montrachet est d’une robe jaune léger. Elle est intemporelle. Le nez est initialement fatigué, avec un voile liégeux. Si l’on passe outre, on a un bouquet tout à fait terrien. Les notes de fruits secs sont belles et légères, la truffe blanche est opulente.

La vraie magie opère en bouche. Le vin n’a pas la moindre trace de bouchon et la structure est proprement magistrale. On croirait une cathédrale. La rétro-olfaction est une définition extrêmement précise de la morille, cette précision est magique. Le vin est puissant, ample, il se déploie de façon concentrique puis ramène à l’essentiel par une acidité salvatrice. C’est un vin de méditation qui se marie merveilleusement avec la Saint-Jacques. C’est un vin merveilleux par ce qu’il donne, si on accepte cette légère imperfection du nez.

(3)         Le Kebir rosé années 1940 est tout l’inverse. C’est une perfection au nez, avec des notes de fleurs enivrantes. On a toute l’opulence de la datte. Le vin semble intemporel. La bouche est puissante et alcooleuse, mais je lui trouve de légers écarts. C’est trop crayeux, trop huîtré. Je retrouve cela sur certains vieux vins blancs ou rosés, et je ne pense pas que cela provienne du terroir. La nourriture lui fait le plus grand bien, notamment l’ormeaux qui réalise avec ce vin un mariage d’amour.

(4)         Le Siran 1929 a été reconditionné au domaine il y a moins de dix ans. Le nez est éclatant, c’est un cigare et des notes de fumées merveilleuses. Le vin est précis et net en bouche, avec une puissance de l’alcool et des fruits compotés que l’on n’imaginerait.

(5)         Le chambertin clos de Bèze 1961 de Pierre Damoy arrive, et l’on pourrait croire à un miracle. Le vin est d’une puissance sans commune mesure. Dès le nez dans le verre, impossible de s’en sortir. On sent la figue rôtie, une très légère olive noire, de la fumée… A l’aveugle, qui dirait que ce vin n’a pas 20 ans ? La bouche est stratosphérique, il est difficile de pouvoir lui trouver une comparaison dans mon parcours. Elle est tannique, d’une longueur interminable.

Le vin est puissant, terrien, il impose son monde. Quelques rires nerveux caractérisent l’atmosphère de la table. C’est ça un grand cru de bourgogne. Quel vin.

(6)         La Tache 1963 domaine de la Romanée Conti. Après de tels propos dithyrambiques sur Clos de Bèze, vous allez me dire que je vais faire encore au-dessus avec la Tache. C’est plus nuancé, mais je n’arriverai pas à mettre un de ces deux vins au-dessus de l’autre. La Tache joue sur un autre registre. Le nez est merveilleux sur la rose, des fruits noirs très légers, de la cannelle. C’est incroyablement frais, un parfum subtil. La bouche est tout le contraire du Chambertin, elle n’impose rien, elle est aérienne. Elle passe d’une senteur à une autre, des fruits aux épices, de la fumée au sel.

La Tache est un vin qui n’a plus de chair, c’est un pur esprit. Et ca le rend magnifique.

(7)         Clos de Coÿe 1923 enclave d’Yquem est surnaturel, car on ne peut pas lui donner d’âge. On y trouve de la mandarine, du citron vert, une fraicheur et un exotisme d’une grande exubérance. Le nez est aussi dominé par des notes de plastique brulé, de noix de coco grillée, de torréfaction puissante. Je suis persuadé que ce vin a séjourné longtemps dans un fut très neuf, car ces notes sont puissantes. En bouche, la mache est immense, le sucre est massif avec une acidité mordante qui étend longuement le vin.

(8)         Pol Roger années 1950 « goût français » a du mal à passer avec Coÿe, car nous l’attendions extrêmement sucré, encore plus que le premier champagne et le clos de Coÿe. C’est l’inverse qui se produit, il est moins sucré et plus fatigué que le premier champagne.

Compte-rendu d’un autre participant

Bonjour à tous, je tiens tout d’abord à vous dire un grand merci pour ce dîner dantesque et dont je me souviendrai longtemps. Puisse le vin continuer à nous rassembler à l’avenir comme il le fait avec tant de complicité. Mon classement est le suivant :

-Chambertin 1961

-La Tâche 1963

-Montrachet 1928

-Cru de Cöy 1923

-Château Siran 1929

-Le premier Pol Roger années 1950

-Kébir Rosé 1950

-Le dernier Pol Roger « goût français » années 1950

Je mets le Chambertin juste au-dessus de La Tâche en raison du choc ressenti au moment de plonger mon nez dans le verre. C’était une expérience sensorielle rare, un tremblement de terre après les premiers vins qui étaient alors déjà excellents. Surtout après le Siran. En goûtant ce dernier, c’est un peu comme si j’avais eu en moi la preuve que l’univers est immense et que nous ne sommes qu’un point infime perdu dans sa totalité ; mais le Chambertin m’est apparu comme l’infini, il m’a montré que l’univers était en fait au-delà de notre conception des distances. La couleur cuivre sublime attire instantanément le regard avant de révéler des arômes de viande rôtie et de poivre chaud, de ceps et de truffes noires. La bouche était d’un velours soyeux et ample, avec une sensation poivrée sur la langue que je n’avais jamais ressentie.

J’avais en bouche un vrai vin épicé. Un vin très viril, inoubliable.

La Tâche était au même niveau, soyons francs, mais il venait après un titan, ce qui a réduit la distance de surprise dans la dégustation entre les vins. Le Chambertin avait en plus l’avantage de correspondre davantage à mes goûts personnels. La Tâche était plus subtile, plus aérien, magistral de longueur et de fraîcheur en bouche. Chambertin est un Delacroix, La Tâche un Chagall. Deux conceptions de la noblesse et de l’excellence. Le nez de roses surannées est unique en son genre, enivrant et profond. Le gros sel est d’une fraîcheur impressionnante. En bouche, la structure était celle d’une cathédrale : long et tout en oraison. En effet, le vin rebondissait sur la langue, montait vers le palais pour redescendre dans un va-et-vient incontrôlable, joyeux : divin.

Au moment de goûter le Montrachet, j’ai eu peur à cause des effluves de bouchon qui s’en dégageaient. Mes craintes furent vites dissipées à mesure que le vin s’ouvrait dans le verre. Car j’avais devant moi un vin presque centenaire d’une fraicheur désaltérante. L’acidité du vin soutenait et amplifiait des arômes de vieille poire et de tabac blond.

Le côté suranné offrait à la dégustation une profondeur mystérieuse et insaisissable. L’accord avec les ormeaux l’aura rendu incontournable pour ce classement.

Le cru de Cöy est quant à lui au rang des vins éternels. Sa robe or-cuivre avec des reflets rouges était d’une beauté incomparable. S’il eût pu en acheter, Sardanapale aurait bu de ce vin à son image : un vin opulent, d’une richesse démesurée. Plonger le nez dans ce verre, c’est se perdre dans des plaisirs exotiques violents, mélange ahurissant de fruits et d’encens, d’épices et de sucre. En bouche, je fus agréablement surpris par un taux de sucre maitrisé, équilibré par une acidité qui n’a pas pris une ride. Est-il vraiment nécessaire que je fasse l’éloge de sa longueur en bouche ? L’homme n’a pas encore inventé l’outil capable de la mesurer.

Château Siran est le vin qui m’a séduit au premier nez. Le goûter m’en fit tomber amoureux. D’une élégance aristocratique, sa robe pourpre fut confectionnée par une maison de haute couture et lui rend la beauté de ses vingt ans. On ne se lasse pas de son bouquet de pivoines et de fruits rouges mûrs. C’est un vin divinement féminin, digne de Margaux.

La bouche est suave, caressante. On reste sur un mélange de cerise confite, de vanille et de cardamome. Et moi qui pensait que le Bordeaux serait plus dominateur que le Bourgogne ! Le Siran fait la révérence tandis que le Chambertin jette ses armes sur la table.

On peut dire qu’un dîner commence bien lorsqu’il s’ouvre sur un Pol Roger demi-sec années 1950. Davantage demi que sec, le vin se love entre les papilles et vient chatouiller le palais. C’est doux, c’est frais, d’un gras fin et gourmand à la fois. Je prenais plaisir à remuer régulièrement mon verre tout au long du repas car s’en dégageaient des arômes nostalgiques de boiseries anciennes. Un vin joyeux et mélancolique à la fois :  la classe à la française.

Boire un Kebir c’est remettre un képi. Le temps d’un repas, hors du temps. La sensation incroyable de boire un vin produit à Alger dans les années 1950 est difficile à décrire. On s’attend à tout, sauf à ça. Le nez est expressif, un subtil mélange de groseille et de cumin. La bouche est chaude, on sent tout de suite la tenue du vin : stricte, d’une grande dignité. C’est un rosé dans toute sa splendeur : ni blanc, ni rouge, il ne prend pas parti. C’est le vin à part de la sélection, étonnant, fascinant, indépendant.

Le Pol Roger « goût français » m’a finalement semblé plus fermé par rapport aux autres. Mais il faut reconnaitre qu’être servi en dernier après cette ascension de l’Olympe est un rôle ingrat. Mon attention quelque peu distraite en cette fin de repas n’y est aussi probablement pas étrangère. Le vin était néanmoins très agréable, gourmand, beurré. D’un beurre vieilli, affiné. La bouche ne ment pas et vient clore en beauté ce dîner spectaculaire.

Je tiens à saluer le travail du chef Horiuchi et toute l’équipe du Passionné pour l’organisation de ce cette expérience inoubliable.

L’intelligence est une question de goût.

Commentaire d’un autre participant

Merci encore pour ce moment merveilleux. Les mets étaient délicieux, les vins spectaculaires et la compagnie de grande qualité. Je me souviendrai toujours de ce lièvre à la royale avec la Tache 63.

Voici mon classement qui reflète avant tout mes goûts, car tous les vins étaient excellents.

  1. La Tâche (Pour sa complexité au nez et sa douceur en bouche)
  2. Chambertin (Pour sa puissance et ses épices)
  3. Siran (Pour son fruit et son côté féminin)
  4. Montrachet (Pour son acidité et son intemporalité)
  5. Pol Roger demi-sec (Pour son équilibre et son côté gourmand)
  6. Cru de Coy (Pour ses notes de noix et sa couler cuivrée)
  7. Kébir Rosé (Pour son nez majestueux et sa jeunesse)
  8. Pol Roger goût français (Celui que j’ai le moins apprécié car je le trouvais vieux au nez et pas très équilibré en bouche)

Gauthier, merci encore pour l’organisation. Le restaurant était clairement à la hauteur et ce fut une belle découverte. François, merci de nous avoir fait découvrir ces trésors !

déjeuner à la Manufacture Kaviari vendredi, 24 novembre 2023

Une amie américaine était présente au dîner au château d’Yquem. Elle est encore à Paris aussi nous allons ensemble déjeuner à la Manufacture Kaviari. Karin Nebot reçoit des chefs étrangers de Corée et du Danemark aussi déjeunerons-nous dans la cuisine qui est un espace fort agréable.

Nous allons déguster du Caviar Osciètre que j’aime beaucoup, du Caviar Baeri français, du Caviar Osciètre gros grains et du Caviar Cristal. Les préférences sont différentes pour chacun de nous. L’Osciètre gros grains que je mets en premier est mis en dernier par ma voisine. Ma femme préfère le Baeri à l’Osciètre alors que je fais le choix contraire. Peu importe et cela prouve que ces caviars ont tous bons.

On les goûte d’abord avec des blinis et des œufs de truites, des œufs de saumon viennent compléter nos amuse-bouches avec du saumon présenté en deux formes différentes, l’une très douce et l’autre plus typée.

J’ai apporté un Champagne Dom Pérignon Magnum 1992 qui est d’une belle sérénité. Lors de son lancement ce champagne n’avait pas été encensé, car d’une petite année, mais aujourd’hui son équilibre non ostentatoire en fait un champagne adorable.

Dom Pérignon est vraiment l’ami des caviars du fait de cette aisance accueillante. Mais j’ai aussi apporté un Château Chalon Désiré Petit & Fils à Pupillin 1992. Son nez est intense et puissant avec une forte marque alcoolique mais aussi un petit soupçon de caramel.

Avec une tartine smorrebrod danoise, l’accord avec le Château Chalon est impressionnant aussi je vais le faire goûter aux danois présents dans la grande salle de la Manufacture. Ils sont comme moi éblouis de cet accord.

Nous allons dans la salle de dégustation réfrigérée faire la traditionnelle dégustation avec Alexis qui nous suit ou nous précède dans notre périple.

La suite du repas se fait à la cuisine avec de délicieuses tartes, et un dessert à base de citron. L’atmosphère chez Kaviari est toujours aimable et ouverte au partage.

L’amie américaine aura participé au diner à Langon, au déjeuner à Yquem avec l’équipe qui fait Yquem, au dîner à Yquem et à ce déjeuner. Elle a vécu une belle expérience.

Déjeuner dominical au Train Bleu vendredi, 24 novembre 2023

Le dimanche nous allons faire un déjeuner de famille au Train Bleu le mythique restaurant de la Gare de Lyon à Paris. Il est géré à la façon d’une brasserie avec une cuisine très traditionnelle. Le gigot d’agneau est découpé devant le client sur le chariot appelé « voiture de tranche », les crêpes Suzette flambent au Grand Marnier devant la table. C’est vraiment « à la française ». Nous sommes sept, chacun fait son menu. Pour moi ce sera une royale de foie gras au topinambour, un lièvre à la royale façon Michel Rostang, sauce poivrade et taglierini à la crème et des crêpes Suzette. Ma balance va en garder le souvenir pour plusieurs jours tant c’est copieux.

Nous commençons par une Champagne Collet Esprit Couture Brut Premier Cru 2012 d’une bouteille très originale. Une amertume prégnante m’a empêché d’en profiter comme j’aurais voulu. Les deux vins qui suivent ont été choisis après que deux demandes n’ont pu être satisfaites car les vins n’étaient plus en cave. C’est assez désagréable mais le restaurant a réagi en octroyant une remise sur la note finale.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos de l’Oratoire des Papes blanc 2022 est vin simple, jeune mais déjà agréable, qui a bien suivi mon premier plat qui ne m’a pas vraiment séduit.

Le lièvre à la royale est d’une puissance extrême. C’est l’expression gibier dans toute sa grandeur et c’est bon. On ne peut pas dire délicieux, car le plat est guerrier. Et le Clos Vougeot Grand Cru Domaine Jacques Prieur 2017 est idéal, car sa jeunesse gracieuse et délicate fait un contrepoint à l’envahissante grandeur du lièvre. La combinaison est idéale. J’ai beaucoup aimé ce vin gracieux et ce lièvre sauvage.

Nous étions nombreux à avoir commandé des crêpes Suzette aussi deux serveurs sont venus avec leurs chariots pour flamber les crêpes. L’un a eu la main lourde sur le Grand Marnier. L’autre l’a eu légère. Les deux versions sont agréables.

L’ambiance est très brasserie. On sent la volonté de bien faire et le dimanche pour un déjeuner de famille, c’est cela la France que nous aimons.

278th dinner in Château d’Yquem complete report of two days dimanche, 19 novembre 2023

(This translation of my notes concerning the 278th dinner corresponds to three articles in French)

The 278th dinner will be held tomorrow at the Château d’Yquem. I leave my home in the eastern suburbs of Paris at 7:30 a.m. to deliver the wines to the château so that they have time to rest there. To cover the first forty kilometers it takes me an hour and a half, as the traffic has exceeded the capacity of the car lanes. That we can imagine welcoming new populations to the Paris region is difficult to understand.

Trucks are extremely numerous on the highways and Eastern European countries must bless our 35-hour week law, because trucks from Poland, Hungary, Serbia, Lithuania and others represent almost all of those on the road, competed in the opposite direction by trucks from Italy, Spain and Portugal, because French trucks have almost disappeared, thanks to this wonderful law which made international transport impossible for French companies.

I am welcomed at the castle by the smile of Fatiha, who helped me during previous dinners at the castle and later by that of Laetitia, also present during these events. I salute Olivier Brulard, the chef de cuisine of the château, MOF 1996, with whom I had the 230th dinner in this place, five years ago now.

Olivier and I had already worked on the menu over the phone and we revised each dish together so that every detail will be perfect. Olivier understands well that each dish serves the wines, which means that each ingredient must be coherent in the construction of the dish. We understand each other half-heartedly and I like that. What impresses me is the care Olivier takes to find the best products. Whether quails or mushrooms, we are faced with the perfection of the product.

Chatting with Olivier is a real pleasure. Valérie Lailheugue, the historical secretary of Alexandre de Lur Saluces and now of Pierre Lurton comes to join me and we check all the details of the accommodation of those who will reside at the castle, the menus and all other details.

A tradition has been established since several dinners that I had at the château, which is that at lunch on the day of the dinner, I « invite » (in a way) to an informal meal those who make the wine and I share with them a very old Yquem from my cellar. At the last dinner I opened the 1893, a legendary vintage. Tomorrow, I will « receive » (so to speak) Lorenzo Pasquini, director of operations of the estate, Toni El Khawand, cellar master and Thomas Robert, head of cultivation. We therefore developed with Olivier Brulard the menu which will allow us to check some of the dinner dishes while adapting to the wines.

For this lunch I brought a Château Haut-Brion 1981 and a Yquem which I consider to be from a year close to 1880, because no year is readable on the label, the cork or the capsule. It turns out that I had put a photo of the label on Instagram which is a merchant label and not that of the domain. An astute reader found on my blog that I had opened a bottle with the same label in 2009. This bottle had a vintage: 1906. So we will probably drink a Yquem 1906 but I still believe that we are rather around from 1880.

It seems appropriate to open this Yquem now, because if I arrive at the château tomorrow around 11 a.m., the wine will not have enough time to develop. So I open it, with the intention of recorking the bottle. A new air will slowly blossom the wine. The scent of Yquem is extremely promising. The very black cap gives no legible indication.

The preparations having been made and the entire kitchen and castle team having been informed of the program, I go to Langon to the Maison Darroze hotel where I will sleep and where I will shortly have a dinner with three Americans who will participate in the dinner tomorrow at the Château d’Yquem.

I have known the Darroze house for decades, which enjoyed a fame that could be compared to that of the Auberge du Père Bize where political or entertainment celebrities flocked.

At 7:30 p.m., all four of us are at the table. Two American friends are my most loyal dinner guests and Bill, an incredible globetrotter, joined our group. He brought Un Château Guadet Saint-Emilion 2015, from an estate where he did the harvest.

For the aperitif, I choose a Champagne Philipponnat Clos des Goisses Extra Brut 2008 made from 55% chardonnay and 45% pinot noir. This champagne has a great personality. He is noble and lively, paving his way with conviction. It will gain with age in roundness and consistency, but it is already pleasant with its sharpness and its determination.

We choose a very generous four-course menu. Having the wine list in hand I see that the list includes very old bottles at attractive prices. A wine catches my eye. It’s a Beaune Grèves Domaine Ropiteau Mignon 1947. The head waiter to whom I showed this wine immediately jumped: « oh don’t take that, it’s very probably dead ». Audouze is stubborn. I ask him to go get it. He comes back with a 1947 wine which is not the right one and which I don’t like. He goes back to the cellar and brings the wine I wanted. The level has fallen but not abnormally.

I reassure the head waiter that I won’t make a fuss if the wine isn’t good. He seems reassured. I take out my tools and carefully I manage to extract the cork. Bill is surprised that I play the surgeon who « operates » on the bottle. The nose is quite dusty but not off-putting. There will not be enough time for slow oxygenation to do its job. Too bad.

The very pleasant foie gras goes well with champagne. The chef opens the Château Guadet Saint-Emilion 2015 and the nose gives me this thought: all wines of this age have the same scent. Indeed, it is rich, powerful, and all well-made wines have the same message at this age.

On the palate, the wine would probably not have much to say but fortunately the fish dish, the best dish of our meal, made the Saint-Emilion shine. The agreement is superb.

The main course based on poultry is far from having the level of the fish main course. The Beaune Grèves Domaine Ropiteau Mignon 1947 with its discreet and subtle scent is tired. But if we ignore his fatigue, he tells infinitely more things than the young Bordeaux. You just have to listen to its subtleties which are just waiting to blossom.

The delicious soufflé is pantagruelian.

We are far from the luster of the Darroze house during its splendor, but we had a very pleasant time with a superb fish dish and a tired relic from 1947.

  • * *

After a restful night, I arrive at the Château d’Yquem at 11 a.m. Olivier Brulard has planned the lunch menu: lightly smoked roast Breton lobster on our vine shoots, golden apple and truffle juice / beautiful Méracq poultry, castle citrus fruits and oak lentins / Roquefort Le 12 AOP and Régalis César du Mont Royal / mango and tangy delicacies with passion fruit juice.

I want to open the Yquem 1874 which is planned for this evening with the following idea: This wine was reconditioned at the château in 1989. However, there have been some fake Yquems on the market presented as being reconditioned at the château but in fact made by counterfeiters. I would like my guests this lunchtime to give me their olfactory opinion on this 1874. And, smelling the two wines, I would like to reserve the best of the two for dinner. We would drink the one that seemed less brilliant to us.

Lorenzo Pasquini, operating director of the estate, Toni El Khawand, cellar master and Thomas Robert, head of cultivation, join me in the beautiful and large dining room that we will have this evening. Usually we took the smallest dining room but these three people who are so important to the life of the estate will use it for an olfactory practice session with an olfactory analysis teacher.

They accept the exercise that I propose to them. For my nose, I find that the minty impression of the 1874 is a little strong while the supposed 1906 with the original cork opened yesterday is very comfortable and consistent with what we expect. The three are unanimous in declaring that the 1874 conforms to what it should be because we often find this beautiful minty trace in wines from this period.

It seems obvious that the 1874 remains assigned to dinner. We will therefore drink the probable 1906.

I go with Lorenzo to the cellar to choose a wine. It will be Yquem 2001, this vintage that I love. I wanted the lobster to host the red wine and the Yquem poultry, but Lorenzo prefers the opposite order. ‘No worries’ as we say more and more often in urban exchanges and not only in the south of France.

The Château d’Yquem 2001 is a very great Yquem but it has become more seated, comfortable, while I loved its wild side which almost made me faint when I drank it for the first time during its launch. The lobster is of exceptional quality.

Château Haut Brion 1981 is from a vintage that has been underestimated for far too long. This balanced wine is of certain solidity. He is frank and very pleasant and deserves much more than the image given to him. For decades I have considered 1981 a great year.

The Château d’Yquem 1906 is captivating. Let’s imagine a flying saucer that sends waves in all directions. This Yquem is like that. It is round and sends complexities in all directions. It is magical and I fall under its spell, because despite a slightly dark color and a discreet fragrance, it is a festival of emotion. And I realize that it could enter the circle of the most beautiful Yquems that I have drunk. It’s not as big as the magical 1861, but it’s not far off.

I will have advanced the science of Olivier Brulard who defended Roquefort as a partner of Yquem. I told him that Roquefort is not suitable and that Stilton is the ideal companion. The stilton won by technical knockout in the first round. There was no match.

Yquem was brilliant at all times and although 1906 is the natural lead since I drank one from a bottle with the same label, I think this wine is more in keeping with the period around 1880.

Lorenzo, Toni and Thomas go to their olfaction session while I will now open the dinner wines in the beautiful dining room where we just had our lunch. I am in an extremely serene and happy mood and I put a lot of attention into my actions when removing the corks.

Y d’Yquem 1960 has the scent of a great wine with strong botrytis. As this is Y’s second vintage, the sorting of the grapes had accepted a lot of botrytized grapes. This scent is engaging. The Jurançon 1993 has a nose of lychee which is of significant intensity.

The Hermitage blanc 1928 from an unknown domain has a discreet nose which will blossom and promise. The Cheval Blanc 1934 has an extraordinary nose and is so full that I decided to put a glass stopper to keep this perfect perfume. The Ausone 1985 has a rich scent but less bright than that of the 1934.

The noses of the two Nuits Saint Georges are large. That of Henri Jayer is extremely subtle.

I had announced a Chambertin Coron Père & Fils 1929 because I have several, but I had read too quickly. On the torn label, the word Chambertin is on the right, which implies that it is preceded by Gevrey or Charmes. As for the name of the merchant, the top of the capsule indicates René Téze in Ambrières. The perfume seems to me to be one of the most beautiful that I have opened, except Cheval Blanc.

The power of the nose of Château Chalon 1945 is unrivaled. The 1934 Yquem recorked at the château and remaining at the château, which is the contribution of Pierre Lurton, seems to me to be incredibly young and has a lively scent.

I now open the champagnes. The Dom Ruinart 1990 gives me a nice spritz even if it is not thunderous. The two older champagnes are dirty under the cap and their corks break when twisted. The nose of the Veuve Clicquot 1947 is very discreet and that of the Dom Pérignon 1962 has a beautiful personality.

Throughout the opening, I was focused, looking for the right gesture and I was amazed to see that all the wines were almost perfect. Heaven was with me.

The guests who have rooms are arriving little by little. Quickly, I’m going to try to rest before welcoming the guests for a tour of the castle and a tasting before dinner.

  • * *

The 278th dinner is held at the Château d’Yquem. I brought the wines yesterday, I opened them this afternoon. Participants who have a room at the castle arrived at 5 p.m. The appointment for the visit to the castle is scheduled for 6:30 p.m. but we are informed that Pierre Lurton, president of Yquem and Cheval Blanc will be late.

So it is Léo who guides visitors to the castle, who takes us to the cellars and praises the quality of the management of the vines, the organization of the harvest so that the botrytis has its best effect.

Pierre Lurton joins us for the tasting in the beautiful tasting room. We begin to taste the Y d’Yquem 2021 which despite its age has a magnificent presence and freshness which make it a remarkable wine at this age of its life.

We were supposed to taste the Yquem 2017 then the 2009 but it is reasonable to only taste the Château d’Yquem 2009 because we have a long dinner program. We had already tasted the 2009 during the last dinner in Yquem. He has retained this astonishing freshness and an obvious joie de vivre. It’s a great Yquem with a bright future.

We return to the large living room for an aperitif. In the program sent to registrants there were two champagnes but I felt that it was necessary to add a champagne that was easier to understand, to prepare our palates for future wines. So we start with a Champagne Dom Ruinart 1990 which I love because 1990 was a year of total success for Dom Ruinart.

The appetizers are: Imperial Beluga Caviar (1st exceptional Beluga Caviar, 100% French and matured in New Aquitaine) / king crab, morning yuzu and garden flowers / parmesan shortbread, Culatello di Zibello.

Champagne combines the freshness of youth with the serenity of success. It’s pure happiness. The appetizers are, like the cuisine of chef Olivier Brulard, based on quality products. The Dom Ruinart 1990 is a very great champagne that I cherish.

There are twelve of us, including Pierre Lurton, president of Yquem, two Americans who are my most loyal dinner guests, a couple of French friends, a globe-trotting American, an American of Spanish origin, a Spaniard, a Bordeaux native, a French man with origins in Eastern Europe and the only new one of my dinners who lives in Portugal. The dinner will be held in English but Pierre Lurton, very fit and full of humor, will tell us some stories and puns that are difficult to translate.

We sit down at the table. The menu is distributed to everyone. It is written as follows: the best of Landes foie gras, three gourmet recipes to taste / Scallops cooked naturally in a shell with Alba white truffle, « Served like a Garden » / silky turbot « Belle Meunière », porcini mushrooms with Bordeaux corks picked with dew / special « well-bred » quail from Pierre Duplantier, return from the vines / Girondin game venison, spicy autumn casserole, pepper sauce / 18 Month vintage Comté / stilton, Ford farmhouse cheddar and English Shropshire selected by Dominique Bouchait MOF cheese maker / Ente plums from the new harvest enhanced with château wine, candied orange zest and « Candi » hazelnuts.

It is a menu based on the highest quality products and we have worked with the chef to ensure that every ingredient is completely consistent with the wines which must be highlighted by the dishes.

Sébastien served the wines, which is not easy as there are so many requirements.

Champagne Veuve Clicquot 1947 and Champagne Dom Pérignon 1962 are served with the first course of foie gras. They are very different. Dom Pérignon is more welcoming and comfortable while Veuve Clicquot is much more tense and complex. It’s hard to compare them but both are superb. The votes will go towards 1947.

On the next course I have planned three wines, one of which I added to the planned program, the Jurançon and I must say that on the delicious shells I am very proud to have planned these three wines. Because the 1960 Y d’Yquem is absolutely glorious. This is the second vintage of Y, the first being 1959 and this one is imperial, with a marked botrytis which gives it a nice width.

The Jurançon Domaine de Souch dry 1993 which follows it has a nose of lychee and a strong energy of straight and dry but great intensity. Highly fruity with green vegetables, it traces its path and it is then that the Hermitage Blanc 1928 appears, with a subtle and delicate nose, a racy and accomplished taste, calm and serene, which calms the passion of Jurançon. You can switch from one to the other because the shell accepts all three wines, and this variety of tastes is magical. I think I had a great intuition to create this merry-go-round of tastes where the Y is royal, the Jurançon scoundrel and mad dog, and the Hermitage has the wisdom of the ancient and a remarkable serenity. For me, it’s a big emotional moment of the meal.

There are occasions in my life as a wine lover when I encounter perfect wines. Château Cheval Blanc 1934 is one of them, because it reaches a level of perfection that we feel. It is balanced, rich, obvious like a riddle that has been solved.

Next to it, the Château Ausone 1985 is a beautiful ‘jeune premier’, rich and expressive, but it is clear that the Cheval Blanc steals the show. Turbot shows us that it is a fish made for red wines and porcini mushrooms are real sweets because they are so good.

Olivier Brulard showed me the splendid quails yesterday. They have a magical flesh that will allow two wines to coexist. The Nuits-Saint-Georges aux Murgers Méo Camuzet 2000 is young and solid, readable and frank. He is rich. The Nuits-Saint-Georges aux Murgers Henri Jayer 1981 is all delicacy and subtlety. One would have thought that the 1981 would have been much more popular due to the fact that the winemaker is Henri Jayer who is crowned with glory, but to my great surprise, the Méo Camuzet will be in the votes of six guests, and the Henri Jayer also of six guests. They therefore deserved to be associated with quail, ideal for those two beautiful, expressive and frank Burgundies.

The Gevrey-Chambertin René Téze à Ambrières 1929 is served with venison. I have a particular love for the 1929 vintage which I consider to be the greatest of the 20th century. This wine has a balance that makes it almost eternal. It would have been my favorite if it weren’t for the devilish Yquem wines. The venison is truly made for such an accomplished wine and it is sweetness upon sweetness and excellence upon excellence.

For Château Chalon Jean Bourdy 1945 I did not try to complicate things and the delicious Comtés are the best companions for this wine of rare power and very strong alcohol. This 1945 is a great success. He won’t attract many votes because he is exactly what is expected of him. There is no element of surprise.

The two Yquems will accompany two dishes, a cheese dish and a dessert made with subtle plums. The Château d’Yquem 1934 is Pierre Lurton’s contribution to our dinner, the vintage of which is that of the birth of Alexandre de Lur Saluces who has just left us this year. We have a strong thought for this great man who was a great character in Sauternes but also in the world of wine. This Yquem kept at the château and reconditioned at the château is very clear with a golden tone and is characterized by incredible youth. He is as lively as a wild horse and his imprint is overjoyed.

The Château d’Yquem 1874 that I opened before lunch had been reconditioned in 1989. The three people involved in the production of Yquem wines confirmed the sincerity of this wine. It is dark and on the palate it is absolutely rich and expressively noble. It’s fireworks in the mouth. He is so attractive that we are dazzled. It is 149 years old and its vigor is that of a young wine. What happiness.

I feel that the guests are captivated by the fact that the fourteen wines were all at the peak of what they can be and I admit that I am also struck by the perfection of these wines. I’m sure my opening method works wonders since I say it all the time, but at this point it’s almost unreal. It seems to me that the atmosphere and my joy of being in Yquem will have played a role in the behavior of all the wines.

It’s time to vote for our six favorite wines. Usually I ask for a vote of five wines but as there are fourteen a vote of six wines seems possible. Some people said that these votes are of little use, but when they saw the result they understood that these votes are very enlightening.

Seven guests put the Yquem 1974 first, four put the Cheval Blanc 1934 first and the Bordeaux resident put the Henri Jayer first, which proves a great open-mindedness. Thirteen wines had at least one vote which is remarkable. The one who didn’t have any is the Dom Ruinart and this is understandable for two reasons, we drank it in another room and we drank it first. It is logically easy to forget.

The consensus vote is: 1 – Château d’Yquem 1874, 2 – Château Cheval Blanc 1934, 3 – Y d’Yquem 1962, 4 – Nuits-Saint-Georges aux Murgers Henri Jayer 1981, 5 – Château d’Yquem 1934, 6 – Hermitage Blanc 1928 and 6 tied: Gevrey-Chambertin René Tèze & Fils 1929.

My vote is: 1 – Château d’Yquem 1874, 2 – Château Cheval Blanc 1934, 3 – Gevrey-Chambertin René Téze in Ambrières 1929, 4 – Y d’Yquem 1962, 5 – Nuits-Saint-Georges aux Murgers Henri Jayer 1981 , 6 – Hermitage Blanc 1928.

The combinations food and wine were perfectly relevant. It is difficult to choose the best pairings. I think the most beautiful is the turbot with the two Bordeaux, and the scallops with the three white wines which formed a magical trio.

Olivier Brulard was very happy to design dishes for the wines and adapt them in collaboration with me. I was very happy with this collusion with him. And his art of choosing the right products impressed me.

The Yquem team is experienced in providing great service. The whole team was happy and motivated.

But before putting an end to this story, there is one thing that pleases me the most. I have always preferred Yquems with original corks to Yquems which have changed corks during their life. The Yquem 1861 with the original cork, which seems unreal as a wine whichkeeps the same cork for one and a half century seems impossible. This 1861 coming from my cellar, is the greatest Yquem that I drank in 2006 at Château d’Yquem, because of its original cork, because there has an unrivaled authenticity.

At lunchtime, when we could smell the Yquem 1906 with the original cork and the 1874 reconditioned in 1989, it appeared to us that the 1874 had to remain on the dinner program and we drank the 1906 (which at my meaning is rather to date from around 1880) at lunch.

Well, while the 1874 won hands down at the dinner, for my taste, the 1906 (or 1880) is far superior to the 1874 because of the special taste of uncorked Yquem, and I would rank this Yquem in the Yquem firmament which I drank, in 2nd place after the 1861 or at least in the first five, because of its original cork and an unrivaled subtle complexity.

I have drunk incredible vintages of Yquem, and I only want to discover more.

This 278th meal with passionate and charming guests, with a very motivated chef and unrealistically perfect wines is one of the greatest dinners I have organized.