déjeuner la veille de la Saint Sylvestre lundi, 30 décembre 2019

Nous sommes descendus dans le sud pour le réveillon de fin d’année. Les premiers amis arrivent la veille. Un restaurateur du port de notre petite ville propose des plateaux de fruits de mer. Nous avions pu goûter chez des amis la qualité de leurs produits. Je commande un plateau simplifié, avec petites huîtres, crevettes roses et à ma grande surprise, le chef du lieu a rajouté des crabes royaux.

Pour le déjeuner du 30 décembre, j’ouvre un Champagne Comtes de Champagne Blanc de Blancs Taittinger 2005. Dès la sortie commerciale de ce champagne, j’avais été conquis alors que l’année ne figure pas parmi les plus grandes. Le pschitt est fort, la bulle est conquérante et la couleur très jeune est d’un or aussi conquérant que la bulle. Dès la première gorgée, on entend le champagne qui nous dit : « je suis champagne, je suis LE champagne ». De plus en plus j’aime aller dans le sillage de Jacques Puisais qui considère les vins comme des êtres vivants qui s’expriment comme tels. Car ce champagne s’affirme et nous montre l’image du champagne consensuel. Il en est de plus vifs, de plus typés, mais ce champagne représente la définition du bon champagne. Il est large et joyeux. Les petites huîtres le rendent plus vif, cinglant, alors que les crevettes l’assagissent. Tout est fort agréable et copieux aussi préférons-nous réserver les pinces de crabes pour le dîner.

Pour apprécier les crevettes, j’ai ouvert un Champagne Krug Grande Cuvée Première Génération dont l’étiquette est d’un vert avocat. Il est du milieu des années 80. Le pschitt existe, la bulle est fine et généreuse, et la couleur est d’un bel or ambré. Dès la première gorgée on est saisi par la complexité incroyable de ce champagne. Pour paraphraser la description précédente inspirée de Jacques Puisais, ce champagne nous dit : « je suis le charme ». Car tout en lui, toute cette abondance de complexités ne conduit qu’à une chose, le charme absolu. L’acidité faite de petits fruits roses acides comme la groseille ou la framboise concourt à ce charme. Il est d’une dimension qui dépasse ce que l’on peut concevoir. J’imagine volontiers que ce champagne exprime le souhait ultime du fondateur de Krug, Joseph Krug en 1843.

En attendant les crêpes, je découpe de fines tranches de gouda au cumin qui collent à merveille avec le champagne et les crêpes qui suivent donnent au champagne un supplément de sensualité.

Le Taittinger était LE champagne, le Krug était LE charme. Nous étions au sommet de ce que le champagne peut offrir de plaisir.

Les deux repas de Noël en famille samedi, 28 décembre 2019

Mon fils, étant retourné à Miami, va fêter Noël avec sa femme et ses deux enfants. Nous allons fêter Noël avec mes deux filles et leurs quatre enfants. L’apéritif commence avec des rillettes, un fromage gouda au cumin, et des petits canapés cuits au four dont des mini croquemonsieurs. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1976 est venu directement de la maison Henriot dans ma cave, avec une étiquette Enchanteleurs alors qu’à l’époque le champagne s’appelait Baccarat. Le bouchon saute dans mes mains à l’ouverture dans une belle explosion d’un beau bruit. Le bouchon est bien chevillé ce qui indique un dégorgement ancien. La bulle est fine et active.

Le nez de ce champagne est absolument impressionnant tant il est complexe et riche. On pourrait se contenter de sentir ce champagne tant ce parfum est gratifiant, mêlant fruits, fruits confits, mendiant et des myriades de senteurs. En bouche, c’est un choc que je ressens. Je situerais ce champagne dans l’élite de l’élite car il est à un stade d’accomplissement quasi incroyable. Il y a des fruits larges et dorés qui envahissent le palais. Mes filles et l’aînée de mes petits-enfants, qui commence à goûter les vins, sont subjuguées par la richesse et la perfection de ce champagne qui amène dans des territoires inconnus car aucun des grands champagnes que je bois n’a un fruit aussi généreux. Sa plénitude est extrême. Ce champagne est dans un moment de grâce unique et je le mets volontiers au firmament, en compagnie de tous les plus grands champagnes que j’ai pu goûter. Les rillettes sont parfaites alors que le gouda est un peu fort pour ce 1976. Les petits fours sont parfaits. C’est un grand moment que nous venons de vivre.

La distribution des cadeaux suit l’apéritif et l’air du temps a marqué les choix des donateurs, car la grande majorité des cadeaux ont une empreinte carbone sans commune mesure avec les cadeaux délirants de jadis. Ce qui m’a frappé pendant ces échanges de cadeaux, c’est la capacité de mes petits-enfants à s’enthousiasmer. Chaque cadeau est célébré avec des ‘oh’ et des ‘ah’ comme s’il s’agissait du plus merveilleux cadeau que l’on pût imaginer. Cette fraîcheur d’esprit est en soi un magnifique cadeau.

Le cœur de saumon pressé est accompagné par un Chassagne Montrachet Jean-Pierre Bloud 1980. Je l’avais choisi en cave du fait de sa magnifique couleur très jeune et de son niveau parfait. Et ce vin clair, au parfum discret tient bien son rôle. On n’en attend pas des miracles, mais il est joyeux, de belle mâche, avec une aimable ampleur en bouche. Ce vin de 39 ans n’a pas d’âge tant il est frais et vif. J’aime donner leur chance à de tels vins.

Le cuissot de porcelet recouvert de fines tranches de truffes d’été est accompagné par une Côte Rôtie La Mouline Guigal 1983. Le nez à l’ouverture il y a plus de quatre heures était d’une délicatesse infinie. Le parfum est toujours aussi charmant et en bouche ce vin riche et puissant se caractérise par un seul mot : ‘velours’. Ce vin est velours. Il est facile à lire, généreux et spontané et ce qui est intéressant, c’est que ses 36 ans n’ont pas entamé sa spontanéité. C’est un vin de plaisir pur.

Divers fromages permettent de continuer à boire ce vin, dont vacherin, camembert et une délicieuse pâte molle que je n’ai pas reconnue.

Ma fille aînée a apporté deux magnifiques et artistiques buches et il est décidé qu’une seule sera partagée ce soir, l’autre surmontée d’un renard en marron sera découpée au déjeuner demain. Le Champagne Krug rosé des années 90 est dans une bouteille d’une rare beauté, aux couleurs de vieux rose délicat. Le bouchon est bien chevillé, confirmant qu’il a nettement plus de vingt ans. La couleur est d’un joli rose de pêche et la bulle est assez active. Le champagne est noble et raffiné, mais on mesure à quel point le champagne Henriot nous a offert un moment rare, ce qui laisse à penser que l’Enchanteleur était dans une forme irréellement exceptionnelle.

C’est maintenant le grand moment, car ma fille aînée n’avait pas bu les vins antiques que j’avais partagés avec mon fils et ma fille cadette. Et alors que le Madère ~ 1740 et la Malvoisie ~ 1790 avaient été bus à des moments différents, nous allons les boire ensemble. Plusieurs choses sont subjuguantes. Tout d’abord les couleurs, plus rouges pour la Malvoisie mais toutes deux d’une jeunesse incroyable. Ensuite ces deux vins sont arrivés à un stade intemporel de perfection. Cela veut dire que si l’on imaginait que ces deux bouteilles soient ouvertes dans deux cents ans au lieu de 2019, on aurait strictement les mêmes vins qui ont trouvé un équilibre indestructible. Et cette idée comble d’aise l’amateur que je suis car il s’agit de la forme ultime du vin éternel.

Les deux vins sont très différents. La Malvoisie 1790 est vive, d’une acidité remarquable qui lui donne de la fraicheur et le poivre est insistant dans le finale. Le Madère 1740 est beaucoup plus doux, très oriental dans ses complexités des mille et une nuits. Une de mes filles préfère la Malvoisie. J’ai tendance avec sa sœur à préférer le Madère, mais les deux sont exceptionnels.

En ce dîner familial de grande gaieté, le champagne 1976 a été l’une des plus belles étoiles.

Le lendemain midi, c’est le déjeuner de Noël. L’apéritif consiste en des tranches de jambon Pata Negra, du gouda et des biscuits épicés. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1976 est toujours aussi brillant et vif, avec des saveurs fruitées et larges. Quand il est fini nous buvons le reste du Champagne Krug rosé des années 90 qui se montre beaucoup plus fringant et vif que la veille et je constate que je l’avais un peu sous-estimé hier.

Le plat principal est un Parmentier de confit de canard surmonté d’une purée de pommes de terre. J’avais ouvert la veille le Vega Sicilia Unico 1972 croyant que nous comparerions sur les deux repas ce vin avec la Mouline 1983 mais en fait le vin espagnol n’est servi que lors de ce déjeuner, après vingt heures d’aération dans ma cave. Le parfum du vin la veille était miraculeux, avec une fraîcheur faite de fenouil et de menthe qui n’empêche pas de ressentir la richesse du fruit. Ce parfum est aussi brillant aujourd’hui et le vin est d’une richesse rare et d’une jeunesse que l’on n’attendrait pas. Car il a une énergie qui est la même que celle des jeunes Vega Sicilia Unico. Il est plein, fluide et ce que j’aime particulièrement en ce vin, c’est le finale entraînant, marqué d’une fraîcheur légèrement mentholée. C’est, je pense, une des plus belles années de Vega Sicilia Unico quand la jeunesse est encore présente et quand l’âge apporte la cohérence et la plénitude qui multiplient le plaisir.

La buche surmontée d’un renard qui a la même couleur marron que la buche elle-même, est absolument délicieuse. Aucun vin n’est prévu pour elle, car nous avons bien profité des vins de ces deux repas. Noël est un moment familial majeur porteur de joies. Avons-nous reçu autant d’attention de la part de nos petits-enfants qu’ils n’en ont eu pour leurs smartphones, le doute est permis. Mais ce n’est rien, car c’est Noël.

la bûche

le grand moment de déguster les deux vins du 18ème siècle

Film à voir : « L’Ame du Vin » mercredi, 25 décembre 2019

Marie Ange Gorbanevsky avait participé à la dégustation des 2016 du Domaine de la Romanée Conti, invitée par Aubert de Villaine car elle a réalisé un film, « l’âme du vin » qui est projeté en ce moment en plusieurs salles de cinéma. Nous avions bavardé lors du dîner qui a suivi cette présentation et elle m’a invité à la projection de son film à l’UGC Gobelins.

Le film est d’une rare poésie, avec un rythme apaisant qui fait mieux ‘entrer’ dans l’âme du vin. Les prises de vue ont couvert une année entière de l’évolution de la vigne et de la vinification, et les tournages se sont faits en Bourgogne, chez les plus grands vignerons. On voit en cave Dominique Lafon qui goûte les vins de Christophe Roumier et les commente avec lui, on voit la famille Lafarge dont trois générations commentent le climat de l’année, on voit Olivier Poussier et une sommelière commentant les vins et passant un temps très long sur les seuls parfums, ce qui très important. On voit Jacques Puisais commentant le vin en le considérant comme un être vivant et comme un acteur, on voit Bernard Noblet et Aubert de Villaine parler du vin avec une sagesse extrême et le moment le plus truculent du film c’est quand Hidé, le propriétaire du restaurant Le Petit Verdot et Teshi, l’âme du restaurant Pages, sont chacun face à un verre de Les Amoureuses 1945. Ils sont tellement émus face à la perfection de ce vin qu’ils n’arrivent pas à trouver les mots pour en parler. Cette scène extraordinairement humaine est un régal. Il faut courir voir ce film qui comblera tous les amoureux du vin, et aussi ceux qui aiment la poésie de la nature.

Déjeuner à l’Assiette Champenoise avec Richard Geoffroy mardi, 24 décembre 2019

Richard Geoffroy, l’homme qui a fait Dom Pérignon pendant plus de deux décennies se reconvertit dans le saké. Il veut apporter à ce breuvage sa philosophie. Il sait que le saké est millénaire aussi ne cherche-t-il pas une révolution mais une évolution. J’avais prévu de l’inviter dans ma cave pour lui faire goûter des vins aux saveurs inhabituelles. Du fait des grèves le train que comptait prendre Richard pour me rejoindre est supprimé et il me propose de remettre notre rendez-vous. Je ne voudrais pas remettre notre rencontre aussi je lui propose qu’on se retrouve à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement qui est un ami commun. Richard réserve une table et je choisis des vins dans ma cave.

Tout d’abord il faut un champagne qui soit inconnu de Richard. Je trouve une bouteille dont l’origine et l’année sont, je le pense, à coup sûr inconnus de Richard. Je prends ensuite une bouteille d’un vin du Rhône d’une année difficile et de niveau très bas. Il faut jouer la difficulté. Enfin je choisis parmi les bouteilles anciennes d’avant 1870, dans une case où aucune indication n’existe sur les bouteilles un flacon qui pourrait bien être du 18ème siècle, qui voisinait avec le Madère vers 1740 qui m’a tant impressionné par sa perfection. Si nous étions dans ma cave, j’aurais pu ouvrir d’autres bouteilles en cas de pépin. Ce sera impossible à Tinqueux, mais je crois en ma bonne étoile.

J’arrive au restaurant l’Assiette Champenoise un peu avant 11 heures alors que notre rendez-vous est à 12h30. J’ouvre l’Hermitage Jaboulet 1939 au niveau bas. La bouteille n’a ni capsule ni cire aussi est-ce la première fois de ma vie que je vois un bouchon qui a accueilli un petit ver qui s’est niché dans le bouchon et y a rendu l’âme. L’étiquette du vin est illisible à un point qui ne peut que me surprendre, comme si une limace active et vorace avait voulu tout effacer. La petite étiquette du millésime est parfaitement lisible. Le nom du vin ne peut se lire que sur les autres bouteilles de ce vin que j’ai acquises en même temps. Le bouchon vient sans problème. Il a quand même été goulument mangé par son locataire, ce qui explique en partie la perte de volume. Le nez est beaucoup plus inspirant que ce que l’on pourrait craindre. Nous verrons. Je n’ouvre ni le champagne ni la bouteille antique car je souhaite pour celle-ci que Richard sente le premier nez du vin, celui de l’éclosion.

En attendant Richard je bois des mètres cubes d’eau pour estomper les effets du dîner au Relais Louis XIII. Richard arrive et je fais ouvrir le Champagne Le Mesnil Blanc de Blancs Réserve Sélection Union des Propriétaires Récoltants 1957. Je n’ai bu qu’une seule fois un champagne de 1957, un Abel Lepitre. Richard me confirme qu’il n’a jamais bu ce champagne et jamais bu cette année et me dit que fort curieusement il avait déjeuné il y a deux jours avec le président de l’Union des Propriétaires Récoltants. La couleur du champagne est d’un ambre très joli, ensoleillé. C’est sur la fin de la bouteille que l’ambre sera plus sombre. La bulle est absente mais le pétillant est présent. Je suis très content car Richard est un dégustateur positif. Ensemble nous ne voyons que les beaux aspects de ce champagne, car ils existent. Le champagne est chaleureux, ensoleillé et des petites traces de poussière, infimes, ne gênent pas la dégustation.

Nous prenons le menu « saveur » qui semble le plus adapté aux vins : oursin et fenouil / Saint-Jacques de Bretagne, betterave, crème persil / blettes de D. Vecten, croquant au seigle, jus mélilot / anguille et cresson / barbue des côtes bretonnes, raviole de chou, crème Vermouth / tourte de gibier à plumes, mâche, jus réduit de gibier.

Les petits amuse-bouches sont délicieux et parfaitement adaptés au champagne ce qui est logique puisqu’on est dans la région. Le champagne, sans être tonitruant, joue bien son rôle et délivre une largeur sympathique. Il a une assez belle intensité et une largeur plaisante.

On nous sert d’une bouteille noire le saké qui est le fruit des recherches de Richard. Il n’a pas encore de nom et je suis invité à ne pas le photographier. Mais je donne mes commentaires, qui intéressent Richard, car j’ai la spontanéité de quelqu’un qui n’a aucune expertise en saké. La couleur est limpide comme celle d’une eau. Le nez est engageant, mesuré. L’attaque est d’une grande fraîcheur pour un liquide qui titre 15° d’alcool. Le milieu de bouche est précis et la fin de bouche est plus épaisse mais fluide aussi. La longueur est belle sans être envahissante. Je résume mon impression en disant que ce saké est « lisible », ce qui plait à Richard. Ses vertus gastronomiques sont évidentes car il n’est pas agressif. Il convient aussi bien à l’oursin, aux Saint-Jacques et aux blettes. Le champagne cohabite et aucun des deux ne se nuit. Au contraire, le champagne élargit le saké.

L’anguille a été ajoutée au menu par Arnaud Lallement et permet l’entrée du vin rouge. L’Hermitage Jaboulet 1939 a une belle couleur. Le nez sent un peu la poussière, mais il est expressif. En bouche je ressens un peu de poussière mais la mâche est riche, large, très rhodanienne. Et je mesure encore à quel point Richard est un dégustateur positif, car il accueille ce vin légèrement blessé avec amitié. Ce sera sur la tourte que l’Hermitage se montrera sans défaut, mais c’est aussi sur ce plat divin qu’entre en scène le vin que je souhaitais que Richard découvre.

La bouteille est cylindrique, totalement opaque car couverte d’une poussière collée qui a probablement plus de deux siècles. La bouteille est surmontée d’une cire verte que je casse en petits morceaux, car c’est maintenant que j’ouvre ce vin. Le cul de la bouteille est incroyablement profond. Je l’ai mesuré à 7,5 cm. Je suis éberlué de voir que le bouchon est d’une pureté extrême sans aucun signe d’âge alors qu’aucun doute n’est possible, ce vin n’a jamais été rebouché car il fait partie de la collection que j’ai achetée dont tous les vins sont dans leur complet état d’origine. La bouteille soufflée pourrait bien être du 18ème siècle.

Je verse le liquide à la couleur admirable. Il y a des reflets rouges intenses, d’autres jaunes d’or, d’ambre doré. Cette couleur est unique, montrant une vie intense de ce vin. Le parfum est celui d’un parfum tant il est complexe et multiforme. C’est un nectar. En bouche on est surpris par la lourdeur combinée à une légèreté liée à une acidité merveilleuse. Le vin est riche, large, puissant et la fin de bouche est une bombe de poivre. Nous éliminons la piste de Madère et assez rapidement je suis convaincu qu’il s’agit d’un vin de Chypre. Je changerai d’idée ce soir en goûtant ce vin avec mon fils, mais à cet instant, nommons le Chypre ~ 1790, pour donner une année tardive dans le 18ème siècle. Je voulais absolument que Richard voie à quel point ces vins antiques qui n’ont pas d’âge ont des palettes aromatiques infiniment plus riches que tous les autres vins. L’image qui me vient est celle de vieux Byrrh, de vieux Quinquinas, qui seraient passés par un alambic pour qu’ils se concentrent encore plus et mélangés à des tonneaux de poivre. Ces vins sont pour moi le Graal du vin car leur complexité comme leur pureté sont infinies.

Nous avons longuement discuté et ce qui n’arrive que dans les grands restaurants de province, à 16 heures tout le monde est encore à table. Il faut dire que l’ambiance créée par Arnaud Lallement pousse au bien-être. En milieu de repas nous sommes allés visiter la nouvelle cuisine, refaite il y a peu. Elle est impressionnante.

Que dire du repas ? Une chose ne trompe pas. Les blettes sont accompagnées de trois biscuits de seigle. J’ai voulu les mettre de côté pour goûter le plat sans eux. Et je me suis aperçu qu’ils sont indispensables. C’est donc une cuisine élégante, sans heurt gustatif, où tout est cohérent. J’y ajouterai que c’est la cuisine d’un homme heureux, car une cuisine aussi mesurée et accomplie ne peut être que l’œuvre d’un homme heureux. Par goût personnel c’est l’anguille que j’ai adorée, parce que j’aime ce poisson qui accepte les vins rouges, mais tout mérite les plus grands compliments.

Le saké de Richard Geoffroy va me donner envie de l’associer à des vins dans mes dîners, pourquoi pas ? Les trois vins que j’ai apportés, avec des risques pour les deux premiers, ont intéressé Richard et j’ai apprécié son ouverture d’esprit. Ce repas figure parmi mes grands moments par la qualité des échanges avec ce grand homme du vin.

Je suis rentré à la maison avec ce qui reste des trois vins pour dîner avec mon fils. C’est son dernier dîner en France avant l’an prochain. Ma femme a prévu des joues de porcs cuites dans un bouillon de légumes. Nous allons constater à quel point le vin peut être miraculeux, car aussi bien le champagne que l’Hermitage vont se montrer très au-dessus de ce qu’ils étaient au déjeuner, et tous leurs petits défauts de poussière ont disparu.

Le champagne Le Mesnil 1957 est ample, très blanc de blancs, et vif et mon fils l’adore. Et l’Hermitage 1939 est un vin du Rhône comme mon fils les aime, avec une vivacité très supérieure à celle de ce midi. Quel bonheur de constater une fois de plus la résistance des vins anciens.

Le possible Chypre ~ 1790 est tout aussi brillant que ce midi. Mon fils a bu avec moi plusieurs Chypre 1845 et il me dit que la couleur de ce vin est plus rouge que celle des Chypre, qui sont plus jaunes, et il ne retrouve pas dans le poivre des intonations des Chypre que nous connaissons. Je pense alors aux Malvoisies des Canaries de 1828 que j’ai bues plusieurs fois. Il y a des évocations plus proches que le vin de Chypre. Alors, nommons ce vin Malvoisie ~ 1790. Il en reste encore pour le repas de Noël avec mes filles. Ces vins éternels sont tellement riches qu’il est difficile de les identifier précisément.

Les vins que j’ai partagés avec Richard Geoffroy ont été adorés par mon fils. La vie est belle.

l’étiquette a été rongée comme si une limace avait voulu la manger. On voit bien l’insecte qui a pris ses aises dans le bouchon au point qu’il s’émiette.

la couleur du vin est splendide

le cul de la bouteille est incroyablement profond, ce que la photo ne rend pas vraiment

je suis absolument surpris que les bords du bouchon soient aussi nets, alors qu’il n’y a pas de doute que le bouchon a été posé il y a plus de 140 ans.

la cuisine

les compères

Dîner au relais Louis XIII mardi, 24 décembre 2019

Après la dégustation des champagnes RSRV de la maison Mumm, à l’invitation d’Alexander Staartjes, directeur marketing des opérations de luxe du groupe Pernod-Ricard, nous nous rendons au restaurant Le Relais Louis XIII avec un ami américain, grand fidèle de l’académie des vins anciens. Nous sommes accueillis par le chef Manuel Martinez, un chef MOF dont la cuisine traditionnelle est unanimement reconnue.

Alexander a prévu d’apporter une bouteille de champagne et nous prendrons les autres vins à la carte. Le menu sera très simple car nous allons vers le meilleur. Ce sera la quenelle légendaire et le lièvre à la royale, sauf pour Alexandre qui prendra du canard.

Le Champagne V.O. Version Originale Jacques Selosse a été dégorgé en février 2014. Il est donc dans les meilleures conditions possibles de dégustation. Il est vif, intense, vineux, mais aussi très agréable à boire. C’est un champagne de belle personnalité.

Pour la quenelle, le Champagne Krug Private Cuvée années 60 est un partenaire idéal. Le bouchon est venu entier, la bulle est faible mais présente et le pétillant est joyeux. L’intensité de ce champagne est extrême. Il est noble, profond, à la longueur infinie. Il est tranchant. Il est à la fois mature, cohérent dans ses complexités mais aussi entraînant par sa vivacité. La quenelle est divine.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 2005 est riche et vivant, fort de fruits noirs, mais souriant comme un soleil. C’est le compagnon idéal du lièvre à la royale qui est un des meilleurs que l’on puisse déguster, un peu comme celui de Michel Rostang. C’est un régal et la sauce au sang et le Clos des Papes sont d’un prolongement parfait. J’adore quand un plat et un vin se confondent à ce point.

Nous avions offert à Manuel Martinez un verre du Krug, qu’il va partager avec un client qui dîne seul. On me dit que ce dîneur suit mon parcours sur internet et je vais le saluer. En fin de repas il propose d’aller chercher dans sa voiture un vin qu’il veut nous faire goûter. Il fait ouvrir un Sancerre Les Monts Damnés Pascal Cotat 2009. Ce vin est d’une belle couleur jeune, de blé d’été. Le nez est expressif. En bouche le vin évoque des fruits jaunes et blancs, avec une acidité mesurée et une minéralité qui n’exclut pas la douceur. Il a une belle richesse et se boit agréablement. Sa plénitude est une belle surprise.

La cuisine traditionnelle de Manuel Martinez est riche et magnifiquement exécutée. L’ambiance est très familiale, sympathique, ouverte. Les deux plats sont parfaits et les vins ont été remarquables. Ce fut une belle soirée.

Boutique éphémère pour les champagnes RSRV de la maison Mumm samedi, 21 décembre 2019

La maison de champagne Mumm organise pour quelque temps dans Paris une « boutique éphémère » où l’on peut goûter ses champagnes R.S.R.V. Ces quatre lettres correspondent aux bouteilles que l’on réservait en cave pour des clients ou pour des occasions, et les quatre lettres marquées à la craie en cave signifient « RESERVE » dont on a enlevé les « E ». Je suis impressionné par la qualité de la décoration qui fait tout sauf éphémère tant elle est réussie.

Nous allons goûter quatre cuvées R.S.R.V. qui sont destinées à des amateurs qui sont parrainés dans le club R.S.RV. plus la cuvée de prestige, Cuvée Lalou. Le traiteur Maison Lacaille a travaillé avec la maison Mumm pour créer des accords subtils. L’intention est louable. Il faudrait travailler encore les supports de pâtisserie qui parfois empêchent la légèreté des accords, mais globalement, le résultat est remarquable.

Cuvée RSRV Blanc de Blancs Mumm est associé à un croquant de homard, pointe de mayonnaise au raifort / pic de thon rouge et cébettes / pince de bar en ceviche. Le nez est très pur et la bulle très fine. L’attaque est de belle acidité. La minéralité est parfaite et le champagne évoque les fleurs blanches avec un finale de noisette.

Cuvée RSRV 4.5 Mumm fait la route avec Involtini speck et ricotta / œuf de caille et gelée aux herbes / croquant de foie gras au spéculos. Fait de 100% de grands crus ce champagne est fait de 60% de pinot noir et 40% de chardonnay. Le nez est plus doux. Le champagne est superbe avec une bouche plus ronde. Il est très agréable avec un peu moins de longueur que le précédent.

Cuvée RSRV Blanc de Noirs 2009 Mumm est accompagné de croquemonsieur au jambon truffé et vieux comté / tonneau de pomme de terre, veau et crème aux morilles / gambas en croûte de pétale de maïs. Le vin est noble et racé. Il est vif. C’est un champagne de plaisir, très masculin.

La Cuvée Lalou Mumm 2006 est bue sans accompagnement. Le nez est intense et grand. La bouche est à la fois puissante et douce. C’est un champagne harmonieux de grande qualité.

Cuvée RSRV rosé Foujita Mumm cohabite avec croustille de saumon gravlax, aneth et airelle / sucrine de chèvre et confiture de cerise noire / tartelette diplomate aux fruits rouges. Ce rosé est absolument superbe, viril et de belle texture.

Deux champagnes ont illuminé la dégustation, le Lalou et le rosé. Cette initiative de « Popup store » est une réussite.

Grand Siècle lundi, 16 décembre 2019

Le lendemain aucun repas particulier n’était prévu avec mon fils et lorsque j’ai vu que nous allions dîner de sushis et de cœur de saumon fumé, j’ai eu envie d’ouvrir un champagne. J’ai choisi un Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle qui doit être probablement des années 70. Comme cela arrive souvent avec des champagnes de cet âge le bouchon se cisaille à la torsion et je suis obligé d’extraire le bas du bouchon avec un tirebouchon. Il faut être prudent, même s’il est peu probable que le bouchon ne sorte violemment, mais j’ai bien fait de l’être car à peine avais-je introduit la mèche dans le bas du bouchon qu’un fort pschitt expulsa le bouchon, avec un joli bruit.

La couleur du champagne est encore assez claire et la bulle fine est rare. Le nez est très séduisant, combinant douceur et finesse. En bouche, le champagne est exactement ce que l’on pouvait attendre, fait de fleurs blanches et d’un message romantique. Il est élégant et civil. C’est le compagnon idéal des sushis et du saumon. Les « Grand Siècle » anciens sont d’un charme fou.

Deux champagnes très différents dimanche, 15 décembre 2019

Mon fils est à la maison, j’ai envie d’ouvrir un champagne que je considère comme une icône ou plutôt un repère. J’envisage pour lui de la poutargue, une rillette et un camembert. Ma femme ajoute du cœur de saumon fumé et des anguilles fumées, que je pressens moins adaptés. Nous verrons.

J’ouvre le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1971. Je tourne lentement le bouchon mais il se cisaille, tout en émettant le bruit d’un gaz qui s’échappe. La lunule restante sort avec un tirebouchon. Le nez est très doux. En bouche, l’attaque est comme la fin d’une éclipse de soleil. Il fait noir et tout-à-coup, l’infime arc de cercle du soleil qui renaît montre une puissance extrême. C’est cela qu’offre le Moët avec un bouquet de fruits d’une superbe variété. Ce champagne combine une douceur et une puissance exacerbées, avec une complexité et une largeur extrêmes. C’est un champagne de plaisir qu’à l’aveugle j’aurais volontiers situé dans les années 50.

Poutargue, rillette, camembert s’accordent volontiers avec ce champagne souple et accueillant. Sur le cœur de filet de saumon, ce n’est pas possible. Alors, j’ouvre un Champagne Salon 1999. Il se montre d’un niveau qualitatif très supérieur à ce que j’attendais. Dans la lignée des Salon qui ont été millésimés, c’était le petit gamin timide. Or il montre maintenant une superbe assurance. C’est lui qui ira le mieux avec le saumon et avec le gras de l’anguille fumée. On s’aperçoit que les deux champagnes ne se nuisent pas. Le Moët est beaucoup plus large et complexe, mais c’est l’âge qui lui donne ces qualités. Le Salon est vif et cinglant, et c’est le privilège de l’âge. Moët Brut Impérial trouve dans son ancienneté des qualités extrêmes qui ne peuvent exister que si le champagne de départ, à sa naissance, était déjà grand. Le Salon avec ses vingt ans commence à s’ouvrir au monde des complexités mais conserve la fougue de sa jeunesse. Le fait de les avoir associés tous les deux à des grignotages de saveurs diverses est un véritable plaisir.

j’ai mis côte à côte les bouchons du 1999 et du 2008 bu récemment

Dégustation des 2016 de la Romanée Conti et dîner à Grains Nobles dimanche, 15 décembre 2019

Chaque année, Aubert de Villaine, gérant de la Romanée-Conti, vient présenter au siège de « Grains Nobles » les vins qui viennent d’être mis en bouteille. Il s’agira du millésime 2016. Trois vins n’ont pas été produits du fait de fortes grêles, aussi seront-ils remplacés par des 2007.

Dans la cave de dégustation Pascal Marquet gérant de Grains Nobles accueille les participants qui sont le plus souvent des habitués, Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et Marie-Ange Gorbanevsky la réalisatrice d’un film « l’Âme du vin » qui l’a conduite à passer trois ans en Bourgogne et à recueillir les propos de nombreux vignerons dont Aubert de Villaine.

Aubert de Villaine présente le contexte du millésime 2016 : « la nature nous a causé du tracas ». L’année a eu deux visages. Un début d’année difficile, puis un printemps très difficile. Début avril il y a eu du beau temps mais le vent du nord a apporté le gel. Le 27 avril Echézeaux et Grands Echézeaux ont gelé à 90%. Le mauvais temps a continué et il a fallu lutter contre le mildiou et l’oïdium. La floraison ne s’est pas trop mal passée mais elle a duré trois semaines, ce qui a créé des hétérogénéités. A partir du 15 juillet il y a eu le deuxième visage de l’année avec un temps très beau jusqu’aux vendanges. Les orages du 15 août étaient nécessaires car il y avait une canicule. Deux pluies du début septembre ont apporté de l’humidité. La maturation a été très rapide à la fin. Le pinot noir a mûri très vite. On était prêt à vendanger dès le 15 septembre mais on a attendu et on a vendangé le Corton le 22 septembre. Les vendanges des rouges se sont poursuivies jusqu’au 30 septembre. Des 10% restants des Echézeaux et Grands Echézeaux on a obtenu des grappes qui ont fait des vins magnifiques qui seront gardés en magnums et seront « libérés » dans quelques années.

Aubert de Villaine estime que tout ce qui permet de faire de grands vins a été réuni en 2016. C’est ce que nous allons vérifier maintenant.

Aubert de Villaine, au siège de la société « Grains Nobles » a présenté le contexte du millésime 2016. Il considère 2016 comme un millésime solaire de belle maturité. Nous allons maintenant goûter les vins en commençant par deux exceptions. Les Echézeaux et Grands Echézeaux n’ayant pas été faits en 2016 du fait de la grêle, nous les goûtons sur le millésime 2007.

L’Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2007 a un nez superbe et franc. L’attaque est fraîche. Le vin est un peu léger mais vif. Aubert de Villaine dit que le nez très expressif annonce la qualité future de ce vin. Par le hasard du service je suis servi d’une deuxième bouteille meilleure et plus riche. Ce vin est très plaisant pour un millésime difficile. Il a un finale poivré. Je l’aime beaucoup.

Le Grands Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2007 a une couleur magnifique, assez claire d’un rose noble. Le nez est superbe et précis. Cela annonce un grand vin. La bouche est gourmande et joyeuse. Il a plus de densité que l’Echézeaux. J’adore car il a la jeunesse mais déjà une maturité qui le rend gourmand et gastronomique. Il est fluide et frais, au finale superbe.

Nous revenons au sujet du jour, les 2016 en commençant par le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2016. Sa couleur est beaucoup plus foncée que celle des 2007. Le nez est très agréable. La bouche est suave. Le finale est précis avec un peu de salin. Il est jeune bien sûr mais grand et très doux. Il est d’une belle gourmandise et il évoluera en s’épanouissant. Il est racé. De mémoire, je ressens un saut qualitatif par rapport aux millésimes précédents de ce vin. Il prend de plus en plus le style du Domaine de la Romanée Conti.

La Romanée Saint-Vivant Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un nez très riche et puissant. Il est voluptueux, très agréable à boire. Il est salin, au finale très fort et à la belle persistance aromatique. Il est beaucoup plus profond que les précédents, vin élégant de beaucoup de charme. Il va devenir grandiose dans quelques années, avec sa douceur charmante et sa complexité noble.

Le Richebourg Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un nez intense et complexe. C’est un parfum. L’attaque est séduisante et généreuse. C’est vin massif et tannique. Bernard Burtschy dit qu’il est costaud, un peu réduit, évoquant le cuir. Il est riche, un peu fumé, c’est un guerrier. Il a une attaque douce et un corps d’athlète. Ce sera un grand vin.

La Tâche Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un nez d’un charme fou. La bouche est raffinée et son finale rebondit. C’est un vin noble et joyeux qui nous envoie des brassées de sourires. Il est joyeux et gourmand, magnifique de vivacité et très gourmand. Il a des évocations de poivre noir. Il se situe au-dessus des vins précédents.

La Romanée Conti Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un parfum incroyable, envoûtant, d’une force extrême. La bouche est très aérienne. La complexité est là, mais il faut la chercher car elle ne se veut pas évidente. Bernard Burtschy dit que c’est un vin déstabilisant. Il ajoute qu’il faut se laisser prendre par sa magie. Aubert de Villaine le dit évanescent, transparent, mais le vin s’anime et apparaît, frais et fluide. Il me fait la danse des sept voiles. Je ressens qu’il explosera de saveurs raffinées quand il aura vingt ans. Il s’anime à l’aération et le nez est fou. La bouche est folle elle aussi. Il y a une profondeur qui est hors norme et il suffit de goûter à nouveau le Richebourg et La Tâche pour sentir à quel point ce vin est d’un raffinement absolu.

Les 2016 rouges que nous avons bus sont d’une très grande qualité et Aubert de Villaine nous dit que le millésime 2016 sera le millésime le plus sous-estimé car il sera probablement plus grand que 2015, millésime encensé.

Le Montrachet Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2007 est servi car il n’y a pas de 2016. La grêle a permis à toute l’appellation de faire une très petite quantité qui a été vinifiée pour compte de tous les domaines par le Domaine Leflaive. Il ne sera pas commercialisé mais réparti entre les vignerons concernés. Le 2007 a déjà une couleur dorée qui s’explique par le léger botrytis que l’on ressent en bouche. Le nez est discret et la bouche est délicate. Ce n’est pas un vin tonitruant. Il a une belle matière mais pas de gras. Il est très subtil. Ses saveurs vont tous azimuts ce qui est assez exceptionnel. Aubert de Villaine le dit opulent mais je le trouve plutôt raffiné, jouant sur ses complexités. J’aime le raffinement de ses saveurs aériennes. Il a une belle acidité et de la fraîcheur. C’est un très grand vin.

Cette dégustation a été d’un niveau exceptionnel.

Selon la tradition nous nous retrouvons à quelques-uns à dîner dans la salle de restaurant de Grains Nobles, autour d’Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et de Marie-Ange Gorbanevsky. La cuisine est très familiale avec des plats agréablement épicés. Le Champagne Cuvée des Caudalies de Sousa & Fils 1999 est du pur chardonnay de vignes de plus de cinquante ans, dégorgé en 2005. Il est très bien fait et de belle fraîcheur.

A côté de lui le Champagne Bollinger la Grande Année Bollinger 2002 se montre plus puissant, plus carré et cela est dû à la présence significative de pinot noir. Et les deux champagnes ne se combattent pas mais additionnent leurs talents, le de Sousa plus fluide et aérien, le Bollinger plus solide et incisif.

Le Corton Grand Cru Bouchard Père & Fils 2002 est servi après la dégustation des vins jeunes de la Romanée Conti aussi le passage est assez difficile, mais le vin s’en sort bien, d’un classicisme de bon aloi.

Le Sandrone Valmaggiore Nebbiolo d’Alba 2004, bien que d’une extraction moins noble que le Corton, est plus adapté à ce dîner et au délicieux bœuf mariné de longues heures. Il est simple, d’une belle mâche et riche, sans souci.

Le Quart de Chaume domaine des Baumard 1997 est d’une belle couleur dorée et peut accompagner les beaux fromages mais aussi le dessert mêlant fruit de la passion et des fruits jaunes, rouges et noirs. Il est vif et gourmand, ensoleillé et généreux.

J’ai apporté un Coteaux du Layon Marcel Leconte 1959 et j’ai commis l’erreur de ne pas l’ouvrir avant la dégustation de la Romanée Conti, car il se présente bouchonné, sans trop d’influence sur le goût, ce qui me laisse penser qu’avec trois ou quatre heures d’aération il aurait perdu ce défaut.

Ce repas sympathique d’après la présentation des derniers vins de la Romanée Conti mis en bouteilles est un moment d’amitié qui ajoute au plaisir d’une des plus belles dégustations de vins jeunes qui soit.

la couleur de deux des vins, un 2007 et un 2016

le repas qui a suivi

déjeuner au restaurant Yam’Tcha samedi, 14 décembre 2019

Je vais déjeuner au restaurant Yam’Tcha avec une importatrice de thés de tous pays, qui fournit les plus grands restaurants et hôtels et donne des cours d’initiation aux thés. Elle a participé à quelques dîners. Le chef Adeline Grattard fait une cuisine élégante aux inspirations asiatiques qui s’associe aux choix de thés de son mari Chiwah.

Le menu unique, donné seulement en fin de repas, est ainsi composé : langue de veau et betterave / nem de légumes / héliantis et œuf de truite // pagre au sel et fumé, agrumes et carambole / bouillon de poivre des cimes et rose, fansi, crevette et encornets / entrecôte de wagyu japonais, packchoï, huîtres et algues moustaches / pintade cuite pendue, cristal balls de champignons, sauce shaoxing et vinaigre / bao stilton et cerise amarena / fromage de brebis et noix de pécan, boule de riz, coing et dattes.

Ce menu sera accompagné de thés différents à chaque plat, servis par Chiwah, et j’ai choisi un Champagne V.O. Jacques Selosse dégorgé en juillet 2016 qui a donc un peu plus de trois ans de dégorgement, ce qui est idéal. Le champagne a une couleur qui commence à se dorer, la bulle est active et fine, le nez est intense et en bouche ce champagne est ingambe, entraînant et hautement gastronomique.

Les thés sont très différents et certains accords se font, mais d’autres n’apportent rien au plat auquel ils sont dédiés. Avec la spécialiste des thés, les avis sont souvent les mêmes et les réactions identiques. J’avoue que je n’ai pas été totalement convaincu car presque toujours, l’accord avec le champagne est plus brillant, le champagne rehaussant le plat et prolongeant sa trace en bouche alors que plusieurs fois le thé a éteint le goût.

Il faut dire cependant que lorsque l’accord se fait, lorsque le thé prolonge le plat, on est dans une zone de subtilités très intéressante. Il y a en effet dans la cuisine d’Adeline de beaux raffinements.

Je vais faire un deuxième aveu, je suis un peu lassé des accords terre-mer qui sont d’une mode que je ne prise pas. Qu’apporte une huître à une virile chair de wagyu ? On ne peut pas dire que ce n’est pas possible. Mais pour mon goût ça n’apporte rien. Et de plus, le thé a bien du mal à se trouver avec des saveurs aussi dissemblables.

Les chairs sont superbes, pagre, coquilles, encornets, wagyu, pintade, les raffinements sont là, mais je m’attendais à ce que les thés apportent des rebondissements que je n’ai pas trouvés au niveau que j’attendais. Lorsque je reviendrai, le repas sera au champagne, car mon palais n’est pas encore assez asiatique pour que je succombe au thé. Ces réflexions n’enlèvent rien au grand talent d’Adeline Grattard, et aux talents des thés.

le menu qui donne les vins des accords possibles, non prix pour ce déjeuner