Première présentation au domaine de Salon 2008 et Delamotte 2012 samedi, 29 juin 2019

Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte reçoit des amis au siège de la société à Mesnil-sur-Oger pour la présentation officielle du Champagne Salon 2008. Il avait invité la veille un groupe de japonais qui se sont trompés de jour et qui viendront grossir notre groupe qui deviendra à majorité asiatique, de Chine, du Japon et de Corée du Sud. Dans le groupe prévu il y a des ambassadeurs, des académiciens, des restaurateurs étoilés et de simples amis comme Tomo, comme Teshi le talentueux chef du restaurant Pages dont je suis familier, et moi.

Nous nous regroupons dans la salle de dégustation où l’on nous fait goûter le Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2012 qui lui aussi est présenté pour la première fois aujourd’hui. Sa bulle est forte et il y a une légère acidité liée à la jeunesse mais l’on sent que ce champagne, après quelques mois ou années en cave sera de très haut niveau. Comme nous sommes en canicule, les verres se réchauffent vite et le champagne un peu plus chaud est beaucoup plus charmant, joliment mis en valeur par de délicieuses gougères.

Nous passons à table dans la salle à manger et nous sommes vingt-deux. Je suis assis entre une très jolie coréenne qui travaille pour le champagne Salon depuis deux mois et à côté d’un jeune chinois de Pékin mais qui va souvent à Hong-Kong où avec ses amis, ils dégustent des vins de la plus haute hiérarchie des qualités et des prix. Il est assez probable que nous allons nous revoir.

Pour une fois, il n’y aura aucune énigme, les vins sont désignés en clair. Le menu prévu est : le saumon d’Isigny mi- cuit, émulsion de pomme de terre fumée, sauce champagne / volaille fermière de Challans sauce champagne / fromages / émulsion citron vert, gingembre, framboise, fromage blanc à la vanille, sorbet fruits rouges.

Tous les champagnes ont été dégorgés en janvier 2019. Le Champagne Salon magnum 2008 est impressionnant. J’ai eu la chance, grâce à l’amitié de Didier Depond, de découvrir les nouveaux millésimes au moment de leur apparition publique ; je peux donc comparer. Il y a une sérénité et un accomplissement dans ce champagne qui mérite le respect. Il y a des notes de noisettes et de brioche, mais ce n’est pas cela qui compte. C’est la largeur de la palette aromatique, la vivacité que l’on remarque. Et alors qu’il faut souvent attendre quelque temps avant de boire les champagnes récents, celui-ci est déjà de belle maturité. C’est un peu comme le Dom Pérignon 2008 qui est lui aussi prêt à faire sa vie sans attendre. Je suis très impressionné par ce magnifique champagne. Didier Depond et moi sommes d’accord pour signaler la similitude de ce 2008 avec le 1966. Nous différons ensuite car Didier voit des analogies avec 1982, alors que j’en vois avec 1988. Il faudra vite vérifier.

Le plat de saumon est magnifiquement réalisé, de très haute qualité et gourmand, et l’accord avec le 2008 est superbe.

Le Champagne Salon 2007 met en valeur le 2008. Car ce champagne aura besoin de beaucoup d’années pour révéler ses qualités. Ce 2007 est un Salon à maturation lente. Il a de belles qualités mais il est encore un peu coincé.

Le Champagne Salon 2006 est une petite merveille de délicatesse et de subtilité. Il est parfaitement prêt à boire, léger, charmeur, romantique. C’est celui-ci que je compare au 1982 dont j’aime le romantisme. Il se boit magnifiquement avec les fromages.

Nous avons aussi sur les fromages un Tiano & Nareno Vin d’Argentine de Mendoza magnum 2013. Ce vin est fait par Ariel Savina un ami argentin de Didier dont les grands parents italiens ont émigré en Argentine pour faire ce vin. Il y a donc une belle histoire et le vin à majorité de Malbec associé à du cabernet franc, qui titre 14,5° mais donne l’impression d’en avoir un peu plus, est une bombe de fruits noirs qui fort heureusement a un finale léger et mentholé. On ne peut pas s’empêcher de penser à Vega Sicilia Unico. Ce vin riche a beaucoup de présence mais à mon goût il n’a pas la complexité de Vega Sicilia Unico. Il a certainement un grand avenir.

Le dessert aux couleurs blanches et rouges est accompagné par le Champagne Salon 2004. La première bouteille qui m’est servie manque de précision, comme si le vin n’était pas assemblé. Je le juge alors de façon critique. Heureusement une deuxième bouteille vient changer ma première impression et je le trouve plus cohérent, mais demandant encore beaucoup de temps pour qu’il atteigne ce qu’il promet. Il me semble que le dessert aurait eu un accord plus pertinent avec la Cuvée Alexandra rosée de Laurent-Perrier.

On peut dire que cette présentation du 2008 est absolument réussie. Ce champagne promet d’être dans le peloton de tête des plus grands Salon. Mon classement serait : 2008 pour la largeur de sa palette, le 2006 pour son romantisme émouvant, le 2004 car il est une belle promesse, et le 2007 qui devra attendre pour jouer dans la cour des grands.

Le climat créé par Didier Depond est très amical. Les discussions ont été passionnantes. Voilà qui enfonce encore le clou – s’il en était besoin – de mon amour pour Salon.


armoiries dans le bureau de Salon Delamotte

la salle de dégustation

présentation à déjeuner

la table avant / après

Déjeuner d’amitié dans le sud samedi, 29 juin 2019

Deux amis de la région parisienne ont l’habitude, tous les étés, de venir nous rendre visite. J’avais prévu de commencer l’apéritif avec un Champagne Krug Grande Cuvée qui était rangé debout dans la porte du réfrigérateur. Ce que je n’avais pas vu, c’est que la bouteille était déjà ouverte et entamée aux deux tiers. Depuis combien de temps, je ne sais pas mais très probablement plus d’un mois. Je propose à mon ami qu’on l’essaie quand même. Bien évidemment il n’y a aucune bulle. Même si l’on sent une légère acidité, ce champagne se boit comme un agréable vin blanc délicat.

Nous grignotons du chorizo, un filet mignon de porc fumé, du saucisson et des fleurs de courgettes en tempura. Très vite je sers le Champagne Pierre Péters Les Chétillons Œnothèque 2002 que j’avais ouvert il y a une heure, avec un pschitt guerrier et expansif. Le champagne est d’une belle puissance. Il est incisif, de grande complexité, et ce qui le caractéristique le mieux, c’est l’ampleur. On est dans l’aristocratie du champagne de Mesnil-sur-Oger, la Mecque du blanc de blancs.

L’entrée est de belles tomates jaunes en pleine maturité accompagnées de bufflonne, ‘burrata di bufala’. Ce n’est pas forcément l’accord idéal, mais le champagne ne dévie pas d’un pouce de sa brillante performance.

Le plat principal est de l’agneau servi avec des petites pommes de terre ‘cerises’ cuites à l’ail. J’ai ouvert il y a près de trois heures le Château Lynch Bages Pauillac 1989. Il y a bien longtemps, sur un forum américain du vin, le fondateur ne cessait de vanter les mérites de ce vin, dans ce millésime, qu’il parait de toutes les qualités. J’en avais acheté de belles quantités, sur la foi de ses écrits. Quelle belle surprise ! Ce vin est irréellement grand. Il a tout pour lui, riche, velouté, évoquant truffes et fruits noirs. En plus d’une réelle puissance, il est gracieux et raffiné. Je pense alors aux Vega Sicilia Unico que j’aime tant, et je trouve des similitudes, au-delà des caractéristiques spécifiques qui leur sont propres. Alors j’ai eu envie de regarder si le Lynch Bages a autant d’affinités avec le camembert Jort que le Vega Sicilia Unico. C’est moins percutant avec le Lynch Bages car les tannins du vin espagnol s’accordent divinement avec le camembert, mais ça marche.

A chaque gorgée du Pauillac, je m’extasie. Je savais que ce vin est grand. Jamais je n’aurais imaginé qu’il soit aussi grand, parfait pour ainsi dire. Quel plaisir qu’un vin de trente ans soit aussi extraordinaire.

Le dessert est une tarte au citron meringuée qu’un pâtissier local exécute admirablement. Il n’est plus question de vin sur cette tarte si forte. Le champagne finit son parcours quand la bouche s’est apaisée.

Deux vins qui surperforment par rapport à mes attentes, c’est du rêve.

bulletins du 1er semestre 2019, de 809 à 836 lundi, 24 juin 2019

(bulletin WD N° 836 190625)   Le bulletin n° 836 raconte : 237ème dîner de wine-dinners à l’hôtel Les Crayères à Reims, rencontre d’amis fous de champagnes et déjeuner dominical en famille.

(bulletin WD N° 835 190618)   Le bulletin n° 835 raconte : 236ème dîner de wine-dinners à la Maison Belle Epoque de Perrier Jouët, déjeuner à l’hôtel Royal Champagne, dîner au même endroit et déjeuner à l’hôtel Les Crayères de préparation du 237ème dîner.

(bulletin WD N° 834 190611)   Le bulletin n° 834 raconte : après l’ouverture des vins, déroulement de la 32ème séance de l’Académie des Vins Anciens, déjeuner à la Maison Belle Epoque de Perrier-Jouët pour vérifier les recettes des plats prévus pour le 236ème dîner de wine-dinners à Epernay.

(bulletin WD N° 833 190604)   Le bulletin n° 833 raconte : déjeuner au restaurant Mirazur à Menton, déjeuner de conscrits au Yacht Club de France et ouverture des vins de la 32ème séance de l’Académie des Vins Anciens au restaurant Macéo.

(bulletin WD N° 832 190528)   Le bulletin n° 832 raconte : visite de ma cave et déjeuner piquenique avec une Master of Wine, dîner pour l’anniversaire de mon fils avec des vins inhabituels, dîner avec un vin de 1919, dîner au restaurant Pages.

(bulletin WD N° 831 190521)   Le bulletin n° 831 raconte : déjeuner de famille au couscous, avec des vins algériens, dîner au restaurant Neige d’Eté, déjeuner de famille avec de beaux vins des années 90, déjeuner au restaurant Garance.

(bulletin WD N° 830 190514)   Le bulletin n° 830 raconte : dîner au restaurant Pages avec le gagnant d’une énigme posée sur Instagram, déjeuner d’anniversaire au restaurant Yannick Alléno au Pavillon Ledoyen.

(bulletin WD N° 829 190507)   Le bulletin n° 829 raconte : Une ‘paulée’ de vins anciens à l’Automobile Club de France et déjeuner au restaurant l’Ecu de France.

(bulletin WD N° 828 190430)   Le bulletin n° 828 raconte : déjeuner au restaurant « le Café de l’Homme », déjeuner de conscrits au Yacht Club de France, conférence dégustation pour les élèves de la célèbre école Cordon Bleu, déjeuner à la Brasserie Bofinger, Notre-Dame, dîner à la Manufacture Kaviari sur un menu créé par le chef Hideki Nishi du restaurant Neige d’Eté.

(bulletin WD N° 827 190423)   Le bulletin n° 827 raconte : dans le sud, dîner avec des amis puis déjeuner chez eux, dîner de mémoire avec une amie et 235ème dîner au restaurant Taillevent, avec une Romanée Conti 1937 et d’autres vins éblouissants.

(bulletin WD N° 826 190416)   Le bulletin n° 826 raconte : présentation des 2016 des domaines familiaux de Bourgogne, déjeuner au restaurant l’Absinthe et 234ème dîner de wine-dinners au restaurant Pages avec un vin acheté en commun avec des participants du 232ème dîner et un thème : les 5 blancs de Curnonsky.

(bulletin WD N° 825 190409)   Le bulletin n° 825 raconte : Déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier, déjeuner au restaurant « le Maroc », dîner de bouteilles à risque avec mon fils, dîner avec des champagnes.

(bulletin WD N° 824 190402)   Le bulletin n° 824 raconte : déjeuner en famille, un champagne pour me consoler, dîner au restaurant L’Ecu de France, déjeuner de conscrits au Yacht Club de France, dîner dans le sud chez des amis et déjeuner au restaurant Pages.

(bulletin WD N° 823 190326)   Le bulletin n° 823 raconte : dîner autour d’une Romanée Conti 1991 avec mon ami Tomo, dîner et déjeuner avec mes filles avec des vins inhabituels, dîner au restaurant Pages à l’invitation de Tomo.

(bulletin WD N° 822 190319)   Le bulletin n° 822 raconte : préparation du 233ème dîner de wine-dinners au restaurant Le Beaulieu lors d’un déjeuner et deux jours plus tard, 233ème dîner dans la ville du Mans au restaurant étoilé Le Beaulieu.

(bulletin WD N° 821 190312)   Le bulletin n° 821 raconte : présentation par Gonzalo Ituriaga des vins du groupe Tempos Vega Sicilia à l’hôtel George V et 232ème dîner de wine-dinners à la Cave d’Exception de l’hôtel de Crillon.

(bulletin WD N° 820 190305)   Le bulletin n° 820 raconte : week-end avec des vins centenaires lors d’un dîner chez moi et d’un déjeuner dans ma cave, avec un ami amateur de vins anciens.

(bulletin WD N° 819 190226)   Le bulletin n° 819 raconte : visite à la maison de champagne Henriot, déjeuner au restaurant Le Millénaire à Reims, déjeuner à l’Ecrin de l’hôtel de Crillon pour préparer un futur dîner et dîner au restaurant Le Relais Louis XIII à Paris.

(bulletin WD N° 818 190219)   Le bulletin n° 818 raconte : dîner de chef à la manufacture Kaviari avec Yannick Alléno aux fourneaux, déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier, dîner de famille, déjeuner au restaurant l’Ecu de France, déjeuner dominical.

(bulletin WD N° 817 190212)   Le bulletin n° 817 raconte : dîner de vins anciens de l’association Rhône Vignobles au restaurant Michel Chabran et dîner au restaurant Taillevent avec des personnalités du monde du vin.

(bulletin WD N° 816 190212)   Le bulletin n° 816 raconte : ouverture des vins prévus pour l’atelier de dégustation de vins anciens de l’association Rhône Vignobles, pot-au-feu au domaine Combier et tenue de l’atelier.

(bulletin WD N° 815 190205)   Le bulletin n° 815 raconte : à Miami, dîner au restaurant Zuma, déjeuner au restaurant Kiki on the River, dîner au restaurant italien Ironside Kitchen, dîner chez mon fils, brunch au champagne à l’hôtel Biltmore, déjeuner au restaurant espagnol Xixon et en France, dîner au restaurant Michel Chabran.

(bulletin WD N° 814 190129)   Le bulletin n° 814 raconte : dîner du 24 décembre à la maison, déjeuner de Noël en famille, apéritif et repas chez mon fils à Miami, dîner chez mon fils avec deux amies américaines, les plus fidèles de mes dîners et suite le lendemain.

(bulletin WD N° 813 190129)   Le bulletin n° 813 raconte : dîner au siège de Grains Nobles, dîner dans un salon du Pré Catelan, deux dîners avec mes enfants, déjeuner au restaurant Lasserre avec Alexandre de Lur Saluces et son fils, visite à la boutique « Divins » tenue par un ami.

(bulletin WD N° 812 190122)   Le bulletin n° 812 raconte : les vins du déjeuner dans ma cave avec des cadres de Krug bus le lendemain avec mon fils, d’autres restes de vins bus à Yquem partagés avec mon fils, au siège de la société Grains Nobles, Aubert de Villaine présente les vins du domaine de la Romanée Conti de 2015.

(bulletin WD N° 811 190122)   Le bulletin n° 811 raconte : déjeuner de famille, dîner à quatre mains à la Table de l’Espadon de l’hôtel Ritz avec aux fourneaux Nicolas Sale chef du lieu et Arnaud Lallement de l’Assiette Champenoise, déjeuner dans ma cave avec des cadres de la Maison Krug autour de vins atypiques.

(bulletin WD N° 810 190118)   Le bulletin n° 810 raconte : 31ème séance de l’académie des vins anciens au restaurant Macéo.

(bulletin WD N° 809 190110)   Le bulletin n° 809 raconte : Salon Vinapogée avec des stands où des vignerons présentent des vins anciens et un atelier que j’anime sur des vins anciens, déjeuner au restaurant Michel Rostang avec des vins inattendus.

Dîner d’été dans la maison du sud jeudi, 20 juin 2019

Le lendemain du 238ème dîner je pars en train dans le sud et j’arrive devant le portail de la maison un peu avant 20 heures, en même temps que notre invitée de ce soir, une talentueuse chef qui d’Ollioules est allée tenter sa chance avec son mari à Tahiti, pour y gérer un hôtel de très grand luxe. Elle est pour quelques jours en France et il n’était pas question de rater une occasion de la voir.

Ma femme a tout prévu : saucisson, pâté de tête, chorizo, filet mignon de porc fumé et autres charcuteries vont accompagner un Champagne Salon 1997. Le pschitt est marqué, la bulle est fine, la couleur est claire et le nez est de grande finesse. Ce qui apparaît tout de suite, c’est la sérénité de ce champagne à la lisibilité parfaite. Voilà un champagne qui ne cherche pas à prouver qu’il existe, qui est là, accompli et de belle richesse. Comme George Clooney, on se demande ‘quoi d’autre’ pourrait atteindre ce niveau de qualité. Il est naturel et on est heureux de le boire. Un très beau foie gras est servi à table et se marie bien avec le champagne.

Le plat est un poulet servi avec des petites pommes de terre rissolées au persil et à l’ail. J’ouvre au dernier moment un Vega Sicilia Unico 2004 qui est un monument de fraîcheur. Il est riche, complet et son alcool de 14° (voire un peu plus) se sent, mais le parcours en bouche finit par une légèreté qui signe un vin exceptionnel. Riche de fruits noirs et gouleyant, il dégage une joie de vivre qui fait plaisir.

On sent que les vacances d’été démarrent car ma femme a acheté un camembert Jort, qui par une conjonction étonnante se marie avec le Vega Sicilia Unico. J’ai pu vérifier une fois de plus que l’ouverture d’un vin jeune au dernier moment offre une vibration particulière de fraîcheur et d’émotion qui ne dure que pendant le premier tiers de la bouteille.

Nous avons parlé avec notre amie de sa vie dans les îles magiques de Tahiti. Quel plaisir de la retrouver, forte de sa belle expérience.

238ème dîner de wine-dinners au restaurant Garance jeudi, 20 juin 2019

      Le 238ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Garance. J’étais venu il y a quelques semaines prendre connaissance de la cuisine du chef Alexis Bijaoui que je ne connaissais pas et nous avions bâti avec Guillaume Muller le projet de menu.

A 17 heures j’arrive au restaurant Garance pour ouvrir les bouteilles qui ont été mises debout la veille dans la très jolie cave climatisée du restaurant. Nous sommes un jour de pleine lune, il fait chaud, et je constate que tous les bouchons sont venus entiers, sans se briser, ce qui est rare. Plusieurs odeurs sont encore imprécises ce qui justifie l’aération de plusieurs heures qui va suivre. Pour une fois je pense à ouvrir les champagnes à l’avance, vers 18 heures.

C’est la première fois je crois que je fais un dîner sans connaître aucun des participants. Souvent, lorsque quelqu’un réserve un dîner pour une table entière, je connais le donneur d’ordre. Là, tout s’est fait au téléphone et par échanges de mail. Nous sommes sept, dont trois sont des partenaires dans une société de Capital Risque, deux de la société qui a réalisé une très belle opération de cession, accompagnés de leur conseil. Le succès de l’opération justifie ce repas. L’ambiance sera particulièrement souriante.

Nous sommes installés dans le très agréable salon du restaurant. L’apéritif se prend debout, avec un Champagne Jacques Selosse millésime 2002 Extra Brut dégorgé en 2013. Il y a dans notre groupe deux personnes qui manifestement connaissent bien le vin et quatre autres aux connaissances plus clairsemées. Certains adorent le caractère extra-brut de ce champagne et d’autres moins. Il est puissant, légèrement ambré et évoque de beaux fruits oranges comme l’abricot mais aussi un peu de miel. Ce champagne racé est une belle entrée en matière. Il a une grande force de persuasion ?

Nous passons à table. Le menu préparé par Guillaume Muller et le chef Alexis Bijaoui est : brioche feuilletée et tartelette de légumes / crème à l’araignée de mer / homard à l’huile de rose / rascasse sauce volaille / pigeon, jus corsé / bœuf de la ferme de Garance, champignons, jus de viande / stilton / crème anglaise à la verveine, rhubarbe / petits financiers au café.

Le Champagne Salon 1988 avait à l’ouverture un pschitt tonique et puissant de jeune vin. Son parfum est noble. En bouche il est d’une maturité parfaite, riche et conquérant. J’adore ce Salon accompli. L’araignée de mer est très cohérente pour mettre en valeur le champagne noble.

Le Chablis Grand Cru Blanchot Domaine Vocoret 1988 a un nez assez désagréable comme s’il était camphré. Je l’avais senti à l’ouverture et je pensais qu’il disparaîtrait. Fort heureusement, la bouche ne s’en ressent pas. Le homard est absolument délicieux, d’une cuisson parfaite. Le chablis est opulent mais n’est pas très chablis. Il est en tout cas inférieur à d’autres de ce même vin que j’ai eu l’occasion de boire. L’accord est pertinent.

Pour beaucoup, la couleur intense du Château Ausone Saint-Emilion 1962 est une énigme. Comment est-ce possible qu’un vin de 57 ans puisse être aussi jeune ? Je ressens au nez une infime trace de camphré comme si le parfum du blanc avait déteint sur celui du bordeaux. Heureusement la bouche n’en souffre pas, riche de truffe et de charbon. Saint-Emilion très caractéristique il est riche et forme avec le poisson un superbe accord qui étonne beaucoup de convives par son originalité.

Le Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929 est marqué par un fort nez de bouchon. Aïe ! Je joue de malchance. A l’ouverture, rien ne laissait supposer que ce serait le cas. Le nez de bouchon va s’estomper un peu et ne nuit pas tellement à la bouche d’un vin bien vivant, mais on ne peut pas vraiment l’ignorer. Le pigeon est superbe, de belle chair. Dommage que ce pommard au beau message soit entouré d’un voile qui l’inhibe un peu.

Ouf ! Le Châteauneuf-du-Pape Veuve Villars et Fils 1928 est totalement exceptionnel. Il remet en cause toutes les certitudes sur l’effet de l’âge. Certains pensaient que jamais ce vin ne brillerait. Le vin est tout simplement génial, d’une belle énergie et on lui donnerait volontiers 20 ans au lieu de 91 ans. Il est merveilleux de velours. La viande du bœuf de la ferme de Garance est goûteuse et l’accord est superbe. Ce vin superbe fait oublier les déconvenues précédentes.

Le Château Climens Haut Barsac 1966 est d’une couleur abricot. Il est raffiné. Il n’est pas explosif en bouche même s’il a beaucoup d’énergie. L’accord avec le stilton est un modèle du genre. Ce Barsac est d’une élégance qui nous ravit.

Le Quinta do Noval Vintage Port 1975 indique sur l’étiquette 20,6°. On ne sent pas du tout l’alcool tant le vin glisse en bouche avec bonheur. Il a des fruits noirs gorgés de soleil et ce porto est du pur bonheur. La crème anglaise à la verveine avec de petits dés de rhubarbe, dessert décidé au dernier moment, crée un accord de grand raffinement, tout en subtilité.

Le Marc de rosé d’Ott du domaine d’Ott 1929 est d’une jolie couleur rose frêle. Il n’y a que la couleur qui est frêle. En bouche, c’est un bazooka qui arrache tout sur son passage. Les petits financiers l’adoucissent mais c’est un marc de combat, très intense.

Il est temps de voter et nous sommes sept à voter pour cinq vins préférés sur les neuf du repas. Le marc n’a eu aucun vote car il est vraiment à part. Tous les autres ont eu des votes, même le 1929 dont le message de fond a séduit un des convives. Trois vins ont eu les honneurs d’être premiers, le Châteauneuf-du-Pape cinq fois, le Climens une fois, comme le porto.

Le vote du consensus serait : 1 – Châteauneuf-du-Pape Villars 1928, 2 – Château Climens Haut Barsac 1966, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1962, 4 – Champagne Salon 1988, 5 – Quinta do Noval Vintage Port 1975, 6 – Champagne Jacques Selosse millésime 2002.

Mon vote est : 1 – Châteauneuf-du-Pape Villars 1928, 2 – Champagne Salon 1988, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1962, 4 – Château Climens Haut Barsac 1966, 5 – Quinta do Noval Vintage Port 1975.

La cuisine d’Alexis Bijaoui a été raffinée et simple, pour mettre le produit en valeur, et ce fut réussi. Trois accords méritent d’être mis en valeur : la rascasse à la sauce viande et l’Ausone 1962, le stilton avec le Climens 1966 et la crème à la verveine avec le porto.

Le service de Léo des vins a été parfait. Tout était réuni, sauf le parfum du pommard 1929, pour que nous vivions une très belle expérience avec des convives joyeux, souriants et sympathiques. Vive le Châteauneuf de 91 ans !!!


jolie sculpture à l’entrée

un champagne pour soutenir le moral de l’ouvreur !

les vins

 

Dernier dîner avec mon fils lors de son séjour à Paris dimanche, 16 juin 2019

Deux jours plus tard, je dîne avec mon fils sur des restes des approvisionnements récents. Il y a aussi un reste du Champagne Krug Private Cuvée KRUG LIGHT années 40. Ouvert il y a quatre jours, je n’en attends pas grand-chose. Quelle n’est pas ma surprise de constater que la couleur du champagne est très claire et que le vin ne porte aucune trace de l’aération de quatre jours, au contraire. Il est vif, plein, avec un joli fruit et une grande énergie. Le vin est un monde qui réserve toujours des surprises.

Il y a aussi le Château d’Yquem 1954 qui a été ouvert il y a deux jours. Il est épanoui et pimpant comme le premier jour. Nous allons faire une découverte. Avec un kouign-amann l’Yquem est transcendant. Je n’avais essayé cet accord, du fait de la présence d’un sucre intense. Or l’accord est d’une pureté intégrale et le vin est grandiose, large et opulent.

J’ai ouvert un Champagne Dom Pérignon 2002 qui a une bulle extrêmement active et a du mal à se situer à côté des deux autres vins. Il sera bu surtout le lendemain. Il a pris de l’ampleur, mais sa bulle trop forte me dérange un peu. Il est vrai que je bois surtout des champagnes anciens, mais je pense que ce 2002 doit attendre encore dix ans avant de devenir un très grand champagne.

Dinner in restaurant Michel Rostang with a transcendantal Romanée Conti samedi, 15 juin 2019

The evolution of wine prices changes consumer habits. Some wines have become inaccessible. So when I get offers that I cannot handle alone, I call my friend Tomo, to see if he would accept a joint purchase.

This is the case of a Romanée Conti 1954 that tempts me enormously. We know that after the 1945 harvest, the vines of Romanée Conti, prephylloxeric, were about 200 years old. Exhausted, they had produced only the equivalent of 600 bottles, so they were torn off. There was no Romanée-Conti during the six years that followed, and the Romanée Conti 1954 is therefore made by young vines.

Aubert de Villaine had told me that he was surprised that the wines of the 50s, coming from young vines are as complex as wines from old vines and the only non-scientific explanation he gives is that during the uprooting, they left on the spot torn roots which had to form a kind of amalgam which enriched the young roots. Seeing an offer of a 1954 I could not miss the opportunity to verify. Tomo had the same desire. We bought it.

We discussed additional inputs and we quickly agreed. I brought the Romanée Conti and my contributions the day before dinner. Tomo joins me on dinner day at 5 pm at the restaurant Michel Rostang, for the opening of the wines. I had kept from the dinner of the day before a rest of Trottevieille 1943 that we will drink after the champagne. Tomo smells it and he is very happily surprised.

I open the Musigny Count Georges de Vogüé 1943 and the cork comes whole. Very oddly enough, it is inscribed on the cork « Vieilles Vignes » while this inscription does not appear on the label. Who’s right, the cork or the label? A priori it is the label, but we do not know. We will see.

The bottle of the Romanée Conti 1954 shows a very nice color that had played a role in my desire to acquire this wine. The level is very acceptable, 5 or 6 centimeters from the cap. When I pull the cap, the upper half is dry and covered with pale green mold. It’s not very engaging. The second half has no defect, but the bottom of the cap is narrowed, this half being more conical than cylindrical. Life is not simple. The scent of wine is still vague but everything suggests that time will do its work.

The Yquem 1954 has a very nice level and a beautiful dark mahogany color. The cap is broken in its lower part on the one hand because the plug is soaked, but mainly because the top of the neck is tightened and prevents the cap from going out.

Everything is over at 5:30 pm so we have at least two hours left, which allows us to chat. I would like to open the Ruinart 1949 in advance. Tomo is perplexed. It will be open less than an hour before we drink it. Opening it earlier would have been preferable. The cork broke to the twist and was pulled out with a corkscrew, without pschitt.

We build the menu with the kind advice of the butler and Baptiste, the friendly sommelier and we choose: frog legs parsley parsley roasted natural, watercress coulis / duck ‘Miéral’ blood, served bleeding in two courses, red wine sauce with blood and foie gras, consommé of duck / hot soufflé with fresh verbena, caramelized raspberries, raspberry verbena sorbet.

Champagne Ruinart Brut 1949 has a pretty golden color. The bubble is nonexistent but the sparkling in the mouth is well preserved. What is surprising at first contact is that champagne is extremely sweet. He is not a Brut. It is more dosed than a champagne « American taste ». But this sweetness will quickly disappear when the champagne will be confronted with amuse-bouches and the entrance. It becomes lively and reminds me of the Dom Pérignon of the 40s, which have beautiful, caressing subtleties. This champagne becomes with time more and more pleasant and gastronomic.

Three small bites are served as an aperitif, simple and neutral tastes. It adds a nice preparation that gives the impression of eating a green soup while the preparation is solid. It’s extremely elegant but the restaurant should know, when customers go to drink the wines we brought, that this soup will never be compatible with what we drink. This does not prevent this dish from being talented.

The frogs’ legs are delicious, but the cromesquis croquettes have envelopes too thick, which weigh down the chewing of this dish. Château Trottevieille Saint-Emilion 1943 enjoyed a good day after being opened yesterday. It is dense, rich, truffled and very pleasant.

The Musigny Count Georges de Vogüé 1943 has a very beautiful color. His perfect nose is straight and strong, showing a rich burgundy’s image. In the mouth what impresses me is the purity and precision of this wine. It is magnificent and its vigor is that of a wine of twenty years. We are happy. It is likely that it is ‘Vieilles Vignes’ because it is rich and brilliant.

We should have filmed Tomo and I when we took the first sip of the Romanée-Conti Domain of the Romanée-Conti 1954. It was a shock, an illumination and a big smile on our two faces meaning: « That there is, we have one, tonight we are going to have a huge Romanée-Conti « . Because she is wonderful. What happiness. We no longer hold up, we welcome, we are happy. The same morning, speaking with Aubert de Villaine, he told me that 1954 being a rather weak year, the estate had kept a lot of this year’s Romanée Conti. And once, sharing a 1954 with Hubert de Montille, Hubert had kneeled, to signify that he drank a miraculous wine. Well, what Hubert de Montille felt, we feel it. What is fascinating is the salt, the marker so full of Romanée Conti that you cannot go wrong when you drink. This salt is elegant, strong, skeleton of taste. The faded rose, often associated with this wine is not present. Salt transports the wine and gives it complexity and length. I think this 1954 is one of the five biggest Romanée Conti I’ve had the chance to drink. And it is confirmed that this terroir is brilliant in the small years. We check what Aubert de Villaine had suggested to me, is that the complexity of this wine, the infinite range of flavors is not at all that of a wine of young vines.

And we measure the grandeur of Romanée Conti in juxtaposition with the Musigny. We can consider the Musigny as absolutely perfect, joyful rich and fruity, but Romanée Conti is stratospheric and takes us to infinite heights. The gap is breathtaking. We feast like crazy young people.

What is interesting is that it is the Musigny that is most suitable for duck blood. Romanée would have been more at ease on a pigeon or a poached foie gras.

We could ask ourselves the question of our enthusiasm: are we laudatory because it is Romanée-Conti and because we wanted it? The answer is of absolute certainty, given by the Musigny. This Musigny is immense, perfect in its definition, but the Romanée Conti transports us to a hundred cubits above. Doubt is not allowed.

The soufflé is delicious and goes well with the Château d’Yquem 1954. It was dark in the bottle and in the glass it is nicely gilded. He has all the class and the generous complexity of Yquem and is part of the Yquem who ate their sugar a little. I love it. We had so many wonders that we only have one glass of this delicious Sauternes. I will bring it home and Tomo will do the same for the Musigny of which remains a quarter.

Dinner at the restaurant Michel Rostang is a pleasure. Everyone is welcoming in this house that breathes the atmosphere of a family home. Baptiste is a very competent sommelier. The service is attentive and smiling. The chef was kind enough to present the accompaniments separately so that we could enjoy pure tastes. The blood duck is a divine dish based on ducks of unparalleled quality.

This dinner is for Tomo and I the crowning of our passion. We drank one of the most beautiful Romanée-Conti that it is possible to drink, totally typified, a wine that is unlike any other. For four hours we were on a small cloud, realizing a dream. This dinner was a miracle thanks to an anthology Romanée Conti.

(see pictures in the article in French)

Addendum : message received from Aubert de Villaine when he read the bulletin #840 where this dinner is mentioned.

What a shock to see this picture of the label that lived the Romanée-Conti 1954 that you drank with your friend Tomo! What a shock especially because the impression she made you seems to me to have been as strong as the one she made us when we tasted it in the 70s or 80s!

It is wonderful that you followed him with a Yquem 1954, a year that must have been as difficult in Bordeaux as it has been in Burgundy.

I still have a little criticism to make of you, that of having truncated the explanation that I gave you about the strange and even almost implausible complexity of the Romanée-Conti 1954. Explication certainly not scientific, but all of which the meaning comes from the fact that the vine had been carried on all its life until 1945 in provignage, that is to say that a vine to provign was curved in a small pit and gave one, two or three new vines by the eyes of one, two or three of his branches, and that he rotted in the soil at the same time as his roots. Too bad to have skipped this explanation because it is not the rooted roots but even more the decaying vines that have enriched the young roots.

In any case, I am happy for you that you had this experience.

(Since my science of the vine is very weak or even nil, I had poorly memorized the words of Aubert de Villaine, so it is useful to publish his message, which specifies his thoughts).

Une Romanée Conti 1954 inoubliable au restaurant Michel Rostang vendredi, 14 juin 2019

L’évolution des prix des vins change les habitudes de consommation. Certains vins sont devenus inaccessibles. Alors, lorsque me parviennent des offres que je ne pourrais pas assumer seul, j’appelle mon ami Tomo, pour savoir s’il accepterait un achat en commun. C’est le cas d’une Romanée Conti 1954 qui me tente énormément. On sait qu’après la vendange de 1945, les vignes de la Romanée Conti, préphylloxériques, avaient environ 200 ans. Epuisées, elles n’avaient produit que l’équivalent de 600 bouteilles, aussi ont-elles été arrachées. Il n’y a pas eu de Romanée-Conti pendant les six ans qui ont suivi, et la Romanée Conti 1954 est donc de jeunes vignes.

Aubert de Villaine m’avait dit qu’il était étonné que les vins des années 50, provenant de jeunes vignes aient autant de complexité que des vins de vieilles vignes et la seule explication, non scientifique, qu’il donne, est qu’à l’arrachage, on a laissé sur place des racines arrachées qui ont dû former une sorte d’amalgame qui a enrichi les jeunes racines. Voyant passer une offre d’une 1954 je ne pouvais pas laisser passer l’occasion de le vérifier. Tomo a eu la même envie. Nous l’avons achetée.

Nous avons discuté des apports complémentaires et nous nous sommes mis rapidement d’accord. J’ai apporté la Romanée Conti et mes apports la veille du dîner. Tomo me rejoint le jour du dîner à 17 heures au restaurant Michel Rostang, pour l’ouverture des vins. J’avais gardé du dîner de la veille un fond de Trottevieille 1943 que nous boirons après le champagne. Tomo le sent et il est très heureusement surpris. J’ouvre le Musigny Comte Georges de Vogüé 1943 et le bouchon vient entier. Très curieusement il y a inscrit sur le bouchon « Vieilles Vignes » alors que cette inscription ne figure pas sur l’étiquette. Qui a raison, le bouchon ou l’étiquette ? A priori c’est l’étiquette, mais on ne sait pas. Nous verrons.

La bouteille de la Romanée Conti 1954 laisse voir une très jolie couleur qui avait joué un rôle dans mon désir d’acquérir ce vin. Le niveau est très acceptable, à 5 ou 6 centimètres du bouchon. Lorsque je tire le bouchon, la moitié supérieure est sèche et recouverte de moisissure vert pâle. Ce n’est pas très engageant. La deuxième moitié n’a aucun défaut, mais le bas du bouchon est rétréci, cette moitié étant plus conique que cylindrique. La vie n’est pas simple. Le parfum du vin est encore imprécis mais tout laisse penser que le temps fera son œuvre.

L’Yquem 1954 a un très beau niveau et une belle couleur sombre acajou. Le bouchon se brise dans sa partie basse d’une part parce que le bouchon est imbibé, mais surtout parce que le haut du goulot est resserré et empêche le bouchon de sortir entier.

Tout est fini à 17h30. Il nous reste au moins deux heures ce qui nous permet de bavarder.

Je souhaiterais ouvrir en avance le Ruinart 1949. Tomo est perplexe. Il ne sera ouvert que moins d’une heure avant que nous ne le buvions. L’ouvrir plus tôt eut été préférable. Le bouchon s’est brisé à la torsion et a été sorti avec un tirebouchon, sans pschitt.

Nous bâtissons le menu avec les aimables conseils du maître d’hôtel et de Baptiste, le sympathique sommelier et nous choisissons : cuisses de grenouille en chapelure de persil rôties au naturel, coulis de cresson acidulé / la canette ‘Miéral’ au sang, servie saignante en deux services, sauce au vin rouge liée de son sang et au foie gras, consommé de canard corsé / le soufflé chaud à la verveine fraîche, framboises caramélisées, sorbet framboise verveine.

Le Champagne Ruinart Brut 1949 a une jolie couleur dorée. La bulle est inexistante mais le pétillant en bouche est bien conservé. Ce qui surprend au premier contact, c’est que le champagne est extrêmement doux. Il n’a rien d’un Brut. Il est plus dosé qu’un champagne au « goût américain ». Mais cette douceur va rapidement disparaître lorsque le champagne va se confronter aux amuse-bouches et à l’entrée. Il devient vif et me rappelle les Dom Pérignon des années 40 qui ont de belles subtilités caressantes. Ce champagne devient avec le temps de plus en plus agréable et gastronomique.

Trois petites bouchées nous sont servies à l’apéritif, de goûts simples et neutres. On y ajoute une belle préparation qui donne l’impression de manger une soupe alors que la mâche est solide. C’est extrêmement élégant mais on devrait savoir, quand des clients vont boire les vins que nous avons apportés, que jamais cette soupe ne sera compatible avec ce que nous buvons. Ce qui n’empêche pas ce plat d’être talentueux.

Les cuisses de grenouilles sont délicieuses, mais les croquettes façon cromesquis ont des enveloppes trop épaisses, qui alourdissent la mâche de ce plat. Le Château Trottevieille Saint-Emilion 1943 a bien profité d’un jour de plus. Il est dense, riche, truffé et très agréable.

Le Musigny Comte Georges de Vogüé 1943 a une très belle couleur. Son nez parfait est droit et solide, d’un bourgogne riche. En bouche ce qui m’impressionne, c’est la pureté et la précision de ce vin. Il est magnifique et sa vigueur est celle d’un vin de vingt ans. Nous sommes heureux. Il y a toutes chances qu’il soit ‘Vieilles Vignes’ car il est riche et brillant.

Il aurait fallu nous filmer, Tomo et moi au moment où nous avons pris la première gorgée de la Romanée-Conti Domaine de la Romanée-Conti 1954. Ce fut un choc, une illumination et un grand sourire sur nos deux visages signifiant : « ça y est, on en tient une, ce soir, nous allons avoir une immense Romanée-Conti ». Car elle est merveilleuse. Quel bonheur. Nous ne tenons plus en place, nous nous félicitons, nous sommes heureux.

Le matin même, parlant avec Aubert de Villaine, il m’avait dit que 1954 étant une année plutôt faible, le domaine avait gardé beaucoup de Romanée Conti de cette année. Et une fois, partageant une 1954 avec Hubert de Montille, celui-ci s’était mis à genou, pour signifier qu’il buvait un vin miraculeux.

Eh bien, ce que Hubert de Montille avait ressenti, nous le ressentons. Ce qui est fascinant, c’est le sel, ce marqueur si prégnant de la Romanée Conti qui fait qu’on ne peut pas se tromper quand on en boit. Ce sel est élégant, fort, ossature du goût. La rose fanée, souvent associée à ce vin n’est pas présente. Le sel transporte le vin et lui donne complexité et longueur. Je pense que cette 1954 fait partie des cinq plus grandes Romanée Conti que j’ai eu la chance de boire. Et il se confirme que le domaine est brillant dans les petites années. Nous vérifions ce qu’Aubert de Villaine m’avait suggéré, c’est que la complexité de ce vin, la gamme infinie des saveurs n’est pas du tout celle d’un vin de jeunes vignes.

Et nous mesurons la grandeur de la Romanée Conti en juxtaposition avec le Musigny. On peut considérer le Musigny comme absolument parfait, joyeux riche et fruité, mais la Romanée Conti est stratosphérique et nous emmène sur des hauteurs infinies. L’écart est époustouflant. Nous nous régalons comme de jeunes fous.

Ce qui est intéressant, c’est que c’est le Musigny qui est le plus adapté au canard au sang. La Romanée aurait été plus à son aise sur un pigeon ou sur un foie gras poché.

On pourrait se poser la question de notre enthousiasme : sommes-nous laudatifs parce que c’est la Romanée-Conti et parce que nous la voulions ? La réponse est d’une certitude absolue, donnée par Le Musigny. Ce Musigny est immense, parfait dans sa définition, mais la Romanée Conti nous transporte à cent coudées au-dessus. Le doute n’est pas permis.

Le soufflé est délicieux et s’accorde bien avec le Château d’Yquem 1954. Il était sombre dans la bouteille et dans le verre il est joliment doré. Il a toute la classe et la complexité généreuse d’Yquem et fait partie des Yquem qui ont un peu mangé leur sucre. Je l’adore.

Nous avons eu tellement de merveilles que nous ne prenons qu’un verre de ce délicieux sauternes. Je le rapporterai à la maison et Tomo fera de même pour le Musigny dont il reste un quart.

Dîner au restaurant Michel Rostang est un plaisir. Tout le monde est accueillant dans cette maison qui respire l’atmosphère d’une maison familiale. Baptiste est un sommelier très compétent. Le service est attentionné et souriant. Le chef a eu la gentillesse de présenter à part les accompagnements pour que nous puissions profiter des goûts purs. Le canard au sang est un plat divin fondé sur des canettes d’une qualité sans égale.

Ce dîner est pour Tomo et moi le couronnement de notre passion. Nous avons bu une des plus belles Romanée-Conti qu’il soit possible de boire, totalement typée, un vin qui ne ressemble à aucun autre. Pendant quatre heures nous avons été sur un petit nuage, réalisant un rêve. Ce dîner fut un miracle grâce à une Romanée Conti d’anthologie.


j’avais prévu une bouteille de Latour 1943 pour le cas où, qui n’a pas été utilisée

le fabuleux canard au sang

la couleur et la lie de la Romanée Conti

Addendum – message d’Aubert de Villaine après avoir lu le bulletin 840 qui parle de ce dîner :

Quel choc de voir cette photo de l’étiquette qui a vécu de la Romanée-Conti 1954 que vous avez bue avec votre ami Tomo ! Quel choc surtout parce que l’impression qu’elle vous a faite me semble avoir été aussi forte que celle qu’elle nous faisait quand nous la dégustions dans les années ‘70 ou ’80 !

Il est formidable que vous l’ayez fait suivre d’un Yquem 1954 également, année qui a dû être aussi difficile à Bordeaux qu’elle l’a été en Bourgogne.

J’ai tout de même un petit reproche à vous faire, celui d’avoir tronqué l’explication que je vous avais donnée sur l’étrange et même presque invraisemblable complexité de la Romanée-Conti 1954. Explication certes non scientifique, mais dont tout le sens provient du fait que la vigne avait été menée sa vie entière jusqu’en 1945 en provignage, c’est-à-dire qu’un cep à provigner était courbé dans une petite fosse et donnait un, deux ou trois nouveaux ceps par les yeux d’un, deux ou trois de ses sarments, et qu’il pourrissait dans le sol en même temps que ses racines. Dommage d’avoir sauté cette explication car ce ne sont pas les racines arrachées mais bien plus les ceps en décomposition qui ont enrichi les jeunes racines.

En tout cas, je suis heureux pour vous que vous ayez eu cette expérience.

(ma science de la vigne étant très faible, voire nulle, j’avais mal mémorisé les propos d’Aubert de Villaine. Il est donc utile de publier son message, qui précise sa pensée).

Déjeuners de conscrits au Yacht Club de France jeudi, 13 juin 2019

Comme chaque mois, nous nous retrouvons au Yacht Club de France à déjeuner entre conscrits, avec toutefois deux ‘jeunots’ à notre table de huit. L’apéritif est une corne d’abondance comprenant accras et poissons fumés, charcuteries fines, foie gras poêlé, andouille et ‘languouille’ au piment d’Espelette.

La première bouteille de Champagne Ruinart sans année est désagréable, déséquilibrée aux accents lactés. La deuxième n’en devient que plus plaisante, fraîche et coulant bien en bouche.

Le menu conçu par Thierry Le Luc et le chef Benoît Fleury est : homard rôti et mangue ivoirienne / rôti de filet d’agneau sur ananas rôti, pommes paille et sauce diable / fromages / éclair vanillé sur une soupe de cerises.

Le thème est très exotique, mais la façon dont sont traités le homard et la mangue les rend incompatibles. Aussi le Puligny Montrachet 2014 dont j’ai oublié le nom, même s’il est agréable, ne peut pas briller sur ce plat sans homogénéité.

Le filet d’agneau au contraire, trouve un accord superbe sur les ananas délicieux, et le Château Les Carmes Haut-Brion Pessac-Léognan 2002, riche et cohérent se marie admirablement au plat.

Sur les fromages, nous goûtons un Château Patris Saint-Emilion 1998 qui a du mal à passer après le riche Carmes Haut-Brion. Il n’arrive pas à capter notre attention.

Le dessert est superbe et un alcool étant proposé, j’ai bu une Vieille Prune alcool que je n’ai pas goûté depuis probablement plus de vingt ans. Je me suis régalé.

La cuisine et le service sont toujours aussi agréables en cet endroit. Le désaccord mangue et homard ne pèse rien et ne peut contrarier notre plaisir.

apéritif

repas

dîner au restaurant Le Gaigne jeudi, 13 juin 2019

Tim est un des plus fidèles de l’académie des vins anciens. Il me propose de dîner avec la fondatrice d’une société d’authentification des vins et de recherche des fraudes que j’ai déjà plusieurs fois rencontrée. Elle connait tous les acteurs (ou presque) du marché des faux, qui ne cesse de s’étendre. Elle est basée à San Francisco mais donne des cours à travers le monde pour former des amateurs à la reconnaissance des principaux pièges à éviter. Nous serons cinq à dîner au restaurant Le Gaigne dont le chef et son équipe sont des amoureux du vin et acceptent nos apports. Régis m’accueille avec un grand sourire. Je lui avais demandé d’ouvrir à 17 heures mon vin, apporté ce matin, et quand j’arrive à 17h30, je vois que le bouchon du Trottevieille 1943 est sorti entier et le parfum me paraît hautement sympathique.

Tim et les trois autres convives de la société de Maureen arrivent ensemble juste avant 20 heures et Tim me montre que tous autres vins ont été ouverts à 18 heures et rebouchés avec des bouchons de verre. On ne peut pas à proprement parler d’oxygénation lente lorsque l’on utilise cette méthode qui me fait un peu peur, avec les agitations des vins pendant le transport. J’ouvre le seul vin non encore ouvert, un Corton-Charlemagne 1990 au parfum tonitruant.

Nous choisissons le menu qui est présenté sur des tablettes électroniques et je n’ai pas eu le réflexe de noter les intitulés des plats. Nous aurons des gambas aux carottes râpées, des cuisses de grenouilles, un merlan à l’artichaut, une belle tranche de veau et une boule fondante au chocolat à laquelle je n’ai pas touché.

Le premier champagne pris sur la carte du restaurant est un Champagne Joseph Perrier Blanc de Noirs Cuvée Royale 2008 qui n’est pas encore très expressif. Nous décidons de le reporter à la fin du repas et nous aurons raison.

Le Champagne Dom Pérignon 1969 que j’ai ouvert une bonne demi-heure avant qu’il ne soit servi, a une superbe couleur d’un or clair et une bulle active. Il avait fait un sympathique pschitt à l’ouverture. Ce champagne racé est un vrai bonheur. Il a une belle tension, une grande vivacité et une palette aromatique infinie. Les Dom Pérignon de la décennie 60 sont de véritables réussites.

Le Puligny-Montrachet 1er Cru Leroy négociant 1978 est une bombe olfactive et en bouche c’est un Etna de puissance. Il est riche incisif, avec une acidité conquérante. C’est un grand vin.

Il est beaucoup plus puissant que le Corton Charlemagne Bouchard Père et Fils 1990 que j’avais pourtant jugé tonitruant à l’ouverture. Le vin de Bouchard est noble, gouleyant et de grande longueur. On sent le Grand Cru.

Ce qui est étonnant, c’est que le Puligny est plus grand lorsqu’il n’y a pas de plat, et lorsque les cuisses de grenouilles sont servies, c’est le Corton-Charlemagne qui devient le plus brillant. Il crée un accord superbe.

On servira les rouges en deux séries, les deux bordeaux et les deux bourgognes. Le Château Trottevieille Saint-Emilion 1943 est tout en velours. Son parfum est de truffe, et sa bouche est velours, avec une belle intensité.

Le bordeaux apporté par Tom a une étiquette très peu lisible mais on peut lire Château Laroze. La bouteille est ancienne, probablement de la fin du 19ème siècle. Lorsque je goûte, j’ai une intuition : 1923. Pourquoi ? Parce que ce vin est plus que certainement de la décennie 20, mais il n’a pas l’ampleur d’un 1928 ou d’un 1929. Il est un peu en dessous d’un 1926 aussi 1923 me paraît le plus conforme à ce que je bois. Le vin a plus souffert que l’autre Saint-Emilion, mais il y a un charme dans ce vin moins précis que j’adore. Car ce vin « respire » les années 20. Et j’adore ce Château Laroze
Saint-Emilion 1923
. J’aime son émotion et son discours subtil, tout en suggestion. C’est un rêve de 96 ans.

Les bourgognes sont moins racés que les bordeaux. Le Nuits Saint Georges Les Didiers Saint-Georges Cuvée Cabet des Hospices de Nuits A. Bichot 1978 a un petit côté brûlé, qui me dérange car il suggère un stockage dans une cave trop chaude. Il a de l’étoffe, mais la torréfaction limite le plaisir.

Par contraste le Corton Grancey Louis Latour 1979 à la couleur claire fait fringuant et primesautier. Il n’a pas l’assise terrienne de certains de ses glorieux ancêtres des années 40, mais il se boit bien, franc et généreux.

Le Champagne Joseph Perrier Blanc de Noirs Cuvée Royale 2008 a profité d’une longue aération et il se montre très agréable et large, ce qu’il n’était pas à l’ouverture. Il permet de poursuivre les discussions dans une ambiance agréable.

Nous nous amusons à voter. Nous sommes cinq à voter pour nos cinq préférés de huit vins. Tous les vins ont des votes sauf le Joseph Perrier, ce qui est normal car c’est le seul vin jeune. Le Dom Pérignon 1969 recueille trois votes de premier, le Puligny 1978 un vote de premier comme le Laroze supposé 1923.

Le classement du groupe serait : 1 – Dom Pérignon 1969, 2 – Puligny-Montrachet Leroy 1978, 3 – Corton Charlemagne Bouchard Père et Fils 1990, 4 – Château Trottevieille 1943, 5 – Château Laroze 1923.

Mon vote est : 1 – Château Laroze 1923, 2 – Puligny-Montrachet Leroy 1978, 3 – Dom Pérignon 1969, 4 – Corton Charlemagne Bouchard Père et Fils 1990, 5 – Château Trottevieille 1943.

Le chef Mickaël Gaignon a fort opportunément adapté ses recettes pour que les plats soient harmonieux pour les vins. Les cuisses de grenouilles désossées et le poisson sont deux plats remarquables.

Régis et toute l’équipe ont fait un service joyeux et convivial. Ce repas impromptu, organisé sans savoir qui apporte quoi, grâce à la générosité de Tim, fut un très grand repas.