32ème séance de l’Académie des Vins Anciens samedi, 18 mai 2019

La 32ème séance de l’Académie des Vins Anciens se tient au restaurant Macéo. Nous sommes 31 annoncés mais une défection tardive a porté notre groupe à 30 convives, dont sept sont des élèves de l’école Cordon Bleu à qui j’ai proposé de venir à la suite de ma conférence-dégustation faite il y a quelques semaines dans leurs locaux. Nous sommes répartis en trois tables dont voici les vins, précédés par les vins de l’apéritif.

Vins d’apéritif : Champagne Cuvée Brut Taittinger Jéroboam années 70 / 80 – Champagne Colin Cuvée Castille Blanc de Blancs magnum années 90 – Champagne Pâques Gaumont Brut Impérial années 80 (2 bouteilles)

Vins du groupe 1 : Château Carbonnieux blanc 1980 – Chateau Bouscaut blanc 1927 – Kebir Impérial blanc Frédéric Lung années 30 – Arbois Fruitière Vinicole d’Arbois 1961 – Château Palmer 1975 – Château de l’Enclos Pomerol 1976 – Côtes de Beaune Bouchard Ainé et fils 1923 – Flory Vin rouge vieux supérieur 1953 – Vin Algérien rouge des années 40/50 (Médea) – F. Sénéclauze Vin Fin rouge d’Algérie présumé 1939 – Langoiran 1943 – Muscat de la Trappe Vin de Liqueur Alger présumée des années 50 – Tokaji Aszu Eszencia 1988 – Marc Blanc du Domaine d’Ott 1929 (commun aux trois tables).

Vins du groupe 2 : Champagne Mumm cordon rouge magnum années 60 – Pouilly Fuissé Julien Damoy 1947 – Kébir Impérial F. Lung blanc années 40 – Moulin Haut Laroque Côtes de Fronsac 1964 – Cos d’Estournel 1960 – Château Cabrières, Châteauneuf-du-Pape 1971 – Minuto Riserva Speciale, Barolo 1964 – Marchesi di Barolo Barolo 1961 – Royal Kebir Frédéric Lung 1940 – Vouvray Clovis Lefèvre Grande année 1959 – Ste Croix-Croix-Du-Mont G.M Dumons & Cie 1943 – Tokaji Aszu Eszencia 1988    – Marc Blanc du Domaine d’Ott 1929 (commun aux trois tables).

Vins du groupe 3 : Château Bouscaut blanc 1986 – Château de Fonsalette blanc 1990 – Châteauneuf-du-Pape blanc Mont-Redon 1970 – Château Saint Pierre Saint Julien 1970 – Château Destieux 1949 – Saint-Amour supposé 1947 – Royal Kébir Frédéric Lung rouge 1947 – Vin d’Algérie (rouge / rosé ?) La Trappe Alger 1962 – Vouvray Clovis Lefèvre Grande année 1959 – Château Pernaud Haut Barsac 1929 – Tokaji Aszu Eszencia 1988 – Marc Blanc du Domaine d’Ott 1929 (commun aux trois tables).

Il convient de faire une remarque sur les vins présents. Il y a quelques mois, un descendant de Frédéric Lung m’a contacté. Il va se marier bientôt, et il voudrait pouvoir acheter des vins de Frédéric Lung pour son mariage. Il est allé sur internet et en cherchant Frédéric Lung, on tombe invariablement sur mon nom. Je lui ai dit que je ne vendais pas ces vins que j’adore car ils sont destinés à être partagés avec des amateurs. Il se trouve que ni lui ni sa mère n’ont bu des vins de sa famille. Je lui ai alors dit : si vous vous inscrivez à l’académie avec votre mère, elle sera mon invitée. Il s’est donc inscrit et a gardé le secret à sa mère jusqu’à leur arrivée. La présence de descendants d’un vigneron que j’apprécie est un privilège aussi ai-je demandé aux autres académiciens inscrits d’apporter des vins d’Algérie s’ils en ont. Ce soir sur les 46 vins à se partager, il y aura 8 vins d’Algérie, dont 4 de Frédéric Lung. Peu après cette annonce, un fidèle de l’académie enregistré en retard me dit : « tu as bu beaucoup de vins de Frédéric Lung, mais je vois que tu n’as jamais bu le Kebir Impérial Blanc de Frédéric Lung, alors j’en apporterai un ». J’aime sa générosité, mais j’aime aussi les défis aussi ai-je apporté comme lui un Kebir Impérial Blanc de Frédéric Lung.

Le jour dit, je suis au restaurant à 16 heures pour ouvrir tous les vins qui avaient été regroupés dans ma cave. Je suis vite rejoint par quatre amis qui m’aident à ouvrir les vins, ce qui est généralement une occasion d’ouvrir d’autres bouteilles pour les ouvreurs, qui seront ensuite affectées aux différentes tables. Il y a eu un nombre très élevé de bouchons qui collaient aux parois, m’obligeant à utiliser un bilame couplé avec un tirebouchon, ce qui décolle plus facilement les bouchons. Est-ce que cette recrudescence de bouchons collés est liée à des conditions d’hygrométrie et de pression atmosphérique, je ne sais pas, mais ce n’est pas la première fois que l’on trouve des comportements de bouchons orientés dans le même sens pour un grand nombre de vins, soit collés, soit au contraire ayant tendance à vouloir tomber dans la bouteille. Les odeurs des vins sont généralement très prometteuses car les niveaux des vins sont le plus souvent parfaits. La qualité des apports est certaine.

C’est avec un Champagne Charles Heidsieck rosé 1981 que je suis dopé pour ouvrir les vins. Apport d’un ami fidèle, c’est un champagne vif, énergique qui rend optimiste. On serait bien en peine de donner un âge à ce beau rosé très rond, de belle acidité.

Un autre ami a sorti de sa musette quatre vins hors programme pour les ouvreurs et qui seront affectés ensuite aux tables. Je n’y ai touché qu’après avoir fini les ouvertures. Fatigué, mon attention pour eux fut faible mais j’ai quand même senti que chacun de ces vins a de l’intérêt. Le Château Magence Graves Sec Guillot de Suduiraut 1959 a une belle présence, jeune et sans défaut.

Le Bourgogne Aligoté A. Noirot-Carrière 1962 est simple mais lui aussi de bon aloi.

Le Bonnezeaux inconnu, fin des années 50 qui n’a aucune indication sur la bouteille est légèrement trouble mais j’adore un côté assez doux et surtout le fait qu’il est une énigme.

Le Château La Vieille France Graves Supérieures mise Calvet 1962 est sec et vif, agréable pour attendre les convives de la 32ème séance de l’académie.

Au restaurant Macéo, nous avons ouvert une cinquantaine de bouteilles, nous avons goûté avec des amis arrivés tôt les vins qui soutiennent le moral des ouvreurs. Nous sommes fins prêts pour accueillir les trente participants de la 32ème séance de l’Académie des Vins Anciens.

Une heure avant qu’ils n’arrivent, j’ai voulu ouvrir le Champagne Cuvée Brut Taittinger Jéroboam années 80 pour qu’il s’aère un peu. Le bouchon est très recroquevillé dans sa partie basse et l’odeur est putride, animale. Va-t-il se reconstituer ? J’ai bien peur. Il est opportun qu’à l’apéritif on démarre avec les autres champagnes.

Le Champagne Colin Cuvée Castille Blanc de Blancs magnum années 90 est très agréable, relativement jeune et vif, qui profite bien des délicieuses gougères servies tièdes, ce qui convient parfaitement au champagne. Nous trinquons dans la bonne humeur.

Le Champagne Pâques Gaumont Brut Impérial années 80 est servi en deux bouteilles. Il a une joyeuse maturité. Il est plus construit et plus plein que le blanc de blancs.

J’avais prévenu tout le monde du risque de difficulté du Champagne Cuvée Brut Taittinger Jéroboam années 80. On me fait goûter et je sens que le parfum est devenu beaucoup plus sociable. La couleur est foncée, la bulle est inexistante et le pétillant est presque insensible. Autour de moi beaucoup d’amis aiment son originalité mais pour moi ce vin est fatigué, même s’il exprime encore beaucoup de complexités.

Nous passons à table et comme à l’accoutumée, je prononce un discours de bienvenue qui, pour une fois, n’aura aucune critique tant je suis heureux de la ponctualité dans les phases préparatoires à l’académie et de la qualité des vins apportés. Je signale deux faits qui ont de l’importance pour moi, la présence de sept élèves du Cordon Bleu, de toutes nationalités, et des descendants de la famille de Frédéric Lung, le plus grand vigneron algérien, qui pour la première fois vont boire des vins de leur ancêtre.

Le menu composé par le restaurant est : mousseline de petits pois, chorizo et oignons nouveaux / terrine de volaille façon Macéo / épaule d’agneau confite, crème d’ail légère et pommes de terre grenailles / fromages du restaurant et fromages des membres / sablé breton au sarrasin, crème onctueuse au caramel beurre salé et sorbet de cidre.

Voici les vins que nous avons bus à la table 1, sachant que plusieurs autres vins nous serons servis généreusement par leurs apporteurs. Le Château Carbonnieux blanc 1980 est d’une clarté incroyable pour un vin qui a 39 ans. Il est frais comme un gardon, précis, généreux, de belle acidité.

Le Château Bouscaut blanc 1927 émerveille tous ceux qui n’ont pas eu l’occasion de boire des vins anciens. Comment est-ce possible qu’un vin de 92 ans ait cette si belle précision ? Il est très assemblé, cohérent et vif, de belle longueur. Il n’a pas d’âge et ferait plus jeune que bien des vins blancs secs jeunes du bordelais.

Le Kebir Impérial blanc Frédéric Lung années 30 est riche, épais et on sent des notes de café, juste fondues. Florence Lung est émue de constater qu’un vin blanc de son grand-oncle peut être aussi brillant. J’avais inclus aussi un Kebir Impérial blanc Frédéric Lung années 40 à la table 2, mais nous avons eu la chance de pouvoir le goûter. Il est transcendantal. Il est tellement plus riche que l’autre que c’en est incroyable car tout est assemblé à la perfection et il y a un gras que le premier bu n’a pas. Ce gras évoque irrésistiblement un montrachet, et s’il n’y avait pas la petite trace de café, on pourrait, à s’y méprendre, nommer à l’aveugle un montrachet. Je pense que c’est un des plus grands vins blancs que j’aie pu boire, car il m’a donné un flash d’émotion unique.

L’Arbois Fruitière Vinicole d’Arbois 1961 est un superbe vin du Jura, avec une belle richesse et une belle énergie. Quel dommage qu’il passe après le Lung, car il est brillant mais dans l’ombre du Lung.

Le Château Palmer 1975 ouvre la route des rouges de bien belle façon. Il est tellement riche et concentré qu’on croirait croquer de la truffe. Il a grain et une mâche de truffe. Il a 44 ans mais il fait jeune guerrier. Là aussi des certitudes tombent. Un vin de 44 ans aussi conquérant, ça ne devrait pas exister.

Le Château de l’Enclos Pomerol 1976 fait un peu plus timide en passant après le Palmer, mais il s’installe et se montre féminin quand le Palmer est masculin au plus haut degré.

Le grand choc arrive. Le Côtes de Beaune Bouchard Ainé et fils 1923 est un lourd rideau de velours que l’on me jette en pleine figure. Je suis assailli de velours. Mais je suis aussi caressé, car ce vin est d’une subtilité extrême. Tout est suggéré, délicat et subtil, sur une trame de velours. Sa longueur est extrême. On est là dans ce qui est « mon » monde du vin car pour moi, c’est avant 1930 que se situent les « vrais » vins. C’est une provocation bien sûr que de dire cela, et une approximation, mais ce 1923 est totalement exceptionnel. Ce vin d’un ami est pour moi l’idéal de l’académie.

Le Flory Vin rouge vieux supérieur 1953 est un vin inconnu de tous, même de celui qui l’a apporté. Il vient des Pyrénées Orientales et donne l’impression d’avoir une force alcoolique certaine. C’est un vin simple, cohérent du fait de son alcool, et très plaisant à boire si l’on accepte sa simplicité. Il est joyeux.

Le Vin Algérien rouge des années 40/50 (Médea) a les caractéristiques des vins d’Algérie, solidité et café, mais il me parle moins que le F. Sénéclauze Vin Fin rouge d’Algérie présumé 1939 qui a peut-être moins de complexité que les vins de Lung, mais a un charme que j’adore.

J’avais fourni dans le groupe 3 un Royal Kébir Frédéric Lung rouge 1947 et des amis m’en apportent un verre ainsi qu’à Florence Lung. Je manque de m’évanouir tant ce vin est grand. C’est le vin algérien parfait, riche, à peine et subtilement torréfié, avec des évocations de café toutes en subtilité. Ce vin est un amour.

Les Langoiran sont des premières côtes de Bordeaux que j’aime, car on ne les attend jamais à un aussi beau niveau de complexité. Ce Langoiran 1943 est plaisant, joliment doucereux, mais peut-être trop discret.

Le Muscat de la Trappe Vin de Liqueur Alger présumé des années 50 est étonnant, car il est riche, énigmatique, jouant sur des registres inconnus. Il est très plaisant.

On m’apporte un vin que j’ai fourni à la table 3, un Château Pernaud Haut Barsac 1929. Incroyable. On me citerait pour ce vin les noms les plus renommés du sauternais, je n’en renierais aucun. Ce vin est immense. Il a un gras incroyable et l’année 1929 le sublime. C’est la perfection absolue du sauternes.

D’une autre table j’ai goûté un Minuto Riserva Speciale, Barolo 1964 dont j’ai apprécié la folle fraîcheur presque mentholée, le Royal Kebir Frédéric Lung rouge 1940 que certains ont préféré au 1947 ce qui n’est pas mon cas, car ce 1940 passionnant n’a pas la même vivacité que le 1947.

On m’a apporté aussi le Château de Fonsalette blanc 1990 qui est superbe de jeunesse et de noblesse mais fait un peu jeune pour l’académie. Le Saint-Amour supposé 1947 est un beaujolais noble. Il y a tant de richesse dans ces beaujolais anciens aux complexités que l’on a si souvent oubliées.

Mes amis se moquent de moi, gentiment, car chaque table a un Tokaji Aszu Eszencia 1988 et c’est la troisième ou quatrième fois que j’en inclus dans les séances. Ils imaginent que j’en ai des tombereaux dont je voudrais me débarrasser. Ils feraient mieux de me féliciter car ce Tokaji à la richesse gracile est pénétrant tout en étant subtil. Il est particulièrement accompli malgré son jeune âge.

Le Marc Blanc du Domaine d’Ott 1929 ultra viril, limpide comme de l’eau, conclut ce dîner. Que retenir ? Ce dîner remet en cause toutes de notions d’âge. L’âge n’existe pas. Les idées reçues tombent et les jeunes de tous pays qui vont travailler dans le monde du vin et de la gastronomie, déjà interpellés lors de ma dégustation au Cordon Bleu ne vont plus considérer les vins de la même façon. L’académie change la vision du vin.

Dans ce dîner j’ai ressenti quelques vins comme étant du plus haut niveau gustatif possible : 1 – Kebir Impérial blanc Frédéric Lung années 40, 2 – Château Pernaud Haut Barsac 1929, 3 – Côtes de Beaune Bouchard Ainé et fils 1923, 4 – Royal Kébir Frédéric Lung rouge 1947. Si je mets le 1947 en quatrième position, c’est parce que je le connais par cœur, l’ayant bu neuf fois. On peut dire que ces quatre vins mériteraient tous d’être premiers.

D’autres vins bien sûr ont été très brillants comme le Palmer 1975, l’Arbois 1961, le Barolo 1964 et bien d’autres, mais les quatre cités sont transcendants. Un de ces quatre vins justifierait à lui tout seul la séance que nous avons vécue.

La cuisine du restaurant est de haute qualité, les plats étant lisibles et de bon accompagnement des vins. Le service des vins a été intelligemment géré et Béatrice, qui m’aide à la préparation de l’événement a montré une fois de plus à quel point elle est indispensable à la réussite de cet événement. L’atmosphère amicale et la joie de vivre de chacun ont fait de cette réunion l’une des plus réussies et heureuses que nous ayons connues.

(les photos sont dans les cinq articles qui suivent)

Académie des Vins Anciens 32ème séance – Groupe 1 mardi, 14 mai 2019

Académie des Vins Anciens 32ème séance – Groupe 1

Château Carbonnieux blanc 1980

Chateau Bouscaut blanc 1927

Kebir Impérial blanc Frédéric Lung années 40

Arbois Fruitière Vinicole d’Arbois 1961

Château Palmer 1975

Château de l’Enclos Pomerol 1976

Côte de Beaune Bouchard Ainé et fils 1923

Flory Vin rouge vieux supérieur 1953

Vin Algérien rouge des années 40/50 (Médea)

F. Sénéclauze Vin Fin rouge d’Algérie présumé 1939

Langoiran 1943

Muscat de la Trappe Vin de Liqueur Alger présumée des années 50

Tokaji Aszu Escenzia 1988

Marc Blanc du Domaine d’Ott 1929

Académie des Vins Anciens 32ème séance – Groupe 2 mardi, 14 mai 2019

Académie des Vins Anciens 32ème séance – Groupe 2

Champagne Mumm cordon rouge magnum années 60

Pouilly Fuissé Julien Damoy 1947

Kébir Impérial F. Lung blanc années 30

Cos d’Estournel 1960

Château Cabrières, Châteauneuf-du-Pape 1971

Minuto Riserva Speciale, Barolo 1964

Marchesi di Barolo Barolo 1961

Royal Kebir Frédéric Lung 1940

Vouvray Clovis Lefèvre Grande année 1959

Ste Croix-Croix-Du-Mont G.M Dumons & Cie 1943

Tokaji Aszu Escenzia 1988

Marc Blanc du Domaine d’Ott 1929

Académie des Vins Anciens 32ème séance – Groupe 3 mardi, 14 mai 2019

Académie des Vins Anciens 32ème séance – Groupe 3

Château Bouscaut blanc 1986

Château de Fonsalette blanc 1990

Châteauneuf-du-Pape blanc Mont-Redon 1970

Château Saint Pierre Saint Julien 1970

Château Destieux 1949

Saint-Amour supposé 1947

Royal Kébir Frédéric Lung rouge 1947

Vin d’Algérie (rouge / rosé ?) La Trappe Alger 1962

Vouvray Clovis Lefèvre Grande année 1959

Château Pernaud Haut Barsac 1929

Tokaji Aszu Escenzia 1988

Marc Blanc du Domaine d’Ott 1929

au Yacht Club de France pour un déjeuner de conscrits mardi, 14 mai 2019

Un de nos amis invite à son tour au Yacht Club de France pour un déjeuner de conscrits. L’apéritif nous permet de trinquer avec un Champagne Delamotte brut sans année un peu vert au départ, mais on s’habitue vite car il est frais et cristallin. C’est un champagne très agréable. Nous grignotons de la poutargue, diverses charcuteries fines, des petites coupelles comportant du ris de veau et un velouté de patate douce, et des coquilles Saint-Jacques. Tout cela est très gourmand et raffiné.

Le menu composé par le chef Benoît Fleury et Thierry Le Luc gérant de la restauration est : assiette de fruits de mer / bar de ligne en croûte de sel ; hollandaise, pommes Dauphine, légumes grillés du sud / carpaccio d’ananas, cerises, glace artisanale Armagnac et pruneaux.

L’assiette de fruits de mer est gargantuesque, prévue pour au moins dix fois notre nombre, mais nous lui ferons un sort, tant elle fait envie, avec huîtres, bulots, grosses crevettes, langoustines, dormeurs et araignées de mer. Pour y faire face, nous buvons un Saint-Aubin 1er Cru Les Cortons Domaine La Rue 2011 assez simple, mais doté d’une tension qui s’accommode bien des fruits de mer.

C’est ensuite le tout d’un Meursault « Vigne de 1945 » domaine Buisson-Charles 2015 plus rond, plus vif qui accompagne bien le bar, mais je fais école buissonnière car pour moi l’accord se trouve particulièrement bien, sans la sauce avec le Château Figeac 1995 en pleine possession de ses moyens, magnifique Saint-Emilion.

Le Figeac accompagnera bien le plateau de fromages mais le Meursault trouvera aussi son compte.

Le dessert appelle le champagne Delamotte et Thierry Le Luc nous verse un alcool brun qui est la propriété d’un membre du club. Dans une ambiance délurée et amicale, nous avons vécu un bien agréable et généreux déjeuner.

Le poisson cuit en croûte de sel, avant et après

déjeuner au restaurant Mirazur à Menton dimanche, 12 mai 2019

Avec des amis du Var, nous décidons d’aller déjeuner au restaurant Mirazur à Menton qui vient de recevoir trois étoiles après avoir obtenu des places enviables dans les classements mondiaux. Il faut près de 2h30 pour atteindre le restaurant qui surplombe la mer et offre de très beaux panoramas. L’accueil est souriant et naturel. Etant arrivé en avance avec ma femme, je regarde la carte des vins et je commande un Champagne Charles Heidsieck Cuvée des Millénaires 1995. Charles le sommelier l’apporte au moment où nos amis arrivent. Charles me fait goûter et j’approuve le vin. Il sert un premier verre, puis un second et tout-à-coup la bouteille devient un geyser, expulsant le vin et de fortes bulles comme un canon. Mon ami est aspergé légèrement, le sol est tout mouillé.

Personne ne comprend comment cette expulsion impressionnante a pu arriver alors que Charles a pu verser trois verres sans incident. Les maîtres d’hôtel arrivent pour nettoyer et personne ne comprend. La bouteille est remplacée. Les amuse-bouches, autant que je me souvienne consistent en une sorte de cromesquis à base de pomme de terre, une coquille de moule remplie d’une délicieuse crème à la moule revêtue de pétales de fleurs roses, des sticks végétaux enroulés de lard de Colonnata, de minuscules calamars frits et un feuilleté de pomme de terre avec une crème délicieuse.

D’emblée on ressent le talent de Mauro Colagreco le chef et l’on pense à Laurent Petit, le chef du restaurant le Clos des Sens qui lui aussi a obtenu sa troisième étoile cette année. Les deux chefs ont un immense talent qui se voit dès les amuse-bouches. Le champagne est agréable et accompagne bien les mets variés. C’est sur les plats du repas que je constaterai que son finale est sec, comme s’il avait un léger goût de bouchon.

Nous montons à l’étage du restaurant où presque toutes les tables sont déjà occupées. La vue est encore plus belle. Le menu à neuf plats que nous avons pris est ainsi libellé : huître Gillardeau crème d’échalotes, déclinaison de poires / Nanakusa-No-Sekku / haricots beurre, sauce au caviar osciètre / calamar de Bordighera, sauce bagna cauda / petites pommes de terre nouvelles, sauce Sudachi / turbot, mousseline de céleri rave, sauce fumée aux coquillages / pigeon de Marie Le Guen, fraises des bois, épeautre, achillée millefeuille / fromages / soupe de pomme Granny Smith, glace au yaourt et cristalline de coriandre / fraise, roquette, rhubarbe / mignardises.

Le repas commence par le partage du pain, que l’on trempe dans une huile d’olive au citron et au gingembre qui est extrêmement gourmande et d’une persistance aromatique extrême. L’huître est une ‘numéro un’ qui trouve avec les poires une harmonie éblouissante. Le Nanakusa-No-Sekku est une tartelette avec un nombre incalculable de fleurs du jardin. La crème de petits pois est superbe. On croque les haricots verts comme si l’on était au jardin, tant ils sont frais. Tous les plats sont recouverts de jolies petites fleurs très romantiques. Le Chablis Grand cru Blanchot domaine François Raveneau 2007 est vif, cinglant, mais sait aussi être rond. Il est minéral, ce qui convient à cette cuisine florale. Il est aussi flexible.

Le calamar se présente en languettes que l’on frotte d’une crème. C’est tellement bon que j’ai envie d’essayer le vin rouge sur ce plat. Le Gaja Sperss Langhe 1999 a été ouvert au dernier moment pour que l’on profite de son éclosion et ce vin est d’un raffinement rare, combinant harmonieusement puissance et délicatesse.

Pour les pommes de terre, plat d’une qualité exceptionnelle, il est préférable de revenir au Chablis qui est très gastronomique et rond. Malgré la sauce, le vin italien convient bien au turbot. Son heure de gloire sera sur l’excellent pigeon d’une tendreté idéale. Les fraises des bois sont extrêmement intéressantes. Avec la chair du pigeon seule, le mariage est excitant et il y a une belle plus-value. Avec le vin, je préfère la chair exquise du pigeon seule. Le vin prend un charme extrême.

Pour les fromages on peut aussi bien trouver son bonheur avec le champagne, le chablis et le vin italien. J’ai commandé un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2007 très vif, mais en même temps très flexible aussi bien sur les fromages qu’avec les desserts.

De tous les plats, tous passionnants, les deux qui émergent pour moi sont l’huître en accord avec la poire, et les petites pommes de terre avec des œufs de saumon et une sauce diabolique. Ensuite, le calamar en lamelles est très original.

Des vins c’est le Gaja 1999 qui s’est montré le plus brillant, avec une justesse de ton, une finesse et un raffinement remarquables, suivi par le Chablis très équilibré et gastronomique.

J’ai eu la chance de pouvoir bavarder avec le chef. Je l’ai complimenté en disant que sa cuisine ne cherche pas à plaire. Elle est spontanée et conforme à ses souhaits. Je lui ai cité les deux plats que j’ai préférés et il m’a répondu qu’il fait le même choix.

Le service a été de très haute qualité. Le service des vins par Anaïs a été parfait. Ce repas se situe tout en haut du classement des tables que j’ai eu l’occasion de fréquenter, avec des plats d’un aboutissement exceptionnel. Ce repas est inoubliable.

L’huile la plus recherchée des différentes huiles faites par le chef

les amuse-bouches

le pain que l’on partage avec ce poème :

Summer School Champagne, Culture and Heritage – 8-13 juillet à Reims vendredi, 10 mai 2019

Une immersion complète dans la « culture champagne » : cours théoriques, workshops, visites, rencontres avec des professionnels, le tout dispensés en anglais. Un diplôme d’université (DU) sera délivré aux participants ayant réussi l’évaluation de fin de semaine.

L’Institut Georges Chappaz de la vigne et du vin en Champagne organise du 8 au 13 juillet 2019 à Reims, une Summer School intitulée « Champagne, Culture & Heritage », à destination des étudiants, des professionnels et des amateurs éclairés.

Vous trouverez en pièce jointe la plaquette détaillée de la Summer School (en anglais et en français) ainsi que le communiqué de presse.

Informations et candidature en ligne : www.univ-reims.fr/summerschool2019

Dîner au restaurant Pages avec de divines surprises jeudi, 9 mai 2019

Mon fils voulait pendant son séjour en France revoir un ami d’enfance savoyard qui vit à Dubaï. Il me propose de me joindre à eux pour partager des vins. J’ai proposé le restaurant Pages. Mon fils m’a confié une bouteille de sa cave française que j’emporterai avec mes propres bouteilles, et je les ouvrirai à l’avance, comme j’ai l’habitude de faire.

J’arrive un peu avant 18 heures au restaurant Pages et je vois que Matthieu le sommelier a préparé des verres pour me les faire goûter. Il a les yeux qui brillent car il veut m’étonner. Il s’agit des restes du déjeuner de mon ami Tomo. Le Champagne Krug Grande Cuvée sans année est strictement le même que celui que j’ai bu hier, mais celui-ci n’a aucun défaut. Il me tend ensuite un verre de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1970 dont il reste plus de la moitié de la bouteille car Tomo ne l’avait pas jugé plaisant. Ce que je bois me semble plutôt sympathique et même s’il est un peu fatigué, il se boirait volontiers. Il faut dire que le vin avait été ouvert au dernier moment, ce qui explique le rejet à ce moment et l’amélioration qui a suivi.

Je goûte ensuite un liquoreux. Trouver Yquem n’est pas très compliqué et je hasarde 1966 alors qu’il s’agit d’Yquem 1934. La solidité du vin et sa fraîcheur m’avaient fait penser à 1966. Cela confirme à quel point ce 1934 est jeune. Le dernier que je bois, car il faut que je travaille à l’ouverture des vins, est un Vosne-Romanée les Beaux Monts Leroy 2001. Quel grand vin, mais si jeune !

A l’ouverture le Château Mouton-Rothschild 1969 de mon fils a un parfum d’une grandeur que je n’imaginais pas possible pour cette année. Il promet des merveilles. Le nez de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 est encore incertain. J’ai bon espoir, mais on ne sait jamais. Comme pour le 1919 de la veille, je reste sur une prudente réserve.

Je discute avec Ken, le chef en second du restaurant, qui gère seul avec son équipe la cuisine du restaurant et nous décidons des modifications à apporter à tel ou tel plat du menu prévu pour ce soir. Nous nous comprenons à demi-mot. Avec Yuki, la charmante pâtissière, la discussion sera plus longue mais utile pour trouver un dessert pour le Rivesaltes Cazes 1943. La solution trouvée par Yuki et Ken est un millefeuille aux noisettes. J’applaudis cette idée.

Je bois une bière en grignotant des fèves edamame en attendant mon fils et son ami. J’avais ouvert le Champagne Dom Pérignon 1969 il y a une vingtaine de minutes et le bouchon cisaillé a été récupéré avec un tirebouchon. Le parfum est très élégant et vif et la bulle est faible mais le pétillant est actif. Le champagne est racé, puissant, cinglant. C’est un très grand Dom Pérignon. Les trois petits amuse-bouches sont parfaits pour le champagne, dont un maquereau très vif qui rend encore plus tranchant le champagne.

Le menu préparé avec Ken le second du chef Teshi est : maquereau à l’orange / Montanara, oignon confit et ventrèche / Caviar Daurenki, mousseline de pomme de terre, esturgeon fumé, céleri / ‘Aburiyaki’ de bœuf Ozaki / tortelli de foie gras, morille, petits pois / homard bleu de Bretagne, bisque au vin rouge / cabillaud, chou rave, Agretti, jus de volaille / pigeon de Vendée, cromesquis au foie gras, sauce salmis, chou-fleur / La Normande 6 semaines,, Rubia Gallega de Galice 10 semaines, bœuf Ozaki / sabayon brûlé, rhubarbe / millefeuille à la crème diplomate, noisettes caramélisées / mignardises.

Le caviar est très bien mis en valeur par la mousseline et l’accord avec le champagne est divin. Le bœuf Ozaki, un wagyu délicatement gras est presque en carpaccio, juste passé au chalumeau pour adoucir le gras. L’accord est aussi d’une grande pertinence, mais personnellement je n’aime pas trop ce qui est fumé, préférant la chair si douce dans sa pureté. La morille est divine et si le champagne joue bien son rôle, un vin rouge aurait pu presque convenir. Ce Dom Pérignon très vif est un bonheur.

Le homard est absolument exceptionnel et d’une cuisson idéale. Il est magique. J’avais demandé une sauce pour le Château Mouton-Rothschild 1969 et l’accord est sublime. Alors que 1969 n’est pas une grande année à Bordeaux, ce Mouton est aussi glorieux que s’il provenait d’une grande année. C’est son parfum qui est le plus envoûtant. Sa trame est dense et riche avec des évocations de truffe. C’est un très grand vin.

L’accord du Mouton avec le cabillaud rivalise avec l’accord créé par le homard car là aussi la cuisson est exceptionnelle. Une agréable erreur est commise par le service car on nous sert des asperges blanches avec des coques, que j’avais demandé de ne pas mettre, car aucun vin ne conviendrait. Le plat que nous ne refusons pas car nous sommes gourmands est bon mais en rupture dans notre dîner.

C’est maintenant au tour du La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 d’apparaître sur un pigeon réussi. L’accord est lui aussi pertinent. J’avais dit plusieurs fois avant l’arrivée du vin mes doutes et mes incertitudes sur le vin mais elles sont balayées car le vin à la belle couleur de sang clair a tous les attributs d’un grand vin. L’ami de mon fils qui lit mes bulletins est heureux de sentir pour la première fois, puisque c’est la première fois qu’il boit un vin du domaine, le goût de sel qui est un marqueur de la noblesse des vins de ce domaine.

Matthieu nous sert maintenant à chacun un verre du La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1970 délaissé au déjeuner de mon ami Tomo. Il est très évident que la couleur plus terreuse annonce un vin fatigué et le premier contact n’est pas flatteur, même si le vin se boit avec le plaisir de la découverte. Mais un petit miracle va apparaître sur les trois viandes de bœuf. Le 1969 brille sur le pigeon alors que le 1970 n’est pas à l’aise. C’est sur la viande de la Normande que le 1970 me donne une impression de perfection. Il lui fallait une viande qui l’agresse pour qu’il se réveille. Il s’illumine comme une fusée de feu d’artifice, qui s’éteint après son instant de gloire. Savoir que le 1969 a été superbe d’accomplissement et que le 1970 a eu sa minute de perfection, cela me ravit et mes deux convives sont aux anges.

Le Rivesaltes Cazes 1943 qui titre 16° est tout en douceur. Il trouve un écho parfait avec le millefeuille. C’est toujours une bonne surprise de boire des rivesaltes aussi raffinés et sublimés par l’âge.

Tout dans ce repas a été parfait. Le plus grand vin est La Tâche 1969 mais la plus belle surprise est celle du Mouton 1969 au parfum irréel. Le plus bel accord est celui du homard exceptionnel avec le Mouton. Et la surprise est le réveil inattendu du 1970 qu’on n’attendait pas à ce niveau. Tout ce soir a été irréellement palpitant. Nous étions sur le petit nuage d’une grande expérience gastronomique.

Les couleurs de La Tâche 1969 à gauche et 1970 à droite