Déjeuner au restaurant Epicure dimanche, 4 novembre 2018

Je suis invité à déjeuner au restaurant Epicure de l’hôtel Bristol. Je suis accueilli par Bernard Neveu, le chef-sommelier qui sera de bon conseil. Le champagne de début de repas sera le Champagne Alfred Gratien Cuvée 565 fait de 5 millésimes (de 2007 à 2012) vieillis pendant 6 ans ‘pour émerveiller nos 5 sens’, ce qui explique le 565. C’est un brut nature très vert mais très expressif, bon compagnon de gastronomie.

Le menu que nous prenons est : langoustines royales juste cuites au thym-citron, condiment oignon-mangue, bouillon des pinces aux agrumes et coriandres / lièvre à la royale, ravioles de topinambour aux truffes noires, céleri-rave et châtaigne au raifort.

Les langoustines, à peine cuites, sont absolument délicieuses. Ce plat est merveilleusement réussi. Le lièvre à la royale est conçu selon la recette de Carême. Il est excellent. Il diffère de celui de David Bizet, mais c’est normal, car chaque grand chef a sa vision du lièvre. On est ici plus sur la chair, en ayant un côté gibier délicatement prononcé. La maturité de la cuisine du chef Eric Fréchon est exemplaire.

Nous avons pris des vins rouges au verre, ce qui réduit les choix mais Bernard Neveu nous a bien conseillé. Aussi bien le Viña Tondonia Rioja 2004 que le Châteauneuf-du-Pape Charvin 2013 se sont montrés à la hauteur du plat puissant. Il est certain que mon amour pour Vega Sicilia Unico m’empêche de m’extasier devant le vin espagnol agréable mais manquant un peu de coffre, mais les deux vins se justifiaient.

Le service du restaurant est exceptionnel de qualité. Il se situe à un niveau rarement atteint ailleurs. Le lieu est raffiné. On sent la motivation du personnel qui travaille pour un hôtel qui est dans les mains d’une famille. N’étaient les prix des vins qui sont stratosphériques, ce lieu et cette cuisine se situent en haut de la pyramide de la qualité.

Déjeuner au restaurant l’Ecu de France vendredi, 2 novembre 2018

Décidément, mes filles aiment peupler ma solitude. Ma femme est toujours dans le sud où les vigilances  »Orange » se succèdent et la veille du 1er novembre, ma fille aînée m’appelle et me demande si j’aimerais déjeuner avec elle et sa fille aînée en ce jour férié. Je propose que nous nous retrouvions au restaurant l’Ecu de France.

J’arrive un peu en avance et avant d’entrer en salle de restaurant je vais saluer en cuisine Peter Delaboss, le délicieux chef d’origine haïtienne. Il me demande si je veux prendre un turbot qu’il considère comme parfait et évidemment je dis oui, en ajoutant :  »simplifiez » ce qui est un code entre nous car ce chef est d’une exubérance rare, chaque plat étant présenté comme un tableau qui mêlerait Modigliani, le douanier Rousseau et Basquiat.

A table j’ai le temps de commander les vins et je me fais servir un Champagne Laurent- Perrier Cuvée Grand Siècle sans année dont M. Brousse me dira qu’il a dix ans de cave. Mes filles arrivent et nous trinquons avec ce beau champagne rapidement rejoint, pour chacun, par un petit pot de rillettes de poissons aux dés de saumon. Cet amuse-bouche est délicieux et avive le champagne racé, très romantique tout en ne cachant pas sa belle vinosité. Ayant l’habitude de boire ce champagne en magnum je ne retrouve pas l’opulence habituelle, mais la noblesse et le romantisme sont présents.

Nous passons commande et pour moi ce sera : fraîcheur de homard en habit rouge, à l’huile de pistache, concassé de tomate, mozzarella di Bufala / turbot simplement cuit / millefeuilles de banane.

Les queues de homard sont un peu fraîches au moment où je plante ma fourchette mais la diversité des goûts est riche et plaisante. Le plat est délicieux et l’ajoute de la betterave sur le homard est un accord valorisant. Le champagne est large et agréable.

Le turbot cuit avec exactitude est particulièrement bon et je peux ne prendre que la chair seule ce qui me plait. Le Chambertin Clos de Bèze Domaine Armand Rousseau 2009 est jeune, mais je ne peux pas laisser passer une telle bouteille figurant sur la très intelligente carte des vins du restaurant. Le parfum du vin est envoûtant. Il promet des merveilles et s’ouvre comme les pages du passeport d’un globetrotter qui aurait voyagé sur tous les continents. En bouche ce qui apparaît en premier, c’est le velouté. Le vin est riche, complexe, d’une belle acidité de jeunesse, commence à être épanoui mais le velours est ce qui me frappe le plus. Ma fille dit qu’il est suave. C’est un très grand vin.

Le dessert est superbe et Monsieur Brousse m’a offert un verre de Rhum Mount Bay des Barbades délicieux. J’ai félicité le chef Peter Delaboss pour la qualité de cet excellent repas en un restaurant que j’adore.


notre table en aplomb de la Marne

la belle cheminée monumentale

toute l’exubérance du chef

Dinette improvisée avec ma fille vendredi, 2 novembre 2018

Lorsque tous les convives du 229ème dîner ont quitté le restaurant Laurent, le personnel de salle a rassemblé les bouteilles vides qui vont s’ajouter à ma collection de bouteilles vides. En déchargeant la caisse fort tard dans la nuit je constate que les deux magnums de vins blancs ne sont pas vides. Le lendemain est un samedi et j’ai prévu de dîner en tête-à-tête avec ma fille car ma femme est dans le sud.

Je suggère à ma fille d’acheter du poisson. Elle complète avec du saumon cru, du tarama et pour le dessert une tarte Tatin. Le poisson est du cabillaud qu’elle va cuire avec une garniture de panais en fines tranches.

J’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1985 qui est d’un accomplissement parfait. Sa sérénité est impressionnante. Il sert pour l’apéritif et aussi bien saumon que tarama l’excitent joliment.

Pour le cabillaud, je sers les deux vins blancs partagés la veille avec les vignerons. Le Riesling Cuvée Frédéric Emile Trimbach magnum 1990 a gardé de sa noblesse mais il est un tout petit peu moins vif que la veille. Il a toujours cette précision que j’adore.

Le Bâtard-Montrachet Grand Cru Louis Jadot magnum 1999 a un nez tonitruant. En bouche il est comme hier soir un guerrier puissant qui investit le palais de sa force et de sa rondeur. Il est solaire.

C’est le champagne qui a accompagné la tarte Tatin et je me suis fait la remarque suivante : sur le papier si j’avais dû classer les trois vins pour la noblesse de leur matière vineuse, j’aurais dit riesling / Bâtard / champagne. Or en fait c’est l’inverse, car la matière vineuse du champagne est éblouissante et presque plus persistante en bouche que celle du Bâtard. Il s’agit donc de trois vins d’exception. Ce petit casse-croûte impromptu avec ma fille avec qui j’ai adoré bavarder de tout et de rien est un plaisir que je déguste.

18th dinner of Bipin Desai’s friends – 229th dinner dimanche, 28 octobre 2018

This is the 18th year that I organize a dinner of winemakers known as the « dinner of friends of Bipin Desai » because it was he who had the idea. He is a great collector of wines of Indian origin living in California, organizer of fantastic vertical tastings of the greatest estates, and also professor of nuclear physics at Berkeley. My task was to collect, register, receive the wines brought by the winemakers and develop the menu, thanks to Ghislain, very competent sommelier, with the chef of restaurant Laurent, Alain Pégouret. The dinner being organized as one of my dinners will be the 229th.

There are ten of us: Frédéric Barnier (Louis Jadot), Philippe Foreau (Clos Naudin), Marc Hugel (Maison Hugel), Jean-Luc Pépin (Comte Georges de Vogüé domain), Rodolphe Péters (Pierre Péters champagnes), Charles Philipponnat (Champagnes Philipponnat), Pierre Trimbach (Maison Trimbach ), Aubert de Villaine (Domaine de la Romanée Conti), Bipin Desai and me.

At 16:30 I open the bottles which, with few exceptions, are relatively young. I find that almost all corks are very tight in the necks, requiring great effort to remove them. Is it weather-related, I do not know. All smells are encouraging, and some even magical.

The aperitif is taken in the beautiful rotunda of the entrance of the restaurant with Champagne Pierre Péters Cuvée Les Chétillons magnum 2002 disgorged in 2012. I had it opened by Ghislain an hour and a half before the aperitif and despite that the champagne seems to me closed, a little tight. But it needed the delicious appetizers to reveal it. These appetizers are precise, without fuss and very effective to expand the champagne. Rodolphe Péters says that this 16-year-old champagne is starting to take its personality and the scale it must have. It’s a big balnc de blancs of Mesnil-sur-Oger, the mecca of blanc de blancs.

We sit down to table. The menu created by Alain Pégouret is: Scallops marinated with a mushroom of olive oil lemon caviar and red pepper of Pondicherry, jelly of cucumber and mint, tortilla guacamole / sweet onion confit and caramelized, light cream of apple ‘ Charlotte ‘, Alba white truffle, Parmesan cheese and flowing yellow / Veal sweetbreads caramelized with balsamic apple vinegar, chips and chestnut muslin, chanterelles and bacon au jus / Rack of lamb of Lozère cooked on a marinière, « shots and creamy artichokes and crystalline / Queen apple pudding, blackcurrant yoghurt, ice cream with beer / Financiers.

The dish of Saint-Jacques is aerial. It is accompanied by a champagne and a white wine. Pierre Trimbach thinks that the Riesling makes a little shade on Philipponnat Champagne Clos des Goisses 1996 disgorged in 2010, but we are many to think that both fertilize each other. There are many bridges that are created between champagne and the Riesling Cuvée Frédéric Emile Trimbach magnum 1990. The champagne is equally made of Pinot Noir and Chardonnay and has a beautiful personality. He is alive. Riesling has an incredible scent. This perfume is conquering. The wine achieves this miracle of appearing warrior, invader, but also of great elegance. Riesling seduces me with its extreme precision. It’s fresh. It is a huge wine and Philippe Foreau notes that the combination is realised with the mint notes of the very fresh dish. I think it’s the cucumber dice that create the bridge between the two, champagne and wine. We are delighted with this beautiful association.

The onion is superb and the truffle of Alba releases haunting perfumes. The dish is accompanied by two very disparate wines, whereas they are of the same year. The Bâtard-Montrachet Grand Cru Louis Jadot Magnum 1999 is like the Riesling a warrior wine. When it is served, it shows its muscles, with a heady perfume. But as soon as the wine is refreshed in the glass, the subtleties appear. Power and elegance are his two strengths.

The White Burgundy Domaine Georges de Vogüé 1999 is in fact a White Musigny which by humility erases since 1991 its name as long as the replanted vines are not old enough. It reclaims its appellation from the 2015 vintage. This wine is more discreet than the Batard and is of rare elegance. He suggests more than he affirms and shows his refinement. The agreement is very interesting, Batard successfully facing the white truffle while the wine of Vogüé is measured gently with the delicious onions and egg very justified for the consistency of the dish.

Aubert de Villaine, who has read the menu, is worried about the appearance of a sweet wine that risks harming the two red wines that will follow. Philippe Foreau says his Vouvray semi-dry Clos Naudin 2005 will have no negative effect on the reds. I ask in the kitchen if we can pass the dish red before the planned dish, but the service is launched also I open a second bottle of Clos des Goisses 1996, we drink after the Loire wine and before the red. The Loire wine is quite simple at first contact, but it is like a Bugatti that needs a few minutes before the engine with innumerable cylinders begins to sing its symphony. The agreement that Philippe Foreau had suggested to me, with sweetbreads, is superb. The subtle wine is discreet, a message of courtly love, and if it is sweet, it keeps the mouth fresh. Philippe was right, the palate is not marked and we could have gone to red wines, but it is more prudent not to challenge the devil.

The bottle of Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1996 disgorged in 2010 is fundamentally different from the first while they come from the same batch. Philippe Foreau suggests that the second bottle would be more dosed than the first and Charles Philipponnat is categorical, it is impossible that the dosage is different. The taste of this champagne is richer, more powerful, with strong evocations of almonds and hazelnuts. Personally I preferred the first bottle served, but opinions are shared.

Our palates are calibrated and arrive the rack of lamb, chosen not to hit the two big reds. At the opening at 17 hours, the Musigny Vieilles Vignes Domaine George Vogüé 1970 had conquered me by its perfume of a rare elegance, all in suggestion. But the wine I drink now is a little tired, more evolved than it should be. But he will make a fantastic comeback, come together, will lose his veils of excessive maturity to become gallant. It is a very charming wine. He is very fine, even in this year of little renown.

The Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1964 has a very young fruit. He is solid and robust and only gradually delivers the complexities of the Domaine. It is a wine with a wide range of flavors, that it declines elegantly. Neither wine harms the other and we enjoy two Burgundian expressions of great talent. As we drink big thirst I ask that we do not serve cheese because there will not be enough wine. Fortuitously no cheese was listed on our menus while it was planned. Despite some expressed wishes, we go directly to dessert.

The Late Harvest Riesling Sélection Personnelle Jean Hugel 1935 is announced by Marc Hugel as being very dry and although it is late harvested, it is actually very dry. This wine is a marvel of subtlety. We could have a meal with this wine alone, to explore its exciting ability to marry the gastronomy. This wine is a wine of meditation. It gives me a very strong emotion.

The Vouvray Goutte d’Or moelleux Clos Naudin 1947 with the extremely amber color is the reverse of the previous one. It is absolutely fantastic in very strong notes where Philippe Foreau finds evocations of an incredible imagination, like the horse that comes back to the stable, whereas I find under its very roasted message, almost molasses, notes of tea. This wine is a thundering prodigy of gourmet sweets. You can go from one wine to another, each offering admirable sensations.

I had told at the beginning of the meal that thanks to Etienne Hugel, brother of Marc Hugel, I had the chance to drink a Constantia of South Africa of 1791 belonging to Jean Hugel. The presence of Marc made me want to open for my friends winemakers a Red Constantia J. P. Cloete Great Constantia South Africa around 1860, the wine of kings, emperors and tsars, the most mythical wine that is. At the opening, I was paralyzed by the perfection of its perfume. This wine is my Grail, my search, my love. He is rich, peppery, with extreme acidity which supports the wine, and he has held the 158 years of his life without getting a wrinkle. Its length is infinite and its aromatic persistence is too. It is fat / dry. I enjoy this perfect wine and am particularly happy that my friends love it, because who better than they could appreciate these eternal flavors?

In the pretty dining room of the Laurent restaurant we had a nice table but the shape made it very difficult to have common conversations. Three or four small discussion groups were formed except when it was necessary to address a general message and the opposite wings could not speak to each other. So, when we got up, the conversations continued very late, as everyone was happy with this friendship dinner.
The chef made an inspired cuisine, of great delicacy and without parasitic tastes that hit the wines. The service of the dishes and wines was very attentive and intelligent. We left happy to have shared a great moment of friendship with wines that are the most beautiful expressions of prestigious domains, represented by those who embody them. Everyone has only one desire, it is to come back next year.

 

(pictures are in the article in French, just below)

18ème dîner des amis de Bipin Desai – 229ème dîner dimanche, 28 octobre 2018

C’est la 18ème année que j’organise un dîner de vignerons que l’on appelle le « dîner des amis de Bipin Desai », car c’est lui qui en a eu l’idée. C’est un grand collectionneur de vins californien d’origine indienne, organisateur de fantastiques dégustations verticales des plus grands domaines, et par ailleurs professeur de physique nucléaire à Berkeley. Ma tâche a été de recueillir, les inscriptions, recevoir les vins apportés par les vignerons et mettre au point le menu, grâce à Ghislain, très compétent sommelier, avec le chef du restaurant Laurent, Alain Pégouret. Le dîner étant organisé comme un de mes dîners sera le 229ème.

Nous sommes dix : Frédéric Barnier (maison Louis Jadot), Philippe Foreau (Clos Naudin), Marc Hugel (maison Hugel), Jean-Luc Pépin (domaine Comte Georges de Vogüé), Rodolphe Péters (champagnes Pierre Péters), Charles Philipponnat (champagnes Philipponnat), Pierre Trimbach (maison Trimbach), Aubert de Villaine (domaine de la Romanée Conti), Bipin Desai et moi.

A 16h30 j’ouvre les bouteilles qui, à peu d’exceptions, sont relativement jeunes. Je constate que presque tous les bouchons sont très serrés dans les goulots, demandant de grands efforts pour les extirper. Est-ce lié aux conditions météorologiques, je ne sais pas. Toutes les odeurs sont encourageantes, voire magiques.

L’apéritif se prend dans la belle rotonde de l’entrée du restaurant avec le Champagne Pierre Péters Cuvée Les Chétillons magnum 2002 dégorgé en 2012. Je l’avais fait ouvrir par Ghislain une heure et demie avant l’apéritif et malgré cela le champagne me paraît engoncé, un peu fermé. Mais il fallait les délicieux amuse-bouches pour le révéler. Ces amuse-bouches sont précis, sans chichi et très efficaces pour élargir le champagne. Rodolphe Péters dit que ce champagne de 16 ans commence à trouver son envol et l’ampleur qu’il doit avoir. C’est un grand blanc de blancs du Mesnil-sur-Oger, la Mecque du blanc de blancs.

Nous passons à table. Le menu créé par Alain Pégouret est : Saint-Jacques marinées d’une mousseline d’huile d’olive citron caviar et poivre rouge de Pondichéry, gelée de concombre et menthe, tortilla guacamole / Oignon doux confit et caramélisé, crème légère de pomme ‘Charlotte’, truffe blanche d’Alba, parmesan et jaune coulant / Noix de ris de veau caramélisée au vinaigre balsamique de pomme, chips et mousseline de châtaigne, chanterelles et bacon au jus / Carré d’agneau de Lozère cuit sur une marinière, « grenailles » et crémeux d’artichauts et cristalline / Pomme reine des reinettes, yaourt de cassis, crème glacée à la bière / Financiers.

Le plat de Saint-Jacques est aérien. Il est accompagné d’un champagne et d’un vin blanc. Pierre Trimbach pense que le riesling fait un peu d’ombre au Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1996 dégorgé en 2010, mais nous sommes plusieurs à penser que les deux se fécondent mutuellement. Il y a beaucoup de ponts qui se créent entre le champagne et le Riesling Cuvée Frédéric Emile Trimbach magnum 1990. Le champagne fait à égalité de pinot noir et chardonnay a une belle personnalité. Il est vif. Le riesling a un parfum inouï. Ce parfum est conquérant. Le vin réussit ce miracle de paraître guerrier, envahisseur, mais aussi d’une grande élégance. Le riesling me séduit par son extrême précision. Il est frais. C’est un immense vin et Philippe Foreau fait remarquer que l’accord se trouve avec les petites notes de menthe du plat très frais. Je trouve que ce sont les dés de concombre qui créent le pont entre les deux, champagne et vin. Nous sommes ravis de cette belle association.

L’oignon est superbe et la truffe d’Alba dégage des parfums envoûtants. Le plat est accompagné de deux vins très disparates, alors qu’ils sont de la même année. Le Bâtard-Montrachet Grand Cru Louis Jadot magnum 1999 est comme le riesling un vin guerrier. Quand il est servi, il montre ses muscles, avec un parfum entêtant. Mais dès que le vin s’aère dans le verre, les subtilités apparaissent. Puissance et élégance sont ses deux forces.

Le Bourgogne Blanc Domaine Georges de Vogüé 1999 est en fait un Musigny blanc qui par humilité efface depuis 1991 son appellation tant que les vignes ne sont pas suffisamment vieilles. Il reprend son appellation à partir du millésime 2015. Ce vin plus discret que le Bâtard est d’une rare élégance. Il suggère plus qu’il n’affirme et montre son raffinement. L’accord est très intéressant, le Bâtard affrontant avec succès la truffe blanche alors que le vin de Vogüé se mesure gentiment avec les délicieux oignons et l’œuf très justifié pour la cohérence du plat.

Aubert de Villaine ayant lu le menu s’inquiète de l’apparition d’un vin doux qui risque de nuire aux deux vins rouges qui suivront. Philippe Foreau affirme que son Vouvray demi-sec Clos Naudin 2005 n’aura aucun effet négatif sur les rouges. Je demande en cuisine si l’on peut faire passer le plat des rouges avant le plat prévu, mais le service est lancé aussi je fais ouvrir une deuxième bouteille de Clos des Goisses 1996, que nous boirons après le vin de Loire et avant les rouges. Le vin de Loire fait assez simple au premier contact, mais il est comme une Bugatti qui a besoin de quelques minutes avant que le moteur aux innombrables cylindres ne chante sa symphonie. L’accord que m’avait suggéré Philippe Foreau, avec le ris de veau, est superbe. Le vin subtil est discret, d’un message d’amour courtois, et s’il est doux, il garde la bouche fraîche. Philippe avait raison, le palais n’est pas marqué et nous aurions pu passer aux vins rouges, mais il est plus prudent de ne pas tenter le diable.

La bouteille de Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1996 dégorgé en 2010 est fondamentalement différente de la première alors qu’elles proviennent du même lot. Philippe Foreau suggère que la seconde bouteille serait plus dosée que la première et Charles Philipponnat est catégorique, il est impossible que le dosage soit différent. Le goût de ce champagne est plus riche, plus puissant, avec des fortes évocations d’amandes et de noisettes. Personnellement je préférais la première bouteille servie, mais les avis sont partagés.

Nos palais sont calibrés et arrive le carré d’agneau, choisi pour ne pas heurter les deux grands rouges. A l’ouverture à 17 heures, le Musigny Vieilles Vignes Domaine Georges de Vogüé 1970 m’avait conquis par son parfum d’une rare élégance, tout en suggestion. Or le vin que je bois maintenant fait un peu fatigué, plus évolué qu’il ne devrait. Mais il va faire une remontée fantastique, s’assembler, perdre ses voiles de maturité excessive pour redevenir galant. C’est un vin très charmant. Il est très fin, même dans cette année de petite renommée.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1964 a un fruit très jeune. Il est solide et charpenté et ne découvre que progressivement les complexités propres au domaine. C’est un vin d’une grande palette de saveurs, qu’il décline élégamment. Aucun des deux vins ne nuit à l’autre et nous bénéficions de deux expressions bourguignonnes d’un grand talent. Comme nous buvons de large soif je demande qu’on ne serve pas de fromage car il n’y aura pas assez de vin. Fort opportunément aucun fromage n’était inscrit sur nos menus alors qu’il en était prévu. Malgré quelques souhaits exprimés, nous passons directement au dessert.

Le Riesling Vendanges Tardives Sélection Personnelle de Jean Hugel 1935 est annoncé par Marc Hugel comme étant très sec et bien qu’il soit de vendanges tardives, il est effectivement très sec. Ce vin est une merveille de subtilité. On pourrait faire un repas avec ce vin seul, pour explorer sa capacité enthousiasmante à épouser la gastronomie. Ce vin est un vin de recueillement. Il me procure une émotion très forte.

Le Vouvray Goutte d’Or moelleux Clos Naudin 1947 à la couleur extrêmement ambrée est tout l’inverse du précédent. Il est absolument fantastique dans des notes très fortes où Philippe Foreau trouve des évocations d’une imagination invraisemblable, comme le cheval qui revient à l’écurie, alors que je trouve sous son message très torréfié, presque de mélasse, des notes de thé. Ce vin est un tonitruant prodige de douceurs gourmandes. On peut passer d’un vin à l’autre, chacun offrant des sensations admirables.

J’avais raconté en début de repas que grâce à Etienne Hugel, frère de Marc Hugel, j’avais eu la chance de boire un Constantia d’Afrique du Sud de 1791 appartenant à Jean Hugel. La présence de Marc m’a donné envie d’ouvrir pour mes amis vignerons un Red Constantia J.P. Cloete Great Constantia Afrique du Sud vers 1860, le vins des rois, des empereurs et des tsars, le vin le plus mythique qui soit. A l’ouverture, j’avais été tétanisé par la perfection de son parfum. Ce vin, c’est mon Graal, ma recherche, mon amour. Il est riche, poivré, avec une acidité extrême et porteuse, et il a tenu les 158 ans de sa vie sans prendre une ride. Sa longueur est infinie et sa persistance aromatique l’est aussi. Il est gras/sec. Je jouis de ce vin parfait et je suis particulièrement heureux que mes amis l’aiment, car qui mieux qu’eux pourrait apprécier ces saveurs éternelles ?

Dans la jolie salle à manger du restaurant Laurent nous avons eu une belle table mais la forme a rendu très difficile d’avoir des conversations communes. Trois ou quatre petits groupes de discussion se sont formés sauf quand il fallait adresser un message général et les ailes opposées ne pouvaient se parler. Aussi, quand nous nous sommes levés, les conversations ont continué très tard, tant chacun était heureux de ce dîner d’amitié.

Le chef a fait une cuisine inspirée, d’une grande délicatesse et sans goûts parasites qui heurtent les vins. Le service des plats et des vins a été très attentif et intelligent. Nous nous sommes quittés heureux d’avoir partagé un grand moment d’amitié avec des vins qui sont les plus belles expressions de domaines prestigieux, représentés par ceux qui les incarnent. Chacun n’a qu’une envie, c’est de revenir dans un an.

Comment est-ce possible que ce vin blanc contienne du poisson ?

c’est assez amusant de voir un vin de 1935 avec un bouchon qui porte l’adresse du site web du domaine !

les bouteilles sauf les Vouvray dans ma cave

les bouteilles au complet dans le restaurant

quand on regarde la table, on voit que les viticulteurs boivent jusqu’à la dernière goutte !

Déjeuner au restaurant La Rotonde jeudi, 25 octobre 2018

Comme avec mes conscrits, le déjeuner périodique avec mon frère et ma sœur reprend du service. C’est ma sœur qui invite au restaurant La Rotonde. C’est l’archétype de la brasserie parisienne, avec un service réglé comme une chorégraphie. La décoration semble figée dans les années trente, ce qui lui va bien, et les reproductions de tableaux de Modigliani sont légion.

Nous commençons par un Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Brut sans année servi trop froid qui montre une certaine verdeur. Il se boit agréablement sur les huîtres Gillardeau n° 3 délicieuses.

Ayant eu des relations soutenues avec un cousin du Cher de la génération de mes parents, je suis familier des Ménetou-Salon dont j’aime la simplicité et la franchise. Le Ménetou-Salon La Dame de Châtenoy Isabelle et Pierre Clément 2015 est un vin de brasserie qui me rappelle de beaux souvenirs. C’est un coup de fouet de jeunesse.

Le Mercurey Les Caraby Maison Chanzy Jean-Baptiste Jessiaume 2017 vit sur une planète d’âge que je visite peu. Son fruit est franc. Sur un tartare de bœuf d’Hugues Desnoyer et des frites façon bistrot, il joue sur son terrain. Je me suis montré plus attentif à bavarder avec mon frère et ma sœur qu’à disséquer les vins de ce repas.

déjeuner de conscrits au Yacht Club de France mercredi, 24 octobre 2018

Cela fait plus de trois mois que notre club de conscrits ne s’est pas réuni. Nous nous retrouvons à l’invitation d’un d’entre nous pour déjeuner au Yacht Club de France. Le hors-d’œuvre est toujours aussi copieux et inventif : cochonnailles, Samousa de homard, velouté de panai aux écrevisses, cuisses de grenouille. Le chef Benoît Fleury montre un talent de plus en plus affirmé et la présentation des plats n’a pas grand-chose à envier à certains chefs étoilés.

Le Champagne Pierre Gimonnet & Fils Cuvée Fleuron magnum 2006 m’était apparu un peu dosé lorsque je l’avais bu avant l’arrivée des hors-d’œuvre. Mais avec eux, le champagne offre un chardonnay très agréable et consensuel. Lorsqu’il est fini, le Champagne Pierre Gimonnet & Fils blanc de blancs brut sans année se montre beaucoup plus vif et cinglant que le 2006. Je l’aime beaucoup et j’en profiterai aussi sur les huîtres servies à table.

Le menu conçu par le chef avec Thierry Le Luc, pour les vins de notre ami, est : huîtres fines de claires / petit risotto de Saint-Jacques rôties, jus de crustacés / Bar et grosses gambas, pomme Dauphine, girolles et hollandaise / fromages d’Eric Lefebvre MOF / Paris-Brest maison, glace à la noisette.

Le Meursault Cuvée Maurice Chevalier Remoissenet Père & Fils 2009 est un superbe Meursault au fruit généreux et entraînant. Il réussit l’exploit de s’accorder aux huîtres. C’est un meursault de plaisir.

Le Chassagne-Montrachet Abbaye de Morgeot Louis Jadot 2004 est moins mordant et ample que le meursault mais il s’associe bien au jus de crustacés.

Le Saint-Joseph Les Granits M. Chapoutier 2011 est un vin blanc riche, opulent, de belle présence. Il est suivi par un Hermitage blanc Chante-Alouette M. Chapoutier 2012 large et raffiné, de belle personnalité. Avec ces vins de Chapoutier, notre ami nous à gâtés.

Pour le fromage nous buvons un Château Cantenac-Brown 1995 qui, malgré ses 23 ans, est d’une jeunesse rare. Il faudra attendre encore une vingtaine d’années pour que ses belles qualités s’élargissent comme les pétales d’une fleur.

Notre ami poursuit sa générosité avec un Bas-Armagnac Domaine de la Coste Lacourtoisie 1981 extrêmement élégant et une belle personnalité.

La charmante Sabrina a fait un service de très haute qualité des mets mais surtout des vins. Le chef a réalisé un menu brillant. Décidément, le Yacht de France est un lieu où l’on aime à jeter son ancre.

Déjeuner chez des voisins mardi, 23 octobre 2018

Chaque weekend, quand le temps le permet, je vais acheter mon journal à pied, ce qui me fait une belle promenade, puisque les marchands de journaux disparaissent au fil des projets immobiliers qui fleurissent dans ma banlieue. Je rencontre de temps à autre une voisine. Il fait beau et je propose de lui rendre visite ainsi qu’à son mari avec une bouteille de champagne. Dans leur agréable jardin j’ouvre une bouteille de Champagne Charles Heidsieck 1985. Le pschitt est dynamique, le bouchon est beau et sain. La couleur du champagne est d’un ambre clair ce qui est un signe de jeunesse pour un champagne de 33 ans. Le champagne a un fruit puissant et une ampleur remarquable. Il est racé, de grande personnalité et c’est une belle réussite du millésime 1985 qui est brillant.

Le repas est impromptu puisqu’il a été décidé il y a moins d’une heure. Mon ami ouvre un Château d’Hanteillan Haut-Médoc 2015, vin sans histoire et très jeune. Par un temps splendide pour le milieu du mois d’Octobre, nous avons bavardé longuement dans un beau climat d’amitié.

Un archéologue visite ma cave dimanche, 21 octobre 2018

Il y aura pendant trois mois d’été à Marseille en 2019 une exposition sur le vin du temps des romains, avec l’intention de prouver à quel point tout ce qui tourne autour du vin existait déjà du temps des romains. Un des archéologues du musée d’Arles qui est impliqué dans l’organisation de cette exposition avec qui j’ai eu des contacts par mails et au téléphone me rend visite pour que l’on voie quelles bouteilles vides de ma cave pourraient être prêtées à cette exposition, si elles s’inscrivent dans les thèmes retenus. Avec David Djaoui, nous visitons aussi bien ma cave de bouteilles pleines que celle de bouteilles vides et nous trouvons une dizaine de bouteilles qui correspondent aux thèmes que David avait imaginés.

Il faut bien se restaurer aussi des sushis m’ont été livrés. C’est l’occasion de servir les trois vins de 1951 que j’avais bus il y a deux jours avec Tomo. Le Laville Haut-Brion 1951 est très à l’aise avec les sushis, mais le Château Chalon Bourdy 1951 est plus typé, plus percutant et plus long en bouche.

Sur un dessert au chocolat qui n’a rien de japonais, le Vin de Paille Jean Bourdy 1951 qui a profité de l’aération est exceptionnel. Il est d’un équilibre farouche, muscaté, torréfié et d’une assurance très supérieure à ce qu’on attendrait d’un vin de paille. David est ravi car ces vins correspondent à des goûts qu’il a pu représenter par les textes portant sur des vins de qualité du temps des romains, car contrairement à ce qu’on pourrait croire, il se faisait alors commerce de grands vins. Pendant quelques minutes, par les échanges passionnants liés à l’érudition de David, nous nous sommes imaginés empereurs romains. L’idée que je parle de vins anciens lors d’une conférence a été lancée. Le sort en est jeté.

Dîner au restaurant Akrame jeudi, 18 octobre 2018

Bipin Desai est un collectionneur américain avec lequel j’organise chaque année un dîner de vignerons. Ce sera dans une semaine le 18ème dîner. La tradition veut que le jour de l’arrivée de Bipin en France, nous dînons ensemble. Ce soir, ce sera au restaurant Akrame. Le chef Akrame a la maîtrise de notre menu que nous ne connaîtrons pas à l’avance, aussi le choix des vins dans la carte très courte du restaurant est-il fait sans savoir.

Voici comment le chef Akrame intitule et décrit notre parcours : Picorer : ananas, féta – anguille fumée – cracker betterave framboise / Envol : céleri façon rémoulade / Surprise : raviole champignons / Marin : Skrei, œufs de truite, pomme de terre / Audace : tourteau, carotte, navet / Force : homard barbecue, menthe / Terre : pigeon, Kamut / Jouissance : riz au lait ; riz soufflé, glace au riz, mousse chocolat d’antan, coulis fumé.

L’ananas de mise en bouche est sur une couche de glace et se présente trop froid. Les deux autres amuse-bouches sont superbes. Tous les plats sont d’une grande inventivité. J’adore le céleri magnifiquement traité, cuit entier à la braise. Le tourteau exprime tout le talent du chef qui explore des voies nouvelles. Le homard est saisi à la perfection. La chair du pigeon est tellement goûteuse que l’on pourrait presque se contenter du produit pur. Il y a dans cette cuisine un bouillonnement d’idées.

Le Champagne Billecart-Salmon Le Clos Saint-Hilaire Brut 1998 est un blanc de noirs qui par beaucoup d’aspects me rappelle le Bollinger Vieilles Vignes Françaises qui est lui aussi un blanc de noirs. Il faut accepter une certaine rugosité, une sécheresse et un ascétisme prononcés, et si l’on entre dans le jeu de ce champagne, on est conquis. Il n’est pas toujours gastronomique car il est dur, mais sa personnalité me plait beaucoup. C’est un champagne que j’aime parce qu’il ose être ce qu’il est.

La Petite Sibérie Côtes de Roussillon Villages Hervé Bizeul 2008 est un vin riche et puissant, tout en affirmation. Ce qui me plait, c’est de constater qu’à dix ans, il est en pleine possession de ses moyens et trouve un équilibre élégant. Il est racé et montre une belle élégance sous ses dehors de combattant. Ce serait Porthos parmi les trois mousquetaires, mais un Porthos galant. Il accompagne élégamment le homard, et même avec le pesto (il faut le faire), à condition qu’on le prenne en trace. C’est avec le pigeon à la mâche divine qu’il se livre généreusement.

Il y avait des tables bruyantes, la salle était chaude, le ballet des serveurs était animé dans cette salle toute en longueur et comme Bipin parle doucement, j’ai eu un mal fou à le comprendre. Le service est toujours attentionné. La cuisine d’Akrame, généreuse et inventive est de grand talent et je suis ravi que le vin d’Hervé Bizeul ait tant brillé.