Nous allons recevoir ma fille cadette et trois de nos petits-enfants. Ces repas sont l’occasion pour donner une chance à des bouteilles qui ont perdu du volume du fait de la porosité de leur bouchon. Un Château Gruaud-Larose 1928 est dans ce cas, avec un niveau catalogué « vidange », et un Château Filhot 1893, que je qualifierais de « grande vidange ». Pour le champagne je choisis une bouteille sans défaut.
De bon matin j’ouvre le vin de 1928 dont le bouchon vient entier. Son parfum me surprend par sa pureté, n’offrant aucune mauvaise odeur. Le vin de 1893 a un bouchon tout recroquevillé dans sa partie basse. Il vient lui aussi entier et le parfum discret offre de timides suggestions de sauternes raffiné.
C’est une heure avant le repas que j’ouvre le Champagne Pol Rober Cuvée Winston Churchill 1996. Le bouchon étant difficile à tourner, je prends un casse-noix pour le décoller du verre mais il saute dans ma main, offrant un pschitt énergique.
A l’apéritif, il y a des mini-brioches à la rillette, de délicieuses chips et des tranches d’un jambon Pata Negra bien gras. Le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1996 a une couleur de blé d’été doré. Elle est ensoleillée. La bulle est présente. Le premier contact est joyeux, le champagne montrant une belle ampleur. Mais peu de temps après, le champagne se montre monotone. Son discours est convenu. Brillant certes, mais sans la vibration que l’on attendrait.
Ma femme a prévu un poulet, le plus simple possible avec de la semoule. Le Château Gruaud-Larose 1928 est une absolue merveille. La couleur est d’un rouge foncé. Le nez est noble, riche et précis. En bouche le vin opulent a la mâche d’une belle truffe et le vin est phénoménal. C’est un vin quasiment parfait. Quelle belle surprise. Nous nous régalons avec ce vin franc, puissant et sans âge puisque ma fille l’imaginera plus jeune de presque quarante ans. C’est sur du chaource que le vin se montre magique.
Le Château Filhot Sauternes 1893 a une couleur marron. Il est limpide. Le nez est discret et évoque des zestes d’agrumes. L’attaque est celle d’un sauternes sec qui, selon l’expression consacrée aurait « mangé son sucre ». Il n’est pas désagréable et c’est surtout son finale qui est sec. Je l’avais prévu pour les crêpes de la Chandeleur, mais c’est surtout sur un poisson ou une viande blanche qu’il serait le plus adapté. Il me rappelle un Filhot 1858 qui avait aussi mangé son sucre mais que j’ai trouvé charmant. Ce 1893 est un peu trop strict pour qu’on l’apprécie comme il convient.
C’est indéniablement le Gruaud-Larose 1928 exceptionnel qui a illuminé ce repas marqué par les rires et les joies de mes petits-enfants.