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(ouverture de Mouton 1918 dont l’étiquette Carlu est en tête de ce blog. A gauche, on reconnait Mouton 1945)

 

 

 

 

 

 

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Bulletins du 1er semestre 2025, du numéro 1043 à … dimanche, 12 janvier 2025

Bulletins du 1er semestre 2025, du numéro 1043 à …

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(bulletin WD N° 1044 250114)    Le bulletin 1044 raconte : La 41ème séance de l’Académie des Vins Anciens au restaurant Macéo.

(bulletin WD N° 1043 250103)    Le bulletin 1043 raconte : dîner « Enigma » pour les gagnants d’une énigme au restaurant Pages, qui est le 290ème de mes dîners et déjeuner ‘rapide’ avec ma fille.

réveillon de la Saint Sylvestre, 293ème dîner jeudi, 2 janvier 2025

Nous avions l’habitude de faire le réveillon de la Saint Sylvestre dans le sud. Cette année, j’ai voulu choisir des vins très anciens, pour faire un dîner particulier, je l’espère hors norme. Ces vins étant dans ma cave parisienne, le dîner devait se faire dans notre domicile de la région parisienne.

La gestation du dîner, les discussions sur les plats nous ont occupés, ma femme et moi, pendant de longs jours, voire de longues semaines.

La veille, le choix des verres et la disposition sur table ont été une phase importante. Le lendemain matin, jour du dîner, j’ai envie d’ouvrir les vins beaucoup plus tôt que d’habitude. Dans les restaurants parisiens, je viens ouvrir les vins des dîners vers 16 heures. Chez moi, je n’ai pas de contrainte d’heure aussi ai-je décidé de démarrer les ouvertures à midi.

Le premier que je veux vérifier est le Corton Blanc Les Fils de C. Jacqueminot 1919 car la bouteille très poussiéreuse empêche d’avoir une idée sur le vin. Le niveau est très convenable. Le bouchon se déchire, du fait que le goulot n’est pas cylindrique, et le parfum discret est une bonne nouvelle car je ne sens aucun défaut.

J’ouvre ensuite les deux champagnes de 1964 dont les bouchons ne posent aucun problème, celui du Ruinart venant entier et celui du Dom Pérignon se brisant lors de la torsion.

C’est le tour d’une bouteille inconnue. Le Domaine de Guillaumet Sadirac Château Pétrus Pomerol 1946 est-il un vin de l’entre-deux-mers ou le célèbre Pétrus comme le suggère l’étiquette où figure la mention « premier cru Pomerol », mention qui n’a rien d’officiel. Le parfum très fort et truffé du vin confirme qu’il s’agit bien d’un Pétrus. Le niveau de basse épaule n’a pas entraîné une baisse de vigueur du vin qui promet d’être grand.

J’ouvre ensuite les autres vins et à aucun moment je ne trouve une odeur qui m’inquiéterait.

Le rendez-vous est à 20h30 mais ma fille arrive dès 18h et d’autres amis arrivent à 19h30. On ne peut pas rester la bouche sèche. Je dis aux amis que je propose de boire un vin que je n’ai jamais bu. J’ouvre un Champagne Dom Pérignon Basquiat 2015. Quand j’ai vu qu’il existe une version de Dom Pérignon 2015 dont l’étiquette évoque une œuvre de Basquiat et qui se présente dans une boîte entièrement décorée selon Basquiat, je m’étais dit : il ne faut pas rater ce qui deviendra ‘collector’ comme on dit aujourd’hui.

Le champagne est excellent et déjà très expressif. C’est une belle surprise qu’un vin si jeune soit ainsi épanoui. Nous grignotons des chips à la truffe, des tranches fines de jambon ibérique bien gras.

Le menu qui a été composé par mon épouse est : gougères, foie gras, caviar, coquilles Saint-Jacques juste poêlées, filets de bar, wagyu, fromages, tarte Tatin.

Nous sommes au complet à l’heure dite. L’apéritif commence avec le Champagne Dom Ruinart 1964, sur des gougères et du foie gras sur du pain. Le champagne est large, complexe et gourmand. Il est rond et joyeux et on se rend compte à quel point les champagnes anciens sont sur une autre planète de grandeur et de bonheur. Ma fille est enthousiasmée par ce champagne.

Vient maintenant le Champagne Dom Pérignon 1964 et l’on peut faire plusieurs constatations. La première est que le monde des champagnes anciens est un monde passionnant. Il y a des complexités que l’on ne trouvera jamais dans les champagnes jeunes. Le Dom Pérignon 2015 nous en a donné la preuve. La deuxième évidence est la grande différence entre les deux champagnes de 1964. Le Dom Ruinart est rond, joyeux et souriant alors que le Dom Pérignon est plus long, plus sophistiqué et complexe. Selon les goûts on va préférer l’un ou l’autre. Ma fille a adoré le Dom Ruinart et j’ai été conquis par le Dom Pérignon qui a accompagné deux caviars, le Caviar Osciètre Prestige de Kaviari et le Caviar Osciètre Suprême Malossol de Madagascar de la maison Rova.

J’aime beaucoup goûter le caviar avec du pain et du beurre. Le caviar Rova est apparu avec une subtilité raffinée un peu plus expressive et tendue que celle du délicieux Kaviari.

Dans la décennie des années 60, probablement la plus belle décennie pour les champagnes, j’avais l’habitude de classer les grands millésimes ainsi : 1966, 1962, 1969, 1964, 1961. Ce soir, l’année 1964 a été particulièrement brillante.

Le Corton Blanc Les Fils de C. Jacqueminot 1919 accompagne les coquilles Saint-Jacques. Je sens un moment d’étonnement autour de moi. Comment un vin blanc de 105 ans peut-il être aussi jeune et sans âge. Le vin a un parfum discret mais frais et direct. En bouche, il est aussi direct, droit, pur, avec une belle longueur.

J’avais prévu sur le poisson un Haut-Brion 1911, mais dès que je vois les filets de bar qui cuisent lentement, j’ai l’intuition qu’il faut le Pétrus. Le Domaine de Guillaumet Sadirac Château Pétrus Pomerol 1946 a une jolie couleur noire dans le verre. Le nez est intense, de truffe. Et en bouche, le vin dense est d’une longueur infinie. Un goût de truffe forte donne une puissance extrême au Pétrus. Je suis aux anges car l’accord est parfait. D’habitude j’associe Pétrus et rouget mais ici, l’accord avec le bar est vraiment idéal. Mon émotion est grande car il n’était pas évident que ce vin qui avait un niveau basse épaule puisse être aussi grand. Quel bonheur.

Le Château Haut-Brion Héritiers Larrieu reconditionné en 1992 Millésime 1911 se présente dans une bouteille très ancienne qui a deux étiquettes. Il y a l’étiquette initiale que le château a fort justement conservée et la nouvelle étiquette indiquant la date du vin et la date de reconditionnement. Normalement, je n’aime pas les reconditionnements car on ne sait pas quel était le niveau avant qu’on ne rajoute du vin d’une autre bouteille de la même année. Aussi ai-je longuement senti le vin à l’ouverture pour vérifier la cohérence et la pureté du vin. Je ferai de même avec l’Yquem qui suivra. Ce Haut-Brion a la constance et la solidité des grands Haut-Brion. Ce n’est pas un vin qui veut se mettre en avant. Il n’a aucune extravagance mais au contraire une solidité qui brave le temps. C’est un grand Haut-Brion traditionnel et puissant. Il a accompagné le bar, moins pertinent que le Pétrus, et le wagyu, et plus tard les fromages.

Pour le wagyu, nous avons un Beaune V. Chevillot 1919 dont les indications sont lues sur la capsule, alors que l’étiquette a disparu. En versant le vin, je vois que les premiers verres sont clairets et que progressivement, la couleur s’assombrit. Le vin s’est un peu dépigmenté, mais cela n’a pas altéré son goût. Le bourgogne est le vin pertinent pour le wagyu car il s’accommode bien au gras aimable de la viande. Il a une douceur subtile et une belle cohérence.

Le Brillat-Savarin convient aussi bien au Bourgogne qu’au Haut-Brion.

A ce stade, nous sommes impressionnés par le fait que tous les vins n’avaient pas d’âge et pas de signes de fatigue ou de faiblesse. C’est assez étonnant.

L’heure est à la tarte Tatin qui est accompagnée par un Château d’Yquem reconditionné en 1989 Millésime 1911. La couleur ambrée du vin appelle le respect. Un tel vin est un vin de légende. Comme pour le Haut-Brion j’avais longtemps senti ce vin à l’ouverture pour vérifier si le vin a la pureté que l’on doit attendre. Le nez est d’une grande subtilité et en bouche le vin est un vin sec. En un tel cas, on dit que le sauternes a ‘mangé son sucre’. Certains amateurs n’aiment pas cela. J’adore Yquem dans toutes ses présentations, soit sèches comme celui-ci, soit tendance mangue, soit tendance caramel.

L’accord de l’Yquem avec la tarte est idéal. Le vin est long et subtil, aux complexités d’agrumes secs.

Ayant organisé ce dîner comme l’un de mes dîners, il est le 293ème de mes dîners et selon la coutume, il faut que chacun vote pour ses cinq vins favoris. Le champagne de 2015 n’est pas inclus dans les votes aussi les six vins en compétition ont tous eu au moins un vote.

Quatre vins ont été nommés premier par au moins l’un d’entre nous, le Dom Pérignon 1964 et le Haut-Brion recueillant deux votes de premier et le Dom Ruinart et le Pétrus un vote de premier.

Le vote du consensus est : 1 – Domaine de Guillaumet Sadirac Château Pétrus Pomerol 1946, 2 – Champagne Dom Pérignon 1964, 3 – Château Haut-Brion Héritiers Larrieu reconditionné en 1992 Millésime 1911, 4 – Château d’Yquem reconditionné en 1989 Millésime 1911, 5 – Champagne Dom Ruinart 1964, 6 – Corton Blanc Les Fils de C. Jacqueminot 1919.

Mon vote est : 1 – Domaine de Guillaumet Sadirac Château Pétrus Pomerol 1946, 2 – Corton Blanc Les Fils de C. Jacqueminot 1919, 3 – Champagne Dom Pérignon 1964, 4 – Château Haut-Brion Héritiers Larrieu reconditionné en 1992 Millésime 1911, 5 – Château d’Yquem reconditionné en 1989 Millésime 1911.

Je ne sais plus à quel moment ont été donnés les coups de minuit mais c’est en 2025 que nous avons voté et trinqué avec une Fine de Normandie ‘maison du bonhomme normand’ 1903. Cette fine est en fait un Calvados d’une pureté exemplaire, frais. Cet alcool pianote des notes de pommes et de fraîcheur. Quel grand alcool !

Dans mes dîners, je ne peux pas mettre des vins anciens aussi risqués. J’ai voulu avec ce dîner que l’on soit en plein ‘dans mon monde’ où les vins risqués ont aussi leur place. Les deux 1919 et les deux 1911 pouvaient ne pas être parfaits. Tous ont été au rendez-vous avec une émotion sensible pour chacun.

Ma femme a fait une cuisine de produits simples qui ont créé des accords idéaux. Dans une ambiance amicale et souriante, nous avons vécu l’un des dîners les plus représentatifs de ma démarche dans le monde des vins anciens.

Noël en famille vendredi, 27 décembre 2024

Le 15 décembre nous avions fait un « pré-Noël » avec nos trois enfants, puisque notre fils allait fêter le ‘vrai’ Noël en famille à Miami. De ce fait notre dîner de Noël se fera avec nos deux filles et leurs enfants.

Le repas prévu par ma femme est : gougères, boudin blanc, gouda à la truffe / pommes de terre à la truffe d’été / pigeon, purée de châtaigne, truffe et cranberry / wagyu / brillat-savarin / bûche au chocolat.

J’ai ouvert les vins de tôt matin, sans aucun problème particulier. Quand les enfants et petits-enfants arrivent, ce ne sont que rires et embrassades car l’une de mes petites filles poursuit ses études dans l’Illinois et une autre en Suisse. Elles ont tant de choses à se dire !

Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1973 avait un bouchon qui s’est sectionné lorsque j’ai voulu le faire tourner. Le bas du bouchon était venu sans pschitt. La couleur dans le verre est assez foncée. Il n’y a pas de bulles, mais le pétillant est bien là. Le champagne est très agréable, rond, puissant et aux complexités très bien intégrées. C’est un champagne noble et plaisant, qui trouve un accord avec chacun des trois composants de l’apéritif. La gougère a probablement été créée par un amateur de champagne, car l’un est fait pour l’autre. La persistance de la truffe dans le gouda excite le champagne alors que le boudin crée un accord sensuel.

J’avais prévu un Champagne Krug Grande Cuvée 1ère Génération avec des vins autour de 1975 mais il est préférable de le reporter au dessert car le programme est lourd.

Le Château Haut-Brion blanc 1934 est légèrement foncé. Le nez est droit. En bouche on sent la grandeur de ce vin qui montre quand même quelques signes de fatigue. C’est un vin que j’ai déjà bu cinq fois. Celui-ci est probablement le plus fatigué des six. Nous le buvons bien sûr, puisqu’il est agréable, mais le plaisir n’est pas au niveau que j’espérais, malgré une truffe d’été très gourmande avec la pomme de terre.

Le Château Palmer 1989 accompagne le pigeon. Le niveau dans la bouteille était dans le goulot, ce qui est parfait. Le nez est intense et en bouche, ce vin est une bombe. Il est tellement long et puissant. Il emporte le palais dans son aventure. Avec les pigeons l’accord est raffiné. C’est un grand vin dans une belle jeunesse. On est loin de l’image féminine que l’on donne aux vins de Margaux.

Le Volnay Caillerets ancienne cuvée Carnot Bouchard Père & Fils 1959 est à l’opposé du Palmer. Le bordeaux est un guerrier fonceur. Le bourgogne est un charmeur. Ce vin est tout en douceur, ce qui convient parfaitement au wagyu et ensuite au brillat-savarin. Ce vin n’est pas très puissant, bien que d’une année glorieuse, mais est d’une distinction et d’un charme certains.

J’avais prévu pour la bûche au chocolat un Ermitage de Consolation Banyuls 1925 mais comme j’avais ouvert le Champagne Krug Grande Cuvée 1ère Génération avec des vins autour de 1975, c’est lui qui sera le vin de dessert. Bien sûr ce champagne n’est normalement pas fait pour accompagner un dessert sucré, mais la douceur et l’absence de saveurs brutales de la bûche a permis de profiter de ce très grand champagne, noble, fort et d’une grande complexité. Un champagne aristocratique.

Si je devais classer ces vins je dirais que le Palmer 1989 est le plus impressionnant, que le Volnay 1959 est d’un charme fou et que le Krug est d’une grande noblesse.

L’ambiance de Noël est toujours spéciale, car il y a les cadeaux mais surtout le plaisir d’être ensemble, en famille, avec de forts moments de bonheur.

A rare lunch with three wines of the 18th century dimanche, 22 décembre 2024

A rerThe story begins in 2011. Joel is a man fascinated by rare things. He is the one who told me 13 years ago: I bought a bottle from 1690, I will drink it and I will tell you how it tastes.

I immediately told him that he should not drink it without me. I came to his house and we drank a wine made in the time of Louis XIV, bland but drinkable whose emotion was more from his age than from his taste qualities. What a memory!

Joel recently told me that he had acquired a bottle found in the sea. The shape of the bottle is from the 18th century. These bottles are known to be broken. The colour that appears with a light that shines from behind is unique, of an almost pink red and the wine seems pure.

As he said 13 years ago: I will drink this wine with my father and I will tell you. He must have known how I would react. I told him that I would be very happy to drink this wine with him.

He agreed that I should come and drink his 18th century bottle found in the sea and I told him that I would bring something great.

Joël had seen on my blog that I want to make a dinner with 14 bottles over 160 years old. He said to me: I would be happy if you brought your 1730 Cahors. It is one of the rarest bottles for the dinner that I wish to make. Normally I would say no, but Joël is so generous that I said yes.

I added an unknown bottle from 1841 with a very beautiful color like that of an alcohol and an impossible to read label. What I read on the label is « Ht Mmmmm ». Only the 1841 is legible.

Knowing that we will share an 18th century Port, I ask Jean-Bernard Métais if he would like to join us. He makes wine in the Sarthe of the appellation Jasnières. He has a cellar with very old bottles and is a friend. He agrees to join our group. He will come with his wife and offers to bring a 1870 Jasnières and an 18th century Chenin Blanc.

We meet at the Rennes train station and go to Joël’s place. He will be with his parents and friends. He adds to his bottle rescued from the seas a Jerez of 1850, a Cheval Blanc 1947 and a supposed Burgundy of a year close to 1850.

In the small room where we deposit our contributions, one can imagine the anxiety that we have when opening these historical bottles.

The Jerez 1850 has a nice sweet smell. The two wines of Jean-Bernard, 1870 and 18th century have perfect smells. My Cahors 1730 for which I have no expectations, if I refer to the wine tasting of the 1690, surprises us because it is elegant and could be drinkable.

The supposed 18th century Porto has a sweet and elegant smell, that’s good news. The 1947 Cheval Blanc promises a lot, according to my memory. The supposed Burgundy of about 1850 smells of alcohol and one can think of a Fine or a Marc. My 1841 also has a perfume of alcohol and most likely an Armagnac.

The cork of Porto from the seas is small and very light cork. I used a Durand corkscrew to prevent the cap from falling into the liquid.

At no time we felt that one of the wines would be undrinkable. The olfactory impression does not offer any certainty, but we have high hopes.

We join the living room dining where are already the people from Rennes who accompany Joël in this great experience. Jean-Bernard, who is a winemaker, would like us not to eat during the tasting, in order to try to identify each wine without suffering the deviation that the dishes would provide.

During this tasting, I did not take notes. Only my feelings remain during this important moment.

The Jasnières Métais 1870 is delicious, sweet, delicate and full of pleasure. It is so beautiful and long. This wine has no age. Its colour is almost pink. If we were to say it’s a 1990, we would not be mistaken. This is the privilege of eternal wines.

The 18th century Chenin Blanc Métais is incredible because it is exactly the same as the 1870. It has the same DNA. He also has no age. It is pure sweetness. It has a little less energy than the 1870 but I prefer to drink such a wine so well preserved. I knew that the chenin is extremely long-lived, but this prephylloxeric is moving by its preserved freshness.

We now move on to my favourite, which I had jealously guarded and which Joël convinced me to open. The Cahors 1730 is an incredible surprise. First, it has color. These old wines could be depigmented, but this one is not. And the most incredible thing is that it’s drinkable and has a real taste. I could make dinner with this wine and it wouldn’t be rejected. I didn’t expect anything but now I’m in heaven. Drinking a wine made when Louis XV was our king, it’s a miracle. You can’t imagine how happy I am.

I drank eight times the Château Cheval Blanc 1947, a legend among legends. Joël’s 1947 Cheval Blanc is part of the first quarter in the order I would make tastings of 1947 Cheval Blanc. He is great, rich and conquering. For him, I propose that we break the rule suggested by Jean-Bernard: it’s time to snack and Joël has prepared with his family beautiful canapes, truffle, salmon, and other delicacies.

We want to drink the supposed Burgundy of 1850 and we think it is a Marc, very strong, very intense. It is hard to drink with such power, but what a great Marc! I wrote this after returning home, but Joël had the curiosity a few days later to decipher a paper that was attached to this bottle. And it reads: Mirabelle de l’Est Chapugneau 1830 put in barrels in 1874. We were certainly more concerned with tasting wines than recognizing spirits. This mirabelle is of unexpected strength.

It is now time to taste the 18th century port found in the sea. The smell is impossible to recognize. So complex. And in the mouth, it is also impossible to find a track. And then suddenly, we find the solution. Jean Bernard makes wines that live in chalk. And he thinks of an oyster and that is the starting point of the explanation: the cap allowed a little sea water to mix with the wine which gives the taste of salt and oyster, but the wine is extremely elegant because the contact with sea water did not create abuse. It is an alien Porto full of charm. A great pleasure draped in strangeness.

Joël is so happy that his wine is as moving as he decides to open a Château Petrus 1945. I feel Joel so happy to do this generous folly. 1945 is in an old hand-blown bottle. Extremely powerful, it is large, but carries less emotion than the 1947 Cheval Blanc. Joel will later see that the cork bears the mention of Petrus, but is a merchant’s cork.

We then drink the Jerez 1850 which is nice, but a little limited because it does not have the dry tension of a great Sherry.

The alcohol that I assume is an Armagnac 1841 is fantastic with an impressive fruit, but so strong that we do not insist.

Joël decides to open a delicious Château d’Yquem 1989 which is perfect for the Kouign Amann. What an emotion that this journey in time with three wines of the 18th century so different!

It takes me time to conclude and synthesize this unique experience.

I was so surprised that my Cahors 1730 is so great that because of this strong emotion, I put it first, as if it were my child.

Then the 18th century Chenin Métais had such a sweet and delicate taste that I put it second, but in second emotion and probably first for the taste, more pleasant than that of Cahors.

Next comes the 1947 Cheval Blanc because today this legendary wine is great.

Then there is the surprise of this unique 18th century Port. Great bottle, great wine, and the presence of salty sea that does not play against emotion.

After these unique wines, I will say that the Jasnières 1870 is highly emotional, that the Pétrus 1945 represents the exceptional generosity of Joël, that the Armagnac 1841 is perfect and will illuminate many other of my dinners as it is frank and cheerful. The supposed Marc de Bourgogne around 1850 which is in fact a mirabelle from 1830 will illuminate Joël’s meals and the Yquem 1989 is a wine of pure joy and return to earth after so many dreams.

In brief: 1 – Cahors 1730, 2 – Chenin Métais 18th century, 3 – Cheval Blanc 1947, 4 – Porto 18th century, 5 – Jasnières 1870, 6 – Armagnac 1841.

What a day!!!!!

292ème dîner au restaurant Maison Rostand vendredi, 20 décembre 2024

Le fils d’un ami et ami lui-même m’a rendu d’importants services. Il est amateur de vins. Pour le remercier de tout ce qu’il m’apporte je lui ai proposé de faire un dîner à la façon de mes dîners. Il viendra avec un ami, amateur de vins lui aussi, qui est associé dans sa société.

Nous ne serons que trois mais j’ai voulu que ce dîner soit comme un de mes dîners ‘officiels’. Il sera donc le 292ème de mes dîners.

Le restaurant Maison Rostand a été fermé pendant sept mois pour des travaux importants. Il me tardait de faire un dîner avec le chef Nicolas Beaumann. Il m’a demandé de lui fournir la liste des vins afin qu’il réfléchisse à un menu pour mes vins.

J’arrive un peu avant 16 heures au restaurant et je fais la connaissance de Frédéric, le nouveau directeur qui a travaillé dans un nombre important de restaurants dont Joël Robuchon aussi bien chez Jamin que rue Poincaré. Je salue Perle, son assistante.

La décoration a complètement changé la disposition et la décoration. Il y a beaucoup plus de logique dans l’espace de cuisine. L’impression est favorable.

Jérémie, le sommelier que j’apprécie beaucoup est un des seuls anciens avec un serveur souriant et le chef bien sûr. Il arrive au restaurant alors que j’ai presque fini toutes les ouvertures des vins, qui ne m’ont pas posé de problème. Seul le Dom Pérignon 1966 me montre un bouchon fortement rétréci et qui a noirci, comme celui du Dom Pérignon 1980 que j’ai ouvert récemment. Cette prestigieuse maison de champagne devrait sans doute étudier ce phénomène, car il pourrait limiter la longévité des champagnes.

En discutant avec Jérémie, je lui demande de prévoir un champagne d’ouverture pour préparer le palais avant l’entrée en piste du champagne de 1966 qui est d’un autre monde que celui des jeunes champagnes.

Quand Nicolas Beaumann arrive, nous discutons du menu. Ayant vu en cuisine des cuisiniers travailler des rougets, je demande que l’on fasse un plat simple de rouget pour le Pétrus, car cette association est sacrée pour moi. Pour l’autre vin rouge Nicolas propose un chevreuil, ce qui est opportun. Après les amuse-bouches nous aurons des coquilles Saint-Jacques puis du homard. Le dessert sera à base de pommes et j’ai demandé des financiers pour accompagner le Rhum final.

Tout est sur les rails. Il me reste beaucoup de temps aussi j’observe cette fourmilière ou plutôt cette ruche où une armée de cuisiniers accomplit les préparations avec un soin attentif.

Les deux amis arrivent et Jérémie nous sert un Champagne Jacques Selosse Initial dégorgé en 2022. Il est très ouvert, aux belles complexités et grandes subtilités. C’est un grand champagne et les amuse-bouches sont très pertinents, exposant des saveurs très différentes du salé au sucré.

L’un des amuse-bouches est doté d’une sauce très crémée au riz et d’une épice forte que je n’ai pas mémorisée. La sauce appelle le Champagne Dom Pérignon 1966 dont le premier abord est magique. On sent que dans l’ascenseur des saveurs, ce vin nous fait grimper de mille étages. On entre dans le monde fascinant des champagnes anciens où tout est cohérent, infiniment complexe et charmant. Mes convives sont subjugués par ces complexités que l’on ne trouve pas chez les champagnes jeunes, même s’ils sont grands.

Le menu conçu par le chef Nicolas Beaumann est : coquilles Saint-Jacques de Grandcamp cotisées à la truffe noire, beurre blanc au cresson / homard bleu confit, céleri et jus de la presse / rouget au naturel, artichauts rôtis, jus des arêtes au vin de syrah / chevreuil, le dos maturé, fritté aux ‘5 saveurs’, butternut confit à la sauge, airelles et sauce poivrade / la pomme rubinette caramélisée, crème au jasmin, sorbet au vinaigre de cidre / financiers.

Les coquilles Saint-Jacques sont superbes et forment un bel accord avec le Champagne Dom Pérignon 1966. Mais l’accord est très linéaire du fait du cresson et de la truffe alors que l’accord avec la sauce du riz était beaucoup plus latéral et large. Le champagne est d’un accomplissement parfait. Il est comme un soleil qui rayonne. On est sur une planète de saveurs infinies.

Le homard est absolument délicieux et riche ce qui convient à merveille au Montrachet Robert Gibourg 1992 à la couleur encore très claire, au parfum joyeux et à la longueur enrichissante. Ce n’est pas un Montrachet pesant. Il est fluide et aérien. Il est comme un accomplissement. Il convient de souligner que l’accord du plat et du vin est fusionnel, d’une continuité linéaire parfaite. On ne sait plus séparer ces deux complices, le plat et le vin.

Le Pétrus 1977 est d’une année dite faible. Le parfum du vin est d’une élégance extrême et d’une largeur infinie. En bouche, il ne montre aucune puissance, mais une subtilité infinie. Il est gracieux et charmant. C’est un Prince charmant. Et l’accord avec le rouget est impérial.

Mes amis sont un peu sonnés. Car lisant mes comptes-rendus ils s’imaginent que mes recherches d’accords sont intéressantes. Mais à ce point, ça les subjugue. Du moins, c’est ce que je crois voir.

Le Pétrus dans cet état et à cet âge, si subtil, si élégant est un très grand Pétrus. Qui l’eût dit ? J’avais le souvenir d’une réussite identique.

Les yeux de mes amis s’arrondissent quand ils voient apparaître la Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1998. Ce qui est intéressant, c’est que le parcours en bouche de ce vin suit une trajectoire assez semblable à celle du Pétrus. C’est un vin très long, très subtil, qui ne joue en aucun cas sur la puissance mais sur la fluidité élégante. Il y ajoute un charme certain.

Le chevreuil est un plat excellent mais lorsque j’en ai parlé ensuite avec Nicolas il nous est apparu qu’une viande plus calme comme du veau eût été un compagnon plus adapté à cette belle Romanée car elle est encore jeune. C’est un vin encore en devenir, qui nous laisse entrevoir combien il serait immense avec trente ans de plus, mais est déjà doté de telles qualités qu’il est adorable et fou de plaisir.

Le Château d’Yquem 2001 est d’une année mythique. La première fois que je l’ai bu, j’ai eu un choc physique, celui que j’ai parfois, face à un vin parfait. Ce 2001 que nous buvons en demi-bouteille est promis à un avenir légendaire. Là, il est tout simplement parfait, riche, gourmand et en même temps salin et frais. Le dessert à la pomme est idéal, alors que le sorbet ne convient pas. Mais qui s’en soucie.

Je suis venu avec le Black Head Rum West Indies Rum maison Cazenove à Bordeaux # 19ème siècle que j’ai déjà servi dans des dîners récents. Il est noir dans le verre et son parfum laisse à penser que son passage en barriques a dû durer de nombreuses décennies. Je l’adore et les financiers sont idéaux pour calmer la puissance de ce rhum riche et imposant.

Si l’on respecte le protocole de mes dîners, il faut voter et je demande que nous votions pour nos quatre préférés.

Le vote combinant nos trois votes est : 1 – Dom Pérignon 1966, 2 – Pétrus 1977, 3 – Romanée Saint-Vivant 1998, 4 – Montrachet 1992.

Alors que nos trois votes sont différents, mon vote est strictement le même que celui du consensus : 1 – Dom Pérignon 1966, 2 – Pétrus 1977, 3 – Romanée Saint-Vivant 1998, 4 – Montrachet 1992.

C’est un plaisir de faire des dîners chez Maison Rostang, car le chef Nicolas Beaumann connaît bien mes désirs, qui ne font pas barrage à son talent. Jérémie est un sommelier tonique et souriant qui prend un grand plaisir à accompagner nos aventures. J’ai versé un verre de chaque vin pour que Jérémie le partage avec certains membres de l’équipe.

Je crois que mon désir de faire plaisir a atteint son but. J’avais choisi des vins qui représentent l’excellence dans chaque région. Mes amis me maudiront bientôt, car tel le serpent parlant à Eve, j’ai inoculé le désir qu’ils remontent d’un cran leurs budgets d’achats.

Bulletins du 2ème semestre 2024, du numéro 1029 à 1042 mercredi, 18 décembre 2024

 

Bulletins du 2ème semestre 2024, du numéro 1029 à 1042.

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(bulletin WD N° 1042 241219)    Le bulletin 1042 raconte : déjeuner avec ma fille aîné, 289ème dîner au restaurant Marsan Hélène Darroze pour 21 convives et déjeuner avec ma fille cadette et des vins à risques.

(bulletin WD N° 1041 241212)    Le bulletin 1041 raconte : déjeuner au restaurant Pages et sublime 288ème repas au restaurant Plénitude Arnaud Donckele.

(bulletin WD N° 1040 241203)   Le bulletin 1040 raconte : déjeuner au restaurant Pages avec une Romanée Conti 1945 et deux autres Romanée Conti, déjeuner chez des amis du sud et déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur.

(bulletin WD N° 1039 241119)    Le bulletin 1039 raconte : 286ème dîner au restaurant Pages et déjeuner de famille à mon domicile.

(bulletin WD N° 1038 241108)    Le bulletin 1038 raconte : dîner avec mon fils avec des vins qui ne pourraient pas figurer dans mes dîners, autre dîner avec de grand vins et déjeuner au restaurant Marsan Hélène Darroze pour préparer un futur dîner pour 20 personnes.

(bulletin WD N° 1037 241022)    Le bulletin 1037 raconte : 285ème dîner au restaurant Astrance, dîner au restaurant A.M. Alexandre Mazzia à Marseille.

(bulletin WD N° 1036 241009)    Le bulletin 1036 raconte : dernier dîner des trois mois dans le sud, déjeuner au restaurant Astrance et 284ème de mes dîners au restaurant Pages, original puisque nous ne sommes que trois.

(bulletin WD N° 1035 240925)    Le bulletin 1035 raconte : déjeuner du 15 août compté comme 283ème repas, un Penfolds Grange, un dîner avec des amis et un dîner avec un nouveau vigneron du sud avec des vins de Curnonsky.

(bulletin WD N° 1034 240913)    Le bulletin 1034 raconte : plusieurs dîners dans un restaurant de plage où je peux apporter mes vins, plusieurs repas de famille et déjeuner chez des amis.

(bulletin WD N° 1033 240905)    Le bulletin 1033 raconte : de nombreux repas dans le sud, à la maison ou au restaurant, avec de grands vins.

(bulletin WD N° 1032 240830)    Le bulletin 1032 raconte : déjeuner au restaurant de l’hôtel Lilou à Hyères, dîner à l’hôtel Restaurant de Lauzun au prieuré Saint-Jean de Bébian et dégustation de 27 millésimes du Mas de Daumas Gassac rouge avec la famille Guibert et des experts de tous pays.

(bulletin WD N° 1031 240716) Le bulletin 1031 raconte : dîner irréel à l’Oustau de Baumanière où nous avons bu 5 vins du 18ème siècle, 9 vins du 19ème siècle, 11 vins du 20ème siècle et un vin du 21ème siècle. Un repas d’anthologie, le plus incroyable de ma vie.

(bulletin WD N° 1030 240709)    Le bulletin 1030 raconte : 40ème édition de l’Académie des Vins Anciens au restaurant Macéo : 37 convives et 54 vins.

(bulletin WD N° 1029 240702)    Le bulletin 1029 raconte : dîner au restaurant « au bourguignon du Marais », 282ème déjeuner à l’Appartement de Moët Hennessy à Paris et déjeuner au restaurant l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement.

 

Déjeuner avec trois vins du 18ème siècle mardi, 17 décembre 2024

L’histoire commence en 2011. Joël est un homme fasciné par les choses rares. Il est celui qui m’a dit il y a 13 ans : j’ai acheté une bouteille de 1690, je vais la boire et je vous dirai le goût qu’elle a.

Je lui ai immédiatement dit qu’il ne devrait pas la boire sans moi. Je suis venu chez lui et on a bu un vin fait du temps de Louis XIV, fade mais buvable dont l’émotion venait plus de son âge que de ses qualités gustatives. Mais quel souvenir !

Joël m’a récemment annoncé qu’il avait acquis une bouteille trouvée dans la mer. La forme de la bouteille est du 18ème siècle. On sait que ces bouteilles sont généralement cassées. La couleur qui apparait avec une lumière qui éclaire par derrière est unique, d’un rouge presque rose et le vin semble pur.

Comme il y a 13 ans il me dit : je boirai ce vin avec mon père et je vous le raconterai. Il devait se douter de ma réaction. Je lui ai dit que je serais très heureux de boire ce vin avec lui.

Il a accepté que je vienne boire sa bouteille du 18ème siècle trouvée dans la mer et je lui ai dit que j’apporterais quelque chose de grand.

Joël a vu sur mon blog que je veux faire un dîner avec 14 bouteilles ayant plus de 160 ans. Il me dit : je serais heureux si vous apportiez votre Cahors de 1730. C’est une des bouteilles les plus rares du dîner que je souhaite faire. Normalement, je dirais non, mais Joël est si généreux que j’ai dit oui.

J’ai ajouté une bouteille inconnue de 1841 avec une très belle couleur comme celle d’un alcool et une étiquette impossible à lire. Ce que je lis sur l’étiquette est « Ht Mmmmm ». Seule la mention 1841 est lisible.

Sachant que nous partagerons un vin de Porto du 18ème siècle, je demande à Jean-Bernard Métais s’il veut se joindre à nous. Il fait du vin dans la Sarthe de l’appellation Jasnières. Il a une cave de très vieilles bouteilles et c’est un ami. Il accepte de rejoindre notre groupe. Il viendra avec son épouse et propose d’apporter un Jasnières 1870 et un Chenin Blanc du 18ème siècle.

Nous nous retrouvons à la gare de Rennes et nous nous rendons chez Joël. Il sera avec ses parents et des amis. Il ajoute à sa bouteille sauvée des mers un Jerez de 1850, un Cheval Blanc 1947 et un supposé Bourgogne d’une année proche de 1850.

Dans la petite pièce où nous déposons nos apports, on peut imaginer l’anxiété que nous avons en ouvrant ces flacons historiques.

Le Jerez 1850 a une belle odeur sucrée. Les deux vins de Jean-Bernard, 1870 et 18ème siècle ont des odeurs parfaites. Mon Cahors 1730 pour lequel je n’ai aucune attente, si je me réfère à la dégustation du vin de 1690, nous surprend car il est élégant et pourrait être buvable.

Le supposé Porto du 18ème siècle a une odeur douce et élégante, voilà une bonne nouvelle. Le Cheval Blanc 1947 promet beaucoup, conforme à la mémoire que j’en ai. Le supposé Bourgogne d’environ 1850 sent l’alcool et on peut penser à une fine ou à un Marc. Mon 1841 a lui aussi un parfum d’alcool et très probablement d’un Armagnac.

Le bouchon du Porto venant des mers est petit et d’un liège très léger. J’ai utilisé un tirebouchon Durand pour éviter que le bouchon ne tombe dans le liquide.

A aucun moment nous n’avons ressenti qu’un des vins serait imbuvable. L’impression olfactive n’offre aucune certitude, mais nous avons de grands espoirs.

Nous rejoignons le salon salle à manger où se trouvent déjà les rennais qui accompagnent Joël dans cette grande expérience. Jean-Bernard qui est vigneron aimerait que l’on ne mange pas pendant la dégustation, pour essayer de cerner chaque vin sans subir la déviation que procureraient les mets.

Pendant cette dégustation, je n’ai pas pris de notes. Seuls restent mes sentiments pendant ce moment si important.

Le Jasnières Métais 1870 est délicieux, doux, délicat et plein de plaisir. Il est tellement beau et de belle longueur. Ce vin n’a pas d’âge. Sa couleur est presque rose. Si l’on disait que c’est un 1990, on ne ferait pas d’erreur. C’est le privilège des vins éternels.

Le Chenin Blanc Métais 18ème siècle est incroyable car il est exactement le même que le 1870. Il a le même ADN. Lui aussi n’a pas d’âge. Il est la douceur pure. Il a un peu moins d’énergie que le 1870 mais je préfère boire un tel vin si bien conservé. Je savais que le chenin est d’une longévité extrême, mais ce préphylloxérique est émouvant par sa fraîcheur préservée.

Nous passons maintenant à mon chouchou que j’avais jalousement gardé et que Joël m’a convaincu d’ouvrir. Le Cahors 1730 est une surprise incroyable. D’abord, il a de la couleur. Ces vieux vins pourraient être dépigmentés, mais celui-ci non. Et le plus incroyable est qu’il est buvable et a un vrai goût. Je pourrais faire un dîner avec ce vin et il ne serait pas rejeté. Je n’en attendais rien mais maintenant je suis au paradis. Boire un vin fait à l’époque où Louis XV était notre roi, c’est un miracle. On ne peut pas imaginer à quel point je suis heureux.

J’ai bu huit fois le Château Cheval Blanc 1947, légende parmi les légendes. Le Cheval Blanc 1947 de Joël fait partie du premier quart dans l’ordre que je ferais des dégustations du Cheval Blanc 1947. Il est grand, riche et conquérant. Pour lui, je propose que l’on brise la règle suggérée par Jean-Bernard : il est temps de grignoter et Joël a préparé avec sa famille de magnifiques canapés, à la truffe, au saumon, et autres gourmandises.

Nous voulons boire le supposé Bourgogne de 1850 et nous pensons que c’est un Marc, très fort, très intense. Il est difficile à boire avec une telle puissance, mais quel grand Marc ! J’ai écrit cela après être rentré chez moi, mais Joël a eu la curiosité quelques jours plus tard, de déchiffrer un papier qui était attaché à cette bouteille. Et l’on peut lire : Mirabelle de l’Est Chapugneau 1830 mise en barrique en 1874. Il est certain que nous étions plus soucieux de bien goûter les vins que de reconnaître les alcools. Cette mirabelle est d’une force inattendue.

C’est maintenant le grand moment de déguster le supposé Porto du 18ème siècle trouvé dans la mer. L’odeur est impossible à reconnaître. Si complexe. Et en bouche, il est également impossible de trouver une piste. Et puis tout-à-coup, on trouve la solution. Jean Bernard fait des vins qui vivent dans la craie. Et il pense à une huître et c’est le point de départ de l’explication : le bouchon a permis à un peu d’eau de mer de se mélanger avec le vin ce qui donne le goût de sel et d’huître, mais le vin est extrêmement élégant car le contact avec l’eau de mer n’a pas créé d’abus. C’est un Porto extraterrestre plein de charme. Un grand plaisir drapé d’étrangeté.

Joël est si heureux que son vin soit aussi émouvant qu’il décide d’ouvrir un Château Pétrus 1945. Je sens Joël tellement heureux de faire cette folie généreuse. Le 1945 est dans une vieille bouteille soufflée à la main. Extrêmement puissant, il est grand, mais porte moins d’émotion que le Cheval Blanc 1947. Joël verra plus tard que le bouchon porte bien la mention de Pétrus, mais est un bouchon de négociant.

Nous buvons ensuite le Jerez 1850 qui est agréable, mais un peu limité car il n’a pas la tension sèche d’un grand Xérès.

L’alcool que je suppose être un Armagnac 1841 est fantastique avec un fruit impressionnant, mais si fort que nous n’insistons pas.

Joël décide d’ouvrir un délicieux Château d’Yquem 1989 qui est parfait pour le Kouign Amann. Quelle émotion que ce voyage dans le temps avec trois vins du 18ème siècle si différents !

Il me faut du temps pour conclure et synthétiser cette expérience unique.

J’ai été tellement surpris que mon Cahors 1730 soit si grand qu’à cause de cette émotion si forte, je l’ai mis en premier, comme si c’était mon enfant.

Puis le Chenin Métais du 18ème siècle a eu un goût si doux et délicat que je l’ai mis en second, mais en deuxième émotion et probablement en premier pour le goût, plus avenant que celui du Cahors.

Vient ensuite le Cheval Blanc 1947 parce qu’aujourd’hui ce vin légendaire est grand.

Puis il y a la surprise de ce Porto unique du 18ème siècle. Grande bouteille, grand vin, et la présence de mer salée qui ne joue pas contre l’émotion.

Après ces vins uniques, je dirai que le Jasnières 1870 est hautement émotionnel, que le Pétrus 1945 représente la générosité exceptionnelle de Joël, que l’Armagnac 1841 est parfait et illuminera beaucoup d’autres de mes repas tant il est franc et joyeux. Le supposé Marc de Bourgogne vers 1850 qui est en fait une mirabelle de 1830 illuminera des repas de Joël et l’Yquem 1989 est un vin de pure joie et de retour sur terre après tant de rêves.

Résumons : 1 – Cahors 1730, 2 – Chenin Métais 18ème siècle, 3 – Cheval Blanc 1947, 4 – Porto 18ème siècle, 5 – Jasnières 1870, 6 – Armagnac 1841.

Quelle journée !!!!!

Noël avant l’heure avec mes trois enfants dimanche, 15 décembre 2024

Mon fils qui habite à Miami est venu à Paris pour s’occuper de l’entreprise industrielle qu’il dirige en France. L’idée est venue de célébrer Noël avant l’heure, car ce sera la seule occasion d’avoir nos trois enfants ensemble. Nous déjeunerons un dimanche à la maison avec eux et trois de nos petits-enfants plus la nounou de deux d’entre eux.

J’ai longuement réfléchi aux vins de ce repas et en cours de route d’autres choix seront faits. De bon matin je commence les ouvertures. Le premier vin que j’ouvre est le champagne Salon 2006 que je n’avais pas réussi à ouvrir il y a une semaine car je n’avais pas mes outils. Le champagne résiste quand même mais libère un très joli pschitt.

Les vins que je vais ensuite déboucher ont des bouchons qui vont souvent se déchirer et m’obliger à des efforts lorsque les goulots sont pincés et coincent les bouchons. Ce sera le cas du Bonnes-Mares 1949. Le bouchon du Palmer 1960 est serré mais et ne vient pas entier contrairement à celui du Bâtard-Montrachet Leflaive 1992. Celui du Monbazillac années 50 vient aussi en morceaux. Le cas le plus curieux est celui du Dom Pérignon 1980. Le bas du bouchon est fortement rétréci, ce qui fait que le bouchon est sorti sans le moindre effort. Il est noir et imbibé ce qui n’est pas bon signe. C’est probablement un coup de chaleur dans la cave de celui qui possédait ce champagne avant moi. L’assiette qui contient les bouchons donne le spectacle d’un champ de bataille.

Pendant que j’œuvre, ma femme est aux fourneaux où elle a commencé à faire les préparatifs la veille. Le programme qu’elle a conçu est : gougères, rillette, boudins blancs et jambon Pata Negra / coquilles Saint-Jacques crues et caviar osciètre / pintades et purée Robuchon / wagyu / Mont d’Or, Brillat-Savarin / dessert au chocolat, feuille d’or et grains de caviar osciètre.

Le Champagne Salon 2006 est d’une couleur claire. Son parfum est délicat et inspirant. En bouche il est fluide, frais, de belle longueur, et donne l’impression d’une fluidité sans fin. Je suis content que mes enfants adorent ce champagne noble et plaisant.

Le Champagne Dom Pérignon 1980 est d’une couleur foncée, comme si le bouchon avait déteint sur le champagne. Il a de l’amertume. On peut boire ce champagne qui n’est pas parfait mais délivre encore de belles complexités.

Sur les coquilles et le caviar, le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1992 explose de bonheur et de générosité. Le millésime 1992 est brillant pour les blancs de Bourgogne et celui-ci est au sommet de sa gloire. Quel bonheur et quel accord avec la douceur sucrée de la coquille et le sel du caviar. C’est un vin noble et gourmand.

Le Château Palmer Margaux 1960 est un vin de belle structure, équilibré et grand. C’est un des plus grands vins de Bordeaux et son équilibre et sa longueur impressionnent. J’aime sa longueur truffée.

Lorsque l’on passe au Bonnes-Mares Domaine Comte Georges de Vogüé 1949, c’est un changement total. Le bordelais est droit dans ses bottes, le bourguignon est folâtre. Ce vin laisse une trace très longue de mille saveurs. On a l’impression de prendre un train vers le bonheur. Quelle douceur et quelle longueur. C’est un très vin original parce qu’on n’attend pas de telles saveurs douces et charmantes. La purée Robuchon met en valeur la douceur du Bonnes-Mares alors que la chair délicieuse de la pintade élargit le spectre du Palmer.

Avais-je bien calculé ce que mes enfants boiraient ? La réponse est non aussi vais-je vite ouvrir un Vega Sicilia Unico 1960. Quelle richesse d’un vin juteux. Plus que d’autres je me rends compte que ce vin magistral n’a pas la cohérence et l’élargissement qu’offre l’oxygénation lente. Le vin n’est pas aussi glorieux qu’il le pourrait, mais on sent bien à quel point il est grand, riche et séduisant.

Je ne me souvenais plus du dessert qui était prévu et j’avais ouvert un Monbazillac années 50 à la couleur rose orange délicate. Les liquoreux du bordelais ne sont pas les amis du chocolat, mais le dessert au chocolat agrémenté de caviar crée un accord original mais qui marche bien, possible grâce à la douceur délicate de ce joli vin.

C’est très difficile de voter car quatre vins sont absolument exceptionnels. Mon vote serait : 1 – Bonnes-Mares 1949, 2 – Bâtard Montrachet 1992, 3 – Vega Sicilia Unico 1960, 4 – Château Palmer 1960, mais on pourrait échanger les numéros 1 et 2.

Ce repas joyeux pendant lequel des cadeaux se sont échangés entre ceux qui ne se reverront pas à la vraie date de Noël a montré une fois de plus les joies d’une famille unie.

291ème dîner au restaurant Astrance vendredi, 13 décembre 2024

Le 291ème dîner se tient au restaurant Astrance dans le joli salon du premier étage où la table a la forme idéale d’une ellipse. Il y a une semaine Pascal Barbot a bâti avec Christophe Rohat, Lucas le sommelier et moi le menu qui est conçu pour mes vins. Nous nous connaissons depuis si longtemps avec Pascal que la ligne vertébrale du menu est vite tracée.

J’arrive un peu avant 16 heures pour ouvrir les vins. Pour les deux très vieux bordeaux, de 90 et 106 ans, les goulots ne sont pas cylindriques mais ont des boursouflures en haut du goulot. L’extraction des bouchons me demande beaucoup d’efforts. A ma grande surprise cela continue avec les deux bourgognes beaucoup plus jeunes de 48 ans. Le parfum du vin de 1918 est si exceptionnel que je demande à Lucas de mettre un bouchon de verre et de descendre le vin en cave, pour ne pas perdre ce parfum merveilleux.

Tous les parfums sont prometteurs. Le seul qui peut être sujet à question est le parfum du Montrachet.

Un ami fidèle est venu me rejoindre et offre un Champagne Louise Brison Pinot Noir de la Côte des Bar 2014 très amer car ultra brut, qui est peut-être plaisant, mais trop difficile pour mon palais.

Nous sommes dix dont cinq sont des habitués et cinq sont des nouveaux, dont un américain qui vit à Denver, venu hier par avion et qui repart demain matin. Ce dîner est le seul motif de son voyage.

Le menu composé par Pascal Barbot est ainsi libellé : jambon ibérique Pata Negra et feuilleté / brioche toastée / foie gras mi-cuit et mélasse de pomme / carpaccio de coquille Saint-Jacques, truffe noire et huile de noisette / émincé de bar de ligne, riz koshihikari et beurre blanc sauce soja / gros rouget ‘vapeur de laurier’, sauce beurre rouge / râble de lièvre doré, oignons doux des Cévennes / compotée de lièvre façon sénateur Couteaux / stilton au naturel / mangue et zestes d’agrumes / madeleines financiers à la rose.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 1959 est le champagne de bienvenue avec les amuse-bouches. Il n’a pas de bulle mais le pétillant est racé. C’est un champagne cohérent, rond, équilibré de grand plaisir. Les champagnes anciens de ce type sont charmants et goûteux. Le finale est long et superbe.

Le Champagne Salon Le Mesnil 1988 est totalement différent. Il est puissant, fort et conquérant mais en même temps, sa palette gustative est large et entraînante. C’est un Salon de grande maturité, très convaincant. La truffe puissante et de qualité excite bien ce champagne noble.

Le Château Laville Haut Brion 1969 a un parfum incroyable d’une puissance extrême et très séduisant. Le vin est riche, droit, cinglant comme un fouet. Le riz est extraordinaire de légèreté et de douceur et s’accorde bien à ce grand blanc. Ce qui est incroyable c’est que si l’on disait que ce vin est de 2005, on pourrait l’accepter. Sa jeunesse est étonnante.

Le Montrachet Morin Père &Fils 1990 n’a pas la puissance qu’il pourrait avoir. Il est agréable et doux, mais le vin de Graves est beaucoup plus excitant sur le plat de bar délicieux. Le montrachet obtiendra quand même un vote de premier.

Qui imaginerait que deux bordeaux canoniques créeraient avec le rouget un accord aussi extraordinaire ? Le Château Grand La Lagune 1934 est un vin très élégant et de grande personnalité. Très équilibré et goûteux, il est parfait pour le plat. On lui donnerait quarante ans seulement.

Mais à côté de lui il y a un vin miraculeux. Le Grand Vin de Léoville du Marquis de Las Cases 1918 a un parfum persistant de fruits rouges. Quelle beauté que ce parfum ! Je suis subjugué par la fraîcheur de ce vin délicat et racé, de grande complexité. Un bonheur. Je suis le seul à l’avoir mis premier, plus impressionné que d’autres par la justesse vibrante d’un vin de 106 ans.

Les deux bourgognes vont accompagner le râble de lièvre et le compoté de lièvre. L’Echézeaux Domaine Dujac 1976 est d’une grande jeunesse et d’une très belle expression épanouie et sereine. Il est le plus adapté au râble.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1976 est divin avec le compoté de lièvre, plus puissant et plus intense, ce qui convient à ce subtil vin de la Romanée Conti, au nez expressif et salin et au finale aussi salin. Un grand vin de la Romanée Conti qui sera le vainqueur dans les votes.

Les deux bourgognes sont brillants, le Dujac dans la sérénité et la droiture et le vin de la Romanée Conti dans la grâce et le velours, avec l’accent terrien typique des vins du domaine.

Il y a des années que je n’avais pas expliqué comment manger le stilton et boire un sauternes. C’est avec plaisir que j’ai dit à nouveau « mâchez, mâchez, mâchez » pour que la salive qui se forme en bouche permette la douceur de l’accord.

Le Château Climens Barsac 1966 est un vin féminin d’une délicatesse extrême. Il est tout velours.

Le Château de Fargues Sauternes 1985 est beaucoup plus guerrier et solide, d’une grande affirmation. C’est le Climens qui profite le mieux de la douceur de la mangue.

J’ai apporté deux alcools dont j’avais ouvert les bouteilles lors de précédents dîners. Le Old Taylor Kentucky Straight Bourbon Whiskey 43° a gardé sa vivacité de cow boy Texan. Il est un appel à fumer un cigare de la Havane. La Fine de Mouton de la cave de Philippe de Rothschild est plus complexe et plus noble mais moins sensuel que le Bourbon. Le financier à la rose est agréable pour les deux alcools. Peut-être plus avec le Bourbon.

C’est le moment des votes. Nous sommes dix à voter, mais le sommelier Lucas ayant fait un travail remarquable, pour la première fois nous avons ajouté son vote aux dix autres. Neuf des dix vins ont eu au moins deux votes ce qui est appréciable mais ce qui l’est encore plus est que sept vins sur dix ont eu un vote de premier. C’est exceptionnel.

Deux vins ont obtenu trois votes de premier, le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1976 et le Château Laville Haut Brion 1969 et cinq autres ont eu un vote de premier, le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 1959, le Montrachet Morin Père &Fils 1990, le Château Grand La Lagune 1934, le Grand Vin de Léoville du Marquis de Las Cases 1918 et le Château Climens Barsac 1966.

Le vote de la table est : 1 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1976, 2 – Château Laville Haut Brion 1969, 3 – Echézeaux Domaine Dujac 1976, 4 – Champagne Salon Le Mesnil 1988, 5 – Grand Vin de Léoville du Marquis de Las Cases 1918, 6 – Château Grand La Lagune 1934.

Mon vote est : 1 – Grand Vin de Léoville du Marquis de Las Cases 1918, 2 – Château Laville Haut Brion 1969, 3 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1976, 4 – Echézeaux Domaine Dujac 1976, 5 – Champagne Taittinger Comtes de Champagne 1959.

Pascal Barbot a réussi à créer des accords merveilleux avec les vins dont le plus grand et le plus inattendu est celui du rouget vapeur de laurier avec les deux bordeaux vénérables, suivi – à mon goût – par l’accord du compoté de lièvre avec le Grands Echézeaux.

Lucas a fait un service des vins parfait. Pascal était souvent présent auprès de nous pour commenter les plats. Il a été chaudement applaudi.

Par l’ambiance amicale qui a régné toute la soirée, ce 291ème dîner est un des plus chaleureux de mes dîners.

Dégustation des 2021 du domaine de la Romanée Conti mercredi, 11 décembre 2024

Comme chaque année la société Grains Nobles reçoit des amateurs pour goûter un millésime récent. Cette dégustation est présentée par Aubert de Villaine depuis le début et cette année Bertrand de Villaine qui gère le domaine depuis 2022 accompagne Aubert. Michel Bettane et Bernard Burtschy sont présents et feront des commentaires.

Le rythme de la dégustation est géré par Pascal Marquet, gérant de Grains Nobles et l’on regrettera cette année qu’il n’y ait pas comme d’habitude, des étudiants qui apportent les verres à chacun. Le service a été lent et comme j’étais parmi les plus tard servis, j’entendais des commentaires sur un vin que je n’avais toujours pas. Cela n’a pas empêché malgré tout une belle dégustation du millésime 2021.

Aubert de Villaine évoque l’année 2021. L’hiver fut clément et les travaux d’hiver se sont faits facilement. Le début d’année était marqué par du « confort » jusqu’à ce qu’arrivent les journées des 5, 6 et 7 avril avec de la gelée. Ce furent trois nuits de combat car le gel a détruit une bonne partie de la récolte. Ces nuits ont été marquées de terribles et incroyables luttes.

Le printemps fut pluvieux mais assez chaud et les maladies se sont développées, surtout l’oïdium. Le temps s’est amélioré et la pousse était de grande vigueur. On n’arrivait pas à suivre cette vigueur.

L’été a été meilleur et début septembre les choses se sont améliorées. Le 23 septembre a marqué le début des vendanges qui se sont déroulées avec du beau temps permanent. Face à une telle situation on se demandait quoi faire. Aubert nous propose de le vérifier en goûtant. Les récoltes ont été très inférieures aux moyennes.

Le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2001 a une couleur clairette, d’un léger violet, d’un mordoré délicat. Le vin a un joli parfum, d’un nez délicat.

L’attaque est gourmande, et il y a de l’astringence dans le final. Le vin est un peu serré. Le vin est élégant et subtil, mais j’ai un peu de mal avec son côté serré. Il faudra du temps pour qu’il s’épanouisse, mais il deviendra grand. C’est assez curieux de voir qu’il est à la fois serré et gourmand. Il y a plus de vin de jeunes vignes, car les vieilles vignes ont été plus attaquées par le gel. Plus le temps passe et plus le vin devient aérien.

Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2021. A l’œil le vin a plus de couleur framboise que le précédent. Le nez est intense et percutant. L’attaque est douce et pleine de charme. Le final est gourmand. Il a une belle mâche. J’aime son élégance. Il est très intéressant et j’adore son côté sauvage. J’aime le côté ‘blessé’ que l’on ressent dans ce vin. Il est émouvant. Il y a une fraîcheur végétale en fin de bouche.

Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2021. Les couleurs sont proches entre les vins, les plus grands crus étant plus sombres, aussi je ne les commente plus.

Le nez est puissant et je ressens une verdeur végétale. Le nez est intense.

En bouche, l’attaque est généreuse et gourmande. On sent le grand vin, très prometteur. La finale est vigoureuse. Ce vin deviendra grand et subtil. J’ai beaucoup de plaisir à le boire et je ressens sa belle pureté.

Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2021. Le nez très végétal est encore fermé. La bouche est riche. C’est un vin noble, qui combine gourmandise et retenue car il est noble. Le final est riche et rêche du fait de la vendange entière. Il est conquérant et fonceur. Alors que le Grands-Echézeaux est très agréable à boire, celui-ci est une bombe à retardement. Malgré sa vivacité, il est difficile pour l’instant car il est austère.

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2021. Le nez est très végétal. L’attaque est élégante et légère mais elle masque ce vin qui en milieu de bouche est puissant et conquérant. Il y a beaucoup de promesses car il est grand et puissant mais il n’est pas encore réellement prêt à boire. Il a des petites notes poivrées. Il faut attendre car il sera grand.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2021 a un nez délicat, soyeux et charmant. L’attaque est soyeuse et tellement séduisante. Le final est plus rêche, moins joyeux. Le vin ne joue pas sur la puissance. Il joue sur le charme de La Tâche. Il est gourmand car riche. Avec le temps il devient de plus en plus séduisant. Je ressens les notes de roses de ce vin très charmeur.

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2021. C’est le seul nez qui a un tel fruit rouge si délicat. Le nez est élégant et plein de charme. Ce parfum est unique.

Le vin est soyeux, magique, élégant et tellement agréable. C’est le seul vin où l’on ne sent pas la force de la rafle. C’est un vin de méditation, d’élégance et de douceur. Il est magique.

Michel Bettane dit qu’il a un « corps parfumé ». Il est velouté, aérien, tout en douceur. Quel plaisir. J’ai dit aux participants mon sentiment que cette année pour la Romanée Conti est celle où l’écart entre la Romanée Conti et les autres vins du domaine est le plus grand. Ce vin est totalement magique.

Le Corton-Charlemagne Domaine de la Romanée Conti 2021 a un nez étonnamment accueillant, superbe, riche et puissant. Le vin est gourmand et immédiatement buvable. Le final est un peu discret mais c’est un grand vin. Il est agréable à boire, très sec mais charmant. Il ne joue pas sur la puissance. Il a une très belle longueur. C’est un vin profond très agréable, plus riche quand il est plus aéré.

Contrairement aux vins rouges, ce ne serait pas un crime de le boire à table maintenant !

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2021. Sa couleur est très claire. Le nez est d’une intensité incroyable. Il est profond, noble, immense mais aussi en retenue. Ce parfum est magique.

En bouche, l’attaque est très rude, complexe. Ce vin puissant est déjà génial. C’est vin immense qu’on pourrait considérer comme totalement accompli. Il combine fraîcheur et grandeur. Il n’a pas encore l’opulence qu’il aura, mais sera grand. Il n’y a pas la moindre trace de botrytis. Ce vin n’est que du bonheur, avec une persistance extrême.

Michel Bettane a vanté la qualité des raisins, qui ne cesse de s’améliorer depuis des décennies.

Il est clair que deux vins émergent de tout ce brillant aréopage de vins d’exception. Ce sont la sublime Romanée Conti et le Montrachet. Les quantités produites sont tellement faibles que bienheureux seront ceux qui les boiront.

Selon la tradition quelques personnes sont retenues à dîner au restaurant de Grains Nobles qui comme la Romanée Conti a une qualité de cuisine qui ne cesse de s’améliorer. Aubert et Bertrand de Villaine, Michel Bettane et Bernard Burtschy sont les invités de marque et Pascal Marquet a invité un vigneron d’Uruguay qui présente ses vins et ses procédures.

Si je m’imagine vigneron, raconter mes méthodes devant le plus grand vigneron du monde et devant le plus grand connaisseur du vin au monde, je resterais muet ! Ce jeune vigneron nous a fait goûter des vins très intéressants et bien faits. Un autre convive a apporté des vins italiens eux aussi bien faits dont un Barolo Sandrone Le Vigne 2004 très gourmand et vif et un vin blanc Mario Schiopetto bianco 2004 avec une curieuse mention sur l’étiquette : « échantillon qui ne peut être vendu ». Vin très agréable aussi et d’une grande profondeur et puissance.

J’avais apporté avec moi un Château Gazin Pomerol 1959 que j’avais choisi pour son niveau dans le goulot. Quelle ne fut pas ma surprise en ouvrant la bouteille avant la dégustation des vins de la Romanée Conti, que de lire sur le bouchon : rebouché en 1998. Au moment de le boire, un léger goût de bouchon est apparu et il est évident pour moi que ce goût de bouchon est apparu au rebouchage et non à la mise en bouteille initiale. Cela me conforte dans l’idée qu’il ne faut jamais acheter de vins rebouchonnés, mais hélas aucune mention n’existait sur la bouteille.

Je n’avais pas pu assister à la dégustation Romanée Conti de l’année dernière. Il ne faut surtout pas que je rate celle de l’an prochain avec les vins sublimes de 2022, mais pour l’instant, je me réjouis d’avoir participé à cette dégustation de légende.