La 22ème séance de l’académie des vins anciens se tient au restaurant Macéo où nous avons nos habitudes. Nous serons 34 au dîner, avec des fidèles, beaucoup de nouveaux dont deux vignerons, et deux élèves de l’école « le Cordon Bleu » où j’ai fait récemment une conférence-dégustation.
A 16h30, je commence l’ouverture des vins et certaines bouteilles me donnent tant de soucis qu’à 19h, heure d’arrivée des premiers académiciens, il me reste encore plusieurs bouteilles à ouvrir. Trois fois le bouchon du vin est tombé dans le liquide avant même que je ne touche à la bouteille. Il s’agit d’accidents de parcours entre la cave et le lieu du dîner. De nombreux bouchons sont venus en charpie.
Comme je l’ai fait lors d’une précédente réunion, j’ai apporté beaucoup plus de vins que je n’aurais dû, 16 flacons représentant l’équivalent de 22 bouteilles, parmi lesquelles des bouteilles sont de bas niveaux. De ce fait, il est logique que certaines m’aient inspiré de fortes craintes que j’ai évoquées dans mon discours d’introduction de la séance : les deux Meursault 1942 et la Mission Haut-Brion 1943.
Nous sommes répartis en deux tables de 17 personnes et chacun aura accès à 22 vins, ce qui est une chance toute particulière. Voici les vins dans l’ordre de service, les vins dont l’année est suivie d’une astérisque étant mon apport :
Les vins du groupe 1 : Champagne le Brun de Neuville Brut – Jéroboam Champagne Pommery & Gréno 1943* – Meursault Patriarche 1942* – Muscat sec de Kelibia Tunisie # 1980* – Vin du Château Katsunuma Japon 1938 – Varennes Franc de Pied Chinon Domaine Charles Joguet 1989 – Château Carbonnieux rouge 1961* – Château Fougueyrat Saint Emilion 1961 – Château Fougueyrat Saint Emilion 1947 – Château Ausone 1953* – Magnum Château Canon Grand Cru classé Saint Emilion 1955* – Volnay Les Caillerets Tête de Cuvée Félix Clerget 1971* – Volnay Ph. Meunier Négociant 1949* – Vosne-Romanée Camille Giroud 1949 – Corton Ph. Bouchard 1937 – Moulin à Vent Château du Moulin-à-Vent 1967 – Château de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape rouge 1959 – Côte Rôtie Brune & Blonde Chapoutier 1955 – Rioja Viña Real – Bodegas CVNE Haro 1964 – Royal Kébir Frédéric Lung années 40 – Château Closiot Sauternes 1929 – Fine Champagne Château de Flaville # 1920.
Les vins du groupe 2 : Champagne le Brun de Neuville Brut – Jéroboam Champagne Pommery & Gréno 1943* – Château Carbonnieux blanc 1996 – Meursault Patriarche 1942* – Château La Mission Haut-Brion 1943* – Château Talbot 1975 – Château Phélan-Ségur 1975 – Château Nénin 1975 – Cos d’Estournel 1970 – Château Ausone 1953* – Magnum Château Canon Grand Cru classé Saint Emilion 1955* – Volnay Les Caillerets Tête de Cuvée Félix Clerget 1971* – Volnay Les Caillerets Tête de Cuvée Félix Clerget 1971* – Bourgogne Beaunes Grèves Chanson 1964 – Pommard Ph. Bouchard 1937 – Pommard Epenots Moingeon-Ropiteaux Négociant 1938* – Vosne Romanée Le Roy Négociant 1949* – Corton Clos du Roi Emile Chandessais 1957 – Varennes Franc de Pied Chinon Domaine Charles Joguet 1996 – Rioja Viña Tondonia – Bodegas Lopez de Heredia Haro 1954 – Château de Malle Sauternes 1979 – Fine Champagne Château de Flaville # 1920.
Par un hasard récurrent que j’ai du mal à expliquer, la table où je suis, la numéro 1, compte un nombre beaucoup plus important de femmes. C’est sans doute un genre dont il faudra que j’étudie la théorie. Je n’ai pas pris de notes pendant ce dîner ce qui veut dire que ma mémoire n’a retenu que des esquisses et des émotions.
L’apéritif débute par le Champagne le Brun de Neuville Brut sans année dont l’un des membres fidèles est propriétaire. Il est simple, facile et sans histoire et permet de croquer des gougères tout en bavardant avec les académiciens.
Chacun ayant repéré sur les listes que j’avais apporté un Jéroboam Champagne Pommery & Gréno 1943* on me presse de le faire servir à l’apéritif. Le bouchon ne donne aucun pschitt, la couleur est d’un ambre discret. Les premières gorgées qui me sont servies sont marquées par une amertume qui n’empêche pas de percevoir que le vin est grand. L’amertume se dissipe et l’on prend conscience que la matière vineuse de ce champagne est superbe. Il est élégant et je suis heureux car tout le monde l’apprécie, alors que le monde des champagnes anciens est un monde particulier qu’il n’est pas facile d’apréhender.
Le menu préparé par le restaurant est : carpaccio de lotte fumée / gaspacho de concombre au lait de coco / la gambas craquante, grattée de condiment exotique / romsteak de Salers façon tournedos, galette de pommes de terre et fèves / fromages (apportés par des académiciens généreux) / panna cotta de fruits rouges et fleur d’hibiscus.
Nous passons à table. Je suis persuadé que le Meursault Patriarche 1942* sera mort. A ma grande surprise, non seulement son nez est engageant, riche de beaux fruits, mais le goût est aussi très précis. Ce n’est pas un vin éblouissant mais il est agréable à boire et tient bien la route.
Pour le Muscat sec de Kelibia Tunisie # 1980* je n’ai absolument aucun repère. Ce vin est énigmatique mais délicieux. Je ne vois aucun vin qui pourrait lui ressembler. Il y a un peu de barbe d’artichaut, de foin, et le charme agit. J’adore des vins inclassables qui offrent de si belles surprises. Il y a de beaux fruits jaunes dans ce vin.
En matière de surprises, nous sommes servis, car une amie journaliste japonaise avait reçu d’un vigneron japonais une bouteille de deux litres de l’année de naissance du vigneron. Celui-ci a reconditionné le vin dans des bouteilles de 75cl récentes, appliquant juste une étiquette sur la bouteille fermée d’un bouchon neutre. Le Vin du Château Katsunuma Japon 1938 est une énigme totale. Pendant de longues minutes, je ne peux pas croire que ce vin aurait plus de 75 ans. Il est d’un rouge d’une jeunesse extrême fruité comme un gamin. Là aussi la palette de saveurs étranges et indescriptibles est très fournie et sans fin. Ce vin me plait énormément car il amène dans l’inconnu. L’amie ne croyait pas que le vin serait bon. Elle est toute émue de voir que ce vin, fort symbole pour elle, est au rendez-vous. Nous avons eu coup sur coup deux surprises extrêmes, diablement excitantes.
Le Varennes Franc de Pied Chinon Domaine Charles Joguet 1989 est un vin de la propriété de ma voisine de table. L’attaque est de pur charme. Le vin a une belle charpente et une complexité remarquable. C’est un vin qui fait plaisir à boire, rassurant par sa solide structure. La vigneronne a aussi apporté un 1996 affecté au deuxième groupe. J’ai pu le goûter et c’est un vin très canvaincant et -forcément – rabelaisien.
On me fait goûter le Château La Mission Haut-Brion 1943* de l’autre table que j’avais annoncé probablement mort et à ma grande surprise, il est comme monsieur de la Palice, encore bien vivant.
Le Château Carbonnieux rouge 1961* est un vin encourageant, car il a une matière très riche et très dense, à la limite de la torréfaction mais le charme prime. Cette bouteille avait un niveau très bas mais ne souffre pas de ce défaut, tant le vin est solide.
Le Château Fougueyrat Saint Emilion 1961 est de la même année que le Graves. Il a plus de grâce et de subtilité que le Carbonnieux.
Nous allons diverger autour de la table pour dire si nous préférons le Château Fougueyrat Saint Emilion 1947 ou bien le 1961 qui le précédait. Beaucoup vont aimer le 1947. Je diffère, car le 1947 est exactement ce qu’on attendrait d’un 1947 mais il est trop dans la ligne du parti, alors que le 1961 est un peu plus canaille pour mon palais.
L’aventure du Château Ausone 1953* se termine avant de commencer car le vin est bouchonné. Je n’ai pas eu d’information sur l’autre bouteille de ce vin que j’avais apportée pour le groupe 2.
Le Château Canon Grand Cru classé Saint Emilion magnum 1955* est d’une année que j’adore. Le vin sent assez bon, il est assez agréable à boire mais je ne retrouve pas le charme enthousiasmant d’un Canon d’une grande année. C’est dommage et je n’ai pas su ce qu’a donné l’autre magnum que j’avais apporté.
J’avais fourni trois bouteilles du Volnay Les Caillerets Tête de Cuvée Félix Clerget 1971* dont deux pour le groupe 2. J’avais été agréablement surpris des parfums des trois bouteilles. La notre est profondément bourguignonne, avec des accents que l’on trouve dans les vins du domaine de la Romanée Conti : la rose et les sel. J’adore ces vins bourguignons simples et authentiques.
Le Volnay Ph. Meunier Négociant 1949* ne m’a pas laissé un réel souvenir, alors que le Vosne-Romanée Camille Giroud 1949 est généreux, joyeux, très bourguignon encore une fois. Il est dans une plénitude agréable.
Le Corton Ph. Bouchard 1937 est désespérément mort, mais son apporteur, et c’est sympathique, le trouvera délicieux. Comme quoi tous les goûts sont dans la nature. J’aime ces optimismes.
Le Moulin à Vent Château du Moulin-à-Vent 1967 est de la propriété du jeune vigneron qui me fait face à table, vin fait par sa famille. C’est un beau Moulin à Vent, encore très jeune et de belle personnalité mais je le trouve un peu perlant, ce que ne perçoivent pas les deux vignerons de la table.
Le Château de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape rouge 1959 est une merveille. C’est l’archétype de ce que l’on vise à l’académie des vins anciens. Quelle richesse, quelle ampleur de goûts. C’est le Beaucastel idéal, celui que l’on rêve de boire. Ce vin est authentiquement rhodanien mais a aussi des accents bourguignons de bon aloi.
Le match va être dur avec la Côte Rôtie Brune & Blonde Chapoutier 1955, vin lui aussi merveilleux. Selon les gorgées, lorsque l’on passe de l’un à l’autre, on va préférer tantôt l’un, tantôt l’autre. Ma préférence changera et se fixera sur la Côte Rôtie, mais la différence avec le Châteauneuf est d’un cheveu.
Tout se complique lorsqu’entre en scène le Rioja Viña Real – Bodegas CVNE Haro 1964 qui a une aisance et une facilité où se mêle la complexité d’un vin de soleil. Il est peut-être un peu moins subtil que les vins du Rhône, mais ça se joue à la nième décimale !
Celui qui va régler tous les problèmes de classement, c’est le Royal Kébir Frédéric Lung années 40. L’ami qui a apporté ce vin sait que je suis un inconditionnel des vins algériens de Lung. Pour mon goût, il coiffe au poteau ses trois prédécesseurs. Tout le monde dans notre groupe applaudit au tir groupé de ces quatre vins exceptionnels. Le Royal Kébir a une aura extrême, une majesté démocratique et se boit comme un vin de pur plaisir. Je l’ai encore en bouche en écrivant.
Le Château Closiot Haut-Barsac 1929 est incroyablement foncé, plus qu’un caramel foncé. Le nez évoque les pomelos. Mais fort curieusement, ce nez ne me donne pas envie de le goûter, sans doute parce que je voudrais continuer à passer d’un verre à l’autre pour me repaître des quatre vins rouges sublimes. C’est donc plus tard que j’ai goûté ce sauternes agréable et sans grande complexité.
La Fine Champagne Château de Flaville # 1920 a un nez fort agréable. Le goût est un peu éventé mais l’alcool se goûte avec plaisir.
La cuisine a été de bonne qualité mais a péché sur la viande de Salers trop ferme. Le service est toujours aussi motivé et efficace.
Si je dois classer les vins, je ferai une mention spéciale aux deux vins les plus originaux : 1 – Vin du Château Katsunuma Japon 1938, 2 – Muscat sec de Kelibia Tunisie # 1980*.
Sur le plan du plaisir pur, ce sera : 1 – Royal Kébir Frédéric Lung années 40, 2 – Côte Rôtie Brune & Blonde Chapoutier 1955, 3 – Château de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape rouge 1959, 4 – Rioja Viña Real – Bodegas CVNE Haro 1964, 5 – Jéroboam Champagne Pommery & Gréno 1943*.
L’académie des vins anciens a tenu une fois de plus une réunion passionnante avec des vins de grande qualité. Les quelques vins défaillants font partie de la démarche et nous devons viser d’aller toujours plus haut dans la recherche de vins de légende à partager, puisque c’est l’esprit de l’académie.
Vins du Groupe 1 :
Champagne le Brun de Neuville Brut
Jéroboam Champagne Pommery & Gréno 1943*
Meursault Patriarche 1942*
Muscat sec de Kelibia Tunisie # 1980*
Vin du Château Katsunuma Japon 1938
Varennes Franc de Pied Chinon Domaine Charles Joguet 1989
Château Carbonnieux rouge 1961*
Château Fougueyrat Saint Emilion 1961
Château Fougueyrat Saint Emilion 1947
Château Ausone 1953*
Magnum Château Canon Grand Cru classé Saint Emilion 1955*
Volnay Les Caillerets Tête de Cuvée Félix Clerget 1971*
Volnay Ph. Meunier Négociant 1949*
Vosne-Romanée Camille Giroud 1949
Corton Ph. Bouchard 1937
Moulin à Vent Château du Moulin-à-Vent 1967 (venant du domaine, sans étiquette)
Château de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape rouge 1959
Côte Rôtie Brune & Blonde Chapoutier 1955
Rioja Viña Real – Bodegas CVNE Haro 1964
Royal Kébir Frédéric Lung années 40
Château Closiot Sauternes 1929
Fine Champagne Château de Flaville # 1920
Vins du grouper 2 :
Champagne le Brun de Neuville Brut
Jéroboam Champagne Pommery & Gréno 1943*
Château Carbonnieux blanc 1996
Meursault Patriarche 1942*
Château La Mission Haut-Brion 1943*
Château Talbot 1975
Château Phélan-Ségur 1975 (réel 1974)
Château Nénin 1975
Cos d’Estournel 1970
Château Ausone 1953*
Magnum Château Canon Grand Cru classé Saint Emilion 1955*
Volnay Les Caillerets Tête de Cuvée Félix Clerget 1971*
Volnay Les Caillerets Tête de Cuvée Félix Clerget 1971*
Bourgogne Beaunes Grèves Chanson 1964 (appellation illisible)
Pommard Ph. Bouchard 1937
Pommard Epenots Moingeon-Ropiteaux Négociant 1938*
Vosne Romanée Le Roy Négociant 1949*
Corton Clos du Roi Emile Chandessais 1957
Varennes Franc de Pied Chinon Domaine Charles Joguet 1996
Rioja Viña Tondonia – Bodegas Lopez de Heredia Haro 1954
Château de Malle Sauternes 1979
Fine Champagne Château de Flaville # 1920
les bouchons
les plats (dessert sans photo)