30ème séance de l’académie des vins anciens au restaurant Macéovendredi, 18 mai 2018

La 30ème séance de l’académie des vins anciens se tient comme à l’accoutumée au restaurant Macéo. Nous sommes 41 présents répartis en quatre tables et les vins, annoncés officiellement pour 63 seront en fait autour de 70 du fait de générosités de dernière minute. Il est inutile de dire que nous ne manquerons pas de quoi boire.

J’arrive avant 16 heures au restaurant avec Béatrice qui va m’aider tout au long de la soirée. Je vais ouvrir les bouteilles et progressivement je suis rejoint par quatre amis qui viennent à la fois m’aider mais aussi soutenir le moral de l’ouvreur (et le leur) avec quelques flacons non au programme. Ainsi le premier arrivé ouvre un magnum de Krug Grande Cuvée à étiquette crème ce qui indique qu’il a plus de trente ans. Il a apporté ce magnum au niveau bas mais nous savons que cela ne gêne pas sa qualité, ce qui est le cas. Si nous commençons à boire dès 16 heures, comment serons-nous en fin de soirée ? Le Krug est tellement bon, avec une patine de vieux champagne particulièrement gourmande ! Pendant ce temps j’ouvre les vins, aidé de mes amis que j’aide dès qu’apparaît une situation qui semble inextricable. Un ami ouvre un Bourgogne Aligoté 1957 excellent de fraîcheur et d’énergie, que nous trouvons tellement bon que nous l’ajouterons au programme du groupe 1 auquel nous sommes trois sur quatre rattachés. Un autre apport est un Seyssel mousseux de l’Ain, gentil pétillant fort agréable car sans prétention. Mais nous travaillons quand même ! Il se trouve que j’avais diffusé aux inscrits à l’académie la liste des millésimes qui seraient présents à la 30ème séance. Le plus vieux est 1929 et un des amis présents qui a apporté l’un des deux 1929 m’avait demandé en forme de challenge : vas-tu apporter plus vieux ? Comme pour me titiller un peu plus, il a apporté pour la séance d’ouverture une bouteille sans étiquette, sans capsule, avec un bouchon qui dépasse et qui est ficelé d’une ficelle très fine qui n’aurait jamais pu convenir à un champagne. A travers le verre on voit un liquide beige foncé trouble. L’ami ne sait pas de quoi il s’agit et pense à un vin du début du 20ème siècle, sans pouvoir deviner sa couleur. J’ouvre la bouteille, je sens et je m’écrie : « mais c’est un cidre ». Le parfum est sans équivoque. Nous buvons ce Cidre vers 1910 qui a une acidité bien contrôlée, un joli goût de pomme écrasée et se boit bien. Quelle belle surprise ! Mon ami me challenge avec un vin plus vieux que 1929. Il ne savait pas que j’avais apporté pour les ouvreurs l’arme secrète, que j’ai décidé de ne servir que lorsque tous les autres vins seraient ouverts : le reste de la bouteille de Malaga 1872 ouverte il y a deux jours. Nous nous recueillons car ce vin riche est d’une essence divine. Café, épices, tabac, chocolat, sont exposés avec une longueur infinie.

Lors de l’ouverture, de nombreux vins ont montré le même comportement du bouchon : lorsque l’on décapsule, le bouchon descend dans le goulot et fait remonter au-dessus de lui, dans le vide créé, un peu de vin. Comme lors d’autres séances d’ouverture, on peut penser que les conditions météorologiques ont une influence sur le comportement des bouchons. Deux fois, ce qui n’arrive quasiment jamais, Béatrice a dû transvaser le vin de deux bouteilles dont le bouchon est tombé dans le vin, risquant de le polluer.

Globalement les vins ouverts montrent très peu de défauts, un bordeaux et un vin d’Algérie semblant bouchonnés.

Les apports sont très conformes à la philosophie de l’académie et j’ai pu féliciter les membres de la qualité des apports. Il n’en est pas de même de la logistique concourant à la mise en place de l’événement, le nombre d’incidents de toutes sortes se multipliant à l’infini. J’ai donc annoncé que les règles se durciront pour la prochaine séance.

Les champagnes de l’apéritif viennent tous de ma cave et j’ai voulu jouer sur la diversité : Champagne Collery Herbillon brut Champagne Hédiard Brut Rosé Champagne David-Barnier Champagne Laurent-Perrier Extra Brut Champagne François Giraud Brut Champagne Mailly-Champagne Cuvée Des Echansons 100% Grand Cru Champagne Grande Cascade Rosé Champagne Pierre Gerbais brut. Tous ces champagnes non millésimés de qualités diverses ont été appréciés par les participants. L’un des membres a ajouté deux magnums de Champagne Legras et Haas Collection Privée 1996, d’une belle vivacité et d’un parfum d’une folle jeunesse. J’ai bien aimé le Hédiard rosé, élaboré par P. & C. Heidsieck, plus vif que le Colley Herbillon mais un vigneron présent m’a dit qu’il préférait le Colley Herbillon, plus profond. Quelques amis ont pu goûter le cidre centenaire.

Nous passons à table et voici les vins affectés à chaque groupe.

Groupe 1 : Champagne Dom Pérignon P2 2000 – Bourgogne Aligoté 1957 – Clairette Les Coteaux du Languedoc sec Emile Rouaud 1929 – Château Roumieu Bordeaux Supérieur blanc sec 1957 – Château La Cabanne Pomerol 1961 – Château Mouton-Rothschild 1952 – Château Reignac 1949 – Château Cheval Blanc magnum 1955 – Fleurie Girodit-Henry 1943 – Vosne-Romanée Bouchard Père & Fils 1971 – Vosne Romanée Colomb-Maréchal 1929 – Vin d’Algérie rouge d’Oran domaine Sénéclauze 1955 – Domaine de Castel-Fos Bordeaux Supérieur liquoreux #1960 – Tokaji Eszencia Aszu 1988.

Groupe 2 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1989 – Chablis 1er Cru Côte de la Fourchaume Domaine Philippon 1969 – Meursault Caves Nicolas 1961 – Château Terrey Gros Cailloux Saint-Julien 1969 – Château Fourcas Dupré Listrac Magnum 1970 (2 tables) – Château Lynch Bages 1975 – Château Jura-Plaisance Montagne Saint-Emilion 1952 – Château Nénin 1949 – Chambolle Musigny Piat & Cie années 60 – Vin d’Algérie rouge d’Oran domaine Sénéclauze 1959 – Monbazillac Louis Monbouché 1933 – Château d’Yquem 1996 – Tokaji Eszencia Aszu 1988.

Groupe 3 : Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1989 – Meursault Genevrières Louis Latour 1969 – Vin de l’Etoile Réserve du Prince Maurice Bouvret 1953 – Château Bouscaut Graves rouge 1981 – Château Bouscaut Graves rouge 1964 – Château Pavie Valette 1976 – Château Talbot 1966 – Château Latour 1950 – Châteauneuf-du-Pape Lagoste & Cie 1967 – Bertani Amarone della Valpolicella DOC Reccioto Secco 1959 – Barolo Alfredo Prunitto Alba 1967 – Château Clos Haut Peyraguey 1er Grand Cru Classé 1959 – Vénérable Pedro Ximenez Pedro Domecq Jerez 1959 – Tokaji Eszencia Aszu 1988.

Groupe 4 : Champagne Pierre Gerbais brut – Champagne Jean de Reyt à Chaigny les Roses 1979 – Pinot Gris J. Salzmann Tokay d’Alsace 1959 – Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1986 – Château Fourcas Dupré Listrac Magnum 1970 (2 tables, 2 et 4) – Château les Ormes de Pez 1961 – Château Lynch Bages 1958 – Aloxe-Corton Louis Latour 1955 – Nuits Saint Georges les Boudots Lionel J. Bruck 1969 – Vosne-Romanée Léon Grivelet-Cusset 1955  – Vosne-Romanée Jessiaume Père & Fils 1959 – Cornas Auguste Clape 1982 – Château Rayne Vigneau 1989 – Tokaji Eszencia Aszu 1988.

Etant au groupe 1 j’ai bu les vins de ce groupe, mais des académiciens généreux m’ont aussi fait goûter des vins de leur table. Le menu prévu par le restaurant est : maquereaux grillés, cébettes et échalotes confites à l’huile d’olive / minestrone de black eyed peas et légumes printaniers / carré d’agneau d’Auvergne aux épices, jus corsé et tarte aux légumes / Fromages dont certains offerts par des académiciens / mangue fraîche rôtie, meringue au citron vert et rhubarbe confite.

Le Champagne Dom Pérignon P2 2000 est d’une rare puissance. Il est follement jeune et conquérant. Il faudra qu’il s’assagisse pour qu’on profite de sa classe. Il s’est épanoui en se réchauffant.

Le Bourgogne Aligoté 1957 qui avait été ouvert pour les ouvreurs est d’une fraîcheur franche très aimable. Ce vin de Monthélie est bien agréable, sans prétention.

La Clairette Les Coteaux du Languedoc sec Emile Rouaud 1929 m’avait troublé à l’ouverture car son nez était celui d’un vin doux très caramélisé. Or en fait en bouche il est bien sec comme l’indique l’étiquette. C’est plus un vin de curiosité que de structure mais qui ne manque pas de charme.

Le Château Roumieu Bordeaux Supérieur blanc sec 1957 a un parfum glorieux et une présence en bouche impressionnante. C’est le bordeaux blanc dans toute sa noblesse avec en plus des suggestions de liquoreux comme cela arrive souvent pour les vins secs des maisons de Sauternes.

Le vigneron qui a apporté le Château La Cabanne Pomerol 1961 qui n’est pas de son domaine se prend à le critiquer alors qu’à notre table nous aimons son velours délicat. Je lui fais remarquer aimablement que c’est parce que c’est son apport qu’il le critique. Car le vin sans être transcendant est franchement bon.

Le Château Mouton-Rothschild 1952 est un vrai grand Mouton. Son grain, sa mâche, sont d’une noblesse de très grand vin. Il n’a pas de défaut, il est noble et parfait et se comparerait volontiers aux très grands millésimes de Mouton comme 1955 ou 1959.

Le Château Reignac 1949 est une belle curiosité mais je n’arrive pas à me laisser séduire. Il est d’une belle année et d’une belle construction, mais il lui manque l’émotion. Était-ce lui le deuxième vin légèrement bouchonné de notre groupe, je ne m’en souviens plus.

J’ai rajouté ce matin le Château Cheval Blanc magnum 1955 pour qu’un des vins de notre groupe puisse être affecté au groupe de celui qui l’a apporté. J’ai pris ce magnum de niveau bas et je dois dire que c’est une merveille. Il a la puissance et le grain d’un très noble vin mais il y ajoute un charme supérieur à celui offert par le Mouton. Et sa longueur est extrême. J’ai naturellement tendance à aimer les vins que j’apporte mais là, je suis heureux de la prestation de ce grand vin.

Le Fleurie Girodit-Henry 1943 a tout pour lui. Il pourrait rendre la pareille à beaucoup de grands bourgognes et il est d’une lisibilité rare qui ajoute à son plaisir. C’est un vin de plaisir.

Le Vosne-Romanée Bouchard Père & Fils 1971 que j’ai aussi ajouté au dernier moment a lui aussi un niveau bas, mais on ne sent aucun défaut. C’est le beau bourgogne frais en pleine possession de ses atouts de séduction. J’adore cette Bourgogne de suggestion.

Le Vosne Romanée Colomb-Maréchal 1929 est d’une année exceptionnelle. On le ressent dans la largeur de la structure de ce vin. Mais j’ai préféré le message du 1971 et de plusieurs autres Vosne-Romanée des autres tables, car nous avions une belle brochette de cette appellation. Les Vosne-Romanée Léon Grivelet-Cusset 1955  et Vosne-Romanée Jessiaume Père & Fils 1959 sont plus romantiques que le 1929.

J’ai les yeux de Chimène pour les vins d’Algérie et donc par principe pour le Vin d’Algérie rouge d’Oran domaine Sénéclauze 1955. Objectivement il est plus simple que les vins de Frédéric Lung, mais il a un charme naturel avec des suggestions de café que j’adore.

Le Domaine de Castel-Fos Bordeaux Supérieur liquoreux #1960 est joliment moelleux mais simple. J’aime ces fantassins. Bien sûr à côté de grands liquoreux, il ne peut soutenir la comparaison. Mais il est agréable à boire.

J’ai ajouté à chacune des quatre tables un Tokaji Eszencia Aszu Disnoko 1988. Ce vin doucereux est un parfum. Il est riche et tellement envoûtant dans son numéro de séduction et avec son goût de raisin sec pressés qu’on en boirait jusqu’à la fin de la nuit. Je l’ai préféré au Vénérable Pedro Ximenez Pedro Domecq Jerez 1959 qui est beaucoup plus fort et plombé, presque assommant de sa force caramélisée et torréfiée.

En cours de route on m’a apporté des vins des autres tables. Le Château Fourcas Dupré Listrac Magnum 1970 affecté aux tables 2 et 4 est produit par le vigneron de notre table. Hélas la bouteille a un léger bouchon. Cela arrive.

Le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1986 très joliment structuré m’a moins impressionné que d’autres convives. J’ai le palais plus sensible aux vins plus anciens.

Le Château Bouscaut Graves rouge 1964 est assez aimable mais je ne lui ai pas porté l’attention nécessaire. L’ami qui a apporté le Château Talbot 1966 en est fier et il a raison car c’est un Talbot solide d’une belle année. Le Château Latour 1950 est un grand Latour mais peut-être pas le plus grand des immenses bordeaux 1950 que j’ai bus comme Haut-Brion est surtout Pétrus.

Le Chambolle Musigny Piat & Cie années 60 dont on pourrait ne pas attendre grand-chose se montre un très aimable et joli bourgogne.

Le Monbazillac Louis Monbouché 1933 fait effectivement de l’ombre au Domaine de Castel-Fos Bordeaux Supérieur liquoreux #1960 de notre table. Il est un peu torréfié. L’Aloxe-Corton Louis Latour 1955 au très beau niveau que j’ai ajouté ce matin fait partie des bourgognes authentiques que j’adore. Il faut dire que 1955 est une année bénie en Bourgogne.

Globalement, la qualité des apports de cette édition de l’académie est très belle. Si je devais classer les vins qui m’ont le plus ému : 1 – Château Cheval Blanc magnum 1955, 2 – Château Mouton-Rothschild 1952, 3 – magnum de Krug Grande Cuvée à étiquette crème, 4 – Château Roumieu Bordeaux Supérieur blanc sec 1957, 5 – Fleurie Girodit-Henry 1943, 6 – Tokaji Eszencia Aszu Disnoko 1988.

Je n’ai conservé dans ce classement que des vins de ma table, car pour les autres, même grands, le fait qu’on me passe un verre rapidement puis un autre ne me permet pas de faire un vrai jugement. Il y a dans les autres tables des vins comme le Latour 1950 ou comme les Vosne-Romanée des vins qui mériteraient un classement, mais restons dans le cadre de ma table.

Le menu a été de très bonne qualité. Seul le minestrone n’est pas l’ami des vins. Le service a été excellent et Gwen a fait un service des vins de très haut niveau. Il y avait parmi les membres de ce soir environ 50% d’habitués et 50% de nouveaux. Nous avons eu notamment trois anglais de trois origines distinctes, une chinoise, un allemand, deux belges et un américain. Beau cosmopolitisme. La gent masculine était largement majoritaire. Il faut vite corriger ça. Pour me faire pardonner de cette injustice j’ai offert à la seule femme de ma table, en catimini, le dernier verre du Malaga 1872. Ce ne sera pas suffisant pour me faire pardonner cette entorse à la parité.

Tous les clignotants de cette trentième séance sont au vert. Ce fut une très belle séance de l’académie des vins anciens, avec de beaux vins, bus dans une des plus agréables ambiances que nous ayons connues.

la préparation des groupes en cave :

les champagnes, puis les vins des groupes 1, 2, 3 et 4

deux bouteilles manquaient pour le groupe 4 lors des photos en cave

voici les vins apportés pour les « ouvreurs » de bouteilles

le cidre de plus d’un siècle

le reste du Malaga 1872

les bouchons

je n’ai pas pris toutes les photos des plats

les photos de toutes les bouteilles, groupe par groupe et une par une, sont sur les articles suivants.