La 35ème séance de l’académie des vins anciens se tient, comme à l’accoutumée au restaurant Macéo. Nous disposons d’une belle salle privative qui permettra d’accueillir les 34 participants qui seront répartis en trois tables.
Chaque table aura son programme de vins /
Table 1 : Mathusalem de Champagne Pommery 1966, Champagne Trouillard Cramant Blanc de Blancs 1961, Meursault 1895, Vin Algérien Blanc Targui 1955 (maison Eschenauer à Alger) , Rosé Frédéric Lung 1945, Château Mouton-Rothschild 1941, Château Margaux 1914, Moulin à Vent Louis Chevallier 1926, Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, Vin italien Gancia 1919, Vega Sicilia Unico 1967, Vin Jaune Château de l’Etoile 1969, Le Portail Rouge Loupiac R. Bernède 1949, Château Climens 1925.
Table 2 : Mathusalem de Champagne Pommery 1966, Château Chantegrive blanc 1984, Chablis Grand Cru Les Clos 1973 du Domaine Paul Droin-Baudoin, Riesling Grand Cru Maison Bott Frères 1970, René Dauvissat, Chablis 1er cru Forest 1982, Château Canon 1943, Château Margaux 1934, Vieux Château Certan 1967, Château Latour 1941, Mercurey Levert Frères 1959, Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, Rioja Vina Tondonia 1954, Vin Jaune Château de l’Etoile 1969, Haut-Sauternes Bouchard 1953, Porto Dows 1970.
Table 3 : Mathusalem de Champagne Pommery 1966, Champagne Jean Pierre Thomas années 60, Meursault Patriarche 1942, Bourgogne Aligoté La Chablisienne 1979, Royal Kebir Frédéric Lung 1945, Château le Bourdieu Haut Médoc 1976 , Château Ausone 1962, Château Léoville Poyferré 1960 , Château Mouton Rothschild 1967, Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, Châteauneuf du Pape Réserve des Chartes 1947, Vin Jaune Château de l’Etoile 1969, Château Lafaurie Peyraguey 1971, Château Sigalas Rabaud 1959.
Le mathusalem de Pommery a été affecté à chaque table, il s’agit d’un seul flacon partagé entre tous. Alors que vins de la Romanée Conti et les vins du Jura sont représentés par une bouteille à chaque table. Il y a donc 40 bouteilles et un mathusalem ce qui fait l’équivalent de 48 bouteilles et une moyenne de 16 bouteilles par table. Nous ne manquerons de rien.
Il y a dans cette séance deux élèves de l’Ecole Normale Supérieure et une dizaine d’étudiants à HEC, d’origines très cosmopolites, Japon, Chine, Taïwan, Autriche, etc. De ce fait je ferai mes speechs en anglais, dans un franglais que même ceux qui ne parlent pas anglais comprendront sans difficulté.
J’arrive à 15 heures au restaurant Macéo pour ouvrir les bouteilles. Il y a beaucoup de bouchons qui sont venus en charpie et trois bouchons qui sont tombés dans le vin lorsque l’on cherche à piquer la mèche du tirebouchon dans le liège. Béatrice, qui m’aide dans toutes les phases de l’académie a réussi à extirper les bouchons tombés.
A 16 heures l’un des plus fidèles des académiciens me rejoint pour m’aider aux ouvertures et il a apporté, selon la tradition, le « vin des ouvreurs ». C’est un Champagne Dom Pérignon 1969 dont le bouchon recroquevillé ressemble plutôt à un bouchon des années 40. Le champagne fait plus vieux que son âge, mais il est délicieux. D’autres amis très en avance, mais en retard pour les ouvertures, auront la chance de goûter le vin des ouvreurs.
Le Mathusalem de Champagne Pommery 1966 est ouvert par mes soins une demi-heure avant l’heure d’arrivée des convives. Le bouchon est fortement rétréci au point qu’il s’élève en même temps que le muselet sans aucun effort. Je goûte le champagne que je trouve plat et aqueux. Avec Béatrice nous nous étions demandé s’il ne fallait pas de champagne de secours, et nous avions fait le pari de ne pas en prendre. Aïe !
Quand le champagne est servi à toutes les tables, car l’apéritif se prendra assis et non debout par précaution vis-à-vis du Covid, je préviens notre assemblée du risque que représente ce champagne mais en fait il va se comporter beaucoup mieux que ce qu’annonçait la première gorgée. Avec le temps il devient de plus en plus aimable et perd le côté plat et aqueux. Des gougères aident à le rendre sociable.
Adrian Williamson, qui a géré le service des vins et des plats sert un peu rapidement le premier plat ce qui fait que le mathusalem n’aura été bu qu’à moitié. Etant à la table une, je commente ces vins.
Le Champagne Trouillard Cramant Blanc de Blancs 1961 a des minuscules poussières en suspension qui effraient ma voisine japonaise. Le champagne est buvable et paradoxalement il met en valeur le Pommery 1966.
Le Meursault 1895 est d’une bouteille opaque ne permettant pas de voir la couleur du vin. Le bouchon par sa texture a bien confirmé l’année. Le vin servi est noir, d’une terre noire. En bouche il est solide, massif, terrien. Il est manifestement atypique et je l’aime pour la densité de sa matière. C’est un extraterrestre.
A l’académie, nous aimons les vins d’Algérie aussi sommes-nous heureux de goûter un vin qui nous est inconnu. Le Vin Algérien Blanc Targui 1955 (maison Eschenauer à Alger) est d’une couleur jaune très claire et très jeune. En bouche le vin est solide, structuré, intense. C’est un vin magnifique qui évoque la splendeur des vins algériens de l’époque.
Le Rosé Frédéric Lung 1945 est doublement représenté dans cette séance à deux tables et de deux apporteurs distincts qui partagent avec moi l’envie des vins de Frédéric Lung. Ce rosé est massif, lourd, puissant et riche d’émotion. Je l’adore. Il surprend beaucoup de personnes à notre table qui n’attendaient pas ce vin à ce niveau.
Pour le délicieux rouget, les deux vins algériens étaient prévus, mais j’ai demandé qu’on serve aussi le Château Mouton-Rothschild 1941. Le vin n’est pas parfait, mais il a de belles qualités dont une forte truffe, qui se marie bien au poisson, au grand étonnement de mes convives.
Il convient de faire une remarque. A chaque académie j’apporte environ 160 verres Riedel que j’avais achetés à la création de l’académie, pour renforcer le stock de verres des restaurants. A la dernière réunion de l’académie, nous avions oubliés deux racks de verres ici-même, qui sont utilisés ce soir et n’ont sans doute pas été lavés (je suppose) ce qui devrait expliquer le nombre de verres poussiéreux que j’ai eus, qui handicapent les vins que je bois. Cela s’applique à ce Mouton 1941 et à bien d’autres qui suivront.
J’avais annoncé un Château Margaux probable 1934 de ma cave mais en fait c’est un Château Margaux 1914 car le bouchon l’indique clairement. Le vin est grand, noble, droit.
Le Moulin à Vent Louis Chevallier 1926 est un vin superbe, joyeux, en contraste total avec le Bordeaux plus strict. Les beaujolais anciens sont toujours de belles surprises.
J’ai apporté pour les trois tables trois Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 qui ont toutes des niveaux bas mais dont les parfums à l’ouverture ne montraient aucun défaut particulier. Quand on aime on ne compte pas aussi les suggestions de sel et de rose extrêmement nettes me ravissent. Et je suis ravi que ce vin soit le meilleur de ce que j’ai bu depuis le début de cette séance. La couleur du vin est un peu tuilée mais cela ne me gêne pas. Pour beaucoup et notamment pour les jeunes, c’est leur première approche des vins de la Romanée Conti. Ils sont émus et je suis ravi.
Le Vin italien Gancia 1919 m’avait étonné à l’ouverture car son bouchon tout petit a le bas arrondi et incliné comme un béret. De tels bouchons se voient pour des vins d’avant 1850 et pas pour un 1919. C’est une énigme. Le vin n’est pas parfait mais son originalité est excitante, avec ses tonalités solaires et riches.
L’ami qui a apporté généreusement le Vega Sicilia Unico 1967 goûte ce vin pour la première fois. Il n’est pas convaincu et je lui dis qu’il a tort, car ce vin espagnol a toutes les belles caractéristiques des Unico de cette décennie, la plus belle de toutes. J’ai bien aimé son style même s’il a manqué d’un peu de puissance.
Le Vin Jaune Château de l’Etoile 1969 dont j’ai fourni trois bouteilles pour les trois tables est le compagnon idéal des magnifiques fromages apportés par des académiciens généreux, dont, en particulier un Mont d’Or qui magnifie le beau vin jaune dense et épanoui, à la rémanence en bouche infinie.
Le Portail Rouge Loupiac R. Bernède 1949 a une étiquette magnifique. Le vin est adorable. Il est moins complexe évidemment que le Château Climens 1925, mais ce dernier est marqué par un léger nez et goût de bouchon qui font que le Loupiac se montre plus agréable à boire que le Barsac.
En cours de repas, des académiciens sont venus me faire goûter des vins des autres tables. Ainsi, j’avais annoncé apporter un Château Canon 1955, mais en fait je me suis trompé en cave et j’ai apporté un Château Canon 1943 sublime, qui, d’après ce que j’ai compris a été nommé gagnant par la table 2.
Le Chablis 1er cru Forest René Dauvissat 1982 que j’avais fourni m’a été donné à goûter. Sans être flamboyant il est d’une précision extrême.
On m’a aussi apporté du Châteauneuf du Pape Réserve des Chartes 1947 que j’avais fourni. Et ce vin m’est apparu splendide.
En apportant 23 vins de ma cave, j’ai voulu que chaque participant ait une profusion suffisante pour que les défauts de tel ou tel vin apparaissent sans importance. De ce que j’ai entendu, les participants ont tous été comblés. Et pour les jeunes étudiants, cette ouverture sur le monde des vins anciens est une expérience unique. En ce qui me concerne, je n’ai pas bu de vins qui me fassent dire « Wow ». Etaient-ce les conditions climatiques qui ont mis des vins en sourdine, était-ce mon palais, qui n’était pas réceptif comme il aurait dû l’être, était-ce la contrariété d’avoir trop de verres qui sentaient la poussière, je ne sais pas. Il me suffira de me rappeler des sourires, des compliments, des satisfactions de tous les convives pour me convaincre que cette séance fut une réussite.
Si l’on considère les objectifs de l’académie des vins anciens de permettre l’accès de tous à des vins anciens rares et originaux, on peut dire sans risque que ce fut une réussite. Donner accès à un vin italien de 1919, un meursault de 1895, un beaujolais de 1926, un Châteauneuf de 1947, un vin de la Romanée Conti de 1974, c’est un privilège.
J’ai adoré le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, le Vin Algérien Blanc Targui 1955 et le Rosé Frédéric Lung 1945, le Château Canon 1943 et le Châteauneuf du Pape Réserve des Chartes 1947 et Le Portail Rouge Loupiac R.Bernède 1949. Alors oui, je peux dire que même sans « wow », j’ai bu de grands vins.
Le repas a été succulent. Le service piloté par Adrian Williamson a été efficace. Béatrice a aidé à l’ordonnancement des vins et à la logistique. Alors, il ne reste qu’une envie, c’est qu’on lance une nouvelle séance de l’académie.
Dans ma cave la préparation des groupes. On voit l’intérêt qu’il y a à ce que j’aie en avance toutes les bouteilles, sans devoir subir des livraisons tardives
chez Macéo
les bouteilles préparées pour l’ouverture
pour encourager les ouvreurs
le travail des ouvreurs