Les hirondelles volètent au mois de février dans le Sud de la France. Les pulls s’enlèvent. Il fait fort beau. C’est l’occasion d’aller déjeuner à la table d’hôte d’Yvan Roux. Un champagne Laurent-Perrier cuvée Grand Siècle est fort gouleyant sur des tranches de pata negra. Des montagnes d’oursins pêchés de la veille sont confrontés à un Vin Jaune Victor Richard 1990. Il faut prendre une infime gorgée de ce vin au lourd parfum pour ne pas écraser l’oursin. Le plus subjuguant, c’est que malgré la présence extrême de ce vin profond de 13°, la dégustation des langues d’oursin n’est pas altérée. C’est le goût pur qui est mis en valeur par ce vin typé qui ne dévie pas le palais. Je sens que la brouillade d’oursins appelle un rouge, ce qui, convenons-en, est assez peu orthodoxe. Et le Château Lynch-Bages 1978, qui a entamé sa période de maturité avant l’heure, a l’intelligence de s’effacer pour respecter le fumet intense et délicat à la fois. Les beignets d’anémones de mer repoussent le rouge de leur acidité finale en bouche et c’est le champagne qui leur convient. Nous revenons au rouge pour des fritures de crevettes, petites seiches et petits crabes que l’on croque. Les cigalons, préparés dans leur plus grande pureté, sont d’un goût passionnant où apparaissent les noisettes et le pain d’épices. Avec eux, le vin jaune chante à tue-tête. Un risotto à l’encre de seiche et jus de cigalons permet de finir joyeusement le Lynch Bages 1978, vin de grand confort, expressif même s’il s’est assagi. Sur un sofa profond mis au soleil d’une journée annonciatrice du printemps, les yeux clos, il m’apparaît que la vie est belle.