Le jour du 84ème dîner de wine-dinners, des amis belges, solides compagnons de table, vont déjeuner chez Alain Senderens. Après avoir dit non, pour me ménager, je les rejoins. Etant en avance, j’ai le temps de bavarder avec Madame Senderens radieuse et de choisir des pistes pour les vins que nous partagerons. Mon choix est adopté et même amélioré, car j’avais choisi pour le rouge un millésime plus modeste. L’heure était à l’audace.
Nous commençons par un Champagne Clos des Goisses Philipponnat 1989 sur « asperges vertes de Lauris « crues et cuites », tagliatelle de seiche à l’huile épicée ». A noter que sur la carte il est écrit « crûtes et cuites ». L’eusse tu cru ? Le champagne a une belle couleur dorée, une bulle discrète, et son goût intense évoque le miel, la brioche, le soleil. Sur l’asperge croquante, c’est un régal. Le Clos des Goisses a une longueur et une présence exemplaires qui nous réjouissent. Il nous a séduits.
Le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1981 accompagne un « foie gras de canard poché, dans un bouillon à la chinoise ». La divine chair du foie, aérienne de subtilité, se fond dans ce Riesling extraordinaire. L’âge l’a assemblé comme une montre suisse. Il est précis, chaleureux, profond, intense, joyeux. Il a toutes les qualités.
Les « suprêmes de pigeon rôtis, cuisses en pastilla et navets caramélisés à la cannelle » profitent avec bonheur de la présence du Château de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape Hommage à Jacques Perrin 1990, vin extraordinaire. Dès la première gorgée, on sait que l’on est dans la perfection absolue. Déviation de l’époque, alors que je ne note jamais les vins, je me mets à penser : « ça, c’est un 100 points Parker ». Mais cette idée est vaine. A quoi sert de résumer ainsi une impression ? Ce qui compte, c’est que ce vin est du plaisir pur en bouche, avec un bois intelligent, avec un fruit joyeux, une mâche généreuse et un bonheur de vivre au-delà de tout.
Par gourmandise, je me suis pâmé sur un « macaron à la rose et au litchi » à se damner tant c’est subtil. Disons le sans détour, Alain Senderens, c’est l’anti Canada Dry : ça n’a pas l’aspect d’un trois étoiles, puisque c’est la voie qu’a choisie le chef, mais c’est du trois étoiles. Car cette démonstration absolument brillante d’une cuisine simplifiée et magistrale, il n’y qu’Alain pour l’avoir réussie avec ce talent. Trois étoiles à nouveau, ce serait un caprice d’un raffinement rare.
L’heure passant, il était temps de courir chez Patrick Pignol pour ouvrir les bouteilles d’un nouveau dîner merveilleux.
Le millefeuille qui est ici en photo a été choisi par un de mes amis bleges.
Comme c’est l’une des icônes de la cuisine d’Alain Senderens, je me devais de faire figurer cette photo.
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