Déjeuner chez ma fille cadette pour l’anniversaire de mon gendre. Sur de belles et rondes gougères, nous buvons un Château Laville Haut-Brion 1982. La couleur dorée est engageante. Le nez est serein, et en bouche, c’est une apothéose. Tout est parfait dans ce vin équilibré, mesuré mais profond, au charme insolent. On sent que c’est un vin de pure gastronomie. Je l’ai nettement préféré au récent Haut-Brion blanc 1992, peut-être un peu plus complexe mais nettement moins chaleureux et joyeux.
Mon gendre a déniché quelques vins anciens et c’est sans a priori qu’il nous soumet un vin qu’il a ouvert à 8h30 ce matin. La bouteille est de forme bourguignonne, bouteille soufflée à la main et au cul profond comme on en trouve pour les flacons du 19ème siècle. Or que dit l’étiquette : Château Laborde, Lalande Pomerol, Henri Lichtwitz jeune, négociant 1947. A cette époque, on embouteillait dans les flacons qui passaient à portée de main. Cette bouteille a certainement connu des dizaines de vins différents depuis son premier usage. Il est à noter que l’étiquette dit « Lalande Pomerol » et non pas « Lalande de Pomerol » comme on dit aujourd’hui. Le vin a fortement imprégné le verre qui est devenu opaque. Le nez est immédiatement charmant. Légèrement torréfié avec des notes de truffe, ce qui convient aux œufs brouillés à la truffe. En bouche, c’est charmant. N’attendons pas un ténor. Mais ça chante bien et le plaisir que nous avons de cette découverte est un plaisir franc, sincère, car le vin est bon. Nous remarquons qu’il s’affadit dans le verre alors qu’il ne s’affadit pas en bouteille. Il faut donc se servir très peu.
Sur de délicieux filets de rougets, la première gorgée de Château de Léoville las Cases 1970 est immédiatement décevante. Ce vin n’a rien, rien à dire, rien à chanter, il est d’une platitude gustative rare, or rien ne permet de penser qu’il s’agit d’une faiblesse de la bouteille. C’est le vin qui n’a aucun message à faire passer. On revient donc au 1947 qui devait être l’outsider et se retrouve en position de leader. Le grand Saint-Julien compte suffisamment d’autres belles années où il a excellé pour que nous gardions notre estime pour Léoville. De ce beau repas familial je retiens la perfection de ce Laville 1982 magistral.