A peine remis de la fatigue de cette soirée, je me dirige pour déjeuner au restaurant de Guy Savoy car un vigneron reçoit la presse et l’on me fait l’honneur de m’inclure dans ce petit groupe où des personnalités comme Michel Bettane et Bernard Burtschy sont celles que l’on écoute.
Nathalie d’Estutt d’Assay et son frère Henri présentent des Pouilly-Fumé du Château de Tracy. Lorsque l’on choisit Guy Savoy pour mettre en valeur un vin, c’est que l’on veut frapper très fort. Et Guy Savoy a répondu à l’appel par un menu dont l’intitulé, comme les courtisanes les plus redoutables, suggère plus qu’il ne dévoile : tout petit pois / entre terre et mer / thon « toutes saveurs » au gingembre / fromages affinés / passion de légumes. Le plat de petits pois est une merveille absolue, faisant ressurgir tous les souvenirs des grains verts que je croquais crus dans le jardin potager de mon grand-père. Etant venu en avance j’ai eu le temps d’évoquer avec Guy le dîner à El Bulli. Je suis ravi que nous ayons la même analyse, d’adhésion totale à la démarche de Ferran Adria qui ne convient qu’à lui, car c’est l’expression de sa personnalité. Lorsque nous attendons les retardataires on me tend un verre de Pouilly Fumé Château de Tracy 2002 à la couleur claire et nette, au nez pur. En bouche c’est la clarté de l’exposé qui apparaît. Le vin est élégant et le final est joli, poivré. Les notes citronnées sont bien mesurées.
Le 2004 a une couleur plus jaune que le 2002. Le nez est clair et la bouche est jolie. L’accord est merveilleux avec le petit pois, car on est totalement pris à contre-pied. Michel Bettane aime beaucoup cet élégant 2004 qui est 100% sauvignon.
(ce plat de petits pois est une merveille absolue)
(quel festival de couleur !)
Le 2005 a une couleur très claire et un nez surpuissant. Son goût est trop puissant pour moi. Le 2000 est de l’or. J’apprécie beaucoup, mais les grands spécialistes présents préfèrent le 2005. J’essaie de suivre leur idée, malgré le gap gustatif que représente un 2005 pour moi et je viens progressivement à leur analyse, trouvant en définitive le 2005 plus aérien et subtil que le 2000.
Nous allons maintenant goûter le « Haute densité », dont le nom provient du fait que l’on a planté 17.000 pieds de vignes par hectare, contre 7.000 pour l’appellation. Ceci permet de ne conserver que 2,5 grappes par pied et conduit à un vin plus raffiné. S’il y a de la densité de pieds plantés, il y en a aussi dans le verre ! Car le Haute Densité 2004 est une bombe de plomb. Le Haute Densité 2005 est beaucoup plus aérien, d’une élégance et d’une variété rares. J’écris sur mes notes qu’il est fabuleux, et s’harmonise avec le gingembre de délicate façon.
Le Pouilly Fumé « normal » 1998 est un petit bonheur sur trois fromages, le brie de Nadine de Rothschild et deux chèvres de la ferme du Port Aubry à Cosne-sur-Loire en forme de cônes pour s’en souvenir, l’un du 29 avril et l’autre du 29 mai, il y a donc quinze jours. Le vin est doré, au nez de citron vert, rond de plaisir en bouche. C’est un vin magnifique.
Le 1996 qui suit a un nez de truffe blanche et de pierre à fusil, avec une petite note citronnée. La couleur est d’un or très clair. J’aime le gras de ce vin, mais les deux vedettes sont pour moi le Haute Densité 2005 Château de Tracy et le Pouilly-Fumé 1998.
Henri a fait une présentation d’une rare élégance, ayant cette humilité et ce sens de la réserve qui sont l’apanage des grands. Longue vie au Château de Tracy, Pouilly-Fumé.
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(variation sur un dessert)
On m’apporte ce dessert. Je décide de mettre une bouche à ce visage.
Puis je lui écarte les joues, et enfin, je lui mets une moustache.