Un ami fort assidu de mes dîners me demande d’animer une conférence dégustation à l’instar de celle qui s’était tenue au salon des grands vins. J’accepte pour ce fidèle ami. Elle s’inscrira au sein de conférences professionnelles où une centaine d’acteurs d’un même métier se retrouvent. Je me rends sur place quelques jours à l’avance, donnant des instructions sur la position des tables de cocktail et celles affectées au service des vins. Je suggère l’ordonnancement des lieux. Et me souvenant du succès du Maury avec des chocolats au salon des grands vins, je vais à la Maison du Chocolat. Avec l’exquis Robert Linxe, créateur de ce temple, je goûte des chocolats aux parfums tentants et séducteurs pour choisir les petits carrés magiques qui accompagneront un Maury 1947. J’arrive quelques heures avant l’événement et je constate que la magnifique salle de l’hôtel Lotti est coupée en deux par une table de buffet qui fait office de mur de Berlin. En effet, mon ami ne m’avait pas dit qu’il avait mis la dégustation des vins anciens en option et comptait traiter dans la même salle ceux qui boiraient mes vins et ceux qui ne les boiraient pas. Je ruminai cette curieuse situation. On ne peut pas avoir dans une même pièce des invités qui partagent les émotions d’un vin et d’autres qui les ignorent. On décide de fusionner les groupes et de translater la table du buffet ce qui bouscule les appareils prévus pour la sonorisation, préréglés sous la table. Les invités arrivent après les conférences tenues dans d’autres salles de l’hôtel. Heureux de se trouver ou se retrouver, ils bavardent. On est là pour cela. Quand mon micro hoquetant crachote des sonorités disgracieuses, il faut vraiment l’enthousiasme de quelques amateurs pour que je me sente écouté. Un micro de secours, opportunément orthodoxe, permet de grossir le rang de mes auditeurs. Les vins les soudent plus sûrement. Premier vin : un Arbois Pupillin 1976 Domaine Lornet. Comme au salon des grands vins je débute par ces saveurs inhabituelles pour montrer que l’on entre sur une planète différente, celle où l’exploration de senteurs et de goûts étranges demande un effort. On poursuit avec Château La Conseillante Pomerol 1981, rassurant, puis un Coteaux du Layon Domaine de la Roche Moreau 1981 déjà goûté lorsque je parle en de vastes assemblées et qui plait tout autant. Ensuite un Château Terfort Sainte Croix du Mont 1975 montre à quel point l’apport des ans embellit un vin normalement assez limité. La cerise sur le gâteau, c’est le Maury 1947 des Vignerons de Maury qui s’associe avec un chocolat au fenouil, et forme avec lui un accord raffiné et délicat. Le chocolat au citron est hors sujet, ce qui a aussi valeur éducative. Des discussions se créent avec un groupe d’amateurs que je sens passionnés. Après cela, nous trinquons avec un honnête champagne sur un buffet italien. J’ai su ensuite que cette présentation de cinq vins originaux, différents ce qui se boit normalement en cocktail, avait plu à ceux qui m’écoutaient, dont le nombre s’était agréablement enflé. Exercice difficile quand les échanges professionnels sont dominants.