Je chattais sur le web en regardant le film « Sideways ». Deux amis qui enterrent la vie de garçon de l’un d’eux visitent les vins californiens. Une belle serveuse de restaurant est attirée par le célibataire qui lui pose à un moment la question : « qu’aimez-vous dans le vin ? ». Elle se lance dans une réponse purement romantique où le travail du vigneron a sa place.
Pendant ce temps, sur le forum « la passion du vin », nous dissertions sur le concept de « lubrifiant social » joué par le vin, selon l’expression de Jean Clavel. Et je me suis demandé ce qui conférait au vin ce statut particulier où se mêlent le romantisme, la nostalgie, la bienveillance et la revendication sociale.
Et j’y vois trois raisons. La première, c’est qu’il fait partie de trois liquides nourriciers qui sont indissociables de notre vie, l’eau qui nous baptise, le lait qui crée un lien fusionnel avec la mère et le vin, antichambre des paradis artificiels. La seconde, c’est qu’il n’est pas périssable. Si le vin avait la courte vie du beaujolais nouveau, on l’oublierait assez vite. Alors que lorsqu’on déniche dans la cave un vin du grand-père, tout un monde de nostalgie, de souvenirs, assaille l’esprit. Lorsque j’ai bu un vin de 1780, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’avenir du monde. Je buvais un vin élaboré quand l’automobile, le train, l’électricité, le téléphone, l’avion, l’informatique n’étaient même pas envisageables. En deux siècles l’homme a transformé la planète mais aussi son mode de vie. On pense forcément à cela lorsque l’on absorbe le témoignage vivant des époques révolues. La troisième raison est que le vin fait partie à la fois des produits bon marché et des produits chers. L’argent barre l’accès aux plus rares d’entre eux ce qui conduit naturellement à projeter ses idées sociales.
De ces trois raisons, celle que je trouve la plus intéressante, c’est l’absence de péremption du vin qui permet de goûter des jalons de l’histoire, autorisant tous les romantismes. Ce n’est pas demain que le vin cessera d’être prétexte à discuter en société de la vie, de l’histoire et de rêver.