Le deuxième jour du Grand Tasting débute sur une « Master Class » consacrée à Moët & Chandon présenté par Benoît Gouez, le chef de cave qui fait l’assemblage du champagne le plus diffusé dans le monde. D’un discours très clair nous apprenons que « la grande maison » comme on l’appelle possède mille hectares dont 600 de grands crus, et achète les raisins de 2500 hectares supplémentaires, ce qui fait 200 crus différents dont la diversité requiert du talent à l’assemblage. La vision de Benoît est « d’être sur le fruit », comme il l’explique. Sa mission est de concilier qualité et quantité.
Le champagne Moët & Chandon Brut Imperial nous est servi en magnum, comme les quatre de cette réunion. Dans l’odeur, l’alcool domine. La bulle est bien dosée. Le non millésimé doit avoir de la constance. Il est frais, bien servi. On sent qu’il y a du vin de réserve plus mûr : du 2004 essentiellement et 30% de 2002 . C’est sans doute cela qui donne un petit goût toasté. Il y a 20 à 30% de chardonnay, 30 à 40% de pinot noir et 30 à 40% de pinot meunier. Le dosage de cette cuvée est de 11 grammes. L’assemblage est au cœur de l’action.
Le champagne Moët & Chandon rosé Brut Imperial en magnum est pour moi plus rosé que champagne. Je ne l’aime pas trop. Benoît dit qu’il a une suavité anachronique dans le monde des rosés. Il y a 50% de pinot noir et 50% de pinot meunier. C’est effectivement assez confortable, mais je préfère d’une façon générale le picotement du champagne blanc à la douceur du champagne rosé.
Le champagne Moët & Chandon Grand Vintage 2000 a un nez très minéral. Ce qui frappe c’est sa douceur. Il est charmeur comme pas deux. Benoît Gouez est présent chez Moët depuis 1998 et 2000 est son premier millésime. C’est un champagne de rêve, bien fait. Il est romantique, pamplemousse et ananas et d’une belle longueur. J’ai pensé à des plats qui doivent respecter sa douceur, son charme et son romantisme, comme le ris de veau ou la coquille Saint-Jacques.
Le champagne Moët & Chandon rosé 2000 a une magnifique couleur saumon ou pèche. Le nez est assez discret. C’est un rosé bien agréable, mais je préfère dix fois le blanc, brillant compagnon de gastronomie.
C’est intéressant de passer ensuite à la Master Class où Vianney Fabre, responsable de l’exportation, présence trois vins de Bollinger. Il raconte l’histoire de la famille et les choix très précis. Le raisin vient à 70% de vignobles de la maison qui possède 180 hectares de vignes. La maison Bollinger entretient encore à plein temps un tonnelier pour réparer les vieux tonneaux de mûrissement, puisque l’on n’utilise jamais de fût neuf, les plus vieux ayant jusqu’à quatre-vingts ans. Bollinger entretient une « librairie », que Vianney compare à une boîte à épices, de 500.000 magnums avec sucre et levure pour donner un quart de mousse. Ces magnums servent à l’assemblage des non millésimés.
Le champagne Bollinger spécial cuvée est le non millésimé de la maison. Il est particulièrement doré. Il y a plusieurs millésimes car l’assemblage comporte plus de 50% de vins de réserve. Le nez est très pur, intense. La bulle est belle. Le vin est fumé, toasté, pain d’épices. J’aime sa forte personnalité et sa grande élégance. Le final est léger, comme un coup de fouet sur la langue. Le dosage est de 7 à 9 grammes. Sa force permet d’en faire un vin de gastronomie.
Le champagne 2003 by Bollinger a été déjà décrit lors de la Master Class d’hier. Je peux vérifier que les informations données sont les mêmes ! Le nez est un peu dur. En bouche, c’est un champagne de fleurs blanches, élégant et romantique. Il est très suggestif, doux et discret. Il est très orienté chardonnay, ce qui n’est pas le style habituel Bollinger mais on sait les problèmes climatiques que cette année a connus. Il n’y a que 3,1 g de dosage. Ce vin a été vinifié à 100% en barriques et son vieillissement en bouteilles avec bouchons naturels explique la forme du haut de la bouteille, car le dégorgement est fait à la main. C’est un vin très frais, à la bulle noble.
Le champagne Bollinger Grande Année 1999 est la cuvée de prestige. Il y a 63% de pinot noir et 37% de chardonnay. Le champagne est composé de 82% de grands crus et la totalité est élevée en barrique. On sent une grande noblesse et une forte personnalité. Fort en bouche, il plombe le palais ce qui ne l’empêche pas d’évoquer des fleurs blanches. Le final est noble. Je le vois très bien être le champagne de tout un repas, car il autorise toutes les audaces culinaires. Vianney dit qu’il est féminin quand le 1997 est masculin. De bien beaux champagnes.
Ces salons étant très fatigants par les allées et venues que l’on fait entre les stands, par les sautes de température et par de vilains rhumes qui se propagent comme les mauvaises nouvelles à la Bourse, c’est-à-dire à la vitesse de l’éclair, je suis allé déjeuner avec ma fille aînée en dégustant un Beaune Clos des Mouches rouge Maison Chanson 2005 que m’a gentiment donné l’excellent sommelier qui a réglé avec une minutie digne d’éloge le service des vins de toutes les Master Class. Le vin est joyeux et intense comme cette rencontre avec ma fille.
Je garde le souvenir d’un Grand Tasting efficace, où des vignerons de grande qualité font goûter leurs vins à un public nombreux et connaisseur. C’est pour moi l’occasion d’être proche de Michel Bettane ou Bernard Burtschy dont la connaissance du vin, de sa géographie et de son histoire ne cessent de m’émerveiller. C’est aussi l’occasion de rencontrer des vignerons que j’apprécie pour parler des plaisirs que procurent leurs chefs-d’œuvre.