Nous nous rendons ensuite au château de Puligny-Montrachet magnifique propriété de réception qui appartient à la Caisse d’Epargne, propriétaire du vignoble de Château de Puligny. Etienne de Montille en est le gérant depuis 2001 et ses premiers vins sont de 2002. Il bénéficie d’un avantage collatéral qui est de loger sur place. Etienne voudrait nous faire goûter quelques vins en fût, mais depuis son départ aux sports d’hiver – il revient aujourd’hui – les fûts sont vides, car la mise en bouteilles s’est faite hier et aujourd’hui. Nous allons dans la cave du château qui est parfaite et joliment voûtée. Elle est à peine enterrée et Etienne nous explique que dans le village de Puligny-Montrachet la nappe phréatique est si haute qu’il n’y a pratiquement pas de caves.
Nous goûtons des 2007 et nous avons droit au Chevalier-Montrachet Château de Puligny 2007 puis au Montrachet Château de Puligny 2007, deux vins faits avec une précision que Michel Bettane approuve. Nous remontons enfin de la cave, sous la pluie, et nous entrons dans le château, très confortable et accueillant, pour un dîner informel dont Etienne sera le cuisinier et le serveur. Le velouté aux cèpes ainsi que le gratin ont été faits par sa mère. Le poulet fermier est de sa cuisson. Etienne, qui skiait à Val d’Isère comme Jean-Nicolas Méo a eu le même réflexe, il a acheté là-haut la viande des grisons de l’apéritif et les fromages.
Le Saint-Aubin en Rémilly Château de Puligny-Montrachet 2006 est très agréable. Il a un goût fumé et toasté. Le Meursault Pérrières Château de Puligny-Montrachet 2006 est plus strict. Il vient d’être mis en bouteille aujourd’hui même. Il est très rond et très agréable.
Le Puligny-Montrachet Cailleret Domaine de Montille 2000 est un vin resserré, imparfait selon Michel. Etienne le change pour un Puligny-Montrachet Cailleret Domaine de Montille 1999 qui est très nettement meilleur et confirme le défaut relevé par Michel dans le 2000. Il y a des fruits jaunes, de la crème et du beurre dans ce vin plus chaleureux.
Je commence à me demander si l’on va franchir la barrière des vins de plus de dix ans ! Nous commençons les rouges à l’aveugle. Le premier vin a une couleur rubis très belle. Le nez est généreux, superbe, et en bouche la finesse est remarquable. Ce vin est élégant, d’un bois bien dosé. Le deuxième a un nez légèrement animal. Sa robe est très belle. En bouche, l’attaque est généreuse et chaleureuse, mais le final est viril, presque dur. C’est un grand vin. Beaucoup de choses opposent ces deux vins. Le premier est très élégant, séduisant et le deuxième plus viril, plus combatif. Le nez du premier est réjouissant et sa bouche est jeune. Le second s’arrondit et devient plus charmeur, plus structuré. Son nez animal a disparu.
Sans qu’il se prête au moindre jeu Michel a naturellement trouvé les deux vins et les deux années sans citer la moindre alternative. Le premier est Pommard Rugiens Domaine de Montille 1990 et le second est le Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1976.
Quand je connais les années, ce qui est assez intéressant, c’est que ma vision sur les vins change. On voit beaucoup plus de choses dans un vin quand on sait ce que l’on doit boire. Je reconnais la typicité du 1976, son côté salin, légèrement fumé, épicé et bougonnant de la Bourgogne. Le 1990 a beaucoup de charme et de douceur.
Etienne nous dit que 1990 est la première année où il a eu la responsabilité de faire les vins à la suite de son père, et je me plais à constater dans les deux vins le caractère de celui qui les a faits, Etienne pour le plus jeune et Hubert pour le plus ancien.
Pour le fromage, nous goûtons un Meursault Pérrières Château de Puligny-Montrachet 2005, très joli, élégant de belle complexité. Les fromages étant montagneux, nous goûtons un Château Chalon Berthet Bondet 1998 au nez alcoolique qui contraste avec un goût très léger, aérien et frais. Le vin n’est pas très oxydé et Michel a cette expression : « c’est de la bonne boulange » qui signifie que l’usage des levures a été intelligent. Michel s’en va car il a de lourdes tâches demain. Je suis heureux qu’il ait partagé notre soirée, car quand je fais des dégustations avec lui, je suis comme l’étudiant fasciné par son professeur principal. Nous restons à bavarder avec un homme passionnant et passionné, d’un enthousiasme réfléchi et d’une conviction qui font plaisir à entendre. Comme il restait encore une petite soif, Etienne remonte de cave un vin au nez combinant le citron la crème et la brioche. La bouche reproduit les mêmes sensations. Nous aimons ce vin agréable de belle longueur révélant de beaux arômes. C’est un Chevalier-Montrachet du Château de Puligny 2002.
Nous avons du mal à nous quitter tant les discussions avec ce vigneron passionnant sont animées. Nous le remercions chaleureusement sachant que mon ami américain et moi nous allons le retrouver samedi pour un dîner de vins très rares et que les deux américains qui voyagent avec moi le retrouveront dans une semaine à la Paulée de San Francisco. Peu de temps sépare la fin de ma toilette nocturne de l’entrée dans des rêves merveilleux où le vin et l’amitié tiennent la place principale.