Nous arrivons le lendemain matin au château de Clos de Vougeot par un soleil radieux, au milieu des vignes dont les feuilles ont les merveilleuses couleurs de l’automne, du vert encore vivace au rouge sang et pourpre. Les vendangeurs arpentent les travées avec leurs paniers. La vendange bat son plein.
La salle des pressoirs :
discours de bienvenue à Livres en Vignes
Nous allons déjeuner au château de Gilly, dans une vénérable salle gothique aux piliers élancés et aux voûtes graciles.
La cuisine servie pour un groupe nombreux est acceptable : tourte de caille à la Nuitonne / suprême de volaille cuit à l’os, aux champignons et au vin Jaune, petit riz Basmati / petite salade et fromage de Cîteaux / soupe de fruits rouges au cassis, glace au Gilly frais.
La tourte :
Les vins ne furent pas beaucoup plus inspirés que la cuisine : Savigny-lès-Beaune blanc domaine Pierre André 2006 aimable et direct, et Mercurey premier cru Pierre André 2005 sans véritable imagination. Il se peut que la fatigue de la veille explique mon manque d’enthousiasme. Je ne serai donc pas définitif.
Un énorme Tastevin qui pourrait servir de baignoire !
Il faut se faire beau, smokings et robes longues, pour le Chapitre de la confrérie des Chevaliers du Tastevin, intitulé chapitre de l’équinoxe, de la plume et du vin. Pendant près d’une heure et demie nous entendons que l’on intronise des chevaliers provenant du vaste monde, y compris les antipodes. Les mots d’accueil personnalisés sont spirituels et charmants. Nous quittons la salle des pressoirs pour prendre un verre de Crémant blanc ou rosé. Je m’empresse de reposer le mien car ce n’est pas mon goût. Les grands champagnes m’ont trop déformé. Nous pouvons entrer dans l’immense salle du chapitre qui accueille six cents personnes.
Le menu est traditionnel : le persillé de sandre et saumon sauvage / les fines quenelles de perche excellence / les œufs en meurette vigneronne / les mignons de veau fermier au jus de truffe / les bons fromages de Bourgogne et d’ailleurs / l’escargot en glace / la tarte Tatin glacée aux pêches de vigne / les petits fours. Servir des œufs en meurette pour autant de personnes est un exploit, comme celui d’assurer tout au long de la soirée un service d’une précision d’horlogerie.
La jolie décoration des assiettes et le persillé :
Les cadets de Bourgogne, sur scène et entre deux chants :
Les officiels :
Les vins qui sont indiqués sur le menu ne précisent jamais le propriétaire, car les donateurs agissent bénévolement en mettant leurs vins à disposition de la confrérie. Il n’est donc pas question de juger des vins autrement qu’au niveau de leurs appellations. Le Bouzeron 2004, dans sa simplicité franche, me plait beaucoup. A l’inverse, le Meursault 1er Cru les Genévrières 2001 qui joue dans une catégorie supérieure, n’exprime pas tout ce qu’il pourrait. Autour de moi, il est très apprécié. Le Saint-Romain 2005 est un peu simplifié, et la complexité commence à s’afficher avec le Beaune 1er Cru Hospices de Beaune, Cuvée Dames Hospitalières 2004.
A ce stade de la soirée, la chaleur dans la salle est devenue étouffante. Une romancière à succès, ma voisine, veut quitter les lieux. Cherchant à lui rendre service, je sors de la pièce pour trouver un véhicule. Quand je veux revenir, le choc thermique est tellement fort qu’il ne m’est plus possible de suivre le cours du repas. Je bois quelques gorgées du Grands Echézeaux Grand Cru Tasteviné 2000 absolument charmant et intense. J’échapperai sans l’avoir voulu au Crémant de Bourgogne brut rosé.
Je suis toujours impressionné que le public cosmopolite s’émerveille de jeux de mots, astuces et plaisanteries qui sont incompréhensibles pour un étranger. C’est une des magies de ce lieu que de dégager un enthousiasme chaleureux dépassant les stade de la compréhension mot à mot. Les cadets de Bourgogne chantent particulièrement bien, dans un style qui rappelle les Compagnons de la Chanson. Ma femme et moi quittons la salle en catimini, dans le sillage de la romancière. Plaisanteries et forts discours se poursuivront tard dans la nuit.