Le « Grand Tasting » est le rendez-vous annuel incontournable des amoureux du vin. Car les vignerons les plus prestigieux présentent leurs vins, soit à leurs stands, soit à des conférences-dégustations appelées « Master Class ». Selon une tradition amicale, Thierry Desseauve et Michel Bettane, qui animent et assurent l’organisation de cet événement, m’accueillent à la table de présentation des Master Class pour faire, quand cela se justifie, des commentaires sur les vins présentés et leur histoire.
J’arrive vendredi au Carrousel du Louvre, dont les larges allées sont envahies d’une foule qui attend l’ouverture du Musée du Louvre. Très cosmopolite, cette foule est très jeune. Au Grand Tasting, les stands s’installent, les vignerons vérifient si les vins qu’ils offriront à dégustation n’ont pas de défaut.
La première Master Class est une tradition, de mettre en avant cinq vins qui sont les coups de cœur de Michel et Thierry. Nous commençons par le vin Arena Blanc Grotte de Sole, vin de Corse 2008. Grâce à Aurore Marre, sommelière du CasadelMar, j’avais eu la chance de goûter un vin d’Antoine Arena il y a peu de temps, ce qui aide à la dégustation. Le vin est d’une couleur claire, très pure. Le nez est très profond. Comme c’est le premier vin que je goûte, la bouche est un peu rêche. Le vin est très pur, simple, direct, avec un joli fruité. Le final est riche. Antoine dit avec un sourire que les levures corses travaillent doucement. Le vin qui s’ouvre dans le verre est de plus en plus agréable. Le final minéral me séduit ainsi que la fraîcheur. Michel précise que les vins blancs de Corse vieillissent mieux que les rouges.
Le vin suivant est le Latricières-Chambertin Domaine Leroy 2007. Le nez est d’une pureté exceptionnelle. La température de service est idéale. La bouche n’est pas très charnue, avec un zeste d’amertume. On voit bien que les rafles sont dans le vin. Le final est extraordinaire, précis et frais. C’est un vin dont on devient amoureux, dans mon cas parce qu’il est atypique. L’amertume due aux rafles est de plus en plus attachante. Thierry dit que c’est le génie du pinot noir. Michel dit qu’en ce moment c’est un parfum. Il ajoute que chez Lalou Bize-Leroy, le Romanée Saint-Vivant est impudique, alors que ce Latricières est tout en pudeur.
Le Château La Mission Haut-Brion 2004 a un nez raffiné dans lequel je surprends du poivre. La bouche est aussi raffinée, avec des fruits noirs encore jeunes. Ce Mission a vraiment trouvé sa personnalité et n’est plus le « suiveur » de Haut-Brion. Il est droit, rêche, riche d’un très grand potentiel. Le final n’est pas encore assez affirmé, mais il va se révéler du fait de sa belle matière. Michel dit que la Mission a des tannins précoces, ce qui fait que dans des millésimes moyens, on a des vins complets. Il réussit moins les millésimes de soleil.
Le Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes rouge 2007 est présenté par Paul-Vincent Avril, propriétaire de 35 hectares en 24 parcelles. Le vin a 65% de grenache ce qui est peu par rapport à l’appellation, 20% de mourvèdre, ce qui est beaucoup, et 10% de syrah. Les vendanges sont égrappées et la macération est de 25 jours. Le vin est d’une couleur noire. Le nez est très riche de cassis très subtil. Il y a du doucereux et de la pureté. Dès l’approche, le vin est doucereux, joyeux et rond. C’est l’expression de la jeunesse. Il y a une forte amertume dans le final. Le vin titre plus de 15°. Il vaudrait mieux l’attendre encore quelques années pour qu’il se construise. Michel signale la finesse du tannin, le velouté et la belle sensation tactile. Le vin ne cesse de s’améliorer dans le verre et se domestique. C’est un grand vin, fait pour la truffe et l’agneau.
Le Château Montus, La Tyre 2000 est présenté par Alain Brumont qui possède 140 hectares dans sa région gasconne. Ce vin est fait de 100% tannat, cépage du Sud-ouest, avec un rendement d’un litre par pied de vigne. La couleur du vin est très noire, le nez est très riche de truffe. La bouche fait stricte après le Clos des Papes. Quand on s’habitue à l’astringence, on voit que le vin est grand. A l’aveugle, je pense que j’irais vers de grands bordeaux. Alain rappelle que dans le passé, le tannat donnait « le vin médecin », le vin qui soigne. Michel parle de vin monumental, de grande force et de grande personnalité. Alain aligne les gasconnades qui font rire la salle, tant nul n’a autant de fierté que le gascon.
On comprend les choix de Michel Bettane et Thierry Desseauve, vers des vins de précision et de fraîcheur. Ce voyage dans cinq régions montre que l’excellence des vins français est ubiquiste.