Mon gendre a quarante ans. C’est l’occasion pour lui de recevoir famille et amis. Nous sommes à l’orée de la forêt de Fontainebleau, là où ça sent le cheval, l’herbe et le mouton. Nous sommes nombreux, l’assemblée comptant une majorité de couples congénères de Guillaume, avec beaucoup de chères têtes blondes. Les seuls chenus sont les parents ou beaux-parents. Le Champagne Henriot coule à flots en magnums, que ce soit du millésime 1995 ou du millésime 1996 et nous sommes tous sous l’enchantement, si l’on veut bien comprendre l’allusion directe que contient cette phrase.
Le 1996 est plus grand, mais la constante des deux est d’être des champagnes naturellement plaisants. Le champagne Henriot se boit bien, donne du bonheur, et on en redemande. L’année 1970 est un prétexte à ouvrir des vins de cette année. J’ai apporté Château Meyney 1970 qui a été rebouché par Cordier en 1996. Ce vin est très plaisant, bien charpenté mais sans grande émotion. Il se boit bien. Quelques membres d’une secte, triés sur le volet, peuvent goûter un Château Margaux, 1er GCC Margaux 1970 en magnum que j’ai apporté pour mon gendre. On mesure par comparaison à quel point un grand vin, c’est un grand vin. Il y a une texture chatoyante, une sérénité veloutée, qui signent le niveau de premier grand cru classé. Les discussions sont animées, on se gèle sous les merisiers. Alors on boit, ce qui accentue l’impression de froid.
Un grand moment de bonheur, c’est quand arrive l’Ispahan, le dessert de Pierre Hermé à base de framboise et de rose. L’association de ce dessert diabolique avec un Gewurztraminer n’est pas seulement diabolique, elle est infernale, tentation ultime d’un soir d’été dont la chaleur ne vient que de l’affection et de l’amitié.