Prenons les choses dans l’ordre. L’académie des vins anciens s’est terminée hier ou plutôt, tôt ce matin. Ce soir, le groupe "in vino veritas" des élèves de Sciences Po reçoit Bérénice Lurton qui va présenter Château Climens. Je serai à ses côtés comme je l’avais été à la récente présentation d’Yquem par Pierre Lurton. David, l’organisateur m’a proposé de me joindre au dîner qui suivra cette conférence-dégustation. Fatigué par l’académie et contrarié par la neige qui paralyse les banlieues, je décline son invitation.
Je rends visite à son bureau à un ami, Michel, qui me dit : "un de mes amis, vigneron italien, vient de m’expédier une magnifique truffe blanche. Je dînerai ce soir avec un vigneron allemand et son épouse. Alain Dutournier va cuisiner autour de ma truffe. Veux-tu te joindre à nous ?". Et pour me tenter un peu plus, il me conduit à sa voiture où une boîte en bois, écrin de trois belles truffes blanches, embaume l’atmosphère.
A cet instant, plus de fatigue, plus de neige. Je dis oui. Il est probable que je serai en retard du fait de la présentation de vin. Je demande à Michel que le repas commence sans moi.
A Sciences Po, à 19 heures, c’est une intense fourmilière. Toutes les salles disponibles sont encore prises d’assaut pour des cours ou pour des activités ludiques comme celle de la notre. Pas moins de quarante élèves et d’étudiants d’autres écoles viennent écouter Bérénice Lurton qui présente l’histoire de sa propriété qui n’a pas changé de territoire depuis deux siècles. Son père l’a achetée en 1971. Propriétaire de Brane-Cantenac et père de dix enfants dont Bérénice est la cadette, il a voulu que chacun de ses enfants soit à la tête d’un domaine viticole. On comprend que le nom de Lurton soit aussi présent dans le paysage bordelais. Bérénice Lurton explique les spécificités du terroir de Barsac, très différent du reste du sauternais.
Nous goûtons Cyprès de Climens 2008, le deuxième vin de Château Climens, fait pour être agréable très jeune. On sent les fruits confits, un bel équilibre et une présence en bouche certaine. Le Château Climens 2007 est beaucoup plus gracile, frais, élégant. C’est encore un enfant. Très prometteur et porteur du style Climens.
Le Château Climens 2005 est un vin puissant, riche et l’on sent qu’il faudra beaucoup attendre avant de jouir de toutes ses qualités. Le Château Climens 2002 est calme, élégant, et beaucoup plus prêt à boire que le 2005. J’aime beaucoup ce vin moins tonitruant.
Le Château Climens 1990 a tous les attributs d’un grand Climens. La juxtaposition avec le Château Climens 1976 est très intéressante, car ils sont très différents. Le 1990 est le colosse qui n’a pas fini de grandir. Le 1976 est racé, moins doté par la nature que le 1990 mais joue sur son charme pour séduire.
Ces vins très différents ont une constante, c’est d’être très bien faits. Ils ont des fruits confits très ronds et équilibrés, dont l’insistance varie selon les millésimes. Tous sont d’une grande fraîcheur. On imagine aisément les richesses qu’ils offriront à leur maturité.
Les élèves ont acheté à ma demande des chocolats qui sont bons mais hélas, fantaisie. Il y a des crèmes ou des parfums qui vont limiter la démonstration que je veux faire de la pertinence de l’accord du chocolat avec un Maury 1929. L’accord est là, mais pourrait être plus spectaculaire. Le Maury a passé plus de 70 ans en fût et a été mis en bouteille il y a environ dix ans. Ce qui est souhaité, c’est de montrer à quel point l’âge arrondit les saveurs. Et c’est probant, car les saveurs de pruneaux se sont apaisées. Et l’on peut percevoir combien le chocolat arrondit encore plus le vin.
Bérénice Lurton a fait une présentation aussi élégante que son vin. L’expérience Maury et chocolat a été divertissante. Je quitte cette assemblée intéressée et compétente car le devoir (une truffe blanche) m’appelle.
Les élèves attentifs
les vins dégustés
Bérénice Lurton présentant ses vins