Les lecteurs de mon bulletin l’ont remarqué, ma vie est un sacerdoce. Devant organiser une réunion de l’académie des vins anciens au restaurant La Cagouille, il est important de tirer les leçons de la dernière réunion de l’académie organisée dans ce lieu même, pour améliorer encore l’équilibre de l’événement. André Robert, le truculent propriétaire du lieu m’écrit : « si tu viens à deux, je te laisse tranquille, si tu viens à un, je déjeune avec toi et tu es mon invité ». C’est la deuxième branche de l’alternative qui se met en place. Les coques sont délicieuses, et le Champagne Ultra brut de Laurent Perrier, sans être d’une vibration extrême, se justifie par sa droiture. On sait qu’il est rigoureux, et on l’aime pour cela. Mais avec la coque, ça ne va pas. J’ai envie d’essayer à nouveau le Bourgogne rouge Jean-François Coche-Dury 2002 que j’ai déjà bu ici. Mais l’accord ne se trouve pas. C’est alors que survient la cavalerie américaine de tous les films de John Wayne : deux verres se posent sur la table, une bouteille de Meursault Genévrières Jean François Coche-Dury 2007 s’affirme sur le marbre et une carte de visite m’est glissée : un ami australien qui déjeune avec femme et enfants quelques tables plus loin nous a fait parvenir leur bouteille en signe d’amitié. André me dit : « il n’y a pas à dire, mais il y en a qui savent attirer le bonheur ». Le vin est superbe, de belle mâche et d’un joli fruit. Gouleyant, il fait un sourire aux coques. André ayant un rendez-vous important cet après-midi ne veut pas trop boire, aussi verse-t-il son fond de verre du meursault dans le mien. Manque de chance il le verse dans mon champagne. Je ne dis rien, car le signaler ne servirait à rien. André sait-il qu’il a fait une confusion ? S’il le sait, sait-il que je sais ? Rien n’est grave, car ce meursault à bulles particulièrement original m’a plu comme un happening. Et ce n’est pas stupide du tout, car il y a pire dans les boissons à bulles ! André me donne un de ses céteaux, délicat au possible que je déguste entre deux langoustines fraîches à souhait.
Le turbot est d’une cuisson parfaite. Le vin rouge s’en accommode, mais j’ai trouvé ce pinot noir beaucoup plus « villages » ou « vin de table » que le précédent que j’avais adoré. Nous bâtissons le projet de la future séance de l’académie des vins anciens et André me quitte. Je vais rejoindre mon ami australien qui avec son épouse a fait honneur en plus du meursault à un Puligny-Montrachet les Pucelles domaine Leflaive 1996. Ils en sont au cognac et je trinque avec eux.
Comme je l’ai souvent dit, La Cagouille, c’est le point d’eau obligatoire où tous les fauves du vin viennent se désaltérer.