Dans une allée bigarrée comme celle d’un souk, se trouve le restaurant Passage 53. Guillaume Guedj nous accueille avec un sourire de bienvenue. Nous sommes sept, et le dîner est concocté par le chef Shinichi Sato, en fonction de ses envies créatrices de l’instant. Le menu n’est donc pas écrit, car il peut varier en cours de route.
Le voici, noté à la volée par un ami : Déclinaison autour du brocoli : velouté et émincé de fleurs fraiches de brocoli / Tartelette au Caviar de Sologne, fins spaghettis de pomme de terre parfumés noisettes-ciboulette / L’huitre spéciale : fins dés d’huître, déclinaison de pomme verte granny-smith (dés, gelée, quenelle glacée), quenelle gelée au camembert, fleurs de ciboulette et pousses de jeune roquette / L’ Assiette blanche : calamars grillés, émulsion de chou-fleur et émincé de chou-fleur cru / Asperge des landes, pancetta de pata negra, espuma œuf-parmesan, feuille et fleur de capucines, pointe d’anis / Filet de saint-pierre et ses légumes de saison : fève, petit pois, asperge, petits champignons blancs, navets, morilles, gaillet blanc, épeautre; émulsion de pois gourmands-pistache, arôme d’orange / Foie gras de canard rôti, et poché, fraises fraiches, compotée fraise-rhubarbe, jus et copeau de rhubarbe / Côte de veau de lait, légumes de saison : navet, carotte, haricots verts, concombre, petits oignons, patchoi, chou (kalé), courgette….; fenouil, céleri et sauce à la livèche / Selle agneau de Lozère, palourdes, artichaut poivrade, oignon violet, sauce palourde piquée d’une réduction d’aneth / Desserts : Citron tuile, citron vert, glace fromage blanc / Panna cotta aux arômes de rose et de laurier, fraise / Baba revisité : baba, mascarpone Grand-Marnier et déclinaison d’orange : gelée, confit d’écorces, suprêmes, sorbet / riz au lait glace reine des prés, caramel / tarte fine au chocolat et son caramel à la fève Tonka.
Cette cuisine est d’une dextérité assez exceptionnelle. La cuisson des légumes est géniale. Le mariage de la fraise et du foie gras est remarquable. C’est un bonheur de créativité. Les viandes et le poisson sont superbes. C’est grand. Parfois, comme avec l’asperge, on aimerait un peu plus, pour avoir la mâche gourmande d’un vrai plat. On aurait aimé aussi séparer le saint-pierre de ses légumes, car cela ferait deux plats de génie, alors que leur cohabitation ne leur apporte pas grand-chose. C’est une cuisine d’exécution. Tout est fait avec grâce. On pourrait viser un peu plus de cohérence dans le déroulement et dans les portions, mais je dois dire que j’ai beaucoup aimé.
Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2000 est très grand. Il a un équilibre et une sérénité remarquables. Il est très gastronomique et accompagne à merveille le délicieux caviar.
Le Chablis 1er cru Montée de Tonnerre Raveneau 2008 est un grand chablis mais manquant un peu d’ampleur. Il est précis, mais il est trop coincé à ce stade de sa vie.
A l’inverse, le Puligny-Montrachet les Champs Canet Louis Carillon 2008 est joyeux, gourmand, fruité et généreux.
Le Bienvenue Bâtard Montrachet Ramonet 2008 est beaucoup plus complexe. Il a déjà une belle maturité. Il est racé, au fruit discret mais à la complexité extrême.
On dirait que les trois vins qui précèdent se sont entendus pour dérouler un tapis blanc pour préparer l’arrivée d’une merveille interstellaire. La Côte Rôtie La Mouline Guigal 2000 me crée un choc gustatif majeur. Ce vin est parfait, d’une rondeur et d’une simplicité biblique, d’un accomplissement idéal. C’est le vin jeune absolument parfait. J’en jouis avec une immense gourmandise. Sur les deux plats de viande, il brille, mais il pourrait se suffire à lui-même. C’est un vin de plaisir fou.
Le Champagne La Closerie Jérôme Prévost Les Béguines Extra Brut que nous propose Guillaume Guedj est un 100% pinot meunier. Très original, gracieux, élégant et non dosé, il ponctue bien la fin d’un repas de grande gastronomie.
On est moins pris aux tripes qu’avec la cuisine de l’Agapé Substance, mais on est conquis par la pertinence des chairs et des cuissons qui est absolument remarquable.
C’est une table qui mérite d’être recommencée.