Des amis de mon fils viennent dîner. Un Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997 a une jolie robe dorée. La bulle est assez grosse, mais le champagne est plaisant. Le plus grand compliment que l’on puisse lui faire est qu’il se boit bien. Il est serein, gouleyant, sans chichi. Avec une rillette de maquereau, l’accord est redoutable. Avec du foie gras tartiné, l’accord est confortable. Un Champagne Dom Ruinart 1998 fait prendre conscience de l’écart de complexité. Ce champagne est généreux, complexe, follement romantique. On ne lui cherche pas d’énormes énigmes, car on est bien. C’est un beau champagne qui ne boxe pas parmi les plus grands mais qui se classe dans la famille des grands champagnes.
Nous passons à table et sur un agneau cuit à basse température, fondant et goûteux, le Chateauneuf-du-Pape Vieux Télégraphe 1999 a de l’allure. Il est conquérant, offre son bois et sa force burinée. Il est puissant mais il n’est pas très complexe. Il se boit bien, mais il ne faut pas lui demander des subtilités qu’il n’a pas. Sa générosité est son passeport, auquel on accorde un visa de satisfaction.
Par une conjonction quasi miraculeuse, il y a sur la table une grosse barquette de fraises mara des bois, et j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1998. Ce que la fraise apporte au champagne, le champagne l’apporte à la fraise et l’accord est miraculeux. Et aucune autre fraise que cette mara n’aurait joué le rôle de multiplicateur du champagne. C’est irréellement délicat. Le champagne est beau, frais, romantique et subtil. Ce n’est que du plaisir, qui se redouble avec un gâteau corse composé par ma femme, dont la trame citronnée vibre avec le Dom Pérignon à la vibration extrême.
Par un soir doux de juillet sans mistral et des discussions passionnantes et cosmopolites, nous avons passé un excellent dîner où l’accord mara des bois et Dom Pérignon 1998 est de loin le plus saisissant.