Le réveillon de la Saint Sylvestre se tient dans notre maison du sud. Nous serons six, dont quatre buveurs. J’aime les coïncidences et cela me fascine toujours. Un ami qui sera présent au dîner m’appelle à l’heure du déjeuner et me dit qu’il a l’intention d’apporter un vin pour le repas et me demande si son apport sera cohérent avec ce que j’ai prévu. Et il annonce son apport : Richebourg Domaine Anne Gros 2003. J’avais déjà choisi les vins pour que ma femme s’en inspire pour composer le menu et parmi eux il y a un Richebourg Domaine Gros Frère & sœur 1987. J’approuve évidemment son apport qui va donner lieu à une jolie juxtaposition.
A 17 heures mon ami livre son vin et j’ouvre toutes les bouteilles prévues. Les amis arrivent à 20h30 et nous prenons l’apéritif avec un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle magnum sans année que j’ai depuis dix ans en cave. La couleur est déjà un peu ambrée d’un bel or patiné, la bulle est très active et le champagne est d’une rare richesse. Si la tendance générale est celle de notes citronnées, le message du vin change sans cesse, débordant de complexité. Et le finale est inextinguible tant le vin est pénétrant. C’est un très grand champagne au message insaisissable tant il virevolte. Avec ce champagne nous grignotons de fines tranches d’un Pata Negra bien gras et goûteux, des petites tuiles au parmesan, des petits fours salés secs et des tranches d’une excellent saucisson.
Nous passons à table. Ma femme a prévu : coquilles Saint-Jacques / lobes de foie gras poêlés avec des lamelles de truffes / gigot d’agneau basse température avec des panais poêlés / variété de fromages / suprêmes de pamplemousse rose avec kumquat confit et safran du jardin / financiers et petits fours secs.
Le Meursault-Charmes 1er Cru Domaine des Comtes Lafon 2003 est d’une belle richesse opulente. Il tapisse la bouche et s’y installe. Il a à la fois une belle minéralité et un gras sensuel. C’est un beau vin blanc joyeux, parfaitement adapté aux coquilles et un peu moins au foie gras même s’il lui convient.
Le gigot accueille les deux Richebourg. Le Richebourg Domaine Gros Frère & sœur 1987 a un nez légèrement poussiéreux. Il est agréable mais a perdu un peu de sa vivacité. Il met donc en valeur le Richebourg domaine Anne Gros 2003 au fruit vivant, généreux d’un vin très jeune. Le combat n’a pas lieu car le 1987 est un peu frêle mais la juxtaposition est possible, ces deux Richebourg étant très agréables. Le 2003 est un vin noble et racé.
Notre rythme d’absorption est soutenu aussi est-il temps d’ouvrir le vin que j’avais prévu avant que mon ami ne déclare son apport. La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1987 est une merveille. Il a la jeunesse du 2003 que nous venons de finir et la lisibilité d’un vin généreux et immédiat d’accès. Et ce qui le transcende, c’est la fraîcheur de son finale. Mon ami signale ses notes mentholées qui sont celles d’une exquise fraîcheur. Ce vin est du plaisir pur. Les fromages sont tellement nombreux et variés qu’il faut choisir ceux qui vont avec cette splendide Landonne. Le Laguiole convient bien ainsi que le Saint-Nectaire, mais aussi le superbe bleu de Termignon, bien vif.
Pour les suprêmes de pamplemousse, le Château d’Yquem demi-bouteille 1990 est le compagnon idéal. Et je ne m’attendais pas à ce que cela aille aussi bien avec des tranches crues, non poêlées. Elles donnent un coup de fouet au vin qui est dans un état glorieux. Il est gras, fort, joyeux comme un lingot d’or. Il est à noter que les traces de safran excitent magnifiquement le sauternes, lui donnant un complément de vigueur.
A la demande de mon ami nous votons et si les votes différent un accord se trouve pour classer en premier La Landonne Guigal et en deuxièmes ex-aequo le Grand Siècle et l’Yquem.
Nous nous sommes embrassés depuis longtemps et la soif est toujours présente aussi j’ouvre un Champagne Krug Grande Cuvée que j’ai entré en cave il y a environ quatre ans. Le champagne est droit, précis, complexe mais un peu unidirectionnel et assez loin de la belle complexité du Grand Siècle de Laurent Perrier. Nous grignotons des petits fours sucrés et les financiers délicieux de ma femme. Nous reconstruisons le monde pendant qu’une des convives est terrassée par ce que nous avons bu.
C’est à trois heures que commence ma première nuit de 2017.
Le lendemain midi, bref déjeuner avec les fromages de la veille et le reste du Krug. Il est très nettement meilleur, plus large, plus plein. Je l’avais sans doute mal appréhendé, au bout de nos agapes.
le bouchon de la Landonne avec les bouchons des deux Richebourg
le bouchon du Krug avec le bouchon du Grand Siècle magnum
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