Lors d’une vente aux enchères caritative pour la recherche sur l’épilepsie, je suis en « bagarre » sur un lot avec un écrivain connu, parrain de la fondation (FFRE) qui récolte ce soir des fonds. J’obtiens le lot et je propose à Didier, qui m’avait conduit à pousser mes enchères, que nous profitions ensemble de mon lot, un repas pour deux au restaurant Le Grand Véfour.
Il accepte et quelques mois plus tard je réserve pour deux avant une séance de l’académie des vins anciens, puisque le restaurant Macéo et Le Grand Véfour se font face sur la rue du Beaujolais. Le jour venu je regarde le bon pour deux repas et je constate qu’il est pour le déjeuner alors que la table que j’ai réservée est pour le dîner. Je téléphone immédiatement au restaurant et on me fait comprendre que l’on verra sur place.
Arrivé bien en avance, je fais un crochet par les caves Legrand où je rencontre la Présidente de Krug qui bavarde avec une journaliste de vins américaine. Elles grignotent de délicieux amuse-bouches en buvant un Champagne Krug Grande Cuvée n° 164. Ce champagne est un assemblage de 127 vins différents étalés sur les millésimes 1990 à 2008. On me donne un verre pour trinquer. Ce champagne est noble et grand, fort en bulles, mais après les deux Krug que j’ai bus dans le 226ème dîner, de plus de 50 ans, je vois bien à quel point l’âge donne des complexités et des ampleurs inégalables.
Etant encore en avance au restaurant Le Grand Véfour, j’ai le temps d’étudier la carte des vins et de bavarder avec l’excellent sommelier qui pratique une politique tarifaire intelligente. Lorsqu’il arrive, je propose mon choix à Didier qui l’approuve et avec l’incontournable maître d’hôtel tellement talentueux qu’il guiderait nos choix où il veut et nous aurions l’impression d’être seuls à avoir choisi, nous bâtissons un repas à quatre plats, deux pour chaque vin.
Pendant cette opération de choix nous buvons une coupe de Champagne Joseph Perrier Brut sans année, pétillant qui n’a pas une grande longueur, mais nous sommes sans doute difficiles.
Le menu que nous avons eu l’impression de choisir nous-mêmes est : homard bleu servi tiède, tomates de couleurs et en eau, huile d’olive de la Fare Les Oliviers et sel noir / ravioles de foie gras, crème foisonnée truffée / ris de veau, artichauts blancs et violets, émulsion au jus corsé infusé au foin / Parmentier de queue de bœuf aux truffes.
Le Blanc Fumé de Pouilly « Silex » Didier Dagueneau 2012 est servi froid mais se réchauffe vite. Il est fascinant de minéralité, vive mais agréable. Le vin est précis, fluide et racé. Il est sans concession comme les champagnes de Selosse. Sa fluidité, son tranchant et sa longueur sont impressionnants. Le homard bleu réagit bien avec le vin mais il faut éviter les tomates et d’autres petites saveurs qui forment un patchwork. A l’inverse, sur les raviolis délicieux et cohérents, l’accord est d’un grand naturel, conforté par la truffe.
Le sommelier Romain Alzy, lorsque j’avais évoqué le nom de Clape à mon arrivée m’avait dit qu’il ne présente sur carte que le vin de Cornas « La Renaissance » et pas le Cornas, qu’il garde hors carte. Il n’a pas fallu longtemps pour que le choix se porte sur le Cornas Domaine Clape 2009, hors carte. L’attaque du vin est glorieuse et riche. Voilà un vin qui pulse ! Il a une belle matière, un beau grain et une belle largeur. Curieusement, le finale me paraît un peu perlant ce qui lui enlève de la précision et de la longueur mais tout va s’arranger lorsque le vin sera épanoui. Il accompagne ses deux plats, le ris de veau et la queue de bœuf fort judicieusement mais c’est surtout sur la queue de bœuf qu’il prend son envol, lui aussi aidé par la truffe.
Malgré quatre plats, nous prenons du fromage dont un Comté de 48 mois de grande qualité et le maître d’hôtel truculent arrive à me faire commander un dessert au chocolat pour le Clape de fin.
Le lieu classé est de toute beauté, avec des tables spacieuses. Le service est de grande qualité, et le maître d’hôtel, présent depuis 32 ans me fait penser au maître d’hôtel historique de Lasserre qui connaissait le Tout-Paris, personnage truculent lui aussi. Le service des vins est de grande compétence. Les plats sont classiques, solides et sans surprise. Nous avons tellement bavardé que nous sommes restés près de quatre heures et demie à table. Au moment de payer, alors que notre repas fut pantagruélique, nous n’avons eu à payer que les boissons. Ce lieu est de grande classe.