Dix jours plus tard, l’anniversaire de ma fille cadette se souhaite à nouveau avec mes deux filles et leurs quatre enfants. Ma femme a prévu du poulet et une pintade, agrémentés par une purée Robuchon. A l’apéritif, il y aura de l’houmous saupoudré de grains de grenade, que l’on tartine sur des crackers et des petites tomates tardives qui sont délicieuses.
J’ouvre un Champagne Dom Ruinart 1990 qui me subjugue par la constance de sa perfection alors qu’il a 28 ans. Le pschitt est prononcé, la qualité du bouchon est parfaite, la couleur est celle d’un jeune champagne tant il est clair, et en bouche ce n’est que du bonheur. Parmi les quatre des Trois Mousquetaires, c’est Aramis qui me semble lui ressembler le plus, le plus noble, le plus aisé, qui séduit sans le moindre effort. Le champagne est complexe, plein, agile, au finale impressionnant. Il se suffit à lui-même et on le boit avec un infini plaisir.
Le journaliste norvégien qui avait assisté au 228ème dîner m’avait demandé de visiter ma cave et sur place souhaitait me filmer ouvrant une bouteille. Pour me montrer qu’il ne voulait pas me forcer à ouvrir un vin de ma cave, il avait acheté un vin jeune et m’avait demandé de l’ouvrir comme si c’était un vin ancien. J’avais donc ouvert son achat, un Saint-Joseph Les Challeys Selas 2016, filmé par Nina la photographe. Les deux norvégiens prenant leur avion le soir même, ils ont bu de ce saint-joseph qui se retrouve maintenant sur ma table. Il va servir de témoin par rapport au vin que j’ai choisi. Ce vin du Rhône a un nez engageant qui annonce une belle matière. En bouche il est joliment gouleyant et ne souffre pas de sa jeunesse. On le boirait volontiers en d’autres occasions.
Le vin que j’ai choisi et ouvert plus de trois heures avant le déjeuner est un Chambolle-Musigny Les Amoureuses sélectionné par la Confrérie des Chevaliers du Tastevin dans les caves de Bouchard Père & Fils 1959. Le niveau est superbe, ainsi que le bouchon. La couleur est plus tuilée, évidemment, que celle du 2016, mais cette couleur est franche. Le nez est calme et pur. La bouche est veloutée, calme et douce, et les complexités sont subtiles. Le vin est plus fin que le Rhône, mais il ne l’écrase pas. Les deux existent l’un par sa jeunesse plaisante et l’autre par son charme velouté délicieux.
Le poulet et la pintade cohabitent bien, la pintade plus volontiers avec le 2016 et le poulet avec le 1959. Nous poursuivons avec des fromages achetés il y a une semaine pour mon fils, dont certains ont un affinement à la limite du possible. Nous faisons le plein de flore intestinale.
Ma femme a essayé deux mousses au chocolat, l’une avec le chocolat noir classique de Nestlé et l’autre avec le chocolat au lait de Lindor. Les deux mousses sont très différentes et je préfère de loin la plus classique au chocolat noir alors que ma femme aime les deux.
Il se trouve que lorsque se tenait le 228ème dîner, mon fils dînait seul avec ma femme qui lui avait préparé des pieds-paquets. Pour les faire mijoter, ma femme était descendue en cave sans me demander de le faire et avait rapporté un Riesling Muhlforst Sélection de Grains Nobles domaine Mittnacht-Klack 1989. Si le vin convenait bien à la confection du plat, il ne pouvait pas l’accompagner à la dégustation aussi en restait-il. C’est donc la suite que nous buvons maintenant et l’accord est possible avec les mousses au chocolat, surtout la noire que je préfère. Le vin est riche sans être lourd, a des accents de grains confits brûlés par le soleil et je l’aime beaucoup car il est d’une grande année et offre une belle fraîcheur dans le finale.
Nous avons navigué dans plusieurs régions avec des millésimes variés. Par un des derniers beaux jours d’un été qui n’en finit pas mais qui tire quand même ses dernières salves, ce fut un bel anniversaire.