Bipin Desai est un collectionneur américain avec lequel j’organise chaque année un dîner de vignerons. Ce sera dans une semaine le 18ème dîner. La tradition veut que le jour de l’arrivée de Bipin en France, nous dînons ensemble. Ce soir, ce sera au restaurant Akrame. Le chef Akrame a la maîtrise de notre menu que nous ne connaîtrons pas à l’avance, aussi le choix des vins dans la carte très courte du restaurant est-il fait sans savoir.
Voici comment le chef Akrame intitule et décrit notre parcours : Picorer : ananas, féta – anguille fumée – cracker betterave framboise / Envol : céleri façon rémoulade / Surprise : raviole champignons / Marin : Skrei, œufs de truite, pomme de terre / Audace : tourteau, carotte, navet / Force : homard barbecue, menthe / Terre : pigeon, Kamut / Jouissance : riz au lait ; riz soufflé, glace au riz, mousse chocolat d’antan, coulis fumé.
L’ananas de mise en bouche est sur une couche de glace et se présente trop froid. Les deux autres amuse-bouches sont superbes. Tous les plats sont d’une grande inventivité. J’adore le céleri magnifiquement traité, cuit entier à la braise. Le tourteau exprime tout le talent du chef qui explore des voies nouvelles. Le homard est saisi à la perfection. La chair du pigeon est tellement goûteuse que l’on pourrait presque se contenter du produit pur. Il y a dans cette cuisine un bouillonnement d’idées.
Le Champagne Billecart-Salmon Le Clos Saint-Hilaire Brut 1998 est un blanc de noirs qui par beaucoup d’aspects me rappelle le Bollinger Vieilles Vignes Françaises qui est lui aussi un blanc de noirs. Il faut accepter une certaine rugosité, une sécheresse et un ascétisme prononcés, et si l’on entre dans le jeu de ce champagne, on est conquis. Il n’est pas toujours gastronomique car il est dur, mais sa personnalité me plait beaucoup. C’est un champagne que j’aime parce qu’il ose être ce qu’il est.
La Petite Sibérie Côtes de Roussillon Villages Hervé Bizeul 2008 est un vin riche et puissant, tout en affirmation. Ce qui me plait, c’est de constater qu’à dix ans, il est en pleine possession de ses moyens et trouve un équilibre élégant. Il est racé et montre une belle élégance sous ses dehors de combattant. Ce serait Porthos parmi les trois mousquetaires, mais un Porthos galant. Il accompagne élégamment le homard, et même avec le pesto (il faut le faire), à condition qu’on le prenne en trace. C’est avec le pigeon à la mâche divine qu’il se livre généreusement.
Il y avait des tables bruyantes, la salle était chaude, le ballet des serveurs était animé dans cette salle toute en longueur et comme Bipin parle doucement, j’ai eu un mal fou à le comprendre. Le service est toujours attentionné. La cuisine d’Akrame, généreuse et inventive est de grand talent et je suis ravi que le vin d’Hervé Bizeul ait tant brillé.