Dîner dans le sud avec une amie et son fils. J’ai envie de faire entrer son fils dans le monde des vins anciens qu’il n’a pas pratiqué. Plutôt que de prendre des vins que tout le monde connaît, je choisirai des vins dont il ignore probablement l’existence et je me fie à mon flair en farfouillant dans ma cave du sud. Je prends en main un Champagne Heidsieck Cathédrale de Reims des années 70. La Cathédrale est joliment représentée et voici un prétexte pour ouvrir ce vin en pensant à Notre Dame de Paris qui a fait pleurer la France. Pour accompagner ce champagne je prends un Moët Brut Impérial 1971, une bouteille qui jouit d’une grande renommée. La juxtaposition sera intéressante. Ma femme préparera des côtelettes d’agneau aux herbes de Provence. Je choisis un vin qui me tente, un Savigny-lès-Beaune 1953. J’ouvre le vin quatre heures avant le repas et je le laisse dans une armoire à 15°, ce qui est 20° de moins que la température ambiante, et j’ouvre le Heidsieck une heure et demie avant le repas, et son parfum qui me rassure.
L’apéritif consiste en une tarte aux oignons et olives noires, ainsi que du saucisson. Le Champagne Heidsieck Cathédrale de Reims des années 70 a une très jolie étiquette qui ne précise pas s’il s’agit de Heidsieck Monopole ou de Charles Heidsieck. Je suppose que c’est Monopole. La couleur est joliment ambrée, le pschitt faible mais présent, la bulle active mais discrète. En bouche, je suis frappé par deux choses. Le champagne est fortement fruité, dans des tons de fruits orangés et jaunes, oranges et prunes. La deuxième surprise est la cohérence de ce message très fort. Ce champagne est charmeur. C’est l’archétype du bon champagne ancien. La tarte lui va à ravir.
L’entrée consiste en un tarama aux œufs de saumon présenté avec des œufs brouillés provenant de nos poules nourries bio. Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1971 a un joli pschitt et un bouchon très court. Sa bulle est active, sa couleur est presque plus foncée que celle du Heidsieck, mais c’est un ambre encore clair. L’immédiate impression est que le Moët est plus complexe que le Heidsieck. Il est conquérant et diablement masculin. Là où le premier a du charme, celui-ci a de la force. Bien malin celui qui les départagerait, selon que l’on aime la complexité ou le charme.
Le Savigny La Dominode Grand Cru classé Roger Poirier Propriétaire 1953 a sur son étiquette « Grand Cru Classé » ce qui est une interprétation assez personnelle des classifications. Le niveau dans la bouteille est très haut et le bouchon de belle qualité. Le nez à l’ouverture me semblait encourageant. Au service, sur les côtelettes d’agneau et les pommes de terre à l’ail, le vin se montre très convaincant. Il est cohérent, agréable et franc et même s’il n’a pas une grande complexité il est très agréable. Le fils de mon ami a du mal à croire qu’un vin de 66 ans puisse avoir cette belle énergie et cette belle présence sans signe d’âge. C’est un vin de grand plaisir. Il accompagne bien des petits fromages de chèvre.
Le dessert est une mousse au chocolat. Par chance c’est le dessert préféré du fils de notre amie.
Je suis content de faire la démonstration de la pertinence des vins anciens sans être obligé de servir des vins que tout le monde connaît. A mes yeux, la démonstration en est encore plus probante.
les deux bouchons montrent la petitesse du bouchon du Moët 1971, que j’ai place au milieu d’autres bouchons qui confirment cette petitesse
la nuit des papillons !!!