Comme chaque année Aubert de Villaine vient présenter les vins du domaine de la Romanée Conti vieux de trois ans au siège de la société Grains Nobles et comme il aime à le rappeler, c’est la seule invitation qu’il honore en France, de présenter les vins de son domaine. Dans la cave médiévale au cœur de Paris, il est entouré de Bernard Burtschy et de Michel Bettane.
Il commence à rappeler trois faits marquants de l’année 2010. Après un printemps au début favorable, la floraison s’est faite par un temps difficile. Il y a eu de la coulure et une inégalité de floraison. Il y a eu des raisins dits « millerands » qui ont des grains très petits, en grand nombre, et dépourvus de pépins, ce qui pour Aubert de Villaine va apporter de la qualité. Août a été très mauvais, humide et froid. Mais le raisin a développé des armes pour se défendre : les peaux sont devenues épaisses. Septembre a connu une belle période de chaleur donnant un mûrissement très rapide. Le botrytis n’a pas progressé sauf à partir du 15 septembre sur les chardonnays. Le 22 on a vendangé le Corton et le Montrachet et à partir du 24 dans l’ordre Richebourg, Romanée Conti, La Tâche, Romanée Saint-Vivant, Grands Echézeaux et Echézeaux. Le Vosne Romanée n’a pas été fait en 2010 car jugé peu satisfaisant. Il y a eu environ 20% d’éraflage, ce qui n’avait pas été le cas en 2009.
Nous commençons la dégustation par le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode 2010 dont le domaine de la Romanée Conti est le fermier. La robe est profonde, presque noire. Le nez est riche et l’alcool se sent. La bouche est gourmande, épaisse presque sucrée. Il y a un beau final tannique. C’est un vin costaud, profond. Lorsqu’Aubert de Villaine dit que le vin est aérien, je suis étonné. Aubert de Villaine explique qu’il ne travaille que les vieilles vignes qui sont implantées sur trois climats. Pour l’instant, on regroupe les vins des trois climats et dans dix à quinze ans on vinifiera séparément le Clos du Roi, les Bressandes et les Renardes. Le Corton a moins de fûts neufs que les vins du domaine. Un tiers est éraflé. Dès le reprise en 2008 la démarche bio a démarré.
Avec l’Echézeaux domaine de la Romanée Conti 2010 on change de monde, car on entre vraiment dans le domaine. Le nez est élégant, le vin est beaucoup plus clair que le Corton. La subtilité du parfum est extrême. L’attaque est élégante, joyeuse, fruitée, séduisante. Le final est élégant, raffiné, poivré. Le vin est gourmand et plein de charme.
Le Grands Echézeaux domaine de la Romanée Conti 2010 a un nez plus vineux, plus cerise. Mais il annonce du velours. Le vin est plus strict, très poivré. Il a beaucoup de fluidité, de fruité et de richesse. Il a plus de matière mais il est encore strict quand l’Echezeaux est déjà ouvert. Sa persistance en bouche est forte. Michel Bettane dit que la qualité du raisin est exceptionnelle.
La Romanée Saint-Vivant domaine de la Romanée Conti 2010 a un nez beaucoup plus profond et plus riche. La couleur est très intense et belle, d’un rose sombre. La bouche est très belle, très caractéristique, avec une belle râpe. Il y a beaucoup de délicatesse. Il est plus romantique que le Grands Echézeaux qui est plus puissant. Sa délicatesse est remarquable. Michel Bettane insiste sur le fait que le vin n’est pas réduit et cela vient de la qualité de la mise en bouteille, faite au bon moment, en lune descendante mais surtout avec de hautes pressions atmosphériques. Le vin est élégant, d’agréable densité. C’est un aristocrate. Il est à un moment de sa vie qui est charmant. Aubert de Villaine utilise deux mots : féminin et monastique. Les vignes de Marey-Monge ont été reprises en fermage en 1966 puis achetées plus tard.
Le Richebourg domaine de la Romanée Conti 2010 a un nez moins facile à comprendre. Le vin est très complexe et fort. Le rose d’un rubis clair est très beau. Le vin est fort, puissant, ouvert, épicé, plus fonceur et en même temps très fluide. Il se cherche un peu, il est moins équilibré que la Saint-Vivant. Il est plus nerveux et l’on sent un potentiel qui ne demande qu’à s’exprimer. Il y a deux climats dans le Richebourg, un qui fait les deux tiers et qui s’appelle simplement Richebourg et les Veroilles qui fait le troisième tiers.
La Tâche domaine de la Romanée Conti 2010 a une robe plus profonde. Le nez est relativement peu précis. En bouche, on est loin de l’idéal, avec de l’acidité, de l’amertume. Le vin est assez ingrat, d’un plaisir limité. Le vin est « crunché », réduit. En remuant fortement le verre, on voit apparaître la profondeur d’un fruit noir bien riche. Même s’il est rigide, on voit la promesse et la persistance extrême. Nous apprenons que notre bouteille est nettement moins bonne que l’autre servie.
La Romanée Conti domaine de la Romanée Conti 2010 n’en apparaît que plus grande, tant le contraste est sensible. Le nez est vraiment Romanée Conti. Tout ici est dosé à la perfection. Tout est suggéré. Michel Bettane dit que cette Romanée Conti est parfaite. Il signale le poivron dans le final qui pour lui est une signature. Le final est salin et c’est le seul des rouges dégustés qui a cette trace saline. Il est parfait car tout ici est assemblé et cohérent. C’est l’équilibre. Il est soyeux, velours, porteur d’extase. Il est subtil et de belle râpe.
J’en profite de faire un nouveau round de verres mieux aérés. La Romanée Saint-Vivant est superbe de rondeur et de charme, le Richebourg est très en force et poivré, La Tâche s’est ouverte mais a une signature de réduction. La Romanée Conti enfin est formidable, offrant l’équilibre mais aussi le mystère. Elle est grandiose et de grande pureté. Michel Bettane suggère l’églantine et c’est vrai. C’est l’églantine plus que la rose et un sel tout frais.
Le Montrachet domaine de la Romanée Conti 2010 a été très touché par le botrytis. Il a donc été vendangé très tôt. Le nez est difficile à apprécier. Le vin est étonnamment léger et s’affirme assez peu, mais on sent qu’il est sur le frein à main, car il est servi froid. Michel Bettane signale l’élégance de son boisé. Il y a du miel, de la poire et des fruits blancs, un peu de lactique. C’est un grand vin dont l’élevage est fait en deux temps égaux, en fûts neufs et en fûts d’un vin, c’est-à-dire ayant servi déjà, mais une seule fois. En comparaison selon Aubert de Villaine, le 2008 est plus dans le miel et plus sensuel et le 2010 a plus de vivacité. La persistance du 2010 est belle. Je sens un peu de miel et de fruit confit. Il y a un grand équilibre de fraîcheur et de vivacité.
Les trois vins qui ressortent nettement de cette dégustation sont la Romanée Conti, très grande, la Romanée Saint-Vivant particulièrement réussie et le Montrachet pour ses qualités intrinsèques mais non encore totalement exprimées. Goûter les vins du domaine avec les explications d’Aubert de Villaine et les commentaires avisés de Michel Bettane, c’est un plaisir et un privilège.