Nous sommes descendus dans le sud pour le réveillon de fin d’année. Les premiers amis arrivent la veille. Un restaurateur du port de notre petite ville propose des plateaux de fruits de mer. Nous avions pu goûter chez des amis la qualité de leurs produits. Je commande un plateau simplifié, avec petites huîtres, crevettes roses et à ma grande surprise, le chef du lieu a rajouté des crabes royaux.
Pour le déjeuner du 30 décembre, j’ouvre un Champagne Comtes de Champagne Blanc de Blancs Taittinger 2005. Dès la sortie commerciale de ce champagne, j’avais été conquis alors que l’année ne figure pas parmi les plus grandes. Le pschitt est fort, la bulle est conquérante et la couleur très jeune est d’un or aussi conquérant que la bulle. Dès la première gorgée, on entend le champagne qui nous dit : « je suis champagne, je suis LE champagne ». De plus en plus j’aime aller dans le sillage de Jacques Puisais qui considère les vins comme des êtres vivants qui s’expriment comme tels. Car ce champagne s’affirme et nous montre l’image du champagne consensuel. Il en est de plus vifs, de plus typés, mais ce champagne représente la définition du bon champagne. Il est large et joyeux. Les petites huîtres le rendent plus vif, cinglant, alors que les crevettes l’assagissent. Tout est fort agréable et copieux aussi préférons-nous réserver les pinces de crabes pour le dîner.
Pour apprécier les crevettes, j’ai ouvert un Champagne Krug Grande Cuvée Première Génération dont l’étiquette est d’un vert avocat. Il est du milieu des années 80. Le pschitt existe, la bulle est fine et généreuse, et la couleur est d’un bel or ambré. Dès la première gorgée on est saisi par la complexité incroyable de ce champagne. Pour paraphraser la description précédente inspirée de Jacques Puisais, ce champagne nous dit : « je suis le charme ». Car tout en lui, toute cette abondance de complexités ne conduit qu’à une chose, le charme absolu. L’acidité faite de petits fruits roses acides comme la groseille ou la framboise concourt à ce charme. Il est d’une dimension qui dépasse ce que l’on peut concevoir. J’imagine volontiers que ce champagne exprime le souhait ultime du fondateur de Krug, Joseph Krug en 1843.
En attendant les crêpes, je découpe de fines tranches de gouda au cumin qui collent à merveille avec le champagne et les crêpes qui suivent donnent au champagne un supplément de sensualité.
Le Taittinger était LE champagne, le Krug était LE charme. Nous étions au sommet de ce que le champagne peut offrir de plaisir.