Nouveau dîner à l’Astrance. Même accueil joyeux, même envie de bien faire. Il faut souhaiter que ce restaurant garde cette spontanéité et cette fraîcheur si apaisantes.
On prend de nouveau le menu surprise. Des cuissons d’une précision extrême qui mettent en valeur la qualité des produits. On en viendrait presque à préférer rester dans l’ascétisme du produit pur, si bien mis en valeur, et négliger les petites touches personnelles, essais sautillants qui se comprendraient mieux si l’on dînait à l’eau, car là on pourrait tout faire. Belle maîtrise, beau talent et surtout le parti pris de la discrète évocation qui honore la palais. Se sentir honoré, voire respecté ajoute au plaisir.
Le service de sommellerie mérite encore une fois une remarque. J’insiste car au delà de mon goût, je sens que c’est un problème général. Je n’aime pas que l’on ouvre la bouteille loin de moi. Et j’aime encore moins que le sommelier se serve un verre et le goûte loin de la table. Je suis assez opposé à cette mode du sommelier buveur. Il fut une époque où le sommelier ne buvait que s’il y avait un problème. S’il le fait maintenant, ce qui se discute, qu’il le fasse devant celui qui a commandé. En l’occurrence, cette procédure n’aura servi à rien puisque je me suis retrouvé devant une bouteille bouchonnée. Quelle gêne quand on doit le dire après le supposé verdict du lointain goûteur. Il me semble que la recherche de la perfection que l’on sent tellement dans l’assiette de tous les chefs doit s’appliquer aussi au cérémonial essentiel de la prise de contact avec un vin qui fera souvent la moitié du plaisir du repas. Ce petit sujet sur lequel j’insiste n’entame en rien le plaisir extrême de ce restaurant.
Nous avons bu : Château Rayas 1999 que j’ai choisi pour avoir une approche rugueuse, abrupte. Vin de grand talent, plus dans des tonalités bourguignonnes qu’avignonnaises. Belle amertume associée à une puissance alcoolique et au fruit presque crémeux. Le Château de la Nerthe 1990 Cuvée les Cadettes qui suivait se voyait propulsé par le Rayas. Car sa maturité s’installait majestueusement. On est à un niveau de perfection rare. On s’approche des Mouline, des plus grands Beaucastel. Une bouteille d’une qualité exceptionnelle à l’équilibre et la rondeurs parfaits. Le Cos d’Estournel 1988 avait un léger goût de bouchon, qui, fort curieusement, ne voulait pas partir. En bouche il se faisait discret parfois. On sentait la trame brillante, mais blessée. Un Gruaud Larose 1988 le remplaça. Beau Bordeaux au carnet de notes de bon élève, il a une orthodoxie charmante mais un évident manque de brio. On le boit avec plaisir, mais rien ne pouvait effacer l’empreinte d’un sublime la Nerthe. Décidemment le Rhône a du talent. Le meilleur traitement du produit est celui du saumon. Le plat le plus adapté au vin par son équilibre total est le pigeon. La belle surprise est la cuisse de grenouille, et la plus belle émotion, encore une fois, et ce sera un must, c’est le champignon de Paris au foie gras, si simple et si délicat.